Jean ALBANY

Jean ALBANY



Jean Albany est né à Saint-Denis (La Réunion) le 4 décembre 1917. Vingt ans plus tard, en 1937, il quitte la Pointe des Aigrettes à Saint-Gilles et s’envole pour Paris afin d’y poursuivre ses études en droit et en chirurgie dentaire. Dès la déclaration de la Seconde Guerre mondiale, Albany est mobilisé en tant qu’élève officier, dans l’artillerie, à Fontainebleau, où il écrit ses premiers poèmes, qui seront publiés en 1985 à titre posthume : Amour oiseau fou.

Démobilisé, le poète réunionnais regagne son île, à bord de La Ville d’Amiens (novembre 1945 à janvier 1946). Il a relaté son voyage de retour dans un livre qui sera, lui aussi, publié à titre posthume : La Croix du Sud. De retour sur son île, Jean Albany éprouve « le mal de l’insulaire » ; c’est-à-dire, comme l’écrit le poète mauricien Édouard J. Maunick, de considérer le littoral comme une limite imposée au Lieu et l’horizon comme une ligne barrée, une démarcation pas ou peu propice à l’épanouissement de l’Être. D’où ce mal de partir plus fort que toutes les autres faims. L’exil volontaire est une gageure sans cesse à tenter et à réussir continûment. Albany repart en France où il obtient une licence de droit et un doctorat d’économie politique. Il passe alors deux années à l’Institut d’études politiques de Paris tout en continuant ses études de dentisterie.

En 1951, Albany publie les poèmes de Zamal (du nom donné au chanvre indien à La Réunion) qui ouvrent aussitôt la voie au mouvement créoliste réunionnais, dont le poète fait figure de chef de file : Les Métropolitains ne croquent pas de larves – Les Créoles ne sucent pas d’oursins - Les Tamoules ne mangent pas de bœuf - Les Musulmans ne mangent pas de porcs. - Eh ben ! Tous ce beau monde dans un pays ! - Une île qui s’appelle La Réunion - Maintenant, ne rêve plus de Bourbon, chantez Compagnons - Cherche dans son nom pour trouver La Créolie. Zamal est considéré par beaucoup comme l’œuvre fondatrice de la poésie réunionnaise contemporaine. Zamal est une « quête culturelle de l’identité réunionnaise en vue de favoriser les solidarités réunionnaises conçues comme conscience collective », écrit Gilbert Aubry qui, avec Sam-Long, va animer le courant créolie de la poésie réunionnaise, afin de « lire ensemble l’inclinaison de la Croix du Sud sur la Houle indienne, de recueillir les héritages culturels venus des quatre horizons, de remplir nos yeux des mêmes paysages et des mêmes saisons, pour voyager solidaires en quête d’un même port. »

Quatorze ans plus tard, en 1965, Jean Albany reçoit le Grand Prix des Mascareignes. Bleu mascarin paraît en 1969, après Outre-Mer (1966) et Archipels, paradis grecs (1967) ; il s’agit du premier livre de poèmes en créole réunionnais. Âgé de 53 ans en 1970, Albany entreprend, à Paris, pour valoriser encore sa langue créole, un P’tit glossaire, le piment des mots créoles, au cœur de Saint-Germain-des-Prés, 7 rue du Dragon. Le livre paraît en 1974 et sera complété, après plusieurs autres livres de poèmes, par un Supplément au P’tit glossaire, le piment des mots créoles, en 1983. En 1975, Albany déclare dans un entretien avec Alain Gili : « J’ai tant pensé à cette île quand je l’ai quittée. La nostalgie aboutit au poème, on fait un effort, on recrée un monde. À partir du moment où j’ai décidé de reconstruire ce monde, il m’a fallu amasser morceau par morceau, faire un « tapis-mendiant » de souvenirs et de rêves. »

Jean Albany meurt à Paris le 26 octobre 1984. Son corps est rapatrié à La Réunion pour y être enterré à La Saline-les-Hauts, un lieu-dit près de Saint-Gilles.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

À lire : Zamal (HC, 1951), Miel vert (E. Ollive, 1963 ; Rééd ; HC 1963), Outre-Mer (HC, 1966), Archipels, paradis grecs (HC, 1967), Bleu mascarin, chansons créoles (HC, 1969), Vavangue (HC, 1972), P’tit glossaire, le piment des mots créoles (HC, 1974 ; Rééd. Hi-land océan Indien, 1997), Bal indigo, poèmes et chansons en créole de l’île de La Réunion (HC, 1976), Aux belles Créoles (Raphaël Ségura, 1977), Fare Fare , chronique, poème en français et chansons maloya en créole de l'île de La Réunion (HC, 1978), Percale, poèmes et nouvelles en créole de l’île de La Réunion (HC, 1979), Indiennes, textes en français et en créole (HC, 1981), Supplément au P’tit glossaire, le piment des mots créoles (HC, 1983), Amour Oiseau fou (Azalées Éd., 1985), La Croix du Sud, le retour aux isles, Journal 1945-1946 (Fondation Jean Albany, 1991), Margozes sont les saisons, variations sur un thème fané (ADER, 1992).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Edouard J. MAUNICK, le poète ensoleillé vif n° 53