Dans la presse

 

Tri par numéro de revue
A-Z  /   Z-A
Tri par date
 

Page : <>

Lectures :

Tout ce cinquantième numéro est orienté vers la liberté et la résistance comme si, en cette période, il fallait rappeler que la poésie est toujours une résistance à toutes les formes d’oppression, jamais une collaboration.

Les premières pages rendent hommage à Maria Andueza, personnalité foret et discrète de la scène poétique, compagne de Jean Breton, basque espagnole de la Retirada, retraite des réfugiés espagnols de la guerre civile 1936-1939.

Christophe Dauphin livre un éditorial plein d’une saine colère dite coronavirienne à propos de la mort de Guy Chaty : Qui a tué le poète Guy Chaty ? lance-t-il, cette « femme tousseuse » ? La sous-estimation des risques ? Le mépris des « expériences étrangères » ? Le court-termisme  cynique politicien ? Leur incompétence ? L’Etat néolibéral et son inhumanité ? L’hôpital à la carcasse désossée par l’Etat néolibéral ? L’absence de tests, de moyens, de masques ? Marc Bloch nous dit d’outre-tombe (in L’Etrange Défaite, Société des Editions Franc-Tireur, 1946) : « Nous venons de subir une incroyable défaite. A qui la faute ?… A tout le monde en somme, sauf à eux (nos généraux). Quoi que l’on pense des causes profondes du désastre, la cause directe – qui demandera elle-même à être expliquée – fut l’incapacité du commandement. » Et plus loin : « l’épidémie a mis à nu et fait ressortir toutes les impostures de la doctrine libérale ».

Christophe Dauphin propose textes et notices de poètes à l’hôpital. Nous retrouvons Arthur Rimbaud, Antonio Tabucchi, Richard Rognet, Paul Verlaine, Madeleine Riffaud, Henri Michaux, Jean Rousselot, Stanislas Rodanski.

Le dossier est consacré à René Depestre « ou l’odyssée de l’Homme-Rage de vivre ». René Depestre, poète haïtien errant et homme d’exception dont la route serpentine le conduisit auprès de Che Guevara, Fidel Castro, Mao-Tsé-Toung comme aux côtés des poètes et penseurs Blaise Cendrars, Tristan Tzara, Jean-Paul Sartre, Pablo Neruda, André Breton, Léopold Sédar Senghor et tant d’autres.

L’un des aspects les plus intéressants soulevés par Christophe Dauphin à propos de son nomadisme est sa capacité à exiler l’exil : « Je ne suis pourtant pas un homme de l’exil, explique René Depestre ; je ne connais pas l’effondrement existentiel, la perte tragique de soi des exilés de à vie. J’ai pu partout sur mon chemin prendre des racines. Je me suis ajouté les pays de mon nomadisme. Et je ne suis pas désespéré, et j’ai fait de la mondialisation comme Monsieur Jourdain faisait de la prose, sans le savoir ! Comme aurait dit Sartre, j’ai fait de ses antagonismes de l’exil des contradictions fécondes. »

« René Depestre ne s’est jamais considéré en exil, reprend Christophe Dauphin, il n’en a jamais souffert, car, nous dit-il : « J’ai emporté avec moi Jacmel, mon enfance. Je n’ai jamais eu le sentiment d’être un exilé ; je n’ai jamais souffert de l’exil parce que depuis la plus haute Antiquité, il y a une sorte de dolorisme attaché à la notion de l’exil, à la notion de nostalgie, à la notion de saudade au Brésil, en portugais. Moi, je n’ai jamais connu cette sorte de malaise existentiel dû à l’exil, parce que j’emporte avec moi partout où je vais Haïti, mon chez-soi haïtien ; mon chez soi insulaire m’a toujours accompagné, mon natif natal fait partie de mon nomadisme, si je peux dire. »

C’est sur ce socle que René Depestre a développé une poésie puissante et joyeuse pendant « soixante années de création poétique, précise Christophe Dauphin, dont chaque mot a été lavé par la vie, dont le poète est le vaudou-l’arc-en-ciel, avançant à grands pas de diamant ; véritable journal de bord intérieur sur le qui-vive du monde, autobiographie criblée de combats, de rivières et de rêves en crue ; taillée dans la saison des îles du sang poétique, le long d’un itinéraire exceptionnel, qui unit le mythe aux nervures du vécu, des premiers poèmes en colère, au chant dionysiaque et vigoureux des passions caribéennes, avec l’étoile de tous les hommes. »

 

« Poème ouvert à tous les vents »

 

Tu as mis une paire d’ailes à ton art

Car tout poète sait quand c’est l’heure

De jeter ses dernières cages à la mer

Et de lever  des voiles qui font route vers son identité.

A l’homme à qui on a tout pris : son nom,

Sa patrie, la fable de son enfance,

Le bois de ses souvenirs, sa rage de vivre.

A cet homme à qui on a enlevé ses jambes

Pour qu’il reste à jamais coincé dans ses cris.

A cet homme brisé, fourvoyé dans sa peau.

Je lègue ma fureur et mon bruit, je remets

Une colline que tous les vents traversent

Pour qu’il soit toujours en train de se battre

Et qu’il n’arrête jamais de frapper les papes

Qui vole à la vie ses perles et son orient.

A cet homme que l’horreur infinie du monde

N’a pas encore vaincu, à cet homme dompteur

Des métaux de son sang, géomètre des courbes

Lyriques de la femme, et qui répète que

La vie humaine est la fumée d’un incendie

Dont le nom n’apparaît dans aucun idiome.

A cet homme né sur un ordre du rossignol

Et à qui le feu confie ses bêtes de proie

Je réveille son droit de réinventer l’homme.

Je luis dis : « Suis-moi. Je suis le vieux soleil

Qui émerge de la douleur pour mieux sauter

Dans la vie du siècle et pour combattre

Sa routine et ses malheurs. Viens avec moi,

Homme qui ressemble à l’aventure des flammes

Et des illusions qui protestent dans mes yeux ! »

René DEPESTRE

 

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 2 août 2020).

*

« Les poètes d’Europe ont cessé de chanter – Ils ont fait de l’écriture un tremplin – D’où ils lancent des papillons de cirque – Sans aucun secret dessiné sur leurs ailes. » René Depestre, c’est le grand invité du n°50 des Hommes sans Epaules. Christophe dauphin lui consacre une étude, « poète haïtien, poète français, universel, nomade enraciné, homme banyan, métissé, solaire et souriant ». Faut dire qu’il en a rencontré du monde, Depestre : on le voit en photo auprès de Mao-Tse-Toung, de Neruda, de Césaire, de Guevara…

L’autre grand invité, c’est le Suisse Pierre-Alain Tâche : « J’ai glissé dans mon sac une offrande – un caillou rond qu’il me faudra jeter – plus loin, pour témoigner de mon passage – (Et c’est bien plus que des pierres en tas – peut-être une grappe offerte au seigneur – à sa vendange ultime, au jour qu’il a fixé… »

Dans ce numéro itou, un gros dossier (inspiré par le covid ?) sur les poètes à l’hôpital : Rimbaud, Verlaine, Artaud, Yves martin, Michel Merlen, Madeleine Riffaud, Henri Michaux, etc. avec des textes des susnommés ou celui d’Alain Morin : « En ce lieu – les hommes brouillent l’air – ou se rassemblent – On est seul – à manger l’espace – qui a le goût de panade – Le temps est un cadavre – que l’on n’enterre pas ».

