Ilarie VORONCA

Ilarie VORONCA



Ilarie Voronca, de son vrai nom Eduard Marcus, est né le 31 décembre 1903 à Brăila (Roumanie) et décédé le 4 avril 1946 à Paris. Jeune étudiant roumain, né dans une famille juive non pratiquante, passionné de littérature, Ilarie Voronca rencontre Eugen Lovinescu et publie ses premiers écrits en 1922 au sein du mouvement Sburătorul. Il s'agit alors de poèmes d'inspiration symboliste, influencés par les œuvres de George Bacovia et de Camil Baltazar. Les textes de cette période, au ton plutôt sombre et pathétique, tranchent avec le reste de son œuvre.

Ilarie Voronca, se distingue très tôt, dès 1923, en publiant, à Bucarest, Restristi son premier recueil de poèmes, illustré par Victor Brauner. L’année suivante, il s’affirma comme l’un des principaux animateurs de l’avant-garde artistique roumaine, en créant, toujours avec Victor Brauner, 75 HP. Cette revue, désormais mythique, étonne encore de nos jours par ses audaces typographiques et graphiques, mais surtout par l’invention des principes de la Pictopoésie. Voronca définit la Pictopoésie comme une "superposition de surfaces géométriques, différenciées selon les couleurs et les reliefs où les mots inscrits soutiennent par leur rythme le sens de la composition plastique".

Devenu une figure phare du constructivisme roumain, Voronca collabore aux principales revues de Bucarest : Contimporanul, Punct, Integral et Unu. Influencé par Dada, dans un premier temps, Voronca aspira rapidement à la synthèse et se fit le théoricien de l’Intégralisme. "Le vrai mot personne ne l’a dit encore : cubisme, futurisme, constructivisme ont débouché sur le même point hardi : la SYNTHÈSE", écrit Voronca dans le numéro 6/7 de la revue Punct (janvier 1925). Au total, Voronca va publier douze volumes en Roumanie, dont Colomba (1927), Ulise (1928), Peter Schlemihl (1932) ou Patmos (1933). Mais l’apparente euphorie qui émane de la création comme de la personnalité de Voronca cache bien mal l’angoisse qui le ronge souterrainement.

En 1933, Voronca s’installe avec Colomba, son épouse, à Paris, pour fuir les « ténèbres balkaniques », à l’instar de ses amis Tristan Tzara, Benjamin Fondane, Claude Sernet ou Jacques Hérold. En France, le couple est confronté aux dures réalités de la vie d’émigré, ce dont rend compte le recueil Permis de Séjour (1935) : "J’avais faim. Un brouillard montait vers la cité". Pour vivre, Voronca travaille dans des compagnies d’assurances. À la fin des années 30, ses œuvres sont appréciées par une large majorité du milieu littéraire français. Son nom figure au sommaire des principales revues de poésie, dont Les Cahiers du Sud.

L’année 1936 est marquée par la parution de La Poésie commune. Une étape déterminante : il n’est plus le chantre individuel, son moi s’épanouit dans toutes les voix : "Je veux me mêler à cette foule. Je partage sa vie". Voronca devient le poète anonyme, de la foule et toujours le visionnaire de l’invisible. Lorsque le 16 juin 1938, Colomba et Ilarie Voronca obtiennent la nationalité Française, le poète compte à son actif, pas moins de onze recueils publiés en France. Parallèlement à son œuvre poétique, et en cinq ans seulement, Voronca publie, durant la tragique période de l’Occupation, l’essentiel de son œuvre en prose, dont Lord Duveen (1941), L’Interview (1944), Henrika (1945) ou Souvenirs de la planète Terre (1945).

Avec la guerre vient le temps de l’assassinat collectif : "Le vent marche comme un aveugle, - Il cherche des épis de blé – Et ne trouve que baïonnettes", écrit le poète (in Poèmes inédits, 1964). Elève-officier de réserve, Ilarie Voronca est démobilisé en 1940. Il se réfugie à Marseille puis à proximité de Rodez, où il adhère à la Résistance pour combattre le nazisme.

A la mi-octobre 1944, Ilarie Voronca regagne Paris, qui avait été libéré des nazis. Le désespoir prend définitivement le pas sur la joie. Ilarie Voronca se donne la mort, au soir du 4 avril 1946. Ilarie Voronca, le poète de La Joie est pour l’homme fut enterré au cimetière parisien de Pantin.

En 2010, sa tombe, menacée de disparition, fut sauvée et refaite grâce à l’action du Collectif Ilarie Voronca, rassemblant, à l'initiative des Hommes sans Epaules et des poètes de l'Arche 23, des personnalités françaises et roumaines, soucieuses de défendre et la mémoire et l'oeuvre d'Ilarie Voronca.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Épaules).


Le Collectif Ilarie Voronca :

(Collectif Ilarie Voronca, c/o Les Hommes sans Epaules, 8 Rue Charles Moiroud, 95440 Ecouen, France)

Porte-paroles: Christophe Dauphin, André Prodