Fabien TOUCHARD

Fabien TOUCHARD



Fabien Touchard est titulaire de huit prix, deux Masters et un D.F.S. du C.N.S.M.D.P. (classes de Thierry Escaich, Gérard Pesson, Jean-François Zygel, Anne le Bozec, Alain Louvier…) ainsi que d’un Master de musicologie de l’université Paris-IV Sorbonne, où il a enseigné l’écriture et l’harmonisation au clavier avant d’être nommé professeur d’écriture au C.R.R. de Boulogne. Il y enseigne toujours actuellement.

Il est compositeur lauréat de la Fondation Franz Josef Reinl de Vienne en 2013 et de la Fondation Banque populaire en 2014. Ses compositions sont éditées chez Aedam Musicae.

Egalement arrangeur et improvisateur, il accompagne au piano de nombreux ciné-concerts à Paris (en particulier, depuis 2008, au cinéma Le Balzac) et en province. Entre 2011 et 2014 il accompagne les cours d'interprétation de chansons dispensés par Serge Hureau et Olivier Hussenet au Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique et participe avec eux à plusieurs spectacles au Hall de la chanson/Centre National du Patrimoine de la Chanson.

Osant le lyrisme, Fabien Touchard nous dit : « Mais le lyrisme n’est-il pas inactuel ? La crudité, la sophistication et le second degré qui nous entourent au quotidien peuvent-ils admettre qu'encore aujourd'hui on chante ? Il me semble que oui. » Cette pièce, pour laquelle Fabien Touchard était entré en contact avec Les HSE, sera incluse dans un CD qui a été enregistré en novembre 2017 et qui paraîtra courant 2018 sur le label Hortus. Musiques originales de Fabien Touchard sur des textes d’Ilarie Voronca, Anne Perrier, Philippe Jaccottet, William Butler Yeats... Le titre du CD sera celui du poème de Voronca : « Beauté de ce monde » : Rien n'obscurcira la beauté de ce monde. - Les pleurs peuvent inonder toute la vision. La souffrance -Peut enfoncer ses griffes dans ma gorge. Le regret, - L'amertume, peuvent élever leurs murailles de cendre, - La lâcheté, la haine, peuvent étendre leur nuit, - Rien n'obscurcira la beauté de ce monde.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

Musique/CD : Fabien Touchard : Beauté de ce monde, Musiques originales de Fabien Touchard sur des textes d’Ilarie Voronca, Anne Perrier, Philippe Jaccottet, William Butler Yeats... (Hortus, 2018). Fabien Touchard : Littoral (éditions Hortus, 2021).

Site internet: http://www.fabientouchard.fr/

Présentation détaillée du projet "Beauté de ce monde", par Fabien TOUCHARD

« Rien n'obscurcira la beauté de ce monde ».

C'est ce vers que le grand poète roumain méconnu Ilarie Voronca fait resurgir à chaque strophe de Beauté de ce monde – poème typique de son style diaphane et généreux. C'est cette œuvre, ce vers, que j'ai voulu mettre en avant dans ma composition qui lui rend hommage. Parce que je me reconnais dans la simplicité épurée et translucide de cet auteur francophone, qui rejoint pour moi celle d'Anne Perrier (et qui se retrouve d'une toute autre manière chez Yeats ou même Philippe Jaccottet, les auteurs qui seront présents sur ce CD à paraître en 2018). Mais aussi parce que ce vers semble être une réponse lumineuse aux incertitudes de notre époque, où la beauté de ce monde semble parfois être niée un peu plus chaque jour. Niée par les difficultés rencontrées par le monde culturel, en première ligne dans les temps difficiles.