Remarquable aussi la série d poèmes du camerounais Kouam Tawa : « On cherche – le buffle – sans trouver le buffle - On trouve - le buffle – sans saisir le buffle – On danse - la danse – des mangeurs de poussière ».

Christian Viguié : « Je ne sais pas qui je suis – mais il y a ton nom que je murmure – comme s’il a avait un autre air à respirer… »

Philippe Monneveux, Jean-Pierre Otte et Béatrice Pailler : « Je suis ongle – tu es papillon – Tes paupières – Je les vole – Tes lèvres – Je les vole – Tu es papillon – Je suis bec – Couteau sur ton abdomen… »

Plein d’autres choses comme l’annonce de la mort de la poète grecque Kiki Dimoula : « Ta démission est acceptée – Dommage – Tu avais tant à perdre encore ici.

Et de nombreuses critiques. »

Christian DEGOUTTE (in revue Verso, 2020).




2004 - À propos du numéro 17/18

     « Les HSE  n°17/18. Un gros dossier consacré à Marc Patin (1919-1944), poète surréaliste mort en déportation, membre du groupe La Main à plume (dont le plus célèbre représentant reste Maurice Blanchard), et que Christophe Dauphin s’est attelé à faire découvrir, voire à réhabiliter… Le surréalisme d’hier et d’aujourd’hui est à l’honneur, avec des textes d’Alain Jouffroy, Jacques Kober, Jean-Louis Bédouin ou Sarane Alexandrian (qui fut secrétaire général du mouvement en 1948). Le souvenir est là aussi, par la voix de Jean Breton qui évoque Chambelland, Yves Martin et Jean Follain. 192 pages bien pleines. »
    Jacques Fournier (Ici è là n°2, mars 2005).

    « La revue les HSE n°17/18, rend d’abord hommage à Henri Rode et à Jean Rousselot qui nous ont quittés il y a peu – « Deux aînés, deux amis proches et deux sentinelles majeures de notre temps », pour reprendre les mots de Christophe Dauphin – nous les faisons nôtres. Dans son édito, le même Christophe Dauphin donne un coup de chapeau au surréalisme, qu’aucun mouvement n’a jusqu’ici dépassé ! Sans doute est-ce pour cela qu’il fut combattu « par toutes les forces de l’hypocrisie et du mensonge », d’un côté le totalitarisme stalinien, de l’autre, une bourgeoisie lorgnant vers le fascisme… Le dossier central est consacré à Marc Patin et au surréalisme. Mort en Allemagne en 1944, à peine âge de vingt-quatre ans, Marc Patin laisse une œuvre, abondante, restée inédite, qu’Eluard salua en son temps. »
    Jean Orizet (Poésie 1/Vagabondages n°40, décembre 2004).

    « Les HSE 17/18. Une forte livraison consacrée en majeure partie autour du surréalisme, disons plus récent, à Marc Patin, que Guy Chambelland redécouvrit en 1990. Après un hommage rendu à deux grands poètes disparus en 2004 : Jean Rousselot et Henri Rode dont les poèmes assez véhéments donnent envie de relire l’œuvre. Des surréalistes de l’après 69 suivent… Ensuite le dossier principal : Marc Patin et le surréalisme, brillamment établi par Christophe Dauphin. On suit le parcours de ce poète au destin brutal… La dernière partie propose un recueil inédit de Marc Patin : Les vivants sont dehors, avec de beaux poèmes d’évidence amoureuse. Pour suivre, une lettre d’André Breton sur Xavier Forneret, un témoignage inédit de Sarane Alexandrian, décidément figure maîtresse du surréalisme actuel. Une expérience de hasard objectif avec Hervé Delabarre. Et des souvenirs de Jean Breton sur Guy Chambelland, Yves Martin et Jean Follain, avec un ton vif et plaisant, pour clore ce très gros n° (198 pages !), riche et intéressant. Allez une dernière citation de Marc Patin pour la route : Derrière l’arbre il y a l’ombre de l’arbre – Et l’ombre de l’arbre est – De la couleur de la forêt. »
    Jacques Morin     (Décharge n°124, décembre 2004).

    « Il est des revues de poésie qui assurent à la littérature et à son histoire, une continuité, en développant un travail de mémoire remarquable. Fondée en 1953, en Avignon, Les Hommes sans Épaules, cahiers littéraires semestriels, vivent aujourd’hui leur troisième mouture, à Paris. Dirigée par Jean Breton, elle consacre ce numéro n°17/18 au surréalisme qui, comme l’écrit Christophe Dauphin, constitue toujours « une clé capable d’ouvrir indéfiniment cette boîte à multiple fond qui s’appelle l’homme. » Sont présentés les poèmes d’acteurs connus et méconnus des deux générations de l’aventure surréaliste, ainsi que de leurs héritiers, Alain Jouffroy, Francesca-Yvonne Caroutch, Jacques Baron, Joyce Mansour, Jean-Louis Bédouin… Le dossier central met en lumière l’œuvre trop brève de Marc Patin (1919-1944), poète de l’amour et du merveilleux qui poursuivit l’activité surréaliste sous l’Occupation avec le groupe des Poètes de la Main à Plume, dans lesquels figuraient Eluard, Dotremont, Malet… Un mémorial au didactisme magnétique et brillant. »
    Dominique Aussenac (Le Matricule des anges n°62, avril 2005).

    « Les Hommes sans Épaules rendent hommage, dans leur n°17/18, à deux Porteurs de feu disparus en 2004 – Henri Rode et Jean Rousselot – et consacrent un fort dossier au surréalisme aujourd’hui et à Marc Patin… Comme quoi, nous ne sommes pas les seuls à affirmer que le surréalisme est toujours d’actualité ! »
    Francis Chenot
    (L’Arbre à paroles n°127, février 2005).




2013 – À propos du numéro 36

"À chacun de ses numéros, la belle et forte revue de poésie Les Hommes sans Epaules s’affirme de plus en plus comme un espace incontournable au cœur du monde des poésies françaises – et d’ailleurs. Car les HSE, ainsi que Recours au Poème, n’est pas de ces revues enfermées dans un quelconque hexagone. Ce n’est d’ailleurs pas la seule parenté entre les deux lieux. C’est ainsi que l’on retrouvera dans ce dernier opus des HSE des poètes et contributeurs que l’on se plaît à lire ou écouter dans Recours au Poème, et réciproquement : Jean-Pierre Lemaire, Guy Allix, Kristina Ehin, Lydia Padellec, Jean Kaplinski, Christophe Dauphin, Jean-Pierre Védrines… Ce dernier consacrant, pour l’anecdote, une belle note de lecture au Silence des pierres, premier recueil de notre rédacteur en chef, dont il dit ceci : « ses mots ont une puissance alchimique certaine et son monde coule au travers du poème avec, ici et là, le, brisé, le bris, le déchirement de la voix ». Une lecture avec laquelle je suis entièrement en accord, ayant lu ce recueil avec bonheur lors de mon dernier séjour à Alexandrie. Védrines est un poète fin lecteur.

