Julien GRACQ
Julien Gracq est né le 27 juillet 1910 à St Florent-le-Vieil sur les bords de la Loire, entre Nantes et Angers, commune dans laquelle il se retirera, très éloigné des cercles littéraires et des parades mondaines, jusqu'à sa mort – le 22 décembre 2007. Le pensionnat marque l’enfance de Julien Gracq. Il fréquente d’abord un lycée de Nantes, le célèbre lycée Henri IV à Paris puis l’École Normale Supérieure et l’École libre des Sciences Politiques. Agrégé d’histoire, Julien Gracq débute sa double activité en 1937. D’une part il entreprend son premier livre, Au château d’Argol, et de l’autre, il commence à enseigner, successivement aux lycées de Quimper, Nantes, Amiens, et se stabilise au lycée Claude-Bernard à Paris à partir de 1947, jusqu’à sa retraite en 1970. Signalons qu’il sera professeur sous son vrai nom, Louis Poirier, et écrivain sous le nom plus connu de Julien Gracq, qui construit continûment, après ce premier ouvrage, une œuvre de romancier, de poète, de nouvelliste, de dramaturge et d’essayiste. Ainsi seront publiés, toujours chez le même éditeur, José Corti, dix-huit livres. Qu’avaient en commun Louis Poirier et Julien Gracq ? Nous savons que le deuxième est le pseudonyme prestigieux du premier. José Corti, qui fut son éditeur, répond, quant à lui : « à première vue : rien. » Il m’a fallu une longue, très longue fréquentation pour le connaître vraiment, poursuit Corti : « Peu de paroles, guère de gestes, pas d’abandon ; encore moins de confidences. Très exactement le contraire de l’homme de lettres… Il n’y a en effet rien de commun entre l’homme et l’œuvre ; entre le Gracq réservé que l’on rencontre, le professeur froid – dont les élèves disent qu’il ne se déride jamais, mais fait d’excellents cours – et l’écrivain qui a miraculeusement peint les enchantements d’Argol, les féeries de la forêt des Ardennes, les magies de la mer des Syrtes ; qui nous a rendu sensible le poids écrasant du Destin, et qui est le vrai Gracq ; celui que l’on tiendra un jour pour l’un des plus grands écrivains de notre époque. Gracq n’est pas un homme de conversation de salon. Il est l’homme du tête-à-tête ; celui qui cherche dans l’interlocuteur cette part de singulier, cette part d’humain qui peut l’intéresser. Cette curiosité, ce souci de connaître, exclut la dispersion. Dans un groupe, même dans un petit groupe constitué au hasard d’une réunion, Gracq ne laisse pas deviner qu’il est Gracq. Il décevra même celui qui espère saisir dans sa conversation quelque chose de la poésie de son œuvre, qui attend que jaillisse enfin l’improvisation brillante où éclateront l’esprit, l’humour, le trait de Liberté grande. » José Corti, Souvenirs désordonnés (éd. José Corti, 1983). Œuvre solitaire, elle est celle d'un navigateur des grandes profondeurs, d'un rêveur aux yeux noyés d'eau. Gracq s'est expliqué sur cette dérive vers des lieux singuliers où pousse « la plante humaine ». « Zone hautement dangereuse, zone de haute tension », tels sont les bois d'Argol ou les roselières des Syrtes, avec leur air rare, « chargé d'une pureté mortelle », crépitant comme « un boulier de cristal », leurs places fortes clôturées de forêt et de mer, leur silence de «planète dévastée». Mais, au seuil de ces zones qu'il faudra investir par effraction, le regard de Gracq est un regard de ravage. Dans cette géographie remarquablement maîtrisée des romans, des poèmes, des essais, c'est la même carte livrant ses lisières et ses lignes de passage : une « fraîcheur aux tempes », un pressentiment qui affole les boussoles, un « chemin de foudre », un silence « douceâtre de prairie d'asphodèles », un bois dormant « que l'air léger des rêves infuse d'un bleu d'encens ». Œuvre de la patience, du secret et de l'écart, elle a l'étrange beauté des œuvres à jamais « battantes comme des portes ». À lire, l'intégralité de l'œuvre de Julien Gracq est publié aux éditions Corti: Au château d’Argol, 1938. Un beau ténébreux, 1945. Liberté grande, 1947. Le Roi pêcheur, 1948. André Breton, quelques aspects de l’écrivain, 1948. Le Rivage des Syrtes, 1951. Prose pour l’Etrangère, 1952. Penthésilée, 1954. Un balcon en forêt, 1958. Préférences, 1961. Lettrines, 1967. La Presqu’île, 1970. Lettrines II, 1974. Les Eaux Étroites, 1976. En lisant en écrivant, 1980. La Forme d’une ville, 1985. Autour des sept collines, 1988. Carnets du grand chemin, 1992. Entretiens, 2002.
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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