Collection Les HSE
La nuit succombe, suivi de : Carène
Préface d'Alain Joubert
Hervé DELABARRE
Alain JOUBERT
Poésie
ISBN : 9782912093516
138 pages -
13 x 20,5 cm
12 €
- Présentation
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- Du même auteur
Mais quel est donc ce « mouvement apte à changer la vie » que André Breton « continue à mettre au plus haut » et qu’il reconnaît chez Delabarre ? Quel est donc ce « langage qui garde le cœur de son oreille et dont il attend qu’il ouvre de nouvelles communications sans prix » qu’il exalte chez Cabanel ? Mais c’est bien sûr ! l’écriture automatique, cette écriture dont il a cru désespérer un moment jusqu’à parler de son « infortune continue », et qui, soudain, ne se contente plus « d’affleurer sous roche » mais surgit à grands flots, par des moyens différents, sous la plume de l’un et l’autre de ces poètes qu’il salue avec enthousiasme ! Ainsi donc, après Guy Cabanel, c’est chez Hervé Delabarre que Breton retrouve et désigne le chemin de cette poésie qui ne doit rien au calcul, mais tout aux fulgurances de l’inconscient, rien à la pose éthérée du « pohète », tant raillée par Jacques Vaché, mais tout au « droit devant » et à l’aventure qui en résulte, tout encore à « l’allure poétique » que la vraie vie exige, celle qui demande au hasard objectif le soin d’en orchestrer les rencontres ! Le Surréalisme irrigue à nouveau ses champs magnétiques…
La nuit succombe, dit le titre du livre que vous tenez entre les mains, mais qui, lui, va vous tenir longtemps au cœur même d’un monde en perpétuel renouvellement des approches et des sensations, puisque aujourd’hui, le bois c’est du verre.
Alain JOUBERT
*
DIRE QU’ELLE EST
L'ombre s’ajoute à la déshérence des lèvres
éperdues
aux abois
favorisant les fièvres où elles-mêmes s'alimentent
Est-ce que cela s’entend
est-ce que cela se voit
Les flammes dégrafent les rideaux
qui tombent de toute leur épaisseur
pour recouvrir le lit
de ces ocelles et ces débris de nacre
miroirs intimes
et faits pour inciser les chairs
Dérapages et sentiments vertigineux
S’en viennent pleurer
près des remparts harcelés de lichens
De quoi alimenter les derniers beaux jours
et la fuite ininterrompue du printemps
Les trappeurs harassés
rescapés du rêve
vont-ils vaticiner encore
au sommet des pistes neigeuses
qui s’éteignent dans le lointain d’un autre continent
Mais elle
quel corps a-t-elle été
de quelle obscurité était-t-elle la reine
pour s’en venir ainsi aimer l’aber
venin divin d'un divan vain
La lame se glisse sous le satin
chante implore et puis se noie
Mais
pas de remords
surtout
Avant de s’en repaître
le sang répandu doit se mériter
tandis qu'elle se confie
à la délicatesse des ongles
qui la déshabillent
Tout se rêve
tout s’abandonne de nuage en nuage
Et les ailes ne peuvent plus caresser
qu’un fantôme d'image
une simple invitation à mourir
L’estuaire d’un râle
l’heure est venue pour elle
de se laisser aller aux derniers sommeils
et aux ressentiments qui mènent à l’origine
Dire la dérive des corps
et sans répit
à tout jamais
encore
La soif est là
inextinguible
Alors se pencher
s’ouvrir
se découvrir
renaître enfin
Peut-être
Hervé DELABARRE
(Poème extrait de La nuit succombe, Les Hommes sans Epaules éditions, 2017).
Lectures
"Sans doute est-il difficile (voire impossible) de parler de "La Nuit succombe" d'Hervé Delabarre tant on y peut retrouver l'écriture automatique. Alain Joubert, dans sa préface, met en évidence le surréalisme qui coule dans ce recueil. Il en voit la preuve dans la lecture que fit André Breton de "Danger en rive" : "… c'est chez Hervé Delabarre que Breton retrouve et désigne le chemin de cette poésie qui ne doit rien au calcul, mais tout aux fulgurances de l'inconscient…" (p 10). Revenant à "La Nuit succombe", Alain Joubert relève les mots de vie qu'il oppose aux mots rares...