C’est donc à un sommaire de toute première ampleur et importance que les HSE nous convient, sommaire centré sur la figure de Thérèse Plantier, poète que nous aimons ici et au sujet de laquelle nous avons publié un beau texte de Christophe Dauphin. Affinités électives sans aucun doute. Ce dossier mené par Marie-Christine Brière et Christophe Dauphin, intitulé « Une violente volonté de vertige », s’étend sur près de 80 pages et c’est bien plus qu’un hommage, une somme nécessaire en même temps qu’une remise en lumière. Ce sera aussi et surtout l’occasion de lire la poésie de Thérèse Plantier, atelier que l’on retrouvera ici

Et ici, sous la plume de Christophe Dauphin.

Une démarche et des travaux qu’il faut saluer tant la marque de la fraternité poétique est inscrite dans la pratique concrète des HSE.

Cet opus 36 propose bien d’autres très belles choses. Les poèmes de Kristina Ehin, Lydia Padellec, Michel Voiturier ou Jean Kaplinski par exemple. On lira aussi la « poésie de l’extrême » de Georges Bataille ou les mots de Dauphin sur la récente réédition des poèmes de Tudor Arghezi, au sujet duquel nous renvoyons à cet autre texte.

À tout cela s’ajoutent des dossiers, notes de lecture et poèmes des animateurs de la revue. Du fort beau travail."

Shasheen Sauneree (Revue des revues in Recours au poème, 24 octobre 2013).

"Une grosse partie du n° est consacrée à Thérèse Plantier (1911-1990). Dossier mis en place par Christophe Dauphin et Marie-Christine Brière. Thérèse Plantier fut avant tout une forte personnalité, c’est rien de le dire et je renvoie aux divers témoignages recueillis. Ce fut une poète baroque et frondeuse. Une féministe révoltée. Elle fréquenta entre autres Simone de Beauvoir, Violette Leduc et André Breton. Elle avait un tempérament de feu. Elle s’est mariée quatre fois. Marie-Christine Brière parle de « véhémence humoristique », Christophe Dauphin évoque une femme de silence et de méditation, aussi bien que de bruit et de fureur. …la comète qui annonce mon retour / brillante comme au fond d’un puits un seau d’étoiles… Sa grande liberté, on la retrouve surtout dans son écriture où son surréalisme est travaillé dans un style conscient, lucide et bouillonnant. C’est cette même liberté qui lui a coûté certainement de n’être pas appréciée à la place qu’elle mérite aujourd’hui. Et c’est à l’honneur des HSE de lui restituer son éclat. Pour sa mère : Autour de la tombe / glapissent les renards de l’aube / tu te tiens aux quatre coins / du marbre où je t’écris. Dossier de 80 pages sur un ensemble de 286 ! Il y a de quoi découvrir encore dans cette forte livraison, comme à l’habitude.

Jacques Morin ("En Vrac" in Déchargelarevue;com, décembre 2013).

"Dans un sommaire très riche, le dossier de ce numéro 36 est consacré à Thérèse Plantier, qui participa au mouvement surréaliste à partir de 1964. Elle s’éloigna du groupe tout en restant fidèle à André Breton à qui elle portait une grande admiration.

Christophe Dauphin nous la présente ainsi :

« Thérèse Plantier, volcan, maelström, feu de brousse ? Aucun lieu qui se laisse facilement appréhender, tous fusent, dialoguent, explosent, toujours coupée la branche où vous tentez de vous accrocher, avec Thérèse vous n’aurez jamais aucune sécurité car : « Poète est la femme qui perd l’équilibre à la moindre mouche – à la moindre poussée. » Originale et chaotique, cette œuvre est l’une des plus fortes de la poésie contemporaine. Thérèse Plantier ? Une grande voix de Femme : « À en vomir je me grignotais – je mâchais ma mère l’angoisse. » Elle nous lance des mots pour une recréation, « des mots si mortels qu’en naît le neuf langage – à réapprendre aux enfants à brasser pour qu’ils battent à nos tempes si fort qu’on se croie fou. » Ce langage, qui n’est plus celui de l’asservissement de la femme, mais de la libération («le temps n’est plus aux femmes qui se plaignent»), du fémonisme, Plantier le nomme le Survrai, dont Alain Bosquet nous dit : « Au milieu des intellectualismes exsangues et des cheveux coupés en seize, Thérèse Plantier est à peu près la seule, aujourd’hui, à mordre dans la vie et à se bagarrer avec la mort. Sa poésie est une affaire de règlement de compte avec elle-même, sa peau, son squelette et son regard intérieur. »

Amour, liberté et intransigeance. Cette femme d’exception est une athlète des mots. La sueur lui sert d’encre et sa queste est héroïque au sens le plus initiatique qui soit. Se libérer de ses chaînes et des illusions de la libération."

« A en vomir je me grignotais

je mâchais ma mère l’angoisse

je me détournais fatalement du devoir

j’avais recours à l’écriture

chaque fois la nuit

tirait le verrou

allumait le voyant

le judas sanglotait

transpercé jamais cicatrisé

je m’entrouvrais le ventre

au cépuscule

sans un pleur sans un commentaire. »

(Extrait de Poèmes choisis).

Rémi Boyer (in incoherism.wordpress.com, décembre 2013).

"Comment rendre compte d’une revue de presque 300 pages quand on n’en partage pas l’orientation et qu’on ne connaît que peu ou pas du tout les poètes présentés dans ses pages ? Parler du plaisir de la découverte serait une échappatoire voire une tartufferie. Cette revue exige des lecteurs attentifs prêts à suivre les circonvolutions des poèmes, prêts à suivre les raisonnements politiques ou ésotériques des articles.

Christophe Dauphin situe Les Hommes sans Epaules  dans une lignée partant du surréalisme, version magico-trotskyste, pour faire vite… Mais il ne suffit pas de délivrer un certificat d’anti-stalinisme à un poète pour qu’il devienne miraculeusement génial ! À condamner le goulag stalinien (ou post-stalinien), certains en sont venus à oublier les bagnes tsaristes (c’est ainsi qu’en Pologne, des politiciens au pouvoir condamnent les anciens des Brigades internationales…). Mais je m’éloigne des Hommes sans épaules. De même le « quatrième règne » caractérisé par « un Principe-vital, l’Homme universel, qui existait avant même la naissance de l’humanité et qui, si celle-ci venait à être anéantie, serait capable d’en reformer une autre spontanément » m’apparaît comme une billevesée idéaliste. Non que je sois un scientiste borné ou un positiviste fanatique…, je suis même sensible à une certaine mystique de la matière et je me considère comme un mystique sans dieu… Mais je me refuse à voir dans les mots cette survivance du signe à la chose signifiée qu’on trouve proclamée chez les épigones d’un certain surréalisme, même si je (re)lis toujours avec plaisir André Breton.

