Jean-Michel ROBERT

Jean-Michel ROBERT



JEAN-MICHEL ROBERT OU LA MÉMOIRE D’UN ENVOL DE FISSURES : HOMMAGE À MONSIEUR BOB

par Christophe DAUPHIN

 

J’aimerais trouver les mots à la mesure de cet étonnement d’être,

ce cri de nébuleuse dans une égratignure,

son fou rire dans l’amour, cet acharnement dans le vertige.

Exister,


exister sans dieu mais ronger de mystère,

sans raison mais assoiffé, coïncidence errante…

 

Jean-Michel Robert

 

Jean-Michel Robert est hypocondriaque. L’hypocondrie consiste à se croire malade, à partir d’une invention ou d’une exagération de symptômes bénins. Mais d’hypocondrie il n’est plus question en ces premiers mois de l’an 2016. Condamné par la médecine (qui lui accorde une espérance de vie de moins de six mois), Jean-Michel Robert refuse le traitement qui lui est proposé, afin de continuer « à vivre comme il l’entend ». C’est ce dont témoigne la dédicace de son ultime livre, Après j’irai chanter, qu’il m’adresse : « Pour Christophe, APRÈS J’IRAI CHANTER, juste, si possible, grâce à Yves Artufel dont l’amicale diligence a pris de vitesse le cancer… »

Samedi 2 avril 2016, Jean-Michel Robert écrit sur son blog internet (hébergé sur le site internet de notre cher et très regretté Alain Simon) : « Il m’arrive - maintenant que je n’ai plus rien à perdre ni à gagner ni à voler - de jouir, quelques instants, de ce merveilleux vertige que creuse le fou rire sauvage... Oh ! quelques instants... Après, comme tout le monde, comme si me fait. Me refait. Et je croise des gens. » Vingt jours plus tard, le vendredi 22 avril 2016 (jour anniversaire - 22/4/2011 - de la mort d'Alain Simon), il écrit à nouveau, « probablement le dernier billet (raté) » : « Si je vous disais ce que j’ai raté, la nuit dernière... Vous vous moqueriez de moi. C’est con une nuit qui s’accroche sous prétexte. Bon, c’est raté. Pardon à Alain Simon, pardon en général, puisque dieu est diursourdingue, et que je ne vaux pas mieux que son oreille universelle. »

30 avril 2016 : Tel est sans doute le but ultime : identifier le cadavre ; car, depuis longtemps, au fond du cœur, l’enfant se décompose comme un été pourriSens-tu ces doigts étrangement tremblants trier les globules ? Le tabac asphyxier ? L’alcool ronger ? Si tu es sobre et prudent (c’est rarement le cas d’un poète), tu pourras tresser tes rides… Jean-Michel Robert est décédé des suites de son cancer, le 30 avril au matin. Né en 1956 à Saint-Cloud : il venait d’avoir soixante ans le 27 avril.

Jean-Michel, je le revois, il y a plus de vingt ans, lors de nos rencontres, certains midis à la Fauvette du Châtelet, à Paris, en compagnie d’Yves Martin et de Jacques Kober ; rejoints parfois par Christian Bachelin ou Dominique Joubert, mais pas par Alain Simon (encore et toujours dans les îles) et plus jamais par Guy Chambelland, qui, désormais, vit le plus souvent « retranché » en Bourgogne, dans la maison du Fays. À cette époque, il me souvient être ressorti démoralisé d’un déjeuner avec Guy, qui n’était déjà plus parmi nous. Noir, désespéré, aigri (il en veut terriblement à des auteurs, à des amis, « des traîtres, des ingrats », qui n’ont pas eu « la reconnaissance du ventre »), blessé, happé par ses démons, il parle de lui au passé. Son ultime Barocco Metrico, qui paraît l’année de sa disparition en 1996, prend alors toute sa mesure : Quand le cheval oublié par l’histoire - amble le soir ses yeux désespérés - et que le cœur se fait comme le pré - qui perd ses fleurs et trahit ma mémoire… - qui ferait croire à l’ange remplaçable - quand sur les vins éparpillant la table - entre les verres la mort putain s’allonge. Voilà une partie de la famille. Poètes de la Poésie pour vivre, de l’homme ordinaire, ils le sont (il faudrait ajouter Alain Morin, Michel Merlen, André Laude et quelques autres), mais incarnent le versant noir de notre fratrie ; le solaire se situant définitivement dans l’entourage de Jean Breton. Jean-Michel, quant à lui, est alors volontiers désinvolte, gouailleur, blagueur, narquois et critique, toujours critique, notamment envers la société. Encore récemment il écrivait : « À présent que, de toute évidence, il n’est plus rien à espérer de ce système abusivement qualifié « démocratique » ; j’ai bien peur qu’il ne reste plus que la violence de ceux qui n’ont jamais voix nulle part, et qui n’ont plus que la violence s’opposant à la violence qui s’exerce déjà au nom de la sainte liberté du marché mondialisé, c’est-à-dire- celle qui s’appelle OMC, Union européenne, FMI... Ceux-ci possèdent déjà toutes les armes et contrôlent leurs trafics protégés par les paradis fiscaux interdits à toi, pauvre con, qui doit 150 euros au fisc, ce dernier, conscience professionnelle, t’a envoyé l’huissier et saisi sur ton peu de salaire.... J’ai bien peur de n’avoir plus peur pour moi (que pourtant j’aimais bien, un type sympa, encore que et surtout bien que, sans compter malgré.) »

