Natasha KANAPE FONTAINE

Natasha KANAPE FONTAINE



Poète-interprète, comédienne, artiste en arts visuels et militante pour les droits autochtones et environnementaux, née en 1991 à Baie-Comeau (à 400 km au nord-est de Québec), Natasha Kanapé Fontaine est une indienne innue, artiste des Premières Nations : « Quand je dis que je suis une Innue de Pessamit, je désigne ma place dans l’univers. » Elle vit à Montréal. Natasha Kanapé Fontaine a d’abord marqué le territoire du Québec par ses slams « territoriaux » dès 2012, de Rimouski à Montréal : « Ma démarche d’écriture s’apparente à une recherche identitaire... J’ai compris qu’on pouvait en apprendre plusieurs, et surtout que chaque langue était dépositaire d’une culture. Et c’est ensuite que je me suis naturellement intéressée au rassemblement des cultures. Comment peut-on les rassembler sans qu’il y ait fusion, mélange qui éteigne l’une ou l’autre, assimilation ? C’est cohérent avec ma démarche première, qui consiste à trouver son identité, son authenticité, pour ensuite s’affirmer dans une relation équilibrée : se connaître soi-même pour se connaître dans le monde. » Les trois premiers recueils de poésie de Natasha Kanapé Fontaine ont été salués par la critique québécoise, dont Manifeste Assi : « Assi en innu veut dire Terre. Si la parole était donnée aux peuples des Premières Nations, elle ressemblerait à Assi, terre rêvée de ces femmes et de ces hommes qui guettent dans leur chant les mots dignité, espoir et liberté. Manifeste Assi est d’abord une terre de femmes. Si le manifeste est une place publique, Assi est une tribune de la vie, un chant pour ceux qui ouvrent leur esprit à son mystère. Puis, il y a les luttes environnementales. La guerre au colonialisme. Il y a mon angoisse et ma colère. Ma solitude et ma plénitude. Au-dessus du béton et de l’asphalte, la lune et le soleil qui dirigent les jours et les nuits. »

Puis, en 2016, avec Deni Ellis Béchard, Natasha Kanapé Fontaine a échangé de façon épistolaire sur le racisme entre Autochtones et Allochtones. De ce projet est né Kuei je te salue : conversation sur le racisme. Il y a, qu’en 2015, au Québec et au Canada sont survenus de nombreux scandales publics à propos de confrontations et d’abus de la part des autorités policières ou de vagues de suicides chez les peuples autochtones. Un rapport sévère du Comité des droits de l’homme des Nations Unies a dénoncé la violence envers les femmes autochtones : plus d’un millier sont disparues ou ont été tuées depuis les années 60. Par ailleurs, une commission d'enquête a révélé que près de 3.200 autochtones sont décédés dans les pensionnats canadiens de 1867 à 2000.

Face à ce drame humain, à ce racisme et ce génocide culturel, depuis reconnu par le gouvernement, comment guérir les Autochtones de ces stigmates profondes ? Comment réconcilier le peuple canadien avec ses Autochtones ? Comment les faire cohabiter si leur histoire commune est empreinte de honte, de blessures et de colère ? Kuei, je te salue est la rencontre littéraire et politique de la poète Innu Natasha Kanapé Fontaine et du romancier québéco-étatsunien Deni Ellis Béchard, qui écrit : « J’aimerais que les Québécois puissent comprendre qu’ils infligent aux Autochtones une oppression culturelle pire que celle qu’ils ont eux-mêmes subie. Si on arrive à percevoir combien cette oppression a pu nuire à son peuple, peut-être parviendra-t-on à mieux comprendre son effet sur les autres peuples. »

Depuis, Kanapé Fontaine continue à parcourir les territoires québécois, canadiens et maintenant ceux du reste du monde en conférences, performances, collaborations avec des artistes de toutes origines : « Longtemps, j’ai été divisée en deux parts ; je continue d’apprendre à me réunir. J’écris pour qu’êtres humains et pays se fracassent ensemble, telles des plaques tectoniques, pour ne former plus qu’une seule et même complainte. » Fière membre du peuple Innu, militante écologiste, activiste, Natasha Kanapé Fontaine est co-porte-parole, depuis 2013, du mouvement autochtone pancanadien Idle No More Québec (Jamais plus l’inaction). Sa démarche artistique et littéraire tend à rassembler les peuples divergents par le dialogue, l’échange, le partage des valeurs, en passant par le « tannage des peaux », manière métaphorique de gratter les imperfections des pensées et des consciences.

Avec la poésie, elle berce l’Environnement et entame un processus de guérison avec lui. Natasha Kanapé Fontaine lutte contre le racisme, la discrimination ainsi que les mentalités coloniales par la prise de parole et la poésie : Tout pour assurer la trace, dans le processus de décolonisation, pour les générations futures. Actrice et comédienne, elle campe, depuis le 28 novembre 2017, dans la série TV Unité 9, le rôle de Eyota Standing Bear, une jeune Autochtone avec un passé très difficile, d’agression sexuelle, de violence, de dépendance aux drogues et à l’alcool. Une rare présence autochtone dans le paysage télévisuel québécois où les personnages amérindiens n'ont pas été nombreux.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

À lire : N’entre pas dans mon âme avec tes chaussures (Mémoire d’encrier, 2012), Manifeste Assi (Mémoire d’encrier, 2014), Bleuets et abricots (Mémoire d’encrier, 2016), Kuei, Je te salue, conversation sur le racisme, avec Deni Ellis Béchard, (Écosociété 2016), Nanimissuat île-tonnerre (Mémoire d’encrier, 2018).

 



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Poètes à TAHITI n° 47