Ceci étant dit, j’ai trouvé dans cette livraison des Hommes sans épaules, du grain à moudre. Tout d’abord, le copieux dossier (80 pages d’études et de poèmes) consacré à Thérèse Plantier qui est d’un grand intérêt. Une Thérèse Plantier qu’il ne faut pas confondre avec Colette Plantier qui anima dans les années 70-80 Thélème  et dont Pierre Chabert dira que « [ses] visites à la communauté créée par Colette Plantier [le plongeaient] à la fois dans la béatitude et l’hilarité »  (lettre à Michel Boujut). Au-delà du comportement et de la jalousie de Thérèse Plantier qui ne sont qu’anecdotes, je retiens son fémonisme, mot-valise forgé sur féminisme et monisme (on aime certains isme aux HsÉ : émotivisme, surréalisme et fémonisme, entre autres…). Ce concept mériterait à lui seul un long développement dans la mesure où le monisme chez Spinoza renvoie à une absence d’opposition entre l’esprit et la matière qui ont pour origine un principe commun, Thérèse Plantier élabore une nouvelle approche du féminisme qui n’est pas sans faire penser à Russel pour qui l’apparition de la vie est une singularité non reproductible. Perspectives inouïes ouvertes par ce fémonisme…

Ensuite la longue place (une trentaine de pages) laissée aux notes de lecture dues à une dizaine de contributeurs qui abordent librement la production poétique du moment dans sa diversité : le lecteur y trouvera toujours quelque chose qui entraîne son adhésion ! J’ai particulièrement aimé l’article que César Birène a écrit à propos du dernier recueil de poèmes de Michel Houellebecq qui n’est plus que le chef de file de la littérature de gare… Un régal, un morceau d’anthologie d’intelligence et d’insolence ! Ainsi que l’article de Christophe Dauphin sur le Superman est arabe de Joumana Haddad…

On le voit, on a là une revue qui mérite d’être lue pour la place qu’elle occupe dans le paysage poétique du moment, à la condition d’en lire d’autres pour avoir une vision complète de la poésie telle qu’elle s’écrit aujourd’hui. Un reproche pour terminer : j’aurais aimé, pour mon confort de lecture, que le caractère italique soit systématiquement employé pour retranscrire les propos rapportés (citations, extraits de livres, d’articles ou autres…)"

Lucien Wasselin (in revue-texture.fr, vendredi 28 février 2014)

"Le n°36 des HSE fait la part belle aux femmes avec un dossier (80 p., de Christophe Dauphin et Marie-Christine Brière) consacré à Thérèse Plantier (je meurs sans avoir abdiqué): elle aura mené une vie de feu, pleine d'amour, d'amants, de désamours, de drames, de colères... Elle aura été l'amie de Simone de Beauvoir, de Violette Leduc. Elle aura écrit des poèmes d'un lyrisme âpre, d'une ironie mordante: viens mon sel ma farine - viens rincer la salade : et par ce geste t'égaler aux dieux - on va tâter de menues besognes des lessives des éclipses - des comètes des tempêtes - de la pipamonsieur - mets ta blouse transparente - nous pourrons même écrire avec - en guise d'encre - du café fort. Dans ce même numéro, Marie-Christine Brière: en plongée dans les attentes - à la table du café - les paroles contenues - disent le dehors des femmes - talons fins robes noires; Kristina Ehin (Estonie): Dans tout le jardin - la chanson de mes jambes blanches - L'âme est comme ces toiles d'araignée - dans tous les sens - tendue - entre deux pommiers doucins; Lydia Padellec: L'oiseau bat les cartes - du silence et des mots - trouveras-tu la clé - de ton poème. En plus, les sculptures de Virginia Tentindo, etc. Nombreuses lectures critiques. 280 pages !"

Christian Degoutte (in revue Verso n°156, mars 2014).




Lectures critiques :

Le numéro 51 débute par une triste nouvelle, « La disparition d’Elodia Turki, notre Femme sans Épaules et de cœur ». Nous avons déjà évoqué le talent et l’œuvre d’Elodia Turki dans La Lettre du Crocodile. Voici quelques mots extraits du bel hommage de l’équipe des HSE à Elodia : « L’œuvre d’Elodia est un inlassable chant d’amour aérien, dont certaines pièces n’auraient sans doute pas été renié par Hâfez, le grand maître de la poésie persane, lui-même. Langage épuré, image sensuelle et soigneusement ciselée, vocabulaire précis ; chez Elodia, l’amour côtoie le doute, la solitude, l’attente, l’absence et le questionnement de soi. »

Et quelques mots d’Elodia Turki qui démontrent son intuition de l’essence :

 

Le monde à travers moi se crée

Si je vis Tu existes

Et Tu meurs si je meurs

A l’intérieur de moi

un domaine effrayant

martèle mes secondes

 

J’ai recousu l’entaille

enfermé ce moteur et ma peur

et dans le lisse et la beauté

de mes masques

 

J’ai chanté !

 

Un sommaire foisonnant dont le dossier est consacré à Pierre Boujut qui fonda en 1946 et anima la revue La Tour du Feu, Revue internationale de création poétique, résolument optimiste opposé à l’existentialisme et à toute forme de nihilisme. « Si vous n’aimez pas la vie, n’en dégoûtez pas les autres. Si votre existence n’a pas de sens, ne généralisez pas. » dit Pierre Boujut, ou encore : « A contre destin, sois toi. » La revue est poétique et politique : « Tout impérialisme – capitalisme ou égalitaire – écrit-il, est abject et absurde. Il s’agit de recréer une mentalité de paix et d’arracher les peuples aux envoûtements guerriers que certains se plaisent encore à pratiquer. »

Pendant trois décennies, la revue va célébrer la vie, la créativité, la fraternité, l’amitié… Les poètes se rendent à Jarnac, où Pierre Boujut demeure, pour participer à ce mouvement humaniste et libertaire. Jusqu’à cent poètes, témoigne son fils, participent à ces rencontres.

Christophe Dauphin rappelle les « sacrements » de la revue : « 1/ Le sacrement du divorce, c’est-à-dire la désertion ; le droit de refuser ce que notre conscience réprouve. 2/ Le sacrement de la canonisation, le droit de dresser des statues aux amis et le devoir de le faire pendant qu’ils sont encore vivants. 3/ Le sacrement de l’illumination, c’est-à-dire de l’instant béni de la création qui met le poète en communion avec l’univers. Le quatrième sacrement aurait pu être le sacrement de la contradiction, tellement celle-ci (la contradiction) est au cœur des débats du groupe. »

Cette revue, conservée précieusement par ceux qui ont su se la procurer, fut marquante pour beaucoup. Pierre Boujut a lui-même publié une vingtaine de recueils de poésie. Voici un poème extrait de La vie sans recours (1958), véritable profession de foi.

 

Le baptême du poète

 

Il s’est jeté au feu avec nous

et maintenant il ne pourra plus

retourner chez les serpents

chez les glissants, chez les rampants

chez les fuyants entre deux eaux.

 

Il a la marque sur son front

il a la fièvre dans ces veines

et sur ses lèvres dévorantes

il a posé le pur charbon.

 

Quoi qu’il arrive à son navire

quoi qu’il décide en son sommeil

il est signé de notre amour

il est choisi pour un bonheur

qui s’élève à notre horizon

et le compas des solitudes

n’aura plus centre en son cœur.

 

Ô mes amis, plus haut que moi

formons l’essaim de vérité

et sans redouter les prophètes

écouter naître le passage

de l’arbre à l’hirondelle

de l’étoile au poème

et de la Tour de Feu au retour éternel.

 

« La poésie est un moyen de salut individuel et de transformation à la fois magique et révolutionnaire du monde, nous dit encore Christophe Dauphin. Qu’après avoir sauvé le poète, elle soit capable de sauver d’autres hommes, voilà pour Pierre Boujut le plus sûr critère de sa valeur. Pour lui, les poètes sont des prophètes, non pas des meneurs. »

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, avril 2021).

