Gabriela MISTRAL

Gabriela MISTRAL



Lucila de María del Perpetuo Socorro Godoy Alcayaga, alias Gabriela Mistral, nait le 7 avril 1889 à Vicuña (au nord du Chili) le 7 avril 1889. Elle n’a que trois ans lorsque son père, instituteur, quitte la famille qui vit dans des conditions difficiles. La jeune fille parvient malgré tout à suivre une scolarité et devient aide-institutrice à l’âge de quatorze ans. Dès l’année suivante, elle publie, sous pseudonyme, ses premiers poèmes, parmi lesquels : « Ensonaciones », « Junto al Mar » et « Carta Intima », dans un journal local.

En 1906, Lucila de María, qui a alors dix-sept ans, devient institutrice. Elle découvre ce qui bouleversera sa vie et son œuvre : l’amour, en la personne de Romelio Ureta, qui est employé des chemins de fer. « C’était un garçon vulgaire ; belle tête, figure presque laide » confiera-t-elle plus tard. Elle va pourtant l’aimer. Romelio est volage et dépensier. Pour cela, il vole. La rupture intervient. Romelio se suicidera d’une balle dans la tête, trois ans plus tard. Ce drame aura une profonde influence sur ses écrits, marqués notamment par la nostalgie et la mort (Sonnets de la mort).

En 1910, Lucila de María s’installe à Santiago, travaille à la Escuela de Barranca, passe les examens spéciaux à la Escuela Normal de Preceptoras, puis commence à travailler dans différentes écoles à travers le pays : Traiguén, Punta Arenas, Antofagasta et Temuco. Dans cette dernière, elle rencontre le jeune Neftali Reyes Basoalto (Pablo Neruda), qu’elle initie à la littérature, et qui écrira : « Sur son visage bronzé où le sang indien prédominait comme sur une belle poterie araucane, ses dents très blanches se découvraient en un grand sourire généreux qui illuminait la pièce où nous nous trouvions. »

En 1914, son recueil Sonetos de la Muerte (Sonnets de la mort) remporte le prix Juegos Florales à Santiago. C’est à ce moment-là qu’elle choisit un pseudonyme contractant les noms de ses poètes préférés, Gabriele D’Annunzio et Frédéric Mistral : Gabriela Mistral. En 1922, le Ministère de l’Éducation du Mexique sollicite Gabriela pour la mise en place d’un système de bibliothèques et d’écoles. La même année, son recueil Desolacion connait un succès international. En 1923, ses Lecturas para Mujeres (Lectures pour Femmes) évoquent la maternité et l’éducation des enfants. Elle publie par la suite un recueil de comptines pour enfants, Ternura (Tendresse), célébrant le corps des femmes. Devenue professeure d’espagnole à l’Université du Chili, Gabriela part donner des conférences aux États-Unis et en Europe puis parcourt l’Amérique Latine.

De 1925 à 1934, elle vit en France et en Italie et participe à des actions pour la coopération intellectuelle de la Société des Nations. Elle devient également consul du Chili aux États-Unis, en France, en Italie et en Espagne. À Madrid, elle côtoie le poète Pablo Neruda. En 1929, sa mère, Petronila Alcayaga, décède ; en 1938, Gabriela lui dédiera la première partie de son livre Tala. Les bénéfices obtenus grâce à cet ouvrage sont utilisés pour venir en aide aux orphelins de la guerre civile espagnole. En 1943, Juan Miguel son neveu de dix-sept ans (né d’un amour adultérin de son cousin, et que Gabriela avait adopté en 1933 et choyé comme le fils qu’elle n’avait pu avoir) se suicide. Ce nouveau drame marque Tala (1954), comme son dernier ouvrage, Lagar.

En 1945, elle est le premier écrivain d’Amérique Latine à recevoir le Prix Nobel de Littérature. En 1951, le Prix Littéraire National du Chili lui est attribué. Gabriela écrit sur des thèmes variés, comme son pays natal, ses origines indiennes, la maternité, la condition féminine ou encore l’amour et la mort. Illuminations, déchirements et drame donnent, comme l’a écrit Claude Couffon, quelques-uns des plus beaux poèmes de toute la poésie féminine de langue espagnole. Dans le poème, c’est une terrienne qui s’exprime, avec la force crue du langage rural. Le poète prend tôt partie socialement pour les pauvres et les exploités et entend, par sa poésie comme par son travail d’éducatrice, mener le combat. Pensant à sa mort, Gabriela Mistral avait écrit : « Si un maçon me recueille il me mettra dans une brique et je resterai à tout jamais clouée dans un mur, or je hais les niches paisibles. Si on fait de moi une pierre de prison, je rougirai de honte en entendant sangloter un homme, et si je suis brique d’une école, je souffrirai aussi de ne pouvoir chanter avec vous le petit matin. Je préfère être la poussière avec laquelle vous jouez dans les chemins de campagne. Pressez-moi : j’ai été vôtre ; défaites-moi, car je vous ai faits ; piétinez-moi, car je ne vous ai pas donné toute la vérité ni toute la beauté. Ou simplement chantez et courez sur moi, pour que j’embrasse les plantes aimées de vos pieds. » Fragilisée par ses nombreux voyages, Gabriela passe ses dernières années dans l’État de New York. Le 10 janvier 1957, elle meurt d’un cancer et le gouvernement chilien décrète trois jours de deuil national.

César BIRENE

(Revuie Les Hommes sans Epaules).

À lire (en français) : Poèmes choisis (Stock, 1946), Poèmes, édition bilingue (Gallimard, 1946), D'amour et de désolation, (La Différence, 1989).

À consulter : Mathilde Pomès : Gabriela Mistral (Collection Poètes d’Aujourd'hui, Seghers, 1963/1976), Volodia Teitelboim : Gabriela Mistral publique et secrète (L’Harmattan, 2003).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Poètes chiliens contemporains, le temps des brasiers n° 45