Bob KAUFMAN
Bob Kaufman est né à la Nouvelle-Orléansle 18 avril 1925, d’un père juif et d’une mère noire. Il navigue très tôt à bord des cargos de la marine marchande américaine. En 1957, il rencontre à Los Angeles, Jack Kerouac et Allen Ginsberg.
À San Francisco, Ferlinghetti le reconnaît immédiatement et le publie. Kaufman est un des poètes les plus purs de la Beat Generation (aussi un des plus retranchés). Chez Kaufman le merveilleux a parfois des exigences agressives. Poète négro-américain bien décidé à ne pas céder devant l’ombre du dollar, collant à la vie debout devant les aînés aux noirs chapeaux. Son livre Solitudes, contient une partie des poèmes écrits depuis dix ans.
Dix années terribles d’Est en Ouest où le poète est traqué, nié, dénié et surnié : traqué par la vieille bête, l’ordre jaune, la mort-ocarina et la police exotique. Un « errant » emprisonné, interné administrativement. Un « errant » que la drogue a rendu à l’Enfer de ce monde. Bob Kaufman vit à San Francisco, à la dérive, entre ce qui se voit et ce qui ne se voit pas ; il vit dans les migraines de North Beach parmi les bien-portants. L’esprit secret chuchote-t-il comme la chair piégée hurle dans ces « ouvertures », Kaufman articule et met en lumière des hommes et des femmes électrifiés qui doivent apparaître et disparaître. Le langage du poète se noie dans l’apparition « sauvage » d’un puzzle de griffes et d’algues : c’est peut-être la raison qui nous pousse plus à raconter qu’à traduire. Les épluchures de la vieille écriture auront pour une fois les faveurs des bruits sourds et des odeurs lourdes. Sur la neige importée du Kilimandjaro de vieux dentiers brillent… des corps raidis par le froid sont arrosés d’essence H, la ville sur-branlée tombe aux mains des anges de l’enfer, les forces de l’ordre sont désarmées par Les éléments d’opacité… Terreur Amphétamine --- Assaut Total --- Bob Kaufman mordu par la seringue du Paralytique Ondoyant attaque les vieilles peaux d’une société-aviron-monnaie mesquine, ici comme ailleurs l’Organisme Compétent traque ses inadaptés, les flics pourchassent les retranchés, les pharmaciens chauves attaquent par en dessous, propagent le virus, les militaires utilisent les hallucinogènes et filent l’Ange aux ailes plombées par la peur… Et il y a l’autre mesure, noir sur blanc --- le pourcentage d’intolérable vacillant dans les maigreurs de la nuit des Cités Entonnoirs --- : évaluez-le comme vous pourrez ce pourcentage sporadique soporifique, évaluez-le entre ça et « ça »… Bob Kaufman s’en fout maintenant, il marche marche, n’entend plus rien ; ils l’ont dessoudé… il avance et titube avec ses douleurs, flotté sur l’écume des verdicts sociaux, brûlé par la terreur policière ; maintenant écoutez…
Claude PÉLIEU
(Revue Les Hommes sans Epaules).
Considéré comme l’égal des plus grands poètes du mouvement beat, Bob Kaufman tombe dans l’oubli au début des années 70 et décède à San Francisco le 12 janvier 1986.
À lire (en français) : Solitudes, poèmes traduits par Claude Pélieu et Mary Beach, (Christian Bourgois, 1966), Sardine dorée, poèmes traduits par Claude Pélieu et Mary Beach, (Christian Bourgois, 1967), Poèmes et textes inédits, poèmes traduits par Claude Pélieu et Mary Beach, (in Les Cahiers de l’Herne : William Burroughs, Claude Pélieu, Bob Kaufman, 1967).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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Dossier : Claude PELIEU & la Beat generation n° 42 |