*

Tout d’abord signaler que ce numéro du premier semestre 2021 est dédié à une grande poétesse disparue en 2020 à qui il rend hommage, Elodia Turki, dont ces quelques mots introduisent le volume :

« Je n’accorde à rien ni à personne le droit de ressentir à ma place… »

« Quand le cœur devient l’unique occupant d’un corps et se pend au gibet de sa gorge, se fait lourd, outre veloutée et tiède qui menace de choir… alors la main spontanément se tend, s’arrondit pour recevoir, protéger, caresser, protéger, aimer. Et cette émotion suspendue, le temps d’un étonnement, comme un éclair domestiqué, abrite et habite, Hôte absolu, l’Autre, dans une reconnaissance éperdue. »

Elodia Turki, Inédits.

Ce volume, comme les autres, est une somme inouïe avec cette fois-ci pour thématique “La poésie et les assises du feu”. Dans son édito Christophe Dauphin évoque Pierre Chabert et La revue La tour de feu, “fédération de tempéraments, c’est à dire d’hommes-symboles”. Suivent les portraits de ces Porteurs de feu : Edmond Humeau évoqué par Paul Farellier et René de Obaldia par Christophe Dauphin. Une longue présentation, contextuelle autant que littéraire précède de long extraits des œuvres de ces deux poètes. Remarquable déjà.

“Une voix un œuvre” est une des rubriques habituelles de la revue. Elle nous présente Les univers imaginaires de Matei Visniec, puis place au dossier La poésie et les assises du feu. Pierre Boujut et la tour de feu, présenté par Christophe Dauphin, accompagné par un poème de Claude Roy. Un panorama aussi bien historique que didactique, et de nombreux poèmes sont là pour accompagner le propos.

Adrian Miatlev fait suite à Pierre Boujut. Dans un article “la mémoire, la poésie”, Christophe Dauphin évoque la vie et le “feu” qui a tracé le chemin du poème pour cet homme dont l’œuvre est révélée par ces pages riches et denses.

Les articles ainsi que le dossier proposé dans ce numéro sont ponctués par des poèmes d’auteurs qui s’inscrivent dans la rubrique “Ainsi furent les WAH 1, 2, puis 3, car ces plages poétiques ponctuent le volume. Des auteurs comme  Alain Breton, Odile Conseil, Paul Roddie, Michel Lamart, Béatrice Pailler, Claire Boitel, Alain Brissiaud, Anne Barbusse, et d’autres,  enrichissent cette somme à chaque fois impressionnante. 350 pages pour ce n° 51, où le lecteur peut découvrir des auteurs, mais aussi parcourir des étendues immenses de poésie, de mondes poétiques, de lieux où se sont écrites les pages de l’histoire d’une littérature dont Les Hommes sans épaules témoignent tant il est vrai que cette revue est le lieu d’une parole exégétique sans pour autant perturber la réception des œuvres qui sont présentées par les propos qui guident la lecture plutôt qu’ils n’en restreignent la réception.

Des notes de lecture ainsi qu’une rubrique “Infos/echos” et “Tribune” viennent clore cet impressionnant volume.

Carole MESROBIAN (in recousraupoeme.fr, 6 avril 2021).

*

« Comme n’importe quelle production humaine, la poésie a sa grande Histoire, son mainstream et ses ruisselets. Ces courants du 20èmesiècle c’est ce à quoi s’attachent de nombreux numéros de Les Hommes sans Épaules.

Ainsi dans ce n°51, Edmond Humeau (1907-1998), poète bouillant, fermement engagé : L’horrible exécution des deux anarchistes me serre la gorge… - … j’implore la force de regarder en face les corps des suppliciés et l’âme des bourreaux, mais à l’écriture angevine : La porte des morts baille – Bayez bouillez bêlez – La mort est à ma taille.

Ainsi le bouillant Pierre Boujut (1913-2011), présenté par Christophe Dauphin. L’unique vrai célèbre de Jarnac, le pacifiste mordicus. Le moteur acharné de La Tour de Feu (127 numéros d’une revue dont Christophe Dauphin dit qu’elle n’est pas jetable) avec affiché dans son bureau : « Ni dieu ni maître, mais Simone ». Pourfendeur des Barthes, des Prigent, « une bande d’abrutis en veston, professeurs de quelque chose, héritiers de quelque chose, directeurs de quelque chose… »

Une brève sélection de poèmes de Boujut suit (dont celui-ci dédié à Georges Cathalo) : J’ai toujours cherché le poème parfait – celui qui déclenche – le fait par le mot – celui qui suscite – le feu par le son – l’avalanche au cri – l’âme à la maison – Celui dont le poids est égal à soi – celui dont le bruit augmente le sens – qui appelle un homme – et réveille un dieu.

Dans ce même numéro, René de Obaldia, Adrian Miatlev -compagnon de La Tour de Feu, présenté par Christophe Dauphin) et des vivants : Béatrice Pailler, Odile Conseil, Alain Brissiaud, Claire Boitel, Anne Barbusse, Hervé Delabarre, Facinet Cissé, Elodia Turki, le roumain Matei Visniec… et de nombreuses lectures-critiques ».

Christian DEGOUTTE (in revue Verso n°186, septembre 2021).

*

De cette copieuse revue semestrielle de 350 pages dont il est impossible de rendre compte de toutes les facettes, je retiens le dossier préparé par Christophe Dauphin sur la revue devenue une référence pour les revuistes, La Tour de feu, au tirage allant de 1.000 à  3.000 exemplaires selon les numéros.Fondée en 1946 à Jarnac en Charente, loin des cénacles parisiens, par Pierre Boujut qui la dirigea pendant 35 ans, la revue fut le « bouilllon de cultures et d’idées » d’un groupe d’amis qui avaient une vision non-conformiste de la création poétique, dans l’indifférence aux questions esthétiques et linguistiques alors à la mode.

Elle eut d’emblée une dimension internationaliste « de cœur comme de pensée » et un engagement pacifiste. Outre Pierre Boujut, « poète et tonnelier », le dossier s’attarde sur quelques figures et compagnons de la revue : Edmond Humeau, Claude Roy et Adrian Miatlev.   

La revue rend aussi un hommage à Elodia Turki, membre active de sa rédaction et poète, décédée en 2020. Pour clore le numéro, Christophe Dauphin consacre une « tribune » salutaire à Samuel Paty, professeur de collège assassiné par un islamiste. Il retrace minutieusement la chronologie des faits, de la « campagne dénigrante » qui a attisé la haine sur les réseaux sociaux à l’horreur absolue, le meurtre par décapitation. Il inclut la tragédie de ce qui n’est pas un fait divers, dans la longue série d’assassinats et d’attentats trop vite oubliés, perpétrés par les islamistes dans une logique suprématiste.

S’interrogeant sur les conditions d’enseignement devenues aujourd’hui difficiles et sur l’absence de soutien dans un climat délétère de complaisance et de  lâcheté ambiante,  il reprend les propos tenus dans le journal Libération en 2006 par le poète franco-tunisien Abdelwahad Medded  (décédé en 2012) affirmant avec lucidité, arguments à l’appui, que « l’islamisme est un fascisme ». « Moins que jamais il faut se taire » : c’est ce précieux conseil d’Abdelwahad Medded que Christophe Dauphin a entrepris de suivre ici.  

Marie-Josée Christien (in revue "Spered Gouez / l'esprit sauvage" n°27, 2021).

 




2005 - À propos du numéro 19

    « L’arbre du monde est une femme : Joyce Mansour. Ah ! Fulgurante Joyce Mansour, on était depuis toujours amoureux d’elle et maintenant on la découvre belle en photo dans le n°19 des Hommes sans Épaules. Un dossier (biographique et historique) de 45 pages concocté par Marie-Laure Missir sur cette Egyptienne de feu. Dans ce même numéro un dossier sur Henri Falaise, et un plus bref sur Gérard Murail. »
    Christian Degoutte (Verso n°122, septembre 2005).