Les poèmes d'Hervé Delabarre ne vont pas sans une certaine obscurité tant ils explorent cet inconscient dont parle Alain Joubert dans sa préface. Le lecteur attentif remarquera le goût de Delabarre pour l'image insolite "L'ongle / Incise une nuit capitonnée" (p 17) tout comme pour les mots voisins sur le plan phonétique : "Ainsi va l'immonde / L'antre et l'autre / L'auge et l'ange" (p 18). Le jeu sur les mots n'est pas absent : "mot dire" qui évoque maudire (p 22). Dans la première suite, "Des douves en corps et toujours", le vers se fait bref (réduit souvent à un mot ou deux). "Fétiches", par contre, regroupent deux proses assez longues qui sont l'exemple même de l'écriture automatique (mâtinée de réflexions parfaitement rationnelles). Dans la seconde, on retrouve le sire de Baradel qui traversait déjà quelques pages de "Prolégomènes pour un futur" ; mais l'important n'est pas là, il réside dans le hasard objectif… "La nuit succombe 1" sait se gausser d'une certaine poésie : "la poétesse poétise / et met des bigoudis aux rimes" (p 44) : c'est réjouissant ! L'objectif est bien de capter ce que dit l'inconscient et non de faire joli… Quand ce n'est pas l'ironie qui reprend cette phrase jadis analysée par André Breton dans le Premier manifeste du Surréalisme (1924) et qui devient sous la plume de Delabarre "Laissez venir, marquise, vos cuisses ouvertes à deux battants" (p 56). Même l'attitude anti-cléricale propre aux surréalistes (je me souviens en particulier de cette photographie où l'on voit un crucifix pendu à une chaîne de chasse d'eau ! ou l'ai-je rêvée, ce qui en dirait long sur mon inconscient…) est présente dans un poème d'Hervé Delabarre : "Botter le cul aux pèlerins de Lourdes ou de La Mecque" (p 62) ! "Intermède" (qui regroupe trois poèmes consacrés à des héroïnes de contes traditionnels : Blanche-Neige, le Petit Chaperon rouge et la Belle au bois dormant) est placé sous le signe de la cruauté. Cet ensemble n'est pas le résultat direct de l'automatisme, du hasard tant il est réfléchi mais il exprime parfaitement un certain aspect de l'inconscient et la vision est décapante. L'érotisme n'est pas exempt d'une certaine imagerie convenue (cuissardes, cravache, nudité…) mais il est sauvé par l'humour (la vache qui rit) ! L'irrespect quant à la mort est de mise… La multiplicité des personnages qui apparaissent dans "La nuit succombe 2" assurant une distanciation salutaire et rendant acceptables l'irréligion et l'érotisme (la vulve est omniprésente) de ces poèmes.
La seconde partie du recueil est un longue (une vingtaine de pages) et libre médiation sur le mot carène qui s'est imposé pour sa sonorité. Les mots jouissent, s'accordent et s'abouchent pour leur musique, pour leur bruit sans aucun rapport au signifié comme le souligne Hervé Delabarre dans ses explications liminaires. Au total, ce livre témoigne du surréalisme qui irrigue la production de maints poètes qui ne s'en réclament pas ouvertement mais qui n'ont jamais fini de payer leurs dettes. Tant le surréalisme a été une porte qui reste ouverte."
Lucien WASSELIN (cf. "Fil de lecture" in recoursaupoeme.fr, juin 2017).
*
" Ce livre, nous dit Alain Joubert dans sa préface, « va vous tenir longtemps au cœur même d’un monde en perpétuel renouvellement ». Il insiste sur le caractère automatique de la poésie d’Hervé Delabarre, marquée par le surréalisme et sa proximité avec André Breton, poésie qui évoque aussi un Benjamin Péret ou un Jean Arp.
Mais qu’est-ce, finalement, que l’écriture automatique ? Alain Joubert précise :
« L’écriture automatique est d’abord une preuve, pas une œuvre. Les textes ainsi produits sont le résultat d’une expérience intérieure qui s’aventure jusqu’à mettre au grand jour ce que l’être recèle de plus secret pour lui-même, ce qui se dissimule dans les plis de son inconscient. Cette preuve désigne la source de la poésie, et assigne au langage – à l’écriture – une exigence à s’incarner ; ainsi l’œuvre peut-elle ensuite apparaître.
Mais y-a-t-il une voie automatique, ou bien faut-il plutôt parler de voix automatique ? Ne serait-ce pas le bruit d’un mot, analogiquement proche de celui d’un autre, qui provoquerait un télescopage en forme d’image, plus riche que la somme des deux termes qui la composent ? Précisons cependant que le seul « son » ne suffit pas au poète, tant il est vrai que le rythme intérieur ne lui fait pas « entendre » des bings, des bangs, des zooms ou des zowies, mais bel et bien des mots qui sont chacun porteurs d’un son, des mots-sons en quelque sorte. Et s’il est vrai que le poète « entend » quelque chose en amont du langage en formation, ce sont des mots qu’il entend, pas des bruits ».
