Alain BOUCHEZ

Alain BOUCHEZ



Alain Bouchez est né à Lille, en 1934. Professeur de Lettres à Lille, proviseur du lycée technique d’État de Valenciennes, il accomplit toute sa carrière au service de l’École publique jusqu’à devenir le Doyen des Inspecteurs généraux de l’enseignement primaire. Poète et animateur, nous lui devons la création en 1954 de la revue Parallèles (cinq numéros), parallèlement à l’animation d’émissions littéraires sur Radio-Lille et à la RTF.

Alain Bouchez est l’un des tous meilleurs poètes du Nord (« Il fallait cet enracinement – Cette poussée en profondeur – Pour retrouver quelques mots de passe – Perdus dans des labyrinthes incandescents »), un ample mouvement, une haute écriture associée à tous les bruissements du monde, conjugaison de silences, lieu de solitude (« Nous marchons seuls dans ce charlier de nuit »), d’amour, d’émerveillement comme de douleur, fuite du temps (« Autour des mots serrés comme des grappes, - La douleur aux bras coupés, au ventre déchiré. – Au masque de gisant, peu à peu, le simple – Gravier du vertige »), dès la parution de Le Chant des pierres (1954) : Pierre après pierre – Tu te détruis et t’achèves.

L’écriture est resserrée (« Les mots nous lient comme le sang, ils nous aspirent, nous enserrent, nous déprennent »), aux rythmes variés et à la langue assouplie : L’esquisse d’un visage n’a point d’autre raison – Que sa lueur secrète que l’écho de son nom. Le poème est souvent bref, mais, partout, l’incantation, le chant de la nature, exaltent ce qui est hymne, sans trompe l’œil ni fadeur (« Et cette aube – Comme un désastre »), en préservant le sens secret du poème même aux moments les plus lyriques, ajoute Robert Sabatier : Je ne touche pas – Tu remues la hanche le bras – Et les mots que j’ai dits – Cheminent jusqu’à toi – Tu te déploies tu te déploies – Sueur moiteur chaleur – Ton sein accroche le soleil – Et te donne un visage – Une paupière fait naître l’ombre – Et te donne à vivre – Offrande – Un oiseau passe et se hisse – Au sommet de son vol.

Pierre Dhainaut, préfaçant Les Chants (1978), écrit : « Janus, la figure idéale du poète, est le maître du temps, il l’est encore du lieu. Le temps nous gangrène, le lieu nous étouffe, nous leur assignons des bornes : demain ne sera pas maintenant, la mer ne sera pas la source, etc. Nous les enfermons, nous nous y enfermons. La démarche d’Alain Bouchez, qui ne se distingue pas de la démarche poétique, s’appuie sur le constant refus de ces prisons. Dès le « Chant des Pierres », il est « ne ce haut lieu, où le fleuve et la mer conviennent, de même communion. » Dans « Palais du Louvre », il dit : « Au vrai lieu où tout converge – Je reviens et j’appelle. »

« Tout poème naît d’un duel : de la page pleine d’espérance et d’une réalité (une essence, on écrit pour être) à découvrir, cerner, porter au jour. Pourtant, outre qu’il renvoie au poète, il n’a plus désormais d’autre mission – d’autre raison – qu’un imaginaire qu’il vient définir ou ensemencer. Qui le découvrira un jour au détour d’un hasard ou d’une impérieuse nécessité, l’un n’excluant pas l’autre, au contraire », écrit Alain Bouchez.

Le poème de Bouchez s’efface et se renouvelle dans la perspective d’une vie que la mort ne serre plus. Paul Farellier écrit : « Alain Bouchez, depuis la publication de son premier livre à l’âge de vingt ans, n’a cessé d’approfondir son art : condensation du poème, travail de la langue et du rythme. Évoluant d’une ampleur et d’une solennité quasi-persiennes jusqu’au cisellement bref et surveillé, sa poésie tient toujours d’une vocalisation incantatoire, d’une célébration chantée de la nature, d’un lyrisme retenu qui respecte le sens du mystère et du secret. »

Un principe de dualité semble avoir gouverné l’ensemble de sa création. Il l’a lui-même théorisé dans plusieurs écrits, ainsi dans l’avant-propos de son dernier recueil, Pierres d’aigle : « Tout poème naît d’un duel : de la page pleine d’espérances et d’une réalité... à découvrir, cerner, porter au jour. Pourtant, outre qu’il renvoie au poète, il n’a plus désormais d’autre mission – d’autre raison – qu’un imaginaire qu’il vient définir ou ensemencer ». Il écrit dans le même recueil : « Deux lieux, il y a toujours deux lieux, dont on ne se satisfait, le paradis et l’autre, mémoire de l’espérance ».

Alain Bouchez est mort en 1999 et a été enterré au cimetière du Père-Lachaise, à Paris.

Le 16 décembre 2008 a été créé à Paris, au Vingtième Théâtre, un Requiem de Noël in memoriam du poète Alain Bouchez, musique du compositeur Yves Jamet sur des poèmes de Bouchez, avec Yves Jamet (synthétiseurs et ordinateur), Isabelle Poinloup (mezzo-soprano), Christophe Dupuy (guitare électrique) et Denis Rolland (récitant).

Karel HADEK

(Revue Les Hommes sans Épaules).

 

À lire : Le Chant des pierres (Millas-Martin, 1954), Désormais sans visage revue Mercure de France, 1959), Prières pour l’instant (éd. Chambelland, 1968), Cassandre (Subervie, 1972, Prix Ilarie-Voronca), Trois regards sur un paysage (éd. Parallèles, 1975), Pèlerinage de Mme la Princesse de Clèves  (Froissart, 1975), L’Albédo de la Planète (Froissart, 1975), Visages de l’art contemporain (éd. CRDP, 1976), Palais du Louvre, suivi de Moments du poème (éd. Chambelland, 1976), Les Chants (Froissart, 1978), Minute d’une autre Mort (Froissart, 1988), L’Envers du vent (éd. Chambelland, 1989), Pierres d’aigle (éd. Librairie-Galerie Racine, 1998).

 



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : ATTILA JÓZSEF et la poésie magyare n° 27