2014 - A propos du numéro 37

" Somptueux numéro 37 de la toujours excellente revue Les Hommes sans Epaules. Christophe Dauphin orchestre une passionnante rencontre avec Lawrence Ferlinghetti : « C’est bien malgré lui qu’il est entré dans l’histoire de la littérature étatsunienne, avec ses grands disparus : Kerouac, Burroughs, Ginsberg et Corso ; la liste pourrait être plus longue. Il vient d’avoir 95 ans, le 24 mars 2014, et depuis longtemps déjà Lawrence Ferlinghetti fait partie, avec ses amis de la Beat Generation, du patrimoine mondial de la poésie ». Il est vrai que je ne dois pas être la seule à penser que Ferlinghetti nous avait déjà… quittés. En tout cas, le vieil homme est un monument de vivacité, toujours libertaire et en insurrection. La poésie comme « révolte contre le silence », dit-il. Merveilleux. Cela se passe à San Francisco évidemment et Ferlinghetti n’est pas que poète, si j’ose cela, il est aussi l’éditeur de la Beat Generation, celui sans qui la Beat Generation sans aucun doute ne serait pas devenue la Beat Generation. On dira « et alors ? ». La lecture des récentes lettres de Ginsberg ou du Bouddha de Kerouac, deux livres récemment traduits et édités par Gallimard, porteront réponse simple à l’interrogation. Le bonhomme est cependant et avant tout poète : « Je te fais signe à travers les flammes. Le Pôle Nord a changé de place ». La charge métapoétique des poètes du « groupe » est toujours vivace et plus que jamais nécessaire. Les curieux de cette poésie des profondeurs, défendue en France et ailleurs (entre autres) par l’action poétique de Recours au Poème, liront ce dossier avec bonheur, ainsi que les livres de Ferlinghetti (certains titres actuellement disponibles chez Maelström).

Les Hommes sans Epaules 37 apportent par ailleurs un lot de très bonnes « surprises ». On y lira, entre autres, des poèmes de Lionel Ray, Mahmoud Darwich, Lyonel Trouillot, des textes surréalistes de René Crevel (dont un « sur l’anti poésie », forme de contre initiation qui n’est pas ici la moindre de nos préoccupations), Jehan van Langhenhoven (texte qui semble paraître simultanément chez Rafael de Surtis), les animateurs des HSE… Sans oublier l’intéressante rencontre avec Nanos Valaoritis. Tout cela forme un numéro d’une très grande cohérence, l’un des meilleurs de cette superbe revue peut-être. C’est dire. "

Sophie d'Alençon (in recoursaupoeme.fr, 17 avril 2014)

" Les Hommes sans Epaules, cette revue semestrielle méritait sans doute la place de revue-du-mois depuis longtemps. Elle est tellement dense et riche qu’il est difficile d’en rendre compte d’une façon exhaustive. Près de 300 pages, d’études, poèmes, chroniques, critiques, la livraison est pleine comme un œuf !

Pour commencer Annie Salager et Lionel Ray. Annie Salager et cette déclaration initiale : Je n’aime pas que l’on m’impose, avec des poèmes délicats, sensuels et intérieurs, où nature et esprit s’entremêlent sans cesse ; et Lionel Ray, (Robert Lhoro) qui creuse entre autres thèmes, celui de l’identité : Je suis un homme sans dimanche … je suis un homme sans toit… un homme sans miroir… sans refus… Dans un autre texte : je ne suis pas qui je suis… Dans un autre encore : …labyrinthe où passe et ne passe pas le voyageur immobile que je suis et que je ne suis pas… Et cette chute : Dans les miroirs où tout s’efface / Cette buée de notre souffle / et d’invisibles traces…

5 poètes pour suivre : Mahmoud Darwich, le célèbre poète palestinien disparu en 2008 ; le poète haïtien Lyonel Trouillot ; Julie Bataille, la fille de Georges Bataille, Cathy Garcia, l’animatrice de la revue Nouveaux délits, qui donne des extraits de son recueil Fugitive (dont je rendrai compte dans le n° 162 de Décharge) ; et  Tristan Cabral. - // Un peu d’histoire. En 1974, paraît aux éditions Plasma : Ouvrez le feu de Tristan Cabral, suicidé en 1972. Le livre était préfacé par Yann Houssin, son professeur de philosophie à Nîmes. Le recueil rencontre un gros succès. On apprend en 1977, que Yann Houssin et Tristan Cabral ne forment qu’une seule et même personne. A l’époque, dans la revue Le  Crayon noir, avec les membres de l’équipe, nous avions dénoncé le subterfuge. Dans un premier temps, Gérard Lemaire avait fustigé « l’emballage » du recueil : tout le côté « poète maudit » mis en avant, comme principal argument de vente, - sans savoir de quoi il retournait ! Dans un deuxième temps, une fois le faux suicide en voie d’être révélé, je m’en prenais, à mon tour, au procédé que je trouvais indigne. Il est clair que le recueil n’aurait pas eu le même écho si l’auteur n’avait pas pris de pseudonyme et créé semblable personnage, fin radicale comprise. Mal m’en a pris ! Tous ceux qui avaient tressé des couronnes au soi-disant pendu me sont tombés dessus ! Les plus virulents furent les critiques du Monde qui avaient rédigé les éloges les plus fournis. Cette imposture originelle m’a toujours tenu éloigné de ce poète très combatif et militant pour le reste, dont je ne conteste pas l’œuvre, mais qui symbolise pour moi la déception.// - 

Suit le gros morceau de cette livraison, une étude consacrée par Christophe Dauphin à « Georges Bataille et l’expérience de la limite ». Cette pratique de l’excès passe par le sacrifice d’un côté et de l’autre l’érotisme, « ce sacré indépendamment de la religion ». « Le détour par le péché est essentiel à l’épanouissement de l’érotisme », pour reprendre deux phrases du dossier. La vie de l’auteur de La part maudite est ensuite retracée en détails de 1897 à 1962 entre Billom et Vézelay.

Autre gros morceau : rencontre avec Lawrence Ferlinghetti, le fameux libraire de « The City Lights  Books » de San Francisco, dont le nom fait aussitôt penser à la Beat generation des Kerouac, Ginsberg, Burroughs etc qui a inspiré hippies et beatnicks… Âgé de 95 ans, Ferlinghetti, qui a publié tous les textes majeurs de ce mouvement dont le Howl d’Allen Ginsberg, est toujours en pleine forme et donne une sacrée leçon de punch à quiconque. Troisième personnalité, le poète grec Nanos Valaoritis, né en 1921, le premier à avoir traduit en anglais Séféris et Elytis (en 1947). Il va voyager à Paris, aux Etats-Unis, avant de revenir à Athènes. Extrait de son poème Préavis, comme une suite d’aphorismes, ce dernier comme clausule : chaque rocher est un côté de la question. Pour suivre Gabrielle Wittkop, disparue en 2002, avec une étude très intéressante sur cette disciple du divin marquis, dont la thématique d’écriture balance entre Eros et Thanatos. Son œuvre témoigne d’une transgression encore sulfureuse aujourd’hui. Des reprises d’articles de René Crevel, et le surréalisme raconté à la manière de Jehan Van Langhenhoven. Enfin la chronique d’Eric Sénécal « La nappe s’abîme » où il met en perspective ce qui s’est passé récemment en poésie et ce qui se passe aujourd’hui : le charabia a remplacé l’intuition, la provocation, le goût du risque. Et encore, je ne cite pas les sept noms des critiques qui tiennent les notes de lecture… Les HSE, c’est une véritable source de multiples découvertes ou approfondissements tous les six mois ! "

Jacques MORIN (in dechargelarevue.com, mai 2014).

