Les Hommes sans Épaules
Dossier : Claude PELIEU & la Beat generation
Numéro 42
324 pages
29/08/2016
17.00 €
Sommaire du numéro
Editorial: "Le poète n'admet pas qu'on fonde une religion sur ses vertèbres ou sur son cerveau", par Christophe DAUPHIN
Le portrait des HSE: "Portrait du poète, à l'écharpe rouge: Pour Yves Bonnefoy" par Christophe DAUPHIN, avec des textes de Yves BONNEFOY
Les Porteurs de Feu : Hans Magnus ENZENSBERGER, par Karel HADEK, Cees NOOTEBOOM, par César BIRÈNE, Poèmes de Hans Magnus ENZENSBERGER, Cees NOOTEBOOM
Ainsi furent les Wah 1 : Poèmes de Lawrence FERLINGHETTI, Gregory CORSO, Bob KAUFMAN, Vim KARENINE, Gérard CLERY, Odile COHEN-ABBAS, Alain BRISSIAUD
Dossier : Claude PELIEU & la Beat generation, par Pierre JORIS, Alain BRISSIAUD, Poèmes de Claude PELIEU, Jack KEROUAC, Julian BECK, Allen GINSBERG, Carl SOLOMON, Pierre JORIS, Bruno SOURDIN, Ed SANDERS
La mémoire, la poésie : Allen GINSBERG le poète-Amérique, par Claude PELIEU, Christophe DAUPHIN, avec des textes de Allen GINSBERG
Ainsi furent les Wah 2 : Poèmes de Jacqueline LALANDE, Yves BOUTROUE, Frédéric TISON, Serge NUNEZ TOLIN, Martine CALLU, Patrick BEAUCAMPS, Samaël STEINER
Une voix, une oeuvre : Colette KLEIN, par Gérard CLERY, Poèmes de Colette KLEIN
Dans les cheveux d'Aoûn (prose) : Roger VAILLAND, l'infréquentable par Jehan VAN LANGHENHOVEN
Les Entretiens des HSE : "A propos de Pierre PINONCELLI", par Virgile NOVARINA, Marie-France DUBROMEL, avec des textes de Pierre PINONCELLI
Les pages des Hommes sans Epaules : Poèmes de Guy CHAMBELLAND, Elodia TURKI, Paul FARELLIER, Alain BRETON, Christophe DAUPHIN
Avec la moelle des arbres, notes de lecture de : Odile COHEN-ABBAS, Jean-Louis BERNARD, Jean CHATARD, Christophe DAUPHIN, Paul FARELLIER, avec des textes de Paul SANDA, Marc PATIN, Jean-Marie GILORY, Jeanine SALESSE, Georges-Emmanuel CLANCIER, Jaan KAPLINSKI, Federico GARCIA LORCA, Gérard PARIS, Paul PUGNAUD
Infos/Echos des HSE : par Claude ARGÈS, avec des textes de Lionel LATHUILLE, Ashraf FAYAD, Virginia TENTINDO, Armand GAUSSET, Marc PATIN, Imre KERTESZ, Frédéric TISON, Alain BRISSIAUD, Christophe de PONFILLY, Jean-Michel ROBERT, Jean-Dominique REY, Elie-Charles FLAMAND
Présentation
Ce numéro des HSE est foisonnant comme ses prédécesseurs. Nous accueillons, mais pas seulement, les poètes de la Beat generation. Au premier chef, Claude Pélieu, poète et plasticien né en 1934 non loin du siège des HSE, dans le Val d’Oise, avant de s’envoler vers les États-Unis en 1963 avec sa femme Mary Beach, où ils adhérèrent de suite à la Beat generation. Nous leur devons les premières traductions françaises d’écrivains et poètes beats, qui seront publiées chez Christian Bourgois. Claude Pélieu est certes le seul poète beat d’expression française, mais il est surtout l’auteur d’une œuvre poétique abondante et atypique. Ses amis Pierre Joris et Alain Brissiaud le démontrent. À Claude Pélieu, se joignent d’autres poètes de la Beat generation et de