Bernard NOËL

Urbain Bernard Noël, né le 19 novembre 1930, à Sainte-Geneviève-sur-Argence (Aveyron) est élevé par ses grands-parents (qui possèdent la plus grosse ferme de la commune, une centaine de vaches de race Aubrac, et qui produisent plusieurs tonnes de fromage de Laguiole par an) à Alpuech, à une quinzaine de kilomètres du village natal, au bord du plateau de l’Aubrac, à mille mètres d’altitude.
Bernard Noël suit des études au collège catholique d’Espalion, puis au lycée à Rodez. En 1946, il renie la religion catholique et son prénom de baptême (Urbain) et opte pour son deuxième prénom (Bernard). En 1949, il échoue au baccalauréat et part vivre à Paris afin de s’éloigner d’un milieu familial qui l’oppresse : « Le pays d’enfance, il a fallu s’en arracher. C’est parce que j’ai rejeté́ toutes mes racines qu’ensuite je me suis aperçu longtemps après qu’elles étaient là, malgré tout. Et bizarrement, j’ai découvert cela dans le désert, parce que dans l’Aubrac, il n’y a pas de sable mais il y a de l’herbe, et l’herbe sous le vent c’est un peu comme le sable… Il y a des ondes. On a l’impression que les prairies se mettent à avoir le même mouvement que l’eau. Et cela donne une image qui est à la fois le comble du lieu et l’absence du lieu. C’est peut-être cela l’écriture : le comble du lieu et l’absence du lieu. »
Après des études de journalisme à Paris il trouve sa vocation : la littérature. Son premier livre, Extraits du corps, paraît en 1958 aux éditions de Minuit. Après avoir exercé divers petits métiers, Bernard Noël gagne sa vie, de 1958 à 1967, en étant rédacteur pour les encyclopédies Laffont-Bompiani. Il y publie plus d’un millier d’articles. Pendant la guerre d’Algérie, il est porteur de valises pour le réseau Curiel et, arrêté en décembre 1961, il subit une incarcération de deux semaines.
Très marqué par la violence d’État, il ne parvient plus à écrire pendant neuf années. « La guerre d’Algérie y fut sans doute pour beaucoup avec la découverte d’une violence qui maltraitait toute ma langue par le mensonge, qui la dégradait par la torture – la torture qui fait parler... » (in Entretien avec Jacques Ancet).
En 1967, Noël renoue avec l’écriture en publiant La Face de silence. En 1969, Le Château de Cène, un roman érotique, paraît aux éditions Jérôme Martineau sous le pseudonyme d’Urbain d’Orlhac. Le roman est réédité en 1971 par Jean-Jacques Pauvert sous le vrai nom de l’auteur.
En 1973, ce livre vaut à Bernard Noël un procès pour outrage aux bonnes mœurs. À la suite de sa condamnation, et à la demande de Jean-Jacques Pauvert, il écrit en 1975 un pamphlet intitulé L’Outrage aux mots, dans lequel il fustige l’hypocrisie de la justice et du pouvoir. Il crée alors le mot « sensure » pour dénoncer le détournement de sens du langage par les institutions officielles.
De 1967 à 1970, Bernard Noël est directeur littéraire chez Delpire. En 1977, il créé la collection des Classiques abrégés pour l’École des Loisirs. De 1977 à 1983, il prend la direction de la collection Textes de Flammarion (créée par Paul Otchakovsky-Laurens en 1972).
Bernard Noël est décédé le 13 avril 2021, à Laon, à l’âge de 90 ans.
Bernard Noël a fait « pleuvoir » beaucoup de mots : son œuvre publiée est très abondante (près de deux cents publications : livres, plaquettes, livres d’artiste) et protéiforme : poésie, essais, romans, écrits sur l’art, la politique, théâtre, livres pour enfants, etc.
De sa démarche, Noël nous dit par bribes : « Rendre l’empreinte verbale de l’empreinte charnelle, voilà ce que je cherche… Être humain est un long travail d’illusion… Écrire : c’est comme s’effondrer au-dedans… Le corps est un langage pour moi. Un langage qui m’a permis de réarticuler les mots ensemble, en me référant à quelque chose de déjà précis, de déjà fondé, le corps. Quelle porte ouverte sur quel vide, étreinte avec quel extrême, pour nous réservée ? »
Les éditions P.O.L ont rassemblé un choix de textes de Bernard Noël en quatre volumes d’Œuvres (qui ne sont pas complètes) : Les Plumes d’Éros (textes érotiques, 2010), L’Outrage aux mots (textes politiques, 2011), La Place de l’autre (textes sur l’écriture et sur les écrivains, 2013) et La Comédie intime (monologues, 2015). Deux anthologies sont éditées dans la collection Poésie/Gallimard : Extraits du corps et La Chute des temps. Deux romans sont parus chez L’Imaginaire/Gallimard : Le Château de Cène et Le 19 octobre 1977.
Christophe DAUPHIN
(Revue Les Hommes sans Épaules).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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Dossier : Ilarie VORONCA, les poètes du Rouergue et du Gévaudan n° 59 |