Guy ALLIX

Guy ALLIX



Guy Allix est né à Douai, le 4 juin 1953, ou sa mère normande s’est installée. Il vit une enfance difficile près des terrils et de la misère. Ce dont garde trace les proses poignantes de Maman j’ai oublié le titre de notre histoire et le non moins poignant poème « Le Nord ». Guy quitte le Nord pour Rennes de 1968 à 1975 où, après ses années de lycée, il exerce différents travaux : manutentionnaire, aide-soignant, garçon de course, agent de tri, surveillant dans un lycée privé, courtier etc. Il revient vivre dans sa région d’origine, la Normandie, en 1975, dans la Manche, puis dans les régions de Caen, Lisieux et enfin à Rouen. Licencié en Lettres Modernes, Guy Allix a consacré une maîtrise et un DEA au poète Jean Follain. Professeur de lettres en collège à Saint-Lô, puis en lycée à Carentan, et formateur à l’IUFM de Caen, Guy Allix a mené de nombreuses expériences pédagogiques autour de la poésie. Animateur, il a fondé et dirigé la revue La vie totale. Critique littéraire à Normandie Magazine, président-fondateur de l’association Lire à Saint-Lô, en 1988, Au fil des années, a écrit Bruno Sourdin, Guy Allix a tissé une œuvre sobre et noire, où chaque mot est pesé. Il écrit une poésie de l’errance, à mots perdus, dans le tumulte et le silence. Une poésie qu’il faut arracher à la vie, où les mots travaillent la mort, où nul miracle n’est possible sans une certaine humilité.

J’aime, chez Guy, qui est également musicien, chanteur, qu’il soit, étonnement, l’un des rares poètes, à mettre en exergue, à la suite de René Guy Cadou (« Je ne conçois pas la poésie sans un miracle d’humilité à la base »), cette notion, valeur fondamentale, qu’est l’humilité, qui lui colle, comme elle colle à sa poésie : « Étant donné la place relative que nous occupons dans le monde, il est ridicule de parler comme un devin, en maître absolu, fort de certitudes acquises. Tout mot prononcé qui ne tient pas compte de ce devoir d’humilité est nul. » Solidaire, révolté, fraternel, Guy Allix ne fait qu’un avec son œuvre, qui relève de la Poésie vécue et de l’émotion. Guy Allix s’inscrit dans le cercle infime de ceux que le réel obsède par sa proximité immédiate et en même temps par sa résistance à se laisser dire dans « l’insensée dérobade des mots ». Loin de la vanité, des complaisances et des bons sentiments, comme l’écrit Marie-Josée Christien (in Spered Gouez n° 16), sa voix se confond humblement avec « ce souffle/ qui se courbe vers la glaise » pour retrouver « un chemin souverain ».

Guy Allix est un homme de l’Ouest. La Normandie, certes. Mais aussi la Bretagne, où il venu vivre depuis quelques années, comme il l’explique lors d’un entretien (in revue Spered Gouez n°16, 2010) : « Je suis un déraciné. Maman m’a présenté le Nord où je suis né comme une terre d’exil. Elle détestait cette région, si attachante : c’était pour elle le lieu de sa misère. Elle s’y était pourtant réfugiée pour fuir l’opprobre qui la guettait dans sa Normandie d’origine, quand elle attendait son troisième enfant « naturel ». La Bretagne, rencontrée à quinze ans, fut le seul pays où j’ai pu prendre racine véritablement, le pays librement choisi. Consenti. J’y suis né à moi-même. J’y ai commencé véritablement à écrire : c’est à Rennes que j’ai appris à marcher et mâcher mes mots. Et j’ai vu la mer, longtemps désirée, pour la première fois en 1968 à Saint-Malo… J’ai fréquenté la culture bretonne surtout par le biais de la musique. J’ai couru les fest-noz pendant des années. Entendre le son d’un biniou, d’une bombarde, d’une harpe me procure toujours des frissons. Il y a là incontestablement une grande culture, qui fait corps avec ce pays de granit, de sueur et d’eau. J’aime aussi l’expression populaire qu’on y trouve. L’âme du peuple à charrue est parfois plus poète que la main à plume. Les quatre éléments s’imposent de façon singulière. Ce Finistère, qui n’en finit pas de chanter est une terre-mer. Glenmor. Comme le nom du barde. Le vent, qui dit l’errance, est toujours là. S’il ne se montre c’est qu’il est embusqué au creux des pierres, prêt à jaillir. Et le feu aussi est là, niché, qui couve le feu au cœur du granit, sous les pieds de celui ou de celle qui danse l’andro. Enfin, la Bretagne n’a pas de ces œillères imbéciles, et dont j’ai tant souffert, des gens « nés quelque part ». Elle reste, dans sa singularité, profondément ouverte à l’universel ainsi que l’exigeait Senghor. La Bretagne, c’est un état d’esprit. C’est ce que dit à peu près cette citation de Robin en exergue à Spered Gouez. Ce pourquoi on peut être Breton et Citoyen du Monde. Ce n’est pas pour me déplaire. Cependant mes « racines » sont surtout sociologiques. Je suis, je resterai, quoi que je fasse et que j’écrive, un fils du peuple… avec de la terre bretonne à mes souliers. »

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

À lire : La tête des songes (l’Athanor, 1975), L’éveil des forges (l’Athanor, 1976), La grande forge (La Feugraie, 1977), Mouvance mes mots (Rougerie, 1984), Fragments de fuites (Rougerie, 1987), Quand rêve l’heure (Motus, 1991), Lèvres de peu (Rougerie, 1993), Le Déraciné (Rougerie, 1999), Solitudes (Rougerie, 1999), Le poème est mon seul courage (Le Nouvel Athanor, 2004), Oser l’amour (Atelier du Groutel, 2007) Maman j’ai oublié le titre de notre histoire, nouvelles (Librairie-Galerie Racine 2008), Anthologie (Le Nouvel Athanor 2008), Le Nord (Atelier de Groutel, 2010), Correspondances, avec Marie-Josée Christien (Éditions Sauvages 2011), Survivre et mourir (Rougerie, 2011), Le petit peintre et la vague, livre jeunesse (Coop Breizh, 2014), Poèmes pour Robinson (Soc & Foc, 2015), Le sang le soir (Le Nouvel Athanor, 2015), Au nom de la terre (Éditions Sauvages 2018), Oser l’amour, suivi de d’amour et de douleur (Atelier de Groutel, 2018), En chemin avec Angèle Vannier, essai (éditions Unicité, 2018), Je suis Georges Brassens, biographie, avec Michel Baglin ( Jacques André 2019), Vassal du poème (éditions Sauvages, 2020).

 



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules




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