Jules MOUGIN

Jules MOUGIN



Facteur-poète-troglodyte, Jules Mougin (1912-2010), qui ornait ses lettres de l’habituelle mention « Merci facteur », est décédé à l'âge de 98 ans à Rognes (Bouches-du-Rhône), où il s'était retiré depuis quelques années. Né dans une famille ouvrière à Marchiennes (Nord), proche à la fois des écrivains prolétariens, des Hommes sans Épaules et des artistes bruts, dont Gaston Chaissac et Jean Dubuffet, avec lesquels il a entretenu de riches correspondances, ami de Jean Giono et Louis Calaferte, Jules Mougin a publié une trentaine d'ouvrages, dont La Grande Halourde, Le Mal de Cœur et Poèmes, lettres et cartes postales (Robert Morel), tout en rejetant l'idée même d'une carrière littéraire. Facteur rural au Revest-des-Brousses près de Manosque, anti-militariste viscéral, obsédé par la guerre, la mort et la révolte, il a sa vie durant écrit, peint et « bricolé », comme il le disait, vivant longtemps dans une maison à Chemellier (Maine-et-Loire), dotée de caves troglodytiques dont il orna les parois, dessinant et sculptant à partir de matériaux de récupération. Dans sa retraite angevine, il collectionna les bois peints, les cailloux, les boîtes, les poupées, les cravates, les chapeaux melons. Ce qui le révoltait de façon permanente, ce qu’il combattait d’un bout à l’autre, avec ses mots, sa colère, sa dérision : c’est la guerre. Il sait que les boucheries sont préparées puis soldées avec zèle par les longs bras de la politique : « Toutes ces jolies petites croix sur les assassinés ! Ces rangées si bien rangées ! Ces alignements si bien alignés ! La guerre, cette immonde dégueulasserie, soigne bien ses morts ! » Jules Mougin a été inhumé aux Verchers-sur-Layon (Maine-et-Loire). « Je voudrais ne pas crever idiot ! Pouvoir aimer, encore, après ma mort ! », sera son dernier mot.

César BIRÈNE

(Revue Les Hommes sans Épaules).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Numéro spécial LES HOMMES SANS EPAULES 1ère série, 1953-1956 n° 3