Paal-Helge HAUGEN
Né en 1945 dans le Setesdal, Paal-Helge Haugen appartient à la génération des années 70 (celle de Georg Johannesen, de Jan Erik Vold, d’Einar Økland ou d’Eldrid Lunden), marquée en Norvège, en Scandinavie, par le renouvellement du langage poétique à la lumière d’influences étrangères. Contre toute attente, c’est par la traduction du poème japonais, le haïku, que Haugen se lance dans l’écriture. Comme tant d’autres norvégiens, il a œuvré en traduction. Comme le Finlandais suédophone Bo Carpelan, l’emprunt à l’Orient équivaut à Une recherche du minimalisme. Moins surprenante, tant l’emprise culturelle américaine s’opère à l’échelle d’un continent, est l’empreinte de la Beat Generation et de la Pop music. En 1972, Haugen écrit, avec un titre anglais, Requiem for Janis Joplin, un hommage à celle qui s’appelait elle-même Pearl, icône de la jeune génération. Vérifiée historiquement aussi en Norvège, la confluence entre musique et poésie est d’autant plus avérée que Haugen est l’un des animateurs du principal groupe littéraire norvégien du XXe siècle, Profil, ensemble qui s’attache au nom de la modernité même, à dépasser la tyrannie des genres. « Nous ne nous sentons liés par aucune autre tradition littéraire que celle que nous créons nous-mêmes », proclament ces jeunes hommes en colère, dans le numéro liminaire de 1966. Le premier Haugen est aussi un romancier, dont le roman Anne, qui le fait connaître, crée sa forme, le « roman point » (punktroman), par lequel l’auteur place des éléments de l’époque (la fin des années 1890, celles du Sult hamsunien), tels que des extraits de manuel de médecine, un abécédaire, un catéchisme, sans oublier des « emplacements vides » dans lesquels le lecteur est laissé libre de créer sa propre fiction. Le livre reprend un thème obsédant de la création nordique, la mort de l’enfant, cher entre autres à Munch, puisque Anne meurt jeune de tuberculose, mais dit sons souhait de modernité par ces croisements formels. La poésie n’est pas loin puisque les propres propos de l’auteur interviennent sous forme d’inserts lyriques. Les années 70 sont aussi en Norvège (peut-être davantage, il est vrai, dans le roman), celles de la critique sociale. C’est en tout cas une orientation nette pour Haugen, qui sonde le thème de l’incommunicabilité entre humains dans Det synlege meneske (L’Homme visible, 1975) et Steingjerde (La Clôture de pierre, 1979). A l’âge des premières prouesses pétrolières norvégiennes, Haugen fore des thèmes encore plus universaux que l’incommunicabilité, tels le mal, le néant, le destin, l’au-delà. Le questionnement est sa marque. Ce qui est à nos yeux son chef d’œuvre, Meditasjonar over Georges de La Tour (Méditations sur Georges de La Tour), ouvre la décennie 1990.Les recueils suivants filent la métaphore du questionnement et rallient une autre veine nordique, celle de l’angoisse (angst). A lire : Dedans dehors, anthologie bilingue, traduit du néo-norvégien par Eva Sauvegrain et Pierre Grouix, éditions Rafael de Surtis, 2009), Méditations sur Georges de La Tour, traduit du néo-norvégien par Eva Sauvegrain et Pierre Grouix, éditions Rafael de Surtis, 2009).
Pierre GROUIX
(Revue Les Hommes sans Epaules).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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Dossier : POÈTES NORVÉGIENS CONTEMPORAINS n° 35 |