Jean-Michel exprime son ras-le-bol de l’enseignement et de la hiérarchie. Le monde dans son état de décomposition l’écœure. Il habite, travaille et écrit en grande banlieue parisienne, à La Verrière (Ville nouvelle où les pas, faute d’origine, cherchent la fraternité de l’écho. L’anonymat désertifie. Il faudra marcher jusqu’à ce que la solitude opère s’étranges substitutions), dans les Yvelines, où il vit depuis 1963. De son enfance, il garde le souvenir de ses vacances en tant que colon (il sera plus tard moniteur) au Château d’Escoire (Dordogne), dont son père Jacquy est le directeur et sa mère Mauricette, l’économe. Jean-Michel pratiquait aussi alors le judo. Plus tard, il acheva ses études à l’École Normale et devint instituteur à l’École du Bois de l’Étang, avant de rejoindre Paul Verlaine à Montigny-le-Bretonneux : Le ciel du soir a bien du mal  – à les traîner tous ses cabas – la patience grosse chienne – enfermée seule dans un deux pièces – n’en finit plus de gémir – l’espace – au-dessus des cris de gosses – retentit – de combien de fusils étouffés ? – rien encore de dramatique – mais un pillage invisible prolifère – on s’inquiète – déjà – dans les caves – les cadenas n’ont pas tenu. Ce cadre (que l’on retrouve dans ses poèmes, mais aussi dans son unique volume de nouvelles, dont le titre est pour le moins prophétique : Je ne serai jamais vieux) sert de trame à une large part de son œuvre : la cité, ses immeubles, ses pauvres et braves gens, ses imbuvables aussi, ses paumés et ses loubards, la voie ferrée (il est question de train et de pain quotidien), le désespoir et la fraternité, des couloirs dans lesquels le vent seul s’engouffre, mais pas seulement, puisque : le bleu – ici aussi – peut laisser flotter ses sourires – tandis qu’autour du bac à sable – des voix d’hommes se pétanquent. Car il n’y a aucun misérabilisme chez Jean-Michel Robert, qui parvient toujours à débusquer la pépite, même dans un réel imbuvable ou médiocre, reflet parmi d’autres dans le hasard des lunettes noires.

Et des combats sous la lune d’hypocondrie, des luttes pour exister, en s’appuyant sur la béquille de la solitude et du poème ; des combats toujours perdus (mon avenir m’attend – doux et fondant comme un mensonge), qui finissent mal comme les histoires d’amour du poète : Certes, elle m’écrivait, téléphonait, mais nous ne vivions plus ensemble ; le passé se décomposait sous mon nez ; tous les matins je vomissais, j’espérais que l’univers viendrait avec… Je maudissais la mémoire, haïssais le présent tandis que l’avenir pondait ses nœuds coulants dans ma tripaille. J’étais en vacances. Je nageais dans ma silhouette. J’étais tombé bien bas… Je chialais à ma tristesse et riais à mes miroirs ; j’essayais de croire – en moi, par exemple - ; je m’écoutais vieillir, rassemblais les miettes de foi avec mes yeux. Christine est partie et c’est l’effondrement. Reste la buée des verres (à whisky, forcément). Plus d’une fois, Jean-Michel m’a dit qu’il allait se reprendre en main et changer de vie, quitter La Verrière, la banlieue et l’enseignement : « Cette fois mon vieux, je ne serai pas là à la rentrée, je me casse. » Il n’en fut rien, à une seule exception : une semaine d’absence, qu’il dût justifier par un nouvel arrêt de travail : et je ne sais plus, tant il faut de béquilles, si j’aime ou si je boite.