ses alentours dont Gregory Corso, Bob Kaufman ou nos amis Lawrence Ferlinghetti, toujours très actif, et bien sûr Allen Ginsberg, qui a rêvé de rendre l’Amérique à la vie, et que la poésie soit partout vécue. En cela comme sur d’autres points, les beats nous sont proches. Hier comme aujourd’hui, le monde a besoin de gens comme les beats, révoltés éblouis et pacifiques, clochards célestes, poètes hallucinés, étrangers au formatage généralisé de la société cybernétique. Davantage qu’une pratique d’un mode d’écriture ou d’un langage novateur, la Beat generation est un mode de vie contestataire, une révolte qui en appelle à la recherche d’autres espaces mentaux et géographiques, d’autres expériences où s’effaceraient les frontières (entre les gens comme entre les arts), la misère initiale, l’image d’une Amérique repliée sur elle-même. Les artistes de la Beat generation aspirent à devenir, selon la formule de Ginsberg : « des vagabonds de la nuit, intelligents et melvilléens »…
Christophe DAUPHIN
(Revue Les Hommes sans Épaules).
Le cut-up est la meilleure chose qui n’est pas, mais qui aurait dû, arriver à la langue française. Pélieu s’y est mis, a essayé, y a travaillé, a réussi ou a faillit réussir couper là où le surréalisme n’a jamais oser aller, c.à.d. couper la phrase, la syntaxe, désyntaxiser, désarticuler, éjointer. Pélieu a compris qu’il fallait couper (« Cut-up Or Shut Up » disait l’ami allemand Carl Weissner) la phrase française. Céline — dont Claude était grand lecteur, évidemment — l’avait fait à sa manière avec ses trois boules, permettant un retour à une oralité de la langue que le français avait perdu depuis belle lurette (tiens, disons-le, depuis Rabelais), une belle oralité qui sauvegarde le phrasé — plus souvent staccato que legato — dans une syntaxe qui bien qu’abrégée, reste pourtant assez classique, donnant la fameuse “petite musique” célinéenne. Pélieu est allé plus loin que Céline même dans cette direction, aidé par les grandes musiques américaines de l’époque, de John Coltrane à Jimmy Hendrix, d’Ornette à Janis. C’est bien cela que les plus radicaux des jeunes poètes français des années 70 ont compris. C’est les électriques, Michel Bulteau et Matthieu Messagier qui ont porté à l’extrême le travail de Pélieu à partir du cut-up et foold-in Burroughsien. Il est essentiel de ne pas limiter Pélieu aux très beaux et séduisants, aux éblouissants poèmes des 10/18 inédits des années 70 comme Jukeboxes ou Tatouages mentholés et cartouches d’Aube. Ces derniers sont les hameçons aux appâts alléchants avec lesquels Claude ferre les lecteurs pour les ramener à l’immense et décapante écriture folle de CE QUE DIT la bouche d’ombre dans le bronze-étoile d’une tête, du Journal blanc du hasard, d’Embruns d’exil traduits du silence et autres livres ni-poème, ni-prose, ni-essais mais qui sont le plus simplement et le plus complexement du monde de l’écriture, « writing writing » comme aurait dit Gertrude Stein.