" Comme les précédentes, cette nouvelle livraison des Hommes sans Epaules est toujours aussi copieuse et rassasiante. De prime abord, on pourrait affirmer que cette revue se place dans le sillage de la comète surréaliste mais pas seulement car la variété et la diversité des écrits retenus ouvrent de nouveaux espaces. Deux poètes contemporains sont ici mis à l’honneur ; il s’agit d’Annie Salager et de Lionel Ray. Ils sont présentés tous deux par l’infatigable Paul Farellier avec de significatifs extraits de leurs œuvres accompagnés de quelques inédits. Très passionnantes ensuite sont les rencontres et interviews de personnages hors du commun tels l’Américain Lawrence Ferlinghetti et le Grec Nanos Valoritis. On lira aussi une très longue étude sur l’œuvre de Georges Bataille, étude suivie de quelques textes rares de cet auteur. En fin de numéro, les abondantes informations et notes de lectures de sept chroniqueurs apportent de belles ouvertures sur des ouvrages intéressants. La quasi-totalité de ce numéro repose sur les épaules, très solides et bien réelles, de Christophe Dauphin, cheville ouvrière de l’agencement des rubriques et responsable de nombreux écrits. On ne saurait trop louer son dynamisme et sa remarquable connaissance de la poésie vivante. "

Georges CATHALO (in revue-texture.fr, mai 2014).

" Georges Bataille dans Les Hommes sans Epaules...

Dans un sommaire une nouvelle fois magnifique, peuplé de poètes superbes, Mahmoud Darwich, Lyonel Trouillot, Tristan Cabral, Julie Bataille, Cathy Garcia Annie Salager, Lionel Ray, Lawrence Ferlinghetti, Nanos Valaoritis… le dossier, réalisé par César Birène et Christophe Dauphin, est consacré à « Georges Bataille, et l’expérience des limites ».

Dans son éditorial, Christophe Dauphin donne un extrait d’une lettre envoyée en 1953 aux HSE par Bataille : « … j’écrivais, comme je pouvais, dans le car qui me menait à Avignon, que l’érotisme signifiait pour moi ce retour à l’unité, que la religion opère à froid, mais la mêlée des corps dans la fièvre. Je ne sais si ma philosophie prendra place dans l’histoire de la pensée, mais si les choses arrivent ainsi, je tiendrai à ce qu’il soit dit qu’elle tient à la substitution de ce qui émerveille dans l’érotisme (ou le risible ou VISIBLE) à ce qui s’aplatit dans le mouvement rigoureux de la pensée. »

L’œuvre de Georges Bataille (1897-1962) est bien davantage qu’une œuvre à dominante érotique. L’érotisme est ici une quête, une pratique de la non-séparation qui illumine la totalité de l’expérience humaine. C’est le portrait d’un homme complexe, intransigeant avec l’expérience dont il cherche à extraire l’essence, qui nous est proposé. Christophe Dauphin et César Birène éclairent la place occupée par Georges Bataille dans la pensée du XXe siècle et les nombreuses avenues, rues ou parfois ruelles obscures qui y conduisent.

L’homme est élégant, par le corps certes, mais surtout par la pensée et l’écriture, une élégance qui d’emblée écarte ce qui pourrait nuire à la perception brute, parfois brutale, de ce qui est en jeu ici et maintenant dans une rencontre chargée d’impossibles trop présents, de refoulés et de non-dits. La recherche centrale de Georges Bataille à travers tous les thèmes abordés dans son œuvre, de l’érotisme à la guerre, est, nous disent César Birène et Christophe Dauphin, « l’homme ; l’homme dans son rapport au mal et dans son rapport au sacré ; l’érotisme et la mort, qui ont ceci de commun, qu’ils impliquent des états affectifs (angoisse ou extase) d’une grande violence. ».

Bataille veut penser « l’hétérogène », « tout ce qui est rebuté, réduit à rien, honni, vilipendé, ce qui dégoûte, ce qui répugne », un hétérogène qu’il sacralise et oppose à l’utile, l’efficace. On voit la dimension politique considérable de cette approche.

Il y a en permanence chez Georges Bataille une recherche d’axialité, une pensée verticale. Chez Georges Bataille, ce qui évoque un autre grand penseur, Nikos Kazantzaki, l’homme est étiré, parfois déchiré, brûlé parfois, entre un mouvement ascendant vers le divin, l’amour, et un mouvement descendant vers la souillure et la mort. Dans ce contexte de tension extrême, « l’érotisme est le nom même de l’expérience que l’homme peut faire du sacré indépendamment de la religion, la forme emblématique de l’expérience commune de l’excès ».

César Birène et Christophe Dauphin notent qu’il serait vain de classifier Georges Bataille comme de catégoriser son œuvre qui brouille les frontières et les limites pour mieux prendre l’expérience humaine comme une totalité, un continuum qui ne laisse rien de côté.

De 1937 à 1939, avec Roger Caillois et Michel Leiris, il fonde et anime le Collège de sociologie qui va étudier les manifestations du sacré dans l’existence sociale. Georges Bataille oppose la transgression, l’interdit, la gratuité, à l’utilité, la production, l’économie. Le fruit défendu se fait délice. Surtout, il libère de représentations étouffantes. Il y a quelque chose du renversement permanent chez Bataille, un renversement qui se nourrit de l’autonomie. La transgression a besoin de l’interdit pour que l’excessif soit libérateur.

Georges Bataille, parce qu’il saisit les mécanismes profonds de la violence, sera d’une grande lucidité sur les dérives fascistes. César Birène et Christophe Dauphin rappelle qu’« il montre notamment comment les fascismes parviennent à subjuguer des éléments épars et hétérogènes quand les démocraties, anesthésiées par la fable de leur développement serein, croient pouvoir les négliger ». Une observation très actuelle.

Il fondera dans les années 30 le mouvement Contre-attaque pour s’opposer à la montée du fascisme et analysera avec une grande pertinence, dans la revue de son autre mouvement éphémère, Acéphale, la récupération de Nietzsche orchestrée par le fascisme. « Bataille attaque violemment Elisabeth Foerster, la sœur (nazie) du philosophe (l’appelant Elisabeth Judas-Foerster). Il y rappelle une déclaration de Nietzsche (écrite en capitales) : « Ne fréquenter personne qui soit impliqué dans cette fumisterie effrontée des races ».

César Birène et Christophe Dauphin rendent compte de la vie agitée et florissante, en clair-obscur, de Georges Bataille, ses relations complexes avec André Breton et le surréalisme, ses alliances et ses ruptures et de la permanence de sa recherche car, à travers la multiplicité des écrits, des créations, des manifestations, des expériences, des excès, des inattendus, des rages aussi, la cohérence demeure dans le pressentiment d’une révolution de l’esprit qui restaure l’unité de l’être.

