Edgar MORIN

Edgar MORIN



Edgar Morin, de son vrai nom Edgar Nahoum, est d'origine séfarade, mais agnostique, se qualifiant « d’incroyant radical ». Il est né à Paris le 8 juillet 1921. La guerre d'Espagne en 1936 marque son premier engagement politique. En 1941, il adhère au Parti Communiste Français (dont il s’éloignera à partir de 1949 et en sera exclu en 1951, pour avoir écrit un article dans le journal France Observateur. « Ce fut comme un chagrin d'enfant, énorme et très cour », dira-t-il). En 1942, il entre dans la Résistance où il choisit le pseudonyme de Morin. Durant la Deuxième Guerre mondiale, il obtient une licence d'histoire-géographie ainsi qu'une licence en droit.

A la Libération, il publie son premier ouvrage L’An zéro de l’Allemagne puis s'investit dans le journalisme en créant notamment la revue Arguments en 1956. Avec l'appui de Maurice Merleau-Ponty, de Vladimir Jankélévitch et de Pierre George, il entre en 1950 au CNRS et fait partie du Centre d'études sociologiques dirigé par Georges Friedmann. En 1955, il est l'un des quatre animateurs du Comité contre la guerre d'Algérie. Il défend, en particulier, Messali Hadj. Dans le cadre de ses recherches au CNRS, Edgar Morin s'intéresse essentiellement à des phénomènes considérés alors comme mineurs. Il publie Le Cinéma ou l’homme imaginaire en 1956,

En 1965, il conduit une étude transdisciplinaire mobilisant de multiples disciplines, sur une commune en Bretagne, publiée sous le nom de La Métamorphose de Plodémet (1967), sur la commune de Plozévet (Finistère) où il séjourne près d'un an. Il s’agit de l’un des premiers essais d’ethnologie dans la société française contemporaine.

Edgar Morin s'intéresse aux pratiques culturelles, qui sont encore émergentes et mal considérées par les intellectuels : L'Esprit du temps (1960), La Rumeur d'Orléans (1969). Il cofonde la revue Arguments en 1956. Il dirige le CECMAS (Centre d'études des communications de masse) de 1973 à 1989, qui publie des recherches sur la télévision, la chanson dans la revue Communications.

Durant les années 1960, il part près de deux ans en Amérique latine où il enseigne à la Faculté latino-américaine des Sciences sociales de Santiago du Chili. En 1969, il est invité à l'Institut Salk de San Diego. Il y retrouve Jacques Monod, l'auteur du Hasard et la Nécessité et conçoit les fondements de la pensée complexe et de ce qui deviendra sa Méthode.

Edgar Morin devient Directeur de recherche au CNRS en 1970. A la fin de cette décennie, il élabore ce qu'il définira en 1982 comme étant la « pensée complexe » et se lance dans l'écriture de son œuvre majeure La Méthode, dont les six tomes seront publiés entre 1977 et 2004.

Penseur de la complexité et sociologue, il définit sa façon de penser comme « co-constructiviste » en précisant : « c’est-à-dire que je parle de la collaboration du monde extérieur et de notre esprit pour construire la réalité ».

Edgar Morin s'attache à réfléchir sur la mondialisation et s'engage dans le combat écologique.

« Le développement est une machine infernale de production/consommation/destruction qui nous précipite vers des crises écologiques et économiques. Ce processus trouve un parallèle sur le plan individuel : le développement de l’individu envisagé comme essentiellement quantitatif et matériel, lequel conduit chez les aisés à une course infernale vers le « toujours plus » et mène à un mal-être au sein même du bien-être, notion dégradée dans le seul confort. Aussi faut-il promouvoir le bien-vivre, qui comporte à la fois autonomie individuelle et insertion dans une/des communauté(s), dominer la chronométrie qui dégrade notre temps vivant, et réduire nos intoxications de civilisation qui nous rendent dépendants de futilités et de bienfaits illusoires.

Les sociétés occidentales se sont longtemps considérées comme des sociétés « civilisées » par rapport aux autres sociétés, jugées barbares. En fait, la modernité occidentale a produit la domination d’une barbarie glacée, anonyme, celle du calcul, du profit, de la technique, et n’a qu’insuffisamment inhibé une « barbarie intérieure », faite d’incompréhension d’autrui, de mépris, d’indifférence.

Les sociétés contemporaines ont accompli pour beaucoup ce qui était un rêve pour nos aînés : le bien-être matériel, le confort. Dans le même temps, on a découvert que le bien-être matériel n’apporte pas le bonheur. Pire ! Le prix à payer pour l’abondance matérielle s’avère d’un coût humain exorbitant : stress, course à la vitesse, addiction, sentiment de vide intérieur.

Par ailleurs, sur le plan humain, nous restons des barbares : l’aveuglement sur soi et l’incompréhension d’autrui s’expriment au niveau des sociétés et des peuples comme au niveau des relations personnelles, y compris au sein des familles et des couples. Beaucoup se séparent et se déchirent ; ces conflits ressemblent à des conflits guerriers fondés sur la haine, le refus de comprendre l’autre. D’autres couples ne font que coexister.