J’insiste: l’écriture de Claude Pélieu reste à découvrir au-delà d’une romantique association avec les poètes & écrivains beats (et cela malgré les magnifiques traductions de Claude et de Mary), association qui limite la portée de son travail. Nous espérons que ce dossier (concept qui aurait fait rigoler Claude) va aider à ouvrir les yeux et les oreilles de nouveaux lecteurs et à nous guérir de ce que Benoît Delaune a appelé « un écoeurement devant le silence assourdissant des … dernières années qui entoure l'une des œuvres poétiques les plus originales et séduisantes de la fin du XXe siècle. » Pendant quarante ans Claude Pélieu aura travaillé sans relâche et avec un imparable humour infra-noir et ultra-violet à désosser les calamités du siècle finissant. Let’s cut to Claude par un segue Jukeboxes où il se définit :
je suis la vague de désillusions qui gronde
je suis ce cadavre rebaptisé par le Zombie en soutane
je suis encore chaud & je ressemble aux vivants comme 2 gouttes d'eau
je suis Beau Sourire Chambre d’Écho
je suis l’Errant j'erre de galaxie en galaxie et je traîne ma carcasse puante comme un fiacre de poussière
je suis les mâchoires féroces d'une écriture qui enraye le désastre
je suis près de la Zone Noire Oxydée
je suis les racines rouges du ciel
Pierre JORIS
(Revue Les Hommes sans Épaules).
NOUVELLE DÉCLARATION
D’INDÉPENDANCE
Le Soleil Noir ouvre le ciel & lave le jeu d’échecs de la haute mer.
Le Soleil Noir n’a pas dit son dernier mot. & les crocs microscopiques de la vie empaillés entre les ouïs de la Roue Tibétaine écrivent l’histoire – Un voyage à travers les entrailles d’une syntaxe personnelle, les thèmes se développant, divaguant d’un pôle à l’autre, avec tous les soleils, errant encore une fois, illuminant ce que la poésie voulait qu’ils soient – Mots-virus & images-gadgets n’ont pas abandonné les frappes & les garçons de courses. Ils célèbrent encore une fois les déflagrations de la Mort & les gestes des nuages n’ont pas encore visité les ghettos – Dans l’avion explosion d’images. Sur l’écran frémissement du temps. Images guerrières d’un bout à l’autre du monde – L’absence fortifie le sang. L’exil est l’antidote de l’habitude. Mais les chiens casqués & bottés ont tué l’idée même du désir – Dans les puits de la Fenêtre Rose l’air du silence en fête, puis une odeur d’hôpital envahit l’insomnie de la TV Tuberculeuse – Le Catalogue du Vent flambe – Les bibliothèques sont incendiés _ N’ayons plus que le strict nécessaire. L’écume des chiffres me fait dégueuler. Les yeux naufragés n’ont plus de secrets – Le rétroviseur s’incline é l’écriture blanche du silence dévale ces pentes verdoyantes & rousses. Nos îles tanguent. La majorité silencieuse fignole sa laideur – Les herbes magiques n’ont jamais menacé les fleurs. Mais les vies antérieures se décalquent sur les vies futures. Près du Fleuve la flambée rauque & blanche des foules en armes. Les masques rugissent puis tombent. Poussière. Brouillard. Mort – Le Chant Silencieux des Sierras fut tissé par les cris des indiens. (ô langues de pierre pourpres égorgeuses de sexes)- Un rêve gris-bleu étreint le poste de pilotage. L’orgue électrique ignore la douleur & la peau du vent dévore pulpes & entrailles. Les chiffres bâillent & gémissent au-dessus des Océans. Le paysage respire dans le labyrinthe de ce monde, prisonnier de l’ombre, froide & malade – L’ombre rassemble ses petits. Les phoques jouent sur les grands rochers plats. Les mouettes et les courlis volent au ras de l’eau. Les sandpipers trépignent sur le sable. Le vent s’engouffre dans le canyon – Joe Army & Supersquare s’étreignent. Ils ont bu le même jus de haine. Mais les grandes ombres ouvrent le feu dans ces marges. Et les arbres pleurent, les rocs hurlent, le sable saigne. C’EST ICI À PERTE DE VUE QUE BRÛLE L’ESPRIT.
Claude PÉLIEU
(Revue Les Hommes sans Épaules).
Revue de presse
2016 - A propos du numéro 42 :"Le dossier central de la livraison des HSE 42 (forte de plus de 320 pages) est consacré à Claude Pélieu, par Pierre Joris et Alain Brissiaud.