L’échec le poursuit : Pas très fier de soi – pas de quoi vraiment – se chanter des hauteurs sur les toits ; reste l’amour, mais là aussi : Après l’effondrement, le ridicule précédant mes pas – dans les décombres, restait l’amour, ma dernière superstition. – Ça aussi je l’ai raté. J’ai égaré porte-bonheur, porte-avenir… Et les livres, la poésie ? Facteur aggravant. Peu de lecteurs, une visibilité quasi nulle, reconnaissance zéro ou si peu. On n’écrit pas pour cela ! Si, tout de même, un peu, ne nous leurrons pas, et Jean-Michel Robert n’échappe pas à la règle. Mais les choses sont comme elles sont, alors : pendant que l’Histoire abonde (dans votre sens), je m’assois sur le mal postérieur des héros qu’on a chassés, à grands coups de pied, de la légende. La lose qui hante sa vie et ses livres, obsède Monsieur Bob, déçu et un rien amer, mais pas aigri. Il ne s’en cache pas : rien à faire – je reste là – dépourvu de sortilèges - grotesque.

Bob est un personnage inventé lors de l’écriture de Je ne serai jamais vieux. Bob est le double de Jean-Michel. C’est Yves Martin qui a présenté Jean-Michel à Alfred Eibel. Ce dernier l’a encouragé à s’essayer à la prose, à la fiction ; ce qu’il fit avec, il faut le dire, réussite. Alfred Eibel publia le livre de Jean-Michel aux éditions Méréal. Que nous dit monsieur Bob de lui-même ? : « Allez, concentre-toi, essaye de croire vraiment à ta liberté, ta volonté. Tu deviendras friable, sec, tu étoufferas sous tes propres gravats. J’ai abusé de ce genre de lointains. Depuis, j’ai mal à mes distances, elles boitent en n’en finissent pas de se cogner aux perspectives. Croire en soi ? Non, terminé. Je ne décide rien, rien ne m’appartient ; et quand je mâche ainsi la première personne, je m’agenouille encore devant le ridicule. « Moi », coïncidence sur pattes, fugitive comme une rancune de piaf, ruse des mots pour circonvenir le quotidien, expédier les affaires courantes, ne pas semer l’intendance. L’arbitraire s’est trouvé une viande affamée d’autres viandes, il dévore, absorbe, rejette, bande et s’injecte, au risque de faire naître une nouvelle errance, unique, qui – au mieux – appellera « mystère » sa trouille et « âme » son ignorance. Pas le choix, je ne pouvais résister à la lente fonte de mon front sur la fenêtre, jusqu’à ce que la silhouette aimée m’accorde un instant pur entre « il était une fois » et le premier parking. »