La poésie d’Hervé Delabarre recèle une dimension auditive singulière mais elle fait aussi émerger du non-conscient des forces crues et inattendues, parfois ludiques, parfois implacables.
Le premier poème de ce recueil s’intitule Le sourire noir et dès les premiers vers, un style s’impose, mais non restreint au langage, il s’agit d’un style de l’Être.
A la marge du sourire
La menace
Comme une détresse
Imprécation
A peine murmurée
De la blessure à la bouche
De la vénération à la terreur
Dans la ravine
Où les tourments sont soulignés du doigt
Le scalpel désigne à la blessure
Les crins noirs de l’abécédaire
Franchie l’orée des bas
Et des étoffes noctambules
L’ongle
Incise une nuit capitonnée
…
Ou encore avec Autre chose :
Les mots sont détournés de leur sens,
reste à savoir s’ils en ont un vraiment.
Le rasoir ne dort que d’un œil,
les draps en feu carillonnent,
un arbre foudroyé vous salue,
et la barbe elle-même se met à pleurer.
Quoi de plus beau qu’un cure-dent
sinon le cul de Proserpine
ou bien, pour faire bander les rimes,
celui de Messaline.
Quant à l’amour,
C’est à désespérer vraiment,
il n’est plus qu’un chemin de croix
qui monte vers un lointain Golgotha
…
Hervé Delabarre, ce sont aussi des contes et des chants, des contes cruels, à l’érotisme astringent et des chants hantés par le jeu des sonorités.
Il est là
Gominé dans ta glu
Englué dans ta glose
D’impudique immolée
D’immodérée sacrée
Et fosse profanée
Car c’est ainsi
Tu l’oses
Que viennent les images !
Voici un livre pour « affronter les intempéries du baiser ».
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 27 mai 2017).
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Les Hommes sans Epaules éditions qui ont en 2015 publié un fort volume des poèmes d’Hervé Delabarre récidivent avec un second recueil : La nuit succombe, suivi de Carène. On y retrouve les trois voix affectionnées par Delabarre, que j’entends comme trois paliers dans son expérience de l’écriture automatique, selon qu’un drame personnel, une dérive onirique ou une interprétation perverse-polymorphe (comme on dit des enfants) et parfois burlesque commande à la coulée verbale. La dernière partie de ce recueil donne à lire un long poème « Carène », qui, expérience unique pour son auteur, fut écrit, selon la même écoute de son inconscient, pour être lu en public, accompagné par un groupe de rock. Ce poème, longue incantation érotique, est bien ce jeu de colin-maillard entre signifiants et signifiés, quand les mots s’aimantent les uns les autres, vertigineusement : « Es-tu Carène – Es-tu – Le cri noir d’Hécate ». Une préface d’Alain Joubert ouvre ce livre, dont on retient cette proposition retournant comme un gant une célèbre formule : le langage se structure selon les mouvements de l’inconscient. »
Guy GIRARD (in Infosurr n°134, novembre 2017).
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Poète et peintre, Hervé Delabarre est l'auteur d'une vingtaine de plaquettes et livres de poèmes. Il est demeuré fidèle à l'éthique du surréel, à la morale de la vérité, à la poésie et au Merveilleux, au surréalisme historique et éternel, qu'il a prolongé dasn ses oeuvres et incarné avec un tel éclat, qu'il ne détonne certainement pas aux côtés d'André Breton et de Benjamin Péret. Avec ce dernier, Hervé Delabarre est le poète dont l'eouvre porte le plus l'empreinte de l'automatisme.
La nuit succombe, nous dit Alain Joubert dans sa préface, " va vous tenir longtemps au cœur même d’un monde en perpétuel renouvellement des approches et des sensations." Joubert précise le caractère automatique d ela poésie de Delabarre comme une preuve, aps une oeuvre: "les textes ainsi produits sont le résultat d'une expérience intérieure qui s'aventure jusqu'à mettre au grand jour ce que l'être recèle d eplus secret pour lui-même, ce qui se dissimule dans els plis de son inconcsient."
Mirela Papachlimintzou (in revue Contact n°81, Athènes, Grèce, mars 2018).
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"L'ouvrage contient un recueil de poèmes sur un monde en perpétuel renouvellement des approches et des sensations et un poème, écrit en 1981, dans lequel le poète traduit ce qu'il ressent pour le mot carène après avoir écouté, la veille, un groupe de rock amateur."
Electre, Livres Hebdo, 2018.