 Je suis compositeur, et la rencontre avec chacun de ces auteurs a été pour moi un coup de cœur ; plus que cela, une rencontre immatérielle avec une personnalité, une sensibilité artistique et humaine, qui ne se produit que peu de fois dans une vie. Un sentiment de fraternité par-delà les époques me lie à Ilarie Voronca à la lecture de ses vers, il en est de même pour tous ces auteurs que j'aimerais vous faire découvrir ou redécouvrir, et le meilleur moyen que je connaisse pour cela, en ce qui me concerne, est d'écrire de la musique.

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Personnellement, je ne suis ni un « décliniste », ni un idéaliste pour qui « la beauté sauvera le monde », pour reprendre la fameuse phrase de Dostoïevski. L'art d'après 1945 ne pensait déjà plus que la beauté « sauverait le monde »... Que cela ne nous empêche pas, aujourd'hui, de la célébrer. Est-il possible de ne pas s'inspirer de cet élan collectif extrêmement touchant, né après de récents attentats, à célébrer le bonheur d'être au monde ? De nos jours il devient difficile de croire orgueilleusement que la beauté que l'on crée sauvera le monde. Peut-être, mais : célébrer la beauté qui est, la beauté qui s'offre à nous. La préserver, la sanctuariser, la protéger, avec tendresse. Aussi, ne pas laisser la culture s'abîmer. Constituer une réserve d'oiseaux imaginaires qui semblent être en voie de disparition, mais qui ne disparaîtront pas, car nous sommes là. C'est tout cela que j'entends dans le vers d'Ilarie Voronca : "Mais rien n'obscurcira la beauté de ce monde".

Une fois saisie l'évidence de l'idée et de l'auteur, et à la recherche de correspondances musicales, je me disais finalement : quoi de plus frémissant, de plus solaire et de plus fin à la fois qu'un orchestre à cordes, et quoi de plus juste pour nous donner à entendre le « moelleux » des textures musicales d'un vers de Voronca ?

Je vous présente ci-dessous l'ensemble Les Illuminations de Nicolas Loubaton qui sera dirigé par Léo Margue pour ce CD. La soliste sera la soprano Marie-Laure Garnier. Bien d'autres musiciens participeront à l'enregistrement également (voir ci-dessous) !

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Note d'intention musicale

A travers ce rapport au texte et à la poésie que j'évoquais plus haut, j'essaie de développer une musique que l'on pourrait cataloguer comme « musique contemporaine » (en adoptant ce terme pourtant très insatisfaisant), mais qui à l'audition semble toutefois extrêmement consonante, contrairement à l'idée reçue souvent véhiculée au sujet des nouvelles musiques. En vérité, elle contient un rapport fort avec certaines musiques antérieures, en particulier celles du répertoire dit « classique », mais en les réinvestissant d'une autre manière, à travers une harmonie consonante ou tonale mais « salie », ou encore des trajectoires formelles qui ne renient pas la linéarité du développement beethovénien. On peut lire dans cette musique, me semble-t-il, une grande importance attachée à l'harmonie et à un discours formel souvent narratif, mais aussi un aspect très contemplatif et immersif, à l'opposé d'une culture du zapping qui s'immisce bien souvent dans notre quotidien. Il me semble important de réagir aujourd'hui à ce que la culture du travail, et à sa suite la culture de l'ego, essaient de nous imposer : un rythme de vie trépidant et affolant où la contemplation n'a plus sa place. Je n'essaie pas de captiver l'attention à tout prix, et surtout pas en imposant une quantité d'informations trop grande et saturante pour la perception. Par exemple, la capacité à s'émerveiller d'un seul enchaînement harmonique touchant me semble primordiale pour nos capacités actuelles d'écoute, d'attention et de ressenti, alors qu'un enchaînement ininterrompu d’événements sonores nous empêche d'aller au fond des choses, et de nous-mêmes. Je n'en dirai pas plus au sujet de la pièce sur le texte de Voronca, mais je peux présenter brièvement les deux principaux cycles chambristes de l'enregistrement. Le silence tombe en moi comme un fruit met en musique des poèmes d'Anne Perrier, qui écrit (elle aussi!) une poésie de générosité et de simplicité tout à la fois. L'évolution des quatre pièces du cycle correspond à l'évolution du style de la poétesse, chez qui les mots se raréfient au fur et à mesure que les années passent. On peut entendre dans la musique une recherche de simplicité de plus en plus grande, la dernière pièce étant même constituée d'une unique harmonie variée (aux allures d'un spectre harmonique de do), alors que les pièces précédentes contiennent des épisodes plus hiératiques ou doloristes. Le cycle contient une simplicité mélodique, parfois à la manière d'une chanson, simplicité que l'on retrouvera dans le cycle suivant.