Il y a aussi, importante chez Jean-Michel Robert, l’amitié et son petit cortège, l’attachement au Pont de l’Épée de Guy Chambelland, au sein duquel Bob avait fait ses débuts en 1982 et dont il admirait l’éclectisme exigeant : « Aujourd’hui que les avant-gardes sénescentes se livrent au recyclage industriel de leurs parenthèses vides, à l’heure où leur révolution marxo-scato-structuraliste n’amuse plus que quelques dentiers égarés, peut-on espérer que l’attention se porte enfin sur ceux qui, aussi éloignés des théories frelatées que des vieilles sauces élégiaques, ont tenté la véritable aventure du langage, aventure bouleversante, dans tous les sens du terme, où les mots et la vie réalisent cette unité hautement instable à laquelle on n’a pas encore trouvé d’autre nom que « poésie » ? Tous les doutes sont permis. Mais je ne m’attriste pas. Il me suffit de savoir que certains auteurs ne restent pas sans voix. Si j’ouvre un livre de Jacques Kober, je sais qu’il m’aidera à révéler une part de cet ailleurs, de cette autre causalité où l’instant le plus perdu finit par former « une goutte de vol blanc », où les fenêtres des cités peuvent signer leur connivence d’un clin d’œil maritime. Bien sûr, ce qu’il est convenu d’appeler la réalité, cette masse ennuyeuse, ne se volatilise pas si facilement ; mais si l’on peut prétendre à quelque dignité, celle-ci ne saurait s’accommoder de soumission aux faits. « Le lyrisme ordinaire », tel qu’il apparaît trop souvent, me semble tout à fait hors de propos : nul besoin de poésie pour énoncer banalement la banalité. Hubert Haddad remarquait justement que « tous les manchots ne sont pas Blaise Cendrars ». Un stage à l’hôpital ne forme pas une promotion d’Alain Morin, de Prager ou de Merlen ; les Yves Martin ne se bousculent pas dans le sillage des petites filles, chaque zombie classé X ne s’appelle pas Delbourg, les loques nostalgiques de Bachelin ne sont pas à la portée du moindre chiffonnier... Ce qui quotidiennement passe pour réel ne devient poésie que par la « force brisante » du regard. Appeler chat un chat interdit toute grâce féline… » Jean-Michel Robert définit ici son art poétique tout en convoquant sa fratrie (déjà évoquée plus haut) qui, Jacques Kober et Patrice Delbourg à part, est une fratrie de grands poètes, certes, mais avant tout de grands brûlés du verbe et de la vie : Yves Martin, Michel Merlen, Alain Morin, Marie-François Prager ou Christian Bachelin, qui a très justement écrit : « Jean-Michel Robert s’avance en poésie comme un vitrier des demi teintes tendres ironiques, raccommodeur de clairières au ciel des banlieues. Funambule de l’humour un peu aigre et du chagrin nonchalant, il passe à la moulinette les reflets quotidiens et les pirouettes s’endorment dans les miroirs en miettes. » Ajoutons encore Guy Chambelland, Alain Simon, Dominique Joubert, André Laude…

La poésie fut la grande affaire de Jean-Michel, qui aimait aussi lire et défendre celle de quelques autres (naviguer de librairie en librairie – et découvrir parfois l’auteur – qui ouvrira ma solitude – à la page cornée) ; une affaire exigeante la poésie, mais qui, là aussi, ne va pas sans déception : Je voudrais libérer – Les chiens féroces de ma voix – Mais quand je lâche des poèmes – Ils rapportent – La baballe, écrit-il dès l’ouverture de son premier livre (in Corps composé, 1982). Le poète à beau évoluer dans un univers peu exaltant ; à aucun moment il ne sombre dans le pathos : Le fait de vivre en HLM ne nous empêche nullement de nous vouloir seigneurs. Ne vous moquez pas trop. Même si vous trouvez plutôt cocasse de nous voir au quotidien traîner derrière nous un château à roulettes. Ne vous énervez pas. Même si parfois, vous entendez aussi vos rêves grincer dans les roulettes. Son humour, son sens de la dérision, de l’autodérision, sauvent souvent la partie : C’est vrai, on se laisse aller à vouloir vivre tout haut ce que les jours tuent tout bas. Indéniablement, l’humour occupe une place de choix. Le souffle, le rythme, le flux et le reflux, la houle des génitifs, les infinitives sinueuses, les inversions en catastrophe. Il a inventé une rhétorique narquoise, les mots parodient leur propre discours ; l’art poétique, certes, tord le cou de l’éloquence, mais il ne s’arrête pas là, il la pince, éprouve sa matière, sa consistance, il la rend infiniment malléable, ductile, jusqu'à lui imposer des formes tout à fait inattendues, inédites, risquées, dont les mouvances épousent miraculeusement celles de la vie.

La poésie, comme il l’écrit lui-même, ne baigne pas dans la salive d’écholalie, dans le laisser-vivre comme un demi-néant où l’on répéterait les bribes engourdies du monde ; pas de reproductions, qu’elles soient lasses ou réalistes. L’image brise en créant, elle bouleverse, transforme le monde tel qu’il est communément perçu, y fait naître d’autres possibles ; on ne dissocie plus le virtuel de l’accompli, tout est en acte L’humour, nous l’avons dit, mais aussi la dérision, pour muscler le poème, une situation, et s’approcher des parois du rêve, même si parfois : le rêve en a assez – de glisser – sur des merveilles trop savonneuses. Ses livres sont souvent conçus comme des poèmes-récits, qui se suivent dans un ordre voulu et nécessaire. Ainsi en va-t-il de son château à roulettes.