Claude Pélieu est né en 1934 en France. Trois ans en Algérie dans les Bat d’Af. Part en 1963, avec Mary Beach, aux Etats-Unis où il résidera, malgré quelques retours en France (en 1968 à Paris, et en 92-93 à Caen), jusqu’à sa mort en 2002. Une dague orageuse explose entre les sourcils du sexe. Il fut le seul représentant français de la beat generation, adepte du cut-up et auteur de nombreux collages la lune incandescente isocèle la conscience et hurle comme un moteur mal aimé. Une trentaine de pages de son œuvre, comprenant près de cinquante recueils, est donnée pour sonder sa poésie si particulière et cette définition : Ecrire la poésie, c’est plonger dans l’inconnu, et marcher, marcher, pour oublier les crimes crapuleux des mots et la mémoire mouvante. Des poèmes de Jack Kerouac, Julian Beck, Allen Ginsberg, Carl Solomon, Ed Sanders, Pierre Joris et Bruno Sourdin suivent « autour de Claude Pélieu ». Avant un ensemble consacré à Allen Ginsberg, avec un texte écrit par Pélieu pour son soixantième anniversaire La poésie de Ginsberg est toujours hors-champ, en marge, dehors et une étude de Christophe Dauphin sur « le poète-Amérique ». L’auteur de Howl se joindra dans les années soixante au mouvement hippie et deviendra un symbole de l’opposition à la guerre du Vietnam. Le chef de file de la beat generation restera avant tout comme un grand mystique. Il disparaît à l’âge de 70 ans. D’autres auteurs du même mouvement sont également présentés dans ce n° comme Lawrence Ferlinghetti, Gregory Corso, le célèbre auteur de « Bomb », Bob Kaufman et aussi Vim Karénine…
Mis à part ça, Christophe Dauphin donne un édito très engagé sur la religion, où il s’appuie sur des prises de position de Talisma Nasreen et Adonis. A la suite de quoi, il rend un chaleureux hommage à Yves Bonnefoy sous l’angle de sa perception du surréalisme et cette citation : Yves Bonnefoy retient que la poésie n’est pas un discours orné […] mais qu’elle est comme une langue étrangère à l’intérieur de la langue, et par laquelle l’individu fait une expérience particulière, une mise à l’épreuve de soi-même…
Mis à part ça, deux poètes sont mis en avant dans cette livraison : l’Allemand Hans Magnus Enzensberger (né en 1929 en Bavière): à Jerez on échange des baisers pour deux fois cinq dents Avec une poésie engagée et questionnante tendez vos pommes d’Adam à mes morsures de Judas et des textes drus et longs et captivants Ne manquez pas d’acheter des cercueils climatisés avec chasse d’eau. Et le poète hollandais Cees Nooteboom (né en 1933 à La Haye) qui manqua de devenir moine avant de parcourir le monde, du Surinam au Japon: Je suis, telle une flèche, / tendu vers le lointain / mais dans le lointain / je ne suis / rien.
Mis à part ça, une étude brillante de l’œuvre de Colette Klein par Gérard Cléry qui éclaire son parcours recueil après recueil. J’allais éclore / mais le feu a repeint la vie / et ses doigts de dentelle / m’ont écrasé / sans bruit… Elle n’apprend qu’à trente ans qu’elle est juive. Elle sera la compagne de Pierre Esperbé et travailla avec lui autour de la revue Phréatique. La peur a mis son corsage d’oiseaux / comme si la nuit / devait en mourir.Tous ses récents recueils sont édités chez Alain-Lucien Benoît.
Mis à part ça, une promenade avec Roger Vailland l’infréquentable par Jehan Van Langhenhoven. Des textes aussi de Jacqueline Lalande, Yves Boutroue : le sang las / dans le fracas des veines, Frédéric Tison… et Samaël Steiner.