 

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Les chanteuses Marie-Laure Garnier, Anaïs Bertrand et Fiona McGown, l'altiste Nicolas Loubaton et le chef Léo Margue, qui seront tous acteurs de ce projet, ainsi que bien d'autres artistes !

 

L'horloge et l'abîme est un hommage à Henri Dutilleux écrit pour le centième anniversaire de sa naissance. Je me reconnais pleinement dans sa démarche, lui que l'on qualifiait de « classique parmi les modernes ». En effet, le rapport à l'art du passé est primordial, afin de le réinventer sans cesse, sans jamais tomber dans l'exercice de style pour autant (car dans ce cas, autant redécouvrir les nombreuses œuvres d'anciens maîtres méconnus qui patientent dans les tiroirs...). Guillaume de Machaut, musicien et poète, avait cette phrase merveilleuse et bien connue : « moi qui mes chants forge/en l'ancienne et nouvelle forge... ». Dans L'horloge et l'abîme, le lointain souvenir de la musique spectrale côtoie Abel Decaux (le « Schoenberg français »), la musique bruitiste ou encore la chanson française traditionnelle... Je me retrouve tout à fait dans ce mélange des genres, sans rejet d'aucune branche de l'arbre musical, une sorte de « sur-éclectisme », si l'on peut dire, à cheval entre classicisme et modernité.

 

 

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Plus de 30 musiciens de grand talent participeront à ce projet, je les remercie chaleureusement de leur présence !

Je vais sans doute avoir la chance d'entendre ces sons intérieurs résonner pleinement, et pour cela je remercie l'ensemble Les Illuminations de Nicolas Loubaton, pour s'être joint au projet, et la soprano Marie-Laure Garnier avec qui je collabore toujours avec un grand bonheur. Avec cette pièce j'ai souhaité que figurent également d'autres cycles pour voix, où la poésie francophone tient le haut du pavé. Alors, pour compléter ce projet, d'autres musiciens ont accepté de se joindre aux précédents pour cet enregistrement : les mezzo-soprano Fiona McGown et Anaïs Bertrand, mais aussi les pianistes Philippe Hattat, Guillaume Sigier et Mary Olivon, la violoncelliste Myrtille Hetzel, le chef d'orchestre Léo Margue, l'ensemble Lunaris... Je les remercie tous sincèrement et chaleureusement d'avoir accepté de donner de leur temps et de leur sensibilité à ce projet, car ce sont des artistes précieux que j'ai la chance de connaître depuis longtemps maintenant. Ces œuvres ont pu voir le jour grâce à plusieurs structures : l'association Jeunes Talents qui m'a commandé L'horloge et l'abîme en 2016, l'association des amis de Charles Journet qui m'a commandé Le silence tombe en moi comme un fruit en 2014, sur une proposition de Fiona McGown. Mais je tiens à remercier tout particulièrement la Fondation Banque Populaire qui me soutient dans mes projets depuis 2014. Enfin, je pense avec reconnaissance à tous ceux qui de près ou de loin, musicalement ou financièrement, ont contribué à ce que je puisse avancer dans mon parcours de compositeur, dont ce projet marque un premier aboutissement.

F.T.



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Poètes chiliens contemporains, le temps des brasiers n° 45