Dans les entreprises et les organisations règnent des clans et des cliques rongés par la jalousie, le ressentiment, parfois la haine. Ces envies et ces haines empoisonnent à la fois la vie de ceux qui sont enviés ou haïs, mais aussi celle des envieux et de ceux qui haïssent. En dépit des multiples moyens de communication, l’incompréhension à l’égard des autres peuples s’accroît.

L’inhumanité et la barbarie sont sans cesse prêtes à surgir en chaque humain civilisé. Les messages de compassion, de fraternité, de pardon légués par les grandes spiritualités, les religions, les philosophies humanistes n’ont qu’à peine entamé la cuirasse des barbaries intérieures.

Une aspiration à ce nouvel art de vivre est en train d’émerger dans la société du fait même des maux générés par nos modes de vie actuels. C’est à partir de cette attente que l’on peut dessiner ce que peut être une réforme de vie.

L’idée d’un art de vivre est ancienne. Les philosophies d’Inde, de Chine, de l’Antiquité grecque se sont consacrées à cette recherche. Elle se présente aujourd’hui de manière nouvelle dans notre civilisation caractérisée par l’industrialisation, l’urbanisation, le développement et la suprématie du quantitatif.

L’aspiration contemporaine à un art de vivre est d’abord une réaction salutaire à nos maux de civilisation, à la mécanisation de la vie, à l’hyperspécialisation, à la chronométrisation. La généralisation d’un mal-être, y compris au sein du bien-être matériel, provoque, en réaction, un besoin à la fois de paix intérieure, de plénitude, d’épanouissement, c’est-à-dire une aspiration à la « vraie vie ».

Le bien-vivre est fondé sur quelques principes : la qualité prime sur la quantité, l’être sur l’avoir, le besoin d’autonomie et le besoin de communauté doivent être associés, la poésie de la vie, et enfin l’amour, qui est notre valeur mais aussi notre vérité suprême. Cette réforme de vie nous conduirait aussi à exprimer les riches virtualités inhérentes à tout être humain », Edgar Morin.

César BIRENE

(Revue Les Hommes sans Epaules).

 

Œuvres d’Edgar Morin :

     1946 : L'An zéro de l'Allemagne, éditions de la Cité Universelle.

    1947 : Allemagne notre souci, Éditions Hier et Aujourd'hui.

    1948 : Une cornerie, Éditions Nagel.

    1951 : L’Homme et la mort, Éditions Corrêa.

    1956 : Le Cinéma ou l'homme imaginaire, Éditions de Minuit.

    1957 : Les Stars, Le Seuil.

    1959 : Autocritique, Le Seuil.

    1962 : L'Esprit du temps, Grasset-Fasquelle.

    1967 : Commune en France. La métamorphose de Plodémet, Fayard.

    1968 : Mai 68, La Brèche, avec Claude Lefort et Cornelius Castoriadis, Fayard.

    1969 : La Rumeur d'Orléans., Le Seuil. Nouvelle édition, coll. Points, 1982.

    1969 : Introduction à une politique de l'homme, Le Seuil..

    1970 : Journal de Californie., Le Seuil.

    1973 : Le Paradigme perdu : la nature humaine., Le Seuil.

    La Méthode :

        1977 : La Nature de la nature (t. 1).

        1980 : La Vie de la vie (t. 2).

        1986 : La Connaissance de la connaissance (t. 3).

        1991 : Les Idées (t. 4).

        2001 : L’Humanité de l’humanité - L’identité humaine (t. 5), Le Seuil.

        2004 : Éthique (t. 6), Le Seuil.

    1981 : Pour sortir du XXe siècle, Nathan. Nle édit, Pour entrer dans le XXIe siècle, Le Seuil, 2004.

    1982 : Science avec conscience, Fayard.

    1983 : De la nature de l’URSS, Fayard.

    1984 : Le Rose et le noir, Galilée.

    1984 : Sociologie, Fayard (1re édition), Le Seuil.

    1987 : Penser l'Europe, Gallimard, 990.

    1988 : Mais, Édition Neo/Soco Invest, avec Marek Halter.

    1989 : Vidal et les siens, (avec Véronique Grappe-Nahoum et Haïm Vidal Sephiha), Le Seuil.

    1990 : Introduction à la pensée complexe, Le Seuil.

    1993 : Terre-patrie (avec la collaboration d’A.B. Kern), Le Seuil.

    1994 : Mes démons, Stock.

    1994 : La Complexité humaine, Textes choisis, Flammarion, coll. Champs.

    1995 : Les Fratricides - Yougoslavie-Bosnie 1991-1995, Édition Arléa.

    1995 : Une année sisyphe, Le Seuil.

    1997 : Comprendre la complexité dans les organisations de soins (avec Jean-Louis Le Moigne), ASPEPS Éd.

    1997 : Une politique de civilisation (en collaboration avec Sami Naïr), Arléa.