Mis à part ça, un dossier consacré à l’incroyable auteur de happenings Pierre Pinoncelli. Avec un entretien de Virgile Novarina qui prépare un film sur lui par Marie-Françoise Dubromel. Pierre Pinoncelli, né en 1929 termine son préambule de présentation ainsi : s’efforcer d’être GROTESQUE pour empêcher la vie de se coaguler dans le sérieux, le bon goût, et l’esthétisme. Il dit par ailleurs : Le happening, pour moi, c’est l’immaturité volontaire, c’est la fidélité à l’enfance… C’est une rallonge mise à la jeunesse. Je cite quelques exemples retentissants de ses actions : un hold-up à la SG de Nice (jumelée avec le ville du Cap en 75 lors de l’apartheid), l’aspersion d’André Malraux à la peinture rouge lors de l’inauguration du musée Chagall à Nice en 1969, entre autres… et bien sûr, les trois attentats contre l’urinoir de Duchamp, une fois en urinant dedans (Ready-made réciproque), et deux fois en le cassant avec un marteau. Enfin en 2002, il se mutile un petit doigt pour protester contre les Farc en Colombie… Incroyable personnage !
Mis à part ça… le numéro est tellement plein comme un œuf et riche à la lecture qu’il mérite largement d’être la revue du mois !!! »
Jacques MORIN (cf. La revue du mois in dechargelarevue.com, 5 novembre 2016).
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" Voici un numéro très Beat puisqu’une bonne partie de cette nouvelle livraison des HSE célèbre les poètes de la Beat Generation : Claude Pélieu, Gregory Corso, Bob Kaufman, Lawrence Ferlinghetti, Allen Ginsberg… L’hommage commence avec l’éditorial de Christophe Dauphin : « Hier comme aujourd’hui, le monde a besoin de gens comme les beats, révoltés éblouis et pacifiques, clochards célestes, poètes hallucinés, étrangers au formatage généralisé de la société cybernétique. Davantage qu’une pratique d’un mode d’écriture ou d’un langage novateur, la Beat generation est un mode de vie contestataire, une révolte qui en appelle à la recherche d’autres espaces mentaux et géographiques, d’autres expériences où s’effaceraient les frontières (entre les gens comme entre les arts), la misère initiale, l’image d’une Amérique repliée sur elle-même. Les artistes de la Beat generation aspirent à devenir selon la formule d’Allen Ginsberg : « des vagabonds de la nuit, intelligents et melvilléens ». (…)La mystique poétique et lunaire des beats est bien loin de la religion telle qu’elle pollue encore et toujours notre atmosphère. Les poètes ont leur mot à dire sur le sujet. Pourquoi ? Parce que « le poète est celui qui transgresse pour notre compte la règle de l’accoutumance », nous dit Saint-John Perse. »
Le dossier Beat se révèle très actuel des deux côtés de l’Atlantique, entre la tentation populiste des USA et le faux débat laïcité/religion de la France. Christophe Dauphin en appelle à Abdellatif Laâbi pour redire ce qu’est ou devrait être la laïcité, contre tous les obscurantismes, y compris athées.
Le dossier, établi par Pierre Joris et Alain Brissiaud est consacré à Claude Pélieu, l’un des maîtres du cut-up, mais pas seulement, pour nous offrir une œuvre forte et réellement originale, toujours à découvrir. Le dossier, sans faire le tour d’un personnage complexe et nécessairement insaisissable, livre plusieurs facettes talentueuses de l’homme et de sa création, souvent dévastatrice.
Soupe de lézard
Odeur de bois vert.
Je rêve dans les prés bleutés de mon enfance.
Odeur de bois vert.
Les prés bleus de mon enfance.
Photos fanées d’une merveilleuse banalité
Salade de fruits, biscuits, piquette, violettes, boutons d’or. Derrière ces murs les haillons pourris de la « creative writing », les cerveaux morts des profs secoués de tics – plaques d’égouts fumantes – tout sombre dans les sargasses de crème fouettée. D’un côté poésie, de l’autre rien, moins que rien.
Les empires sur lesquels le soleil ne se couchait jamais. Je rêve. Temps doux. Début d’hiver sans neige. Le parfum des fougères toujours tenace.
