Jean GIRAUD MOEBIUS

Jean GIRAUD MOEBIUS



J’ai fait la connaissance de Jean Giraud, le jeudi 30 novembre 2006, sur le plateau de l’émission TV, Ce soir ou jamais, qui était alors diffusée tous les soirs, en direct, sur France 3. Frédéric Taddéï avait réuni Jean Giraud, Jan Kounen (cinéaste à qui l’on doit notamment, Blueberry, l’expérience secrète, d’après le célèbre personnage de Jean Giraud), Marc Dachy (spécialiste du mouvement Dada) et moi, pour participer au débat central de l’émission, sur le thème : « Les nouveaux surréalistes. » Passons sur le débat, qui, en définitive me marqua moins que le fait de me retrouver face au plus grand dessinateur de sa génération et de débattre avec lui. Je garde en mémoire, que Jean est de suite venu me voir à la fin de l’émission et que nous avons continué à parler un bon moment. Il se disait agréablement surpris « que l’on puisse encore inviter un poète, surréaliste de surcroît, à la télévision ». La peinture, la poésie, le surréalisme, le dessin, bien sûr, tout l’intéressait. Sarane Alexandrian, qu’il ne connaissait pas personnellement, et sur lequel je venais de publier un essai (Sarane Alexandrian ou le Grand défi de l’imaginaire, L’Âge d’Homme, 2006) l’intriguait beaucoup, notamment pour ses écrits sur l’ésotérisme. Nous nous sommes revus par la suite. Son influence, en tant qu’artiste, avait un rayonnement international, mais, disait-il, en toute modestie sincère : « Je considère essentiellement que tous les dessinateurs sont égaux. Je ne voudrais pas que l’on croie que je désire passer avant ou au-dessus des autres. » Sa culture, qu’il n’étalait pas, était très étendue. L’homme était curieux et sans a priori aucun. Son écoute  était étonnante. Je ne me souviens pas l’avoir vu, ne serait-ce qu’une seule fois, jouer de son statut. Jean Giraud demeure l’unique exemple d’un dessinateur ayant fait école dans deux styles différents, ce à quoi, il répondit : « Mon ambition première a été de créer des passerelles entre les deux mondes, afin d’éviter que l’un ne se vide aux dépens de l’autre, mais qu’au contraire, les deux se nourrissent respectivement. » Il était un passeur de mondes et d’imaginaire, un explorateur sans pareil, qui tutoyait souvent le Merveilleux ; l’un des rares artistes de la bande dessinée à avoir su brancher l’invention graphique sur les forces de l’inconscient. Jean Giraud, l'arpenteur de mondes, né le 8 mai 1938, à Nogent-sur-Marne, est décédé le 10 mars 2012, à Paris, d'une embolie pulmonaire, consécutive à un lymphome, emportant avec lui beaucoup d’imaginaire.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Épaules).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules



 
Dossier : DIVERS ÉTATS DU LOINTAIN n° 34

Dossier : POÈTES NORVÉGIENS CONTEMPORAINS n° 35