    1997 : Amour Poésie Sagesse Le Seuil.

    1999 : L’Intelligence de la complexité (avec Jean-Louis Le Moigne), Éd. l’Harmattan.

    1999 : Relier les connaissances, Le Seuil.

    1999 : La Tête bien faite, Le Seuil.

    2000 : Les Sept Savoirs nécessaires à l'éducation du futur, Le Seuil.

    2000 : Dialogue sur la nature humaine, avec Boris Cyrulnik, Édition France Culture/L'Aube.

    2001 : Journal de Plozévet, Bretagne, 1965, Éditions de L’Aube.

    2002 : Dialogue sur la connaissance. Entretiens avec des lycéens, L’Aube.

    2002 : Pour une politique de civilisation, Arléa.

    2003 : La Violence du monde (avec Jean Baudrillard), Édition du Félin.

    2003 : Éduquer pour l’ère planétaire, la pensée complexe comme méthode d’apprentissage dans l’erreur et l’incertitude humaine (avec Raul Motta, Émilio-Roger Ciurana), Balland.

    2003 : Université, quel avenir ? (avec Alfredo Pena-Vega)., Éditions Charles Léopold Mayer.

    2003 : Les Enfants du ciel : entre vide, lumière, matière (avec Michel Cassé), Odile Jacob.

    2004 : Pour entrer dans le XXIe siècle, réédition de Pour sortir du XXe siècle publié en 1981, Le Seuil.

    2005 : Culture et Barbarie européennes, Bayard.

    2006 : Itinérance (transcription d'un entretien avec Marie-Chritine Navarro en 1999 sur France-Culture, retraçant sa carrière), Arléa.

    2006 : Le Monde moderne et la question juive, Le Seuil.

    2007 : L'An I de l'ère écologique (avec la collaboration de Nicolas Hulot), Tallandier.

    2007 : Où va le monde ?, L'Herne.

    2007 : Vers l'abîme, L'Herne.

    2008 : Mon chemin. Entretiens avec Djénane Kareh Tager, Fayard.

    2008 : Vive la politique ?, avec Claude Lefort, CD audio, Frémeaux & Associés.

    2008 : La Méthode, coffret des 6 volumes en 2 tomes, Le Seuil.

    2009 : Crises, Éditions du CNRS.

    2009 : La Pensée tourbillonnaire - Introduction à la pensée d'Edgar Morin, Éditions Germina.

    2009 : Edwige, l'inséparable, Fayard.

    2010 : Pour et contre Marx, Temps Présent.

    2010 : Ma gauche, Éditions François Bourin.

    2010 : Comment vivre en temps de crise ? (avec Patrick Viveret), Bayard Centurion.

    2011 : La Voie : Pour l'avenir de l'humanité, Paris, Éditions Fayard.

    2011 : Conversation pour l'avenir (avec Gilles et Michel Vanderpooten), L'Aube.

    2011 : Dialogue sur la connaissance : Entretiens avec des lycéens, Éditions de l'Aube.

    2011 : Mes philosophes, Germina.

    2011 : Le Chemin de l'espérance, en collaboration avec Stephane Hessel, Fayard.

    2012 : La France est une et multiculturelle. Lettre aux citoyens de France, en collaboration avec Patrick Singaïny, Fayard.

    2013 : Mon Paris, ma mémoire, Fayard.

    2014 : Au péril des idées, avec Tariq Ramadan, Presses du Châtelet..

    2014 : Enseigner à vivre. Manifeste pour changer l’éducation, Actes Sud-Play Bac Éditions.

    2015 : Avant, pendant, après le 11 janvier, en collaboration avec Patrick Singaïny, Éditions de l'Aube.

    2015 : Qui est Daech ?, collectif, avec Régis Debray, Tahar Ben Jelloun, Michel Onfray, Olivier Weber, Jean-Christophe Rufin et Gilles Kepel, Éditions Philippe Rey.

    2015 : Impliquons-nous ! Dialogue pour le siècle, avec Michelangelo Pistoletto, Actes Sud.

    2015 : Penser global - L'humain et son univers, Éditions Robert Laffont.

    2016 : Sur l'esthétique, Robert-Laffont-EMSH.

    2016 : Pour une crisologie, L'Herne.

    2016 : Ecologiser l'Homme, Lemieux Éditeur.

    2017 : Connaissance, Ignorance, Mystère, Fayard.

    2017 : L’Île de Luna, roman, Actes sud.

    2017 : L'Urgence et l'Essentiel, avec Tariq Ramadan, éditions Don Quichotte

    2017 : Le temps est venu de changer de civilisation, dialogue avec Denis Lafay, Éditions de l'Aube

    2017 : L'esprit du temps, avant-propos d'Eric Macé, Éditions de l'Aube

    2017 : Où est passé le peuple de gauche ?, Éditions de l'Aube

    2018 : Le Cinéma : Un art de la complexité, Nouveau Monde Éditions.

 



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Poètes à TAHITI n° 47