Ce dossier, hommage à Georges Bataille, est bienvenu dans un temps de crispation qui voit la pensée se rétrécir. La transgression, libre de toute utilité et de toute marchandisation, est tout autant nécessaire aujourd’hui que dans les années qui précédèrent l’avènement du nazisme. Les années 30 ont manqué de transgression comme nous en manquons aujourd’hui. Le message de Georges Bataille n’est pas contextué, il traverse les contextes comme les temps. Il n’est pas éternel, il est d’aujourd’hui."

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, mai 2014).

"La revue paraît deux fois par an et offre au lecteur  beaucoup de découvertes et d’études fouillées. Le dossier principal de ce n° 37, copieux et bien documenté,  est consacré à Georges Bataille, « aîné tutélaire » des HSE dès 1953, romancier et penseur à l’œuvre monumentale parmi les plus marquants du XXè siècle, mais qui n’eut pas la reconnaissance méritée de son vivant. César Birène et Christophe Dauphin  en donnent une juste approche et mettent en évidence « son expérience limite » de la transgression et de l’excès, sa pensée riche et complexe, son lien avec le surréalisme. A lire dans l’abondant sommaire des textes de Mahmoud Darwich, Tristan Cabral, Julie Bataille, un choix de texte de René Crevel à (re)découvrir. Paul Farellier présente Annie Salager et Lionel Ray. La chronique d’Eric Sénécal revient pour une toujours aussi savoureuse et  jubilatoire lecture. "

Marie-Josée CHRISTIEN ("Revues d'ici" in revue Spered Gouez n°20, octobre 2014).


"De nombreux articles ont, ces dernières années, souligné l’avenir incertain des revues littéraires : perte de lectorat, frais postaux devenus exorbitants, tendance de l’époque au repliement sur soi, concurrence du web, etc. La plus emblématique des revues littéraires françaises, la nrf (fondée en 1909), de mensuelle est devenue trimestrielle depuis son centenaire qui l’a quasiment tuée. Or les revues sont indispensables à la vie littéraire. Ces communautés vivantes (à propos de la nrf de Gide et de Paulhan, Auguste Anglès parle d’un « vrai collectivisme des esprits et des cœurs ») ont des rôles multiples : adoubement des jeunes écrivains, émergence de nouveaux talents, réévaluation de certains auteurs et, bien évidemment, publication de textes inédits divers dont le débouché n’est pas forcément le livre. Les revues ne vont pas mourir ; elles vont muer, abandonner la forme papier trop chère et trop encombrante pour des formes dématérialisées immédiatement accessibles. Voici une revue qui persiste dans son être de papier.

Créée à Avignon en 1953 par Jean Breton, la revue Les Hommes sans Épaules emprunte son curieux titre à un roman préhistorique de Rosny aîné, Le Félin géant, où l’on peut lire : les épaules de Zoûhr « retombaient si fort que les bras sembaient jaillir directement du torse : c’est ainsi que furent les Wah, les Hommes-sans-Épaules, depuis les origines jusqu’à leur anéantissement par les Nains-Rouges. Il avait une intelligence lente mais plus subtile que celles des Oulhamr. Elle devait périr avec lui et ne renaître, dans d’autres hommes, qu’après des millénaires. »

Le n°37 de la nouvelle série (la troisième) de ces « cahiers littéraires », dirigés désormais par Christophe Dauphin, propose un dossier consacré à Georges Bataille, « l’une des figures marquantes de la littérature du XXème siècle ». Il y a des raisons historiques, objectives, à cela : « Georges Bataille fut un aîné tutélaire et des plus attentifs des Hommes sans Épaules dès les débuts de la revue. » Lorsqu’il était bibliothécaire à Carpentras (1949-1951), Bataille se lia d’amitié avec Yves Breton (le père de Jean), notaire dans la cité papale.

Le dossier Bataille se compose d’une « introduction à l’expérience des limites » (Christophe Dauphin), d’une longue présentation de la vie et de l’œuvre de Bataille (« Georges Bataille et l’expérience des limites » de César Birène et Christophe Dauphin) et de textes de l’auteur célébré.

Face à l’œuvre « quasi mythique, monumentale » de Bataille, « dont on ne ressort pas indemne », ce dossier avoue sa modestie : « parlons d’approche, d’initiation ou d’introduction ». Bataille intimide car son projet est « le plus grand qui soit : mettre l’homme face à ce qu’il est, sans lui donner le recours à quelque faux-fuyant que ce soit. » Après une introduction resserrée sur les notions batailliennes d’hétérogène, de sacrifice, d’érotisme, de transgression, montrant l’effort constant de Bataille de « ne rien laisser en dehors de la pensée, et donc d’y faire entrer ce qui la perturbe, l’interrompt ou la révulse », l’étude de César Birène et Christophe Dauphin s’oriente vers une présentation chronologique de la vie et de l’œuvre de l’auteur de L’Érotisme. Fait rare : les deux présentateurs considèrent La Part maudite, ouvrage négligé voire décrié, comme un « livre d’une grande importance », qui « occupe une place centrale dans l’œuvre de Georges Bataille » et ils disent pourquoi. Modeste, cette présentation toujours claire occupe tout de même trente-deux pages de la revue.

Elle s’accompagne de trois poèmes extraits de L’Archangélique (1944) et de « La publication d’Un Cadavre », texte de 1951 que Bataille écrivit à la demande d’Yves Breton. Plus de vingt ans après la publication de ce pamphlet collectif contre André Breton, Bataille  - qui en avait été la cheville ouvrière - revient sur le contexte et les conditions de sa mise en œuvre. Et il lâche cet aveu : « je hais ce pamphlet comme je hais les parties polémiques du Second Manifeste » du Surréalisme. En 51, il a fait la paix avec André et le dit à Yves (les deux Breton n’ont aucun lien de parenté entre eux). "

Christian LIMOUSIN (in lesrendezvousdulire-ecrire.blogspot.fr, 23 novembre 2014).

" Si ce numéro des HSE a le parfum de l'ailleurs, cet ailleurs n'est pas celui des jolis voyages: c'est Haïti sous la plume de Lyonel Trouillot, c'est la palestine dite par Mahmoud Darwich. et c'est le fumet puissant de Georges Bataille. D'ailleurs une large part de ce n°37 est sous la figure tutélaire de Bataille: qu'il s'agisse directement de lui, de son oeuvre (étude fouillée de César Birène et de Christophe Dauphin), de ses quelques textes reproduits ( dont, "Un Cadavre"), qu'il s'agisse des poèmes de Julie Bataille (sa fille): "mes yeux aspirent à la beauté de la famme arrachée", ou qu'il soit question de l'oeuvre brûlante de Gabrielle Wittkop (présentation de César Birène et de Gérard Paris): "il va fallait alors voir la Sainte-Vierge couchée sur le flanc, les yeux clos, la bouche entrouverte comme celle d'une morte, avec des filets de salive et de sang coulant sur l'oreiller, le sang lui jaillissait aussi du cul et du con : elle était bien blessée..." Plus paisibles et avec un bon nombre de pages : Lionel Ray: "Ces pauvres choses qui nous étaient / si proches...", Annie Salager : "Où j'aime tomber / mais dans / l'odeur des roses..." La   wrence Ferlinghetti: "Poètes, sortez de vos placards...", le grec Nanos Valaoritis: "Chaque rocher est un côté de la question..." Je ne peux pas tout dire. chroniques, lectures poétiques."

Christian DEGOUTTE (in Verso n° 158, septembre 2014).




Page : <>