Eventails de couleur disparaissant derrière les trembles & les peupliers.
La rivière ne fait guère de bruit, gardienne de tous les secrets.
Nuages orchestrant cette féerie.
Vrai, nous sommes du chromo, de la croûte.
L’herbe bleue recouvre tout ce qui germe.
Abeilles. Alouettes dans les blés d’automne.
La chasse est ouverte. Echos tristes au fond des canyons & des gorges touffues, silence dans la Sierra, le monde a un goût de cendre.
Tout est vendu. Invisibles dangers. Nuages plaqués contre le ciel pierreux. On dirait une peinture de Magritte.
Fantômes tombés du firmament.
Le sablier de l’éternité tout de leurs spectacles.
Ce numéro, au sommaire remarquablement riche, introduit le lecteur à la Beat generation en évitant les nostalgies rêveuses et tardives, en quête d’une tension créatrice libérée des contractions de la médiocratie."
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 29 septembre 2016)
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" Cette revue nous a habitués à de copieuses livraisons semestrielles et celle-ci ne déroge pas à la règle que se sont fixés Christophe Dauphin et son équipe rédactionnelle. Ici, dès l’éditorial, les prises de position sont clairement affirmées dans la lignée d’un humanisme à la fois tolérant et intransigeant. Si par exemple l’on rend un hommage mérité à Yves Bonnefoy, c’est pour en circonscrire l’œuvre féconde et non pour ajouter une voix louangeuse supplémentaire au concert posthume.
On lira tout d’abord les textes percutants des « porteurs de feu » que sont l’Allemand Hans Magnus Enzensberger et le Hollandais Cees Nooteboom qui n’usurpent pas ce titre.
Claude Pélieu a droit à un dossier-hommage présenté par deux spécialistes de la beat génération, avec, encadrant le dossier, les écrits de 14 poètes très divers ; cela va des Américains Gregory Corso, Bob Kaufman et Lawrence Ferlinghetti aux Français Gérard Cléry, Vim Karénine et Frédéric Tison sans oublier Odile Cohen-Abbas, Jacqueline Lalande et Martine Callu.
On lira encore un long entretien avec Virgile Novarina qui permet de redécouvrir l’itinéraire artistique du provocateur Pierre Pinoncelli ainsi que d’autres volets qu’il serait trop long de présenter. Pages libres et notes de lecture complètent ce numéro d’une grande qualité littéraire et surtout d’une parfaite cohérence dans les choix éditoriaux. "
Georges CATHALO (cf. "Lecture flash", in revue-texture.fr, octobre 2016).
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" Recevoir la revue Les HSE est toujours la promesse jamais démentie de découvrir des lectures variées et consistantes. Cette fois encore, avec sonnuméro 42, la revue semestrielle tient ses promesses (et sa fonction de revue). Il me sera difficile de faire ici le tour de son sommaire foisonnant.
J’ai particulièrement apprécié, sans réserve, le long éditorial de Christophe Dauphin, préambule d’un texte inédit à paraître. Une parole claire et lucide, sans les lâches circonvolutions d’usage, sans démagogie ni oeillères, où il aborde la question des religions qui occupe l’espace public, « pollue encore et toujours notre atmosphère », quand celles-ci se prennent pour des sciences exactes. Empruntant le titre de son édito à Artaud, il rappelle le bien-fondé de la laïcité, s’appuyant sur les écrivains et penseurs les plus pertinents (et les plus exposés à la vindicte ambiante du moment et à l’ignorance de nos soi-disant élites intellectuelles et politiques) : Gérard Biard (qui se demande si on a le droit aujourd’hui de ne pas croire en Dieu), Taslima Nasreen condamnée à mort par les islamistes, les poètes Abdellatif Laâbi, Adonis et Saadi Youssef.
Le dossier principal, très exhaustif, fait retour sur la Beat Generation avec une partie consacrée à Claude Pélieu, deux études sur Allen Ginsberg et un choix de poèmes de Lawrence Ferlinghetti, Gregory Corso, Bob Kaufman, poètes parmi les moins connus de la Beat Generation.
