Ahmad SHAMLOU

Ahmad SHAMLOU



Ahmad Shamlou est né à Téhéran, en 1925, année où Reza Pahlavi est proclamé chah de Perse. Son père est officier dans l’armée. La famille déménage souvent à travers l’Iran. Ahmad Chamlou achève ses études en 1943, à Téhéran et débute une carrière de journaliste, jalonnée par une œuvre poétique dont le prestige ira en grandissant. Lors de la Révolution islamique, en 1979, Ahmad Chamlou est responsable de la revue Jom'éh (vendredi), au sein de laquelle il s’est taillé une solide réputation, en publiant des poèmes politiques, qui sont autant de cris contre la pauvreté et l'injustice. Après la Révolution, Chamlou, qui fut un opposant virulent au régime autocratique et dictatorial de Mohammad Reza Shah Pahlavi, le demeure face à l’autocratie religieuse. Victime de menaces et de tentatives d’assassinats, Chamlou est un poète que l’on craint. Sa poésie est jugée à la mesure d'Hafez et Omar Khayyam. Sa popularité est immense et ses jugements sont lapidaires. Les poètes iraniens ? « Ce qu'ils font, ce n'est absolument pas de la poésie. » Les écrivains qui lui font allégeance ? « Pour montrer qu'ils sont contre le gouvernement, ils viennent me voir et demandent à publier quelque chose de moi. » Le poète travaille sur deux fronts : Le Livre de la rue et la poésie. Le premier est son grand œuvre: rassembler tout ce que la rue apporte au langage, l'argot, les proverbes, les devinettes, les berceuses, les mots des voyageurs, pour en faire un dictionnaire. Il y a en effet deux langages en Iran, le kitabi (le persan des livres) et le mardomi (celui du peuple). À deux reprises, son travail est anéanti. La première fois, par la police du Shah ; la deuxième fois, par une ancienne épouse. De sa poésie, Chamlou regrette qu’on ne retienne que l’engagement politique : « La politique et la poésie n'ont rien à faire ensemble. Le poète est forcément poussé vers la politique, comme quelqu'un qui est attaqué et prend tout ce qu'il trouve sous la main pour se défendre. Mais un poème conçu pour la guerre, ce n'est rien. C'est comme un cendrier lancé à la tête de votre ennemi. Il se casse. » La création, pour Chamlou, émerge du Merveilleux. À Karadj, dans les dernières années de sa vie, Chamlou vit enfermé dans un exil intérieur. Il a beaucoup traduit : Lorca, Maïakovski, Reverdy... Même avec les plus grands poètes, il a souvent la dent dure. Éluard ? « Sa poésie a mal vieilli. » Neruda ? « Il est resté un péquenot. » Prévert ? « On voit qu'il a vécu sa poésie. J'ai beaucoup aimé le traduire. » Chamlou fut pressenti pour le prix Nobel de littérature. il décède le 24 juillet 2000, à l'âge de soixante-quinze ans. Ahmad Chamlou, qui souffrait d'un cancer et du diabète, était hospitalisé depuis plusieurs semaines. Respecté par les intellectuels laïcs, Ahmad Chamlou a ouvert la littérature iranienne contemporaine à la contestation politique. Ses obsèques, comme chaque anniversaire de sa mort, font l’objet de rassemblements implorants, mais interdits par la police iranienne. À Téhéran, ses livres de poèmes (dont aucun n’a été traduit à ce jour en français) occupent des rayons entiers dans les librairies.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Épaules).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : LES POETES DANS LA GUERRE n° 15