Gyula ILLYES

Gyula ILLYES



Poète, prosateur, dramaturge et essayiste, Gyula Illyés (1902-1983) fut une figure centrale de la littérature hongroise de son époque, dont l’œuvre « identifiée aux drames de conscience vécus par sa patrie », constitue également le document d’une « destinée littéraire aux prises avec l’histoire », comme l’a écrit André Karátson.

Gyula Illyés est né le 2 novembre 1902 à Rácegres au sud-ouest de la Hongrie. Il vient d’un milieu social qui n’avait jamais produit avant lui d’œuvre littéraire. Illyés vécut son enfance dans un monde de domestiques agricoles menant une vie de misère dans des latifundia qui n’avaient guère changé depuis l’époque féodale, enfants et adultes appartenant aux diverses catégories d’un ordre social plusieurs fois séculaire, fortement hiérarchisé. Son père était mécanicien dans une grande propriété et sa mère, couturière.

Après des études primaires, Illyés put aller au collège, en province puis à Budapest, où il entra en contact avec le mouvement syndical et socialiste. Les origines et l’enfance de Gyula Illyés, sont décrites dans Ceux des Pusztas (Puszták népe, 1936), une autobiographie élargie en une vaste analyse sociographique de la vie qu’avait connue, sous le régime semi-féodal, la couche la plus déshéritée de la population : celle des domestiques agricoles. Rédigé dans un style puissamment évocateur, dénonce la misère rurale.

En 1919, Illyés, comme de nombreux artistes et intellectuels communistes, soutient et rejoint la République des Conseils de Béla Kun, qui sévira du 21 mars au 6 août, avant d’être renversée par une armée blanche franco-roumaine. La « terreur blanche »  s’abat ensuite les partisans réels ou supposés du régime. Les artistes, comme Gyula Illyés, qui ont soutenu le nouveau régime sont contraints à l’exil. À Paris, tout en étant inscrit en Sorbonne, Illyés rejoint l’organisation des ouvriers hongrois et rencontre Jean Cocteau et les poètes surréalistes, Tristan Tzara, Louis Aragon et surtout Paul Éluard. Il  évoque dans Les Huns à Paris (1943), le souvenir de ces « années d’expérimentation poétique et de prise de conscience révolutionnaire ».

En 1925, profitant de la prescription du mandat d’arrêt délivré contre lui cinq ans plus tôt, Illyés rentre en Hongrie et s’installe à Budapest, où il devient employé de banque. Il collabore alors aux activités de l’avant-garde hongroise, marquée par l’expressionnisme, le dadaïsme et le constructivisme, qu’incarne la revue Dokumentum, avec Lajos Kassák et Tibor Déry. Illyés se détourne de Kassák, pour se rapprocher de Mihály Babits et de la plus grande revue hongroise, fondée en 1908 autour d'Endre Ady, Nyugat (Occident), davantage marquée par le néo-symbolisme et le modernisme. Il dirige ensuite, de 1941 à 1944, la revue Magyar Csillag (Étoile hongroise), qui succède à Nyugat. Entretemps, après la défaite française de 1940, il avait publié en témoignage de solidarité un Trésor de la littérature française et s’était imposé, en poésie, comme le chef de file du mouvement populiste, notamment avec Ceux des pusztas, son chef-d’œuvre, qui mêle au récit autobiographique de son enfance misérable, une description minutieuse du mode de vie de la paysannerie maintenue dans une extrême pauvreté par un régime semi-féodal en plein XXe siècle.

Après la Seconde Guerre mondiale, Illyés fut élu député du parti national paysan (il démissionna au bout d’un an) et dirigea la revue Válasz. Bientôt découragé par la chape de plomb qui tomba sur la vie politique, il se retira dans sa maison de Tihany aux environs du lac Balaton pour se consacrer à son œuvre littéraire, tout en demeurant un personnage incontournable de la vie culturelle.

Lié à de nombreux poètes français : Paul Eluard (qui le surnomma « le Paysan du Danube ») et Tristan Tzara, dès les années 20, puis plus tard à Eugène Guillevic, Georges-Emmanuel Clancier, André Frénaud et surtout, à partir de 1956, à Jean Rousselot, Gyula Illyés fut un grand maître de la langue hongroise, qui a beaucoup oeuvré (avec Jean Rousselot et Ladislas Gara), pour faire connaître la littérature hongroise en France.

Souvent traduit en français, Illyés a été publié entre autres par Gallimard et Seghers. Son poème « Une phrase sur la tyrannie » (écrit en 1950 et publié lors de la Révolution de 1956), est un des poèmes emblématiques du XXe siècle, qui évoque le visage du poète tourmenté par le sort de sa nation, tout en témoignant d’un humanisme universel et contre le totalitarisme.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

« Les Orphées du Danube », par Christophe Dauphin, mercredi 20 janvier 2016, INSTITUT HONGROIS - COLLEGIUM HUNGARICUM, PARIS.

« Les Orphées du Danube », par Olivia Farkas, Eurydice El-Etr, Christophe Dauphin et Anna Tüskés. COLLEGIUM HUNGARICUM, PARIS.



Oeuvres de Gyula Illyés parues en français :


Ceux des Pusztas, traduit par Paul-Eugène Régnier, avant-propos par Aurélien Sauvageot, 8e édition, Paris, Gallimard, NRF, 1943.

Poèmes, traduits par Pierre Seghers et Ladislas Gara, préface par Pierre Seghers, Paris, Seghers, 1956.

Vie de Petőfi, adapté et préfacé par Jean Rousselot, Paris, Gallimard, NRF, 1962.

Le lac Balaton, texte de Gyula Illyés, traduit par I. Kelemen, Budapest, Corvina, 1962.

Hommage à Gyula Illyés, édité par Ladislas Gara, Bruxelles – Washington, 1963.

Le Favori, traduit par Ladislas Gara avec la collaboration d’Anne-Marie de Backer, adaptation de Jean Rousselot, Gallimard, 1965.

Ceux des Pusztas, suivi de Les déjeuners au château, Gallimard, 1969.

Sur la barque de Caron, Les Éditeurs Français Réunis, 1973.

Matt le gardeur d’oies, Seghers, 1976.

Poèmes, présentés par Jean-Luc Moreau, Paris, 1978.

Un Hongrois à Paris, anthologie vers et prose, Debreceni Egyetem Kossuth Egyetemi Kiadoja, 2002.


A consulter:

Gyula Illyés, avant-propos par André Frénaud, présentation par Ladislas Gara, Paris, Seghers, 1966.

Pour saluer Gyula Illyés – Hommages et témoignages – Proses et poèmes inédits en français, La Barbacane, 1985.


 



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : LES POETES DANS LA GUERRE n° 15

Publié(e) dans le catalogue des Hommes sans épaules


 
LES ORPHÉES DU DANUBE, J. Rousselot, G. Illyés et L. Gara