Dans les autres pages, un hommage à Yves Bonnefoy par Christophe Dauphin, un dossier éclairé sur Colette Klein par Gérard Cléry, de nombreux poèmes dont ceux de Serge NúñezTolin, Gérard Cléry et Alain Brissiaud. "
Marie-Josée CHRISTIEN (in Spered Gouez n°22, novembre 2016).
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"Avec Les Hommes sans Epaules n°42, qui contient des hommages à des talents récemment disparus, la poésie redevient encyclopédique et ouverte aussi bien au cher surréalisme de Christophe Dauphin, qu'a bien d'autres poètes.
Je saute des uns à d'autres, comme si c'était fait intentionnellement, alors que je sais depuis longtemps, que comme chez nous, le hasard contribue plus que les choix, à toutes les découvertes possibles. Comme toutes les poésies et tous les arts, admirés ou méprisés, sinon haïs parfois, alors que de génération en génération, si peu d'ordre demeure intact et tant de bons disparaissent de nos mémoires et tant de faiblards d'une époque passée, reviennent aux avant-plans, après un souvent très long oubli.
Dans la même revue, datée du second semestre 2016, l'éditorial ressemble à une grande et nouvelle Histoire des univers littéraires, que l'on soit jeune lecteur ou poète, que l'on revienne à des langues tristement abandonnées, à de beaux jeux anciens ou que l'on découvre du neuf. J'ai compris le plaisir d'accepter toutes les natures poétiques, toutes les langues heureuses et même, plus rarement cependant, les simples mais bonnes volontés. Ce qui m'a surpris, c'est qu'il ne s'agit que du début d'un texte plus long, mais aussi que les sujets (car il y en a plusieurs, surtout contradictoires) concernent (ou plutôt ne concernent pas) sous un long titre pas très facile à interprêter: "Le Poète n'admet pas que l'on fonde une religion sur ses vertèbres ou son cerveau"; comme s'il était question des deux mots qui apparaissent le plus souvent, religion et laïcité, pour réfléchir et citer des personnages qui ne pensent qu'à cela. Par exemple, le sage Abdellatif Laâbi (que j'ai publié déjà il y a longtemps), Claude Pélieu, les plus classiques Allen Ginsberg, Adonis, Lawrence Ferlinghetti, que je ne connaissais pas, et surtout Taslima Nasreen, dont il est question en fait, dans toute la suite du texte et qui fait comprendre l'inidspensable laïcité que Dauphin expliquera plus avant dans la suite, passant alors de l'antisémitisme à l'islamophobie et à des tas d'autres notions expliquées clairement et auxquelles il sera utile de revenir.
Pour moi, trois mots suffisent: religion(s), réligiosité et irreligion. Ils me semblent remplacer tous les autres, que je ne vois que comme des sortes de synonymes où demeure la racine initiale, due aux sources simplement anthropologiques des premiers vivants presque devenus humains. Un drame dans le même numéro est la présence de trop nombreux disparus, dont la célébritée passée me fait penser à mes lectures déjà anciennes ou récentes si ce sont de plus jeunes. Je ne parviens que difficilement à dater tous ces morts, dont il faut et surtout faudra se souvenir parce que l'histoire littéraire et artistique supporte mal les dates.
Il est évident pour moi et pour la revue Les HSE, que la vérité est dans les textes, et l'imposante revue de Christophe Dauphin, est tellement nourrie de différences, que les quelques réputations qu'on lui a faites me semblent bien plus encyclopédiques qu'anthologiques aux sens anciens du terme, mais selon moi, plus encore d'Histoire que de littérature(s), tant le lecteur se sent construit, sinon reconstruit, par l'univers du revuiste."
Paul VAN MELLE (cf. "A tous mes échos" in Inédit-Nouveau n°281, La Hulpe, Belgique, octobre 2016).