Des livres de Jean-Michel, nous retenons particulièrement ceux qui ont été réédités en 2012 par Gros textes éditions, sous le titre, La Meilleure cachette c’était nous, soit : Faire un tour, Un poil dans l’âme, Les jupes noires éclaboussent et Le château à roulettes. Après La Meilleure cachette…, on ne saurait faire l’économie de la lecture d’Après, j’irai chanter (2016), œuvre testamentaire qui comprend majoritairement des inédits, souvent poignants, notamment sur la maladie, la mort proche, la réquisition du moindre espoir de rêve pour le grand nettoyage ; mais là encore, même à ce moment précis où il devient mémoire d’un envol de fissures, Bob ne saurait disparaître : l’humour, l’absurde, la dérision, sans dissimuler la gravité, sont encore de mises. La deuxième partie du livre concerne la réédition d’un titre (le livre érotique de Jean-Michel) depuis longtemps épuisé : Alice, Eugène, glissade. La somme de ces deux livres démontre que Jean-Michel Robert occupe une place bien à lui au sein du Pont de l’Épée comme parmi les poètes de sa génération. Jean-Michel Robert est un poète du quotidien, mais d’un quotidien qui ne se cantonne pas à la surface du sol ; un quotidien qui dérape, qui décolle à la recherche du lyrisme de la stupeur, par le truchement de l’imaginaire, de l’insolite, du hasard, pour trouver les mots à la mesure de cet étonnement d’être : il y a toujours des rêveries à pister – des beautés à chaparder – des lumières en friche. Le quotidien, donc, mais aussi le rêve, la douleur, mais aussi l’émerveillement, la solitude, mais aussi la fraternité, la révolte, mais aussi l’amour, et l’enfance, la femme, la tendresse, la sensualité, qui fondent dans un sommeil que l’on ne trouve qu’en faisant pour des oiseaux épuisés, un nid de rides invisibles.

Pour terminer, il ne reste plus qu’à ouvrir, à la manière de monsieur Bob, la fenêtre de l’appartement : vue bleu-pétrole sur la cité, rue Marcel Rivière, à La Verrière. La bouteille de whisky et le paquet de clopes ne passeront pas encore la soirée, rythmée par des chansons d’Alain Bashung ; Volontaire (paroles de Gainsbourg), l’une des préférées de Bob (Tête brûlée – J’ai plus qu’à m'ouvrir le canadair – N’essayez pas de m’éteindre - Je m’incendie volontaire…), ou Aucun express (Je me suis emporté transporté - Par-delà les abysses par-dessus les vergers - Délaissant les grands axes – J’ai pris la contre allée - Je me suis emporté transporté…) Accoudée à sa fenêtre le poète chante faux : - « Mais pas plus que dans la vie », ajoute-t-il. Le poète chante faux et le temps passe comme un crachat entre les dents du bonheur. D’autres diraient : c’était trop beau. Salut Bob !

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

 

Œuvres de Jean-Michel Robert : Corps composé (Le Pont de l’Épée, 1982), Une taupe ne fait pas le printemps (Le Pont de l’Épée, 1984), On n’est pas gouverné (La Bartavelle, 1986), Faire un tour (La Bartavelle, 1988), Les jupes noires éclaboussent (La Bartavelle, 1991), Un poil dans l’âme (La Table rase, 1989), Poèmes (Ville de La Verrière, 1991), Le château à roulettes (La Bartavelle, 1995), Je ne serai jamais vieux, nouvelles, (Méréal, 1998), Alice, Eugène, glissades (La Bartavelle, 1999), La Mort dans l’âme (Décharge, 1999), J’ai bu la promenade (Polder, 2002), Le démineur distrait (Polder, 2006), Zoopsies (Gros Textes, 2007), Les pauvres stupéfaits (éd. de l’Atlantique, 2011), La meilleure cachette c’était nous (Gros Textes, 2012), Après, j’irai chanter (Gros textes, 2016).

Légende photo: Yves Martin, Jacques Kober et Jean-Michel Robert. Paris, 1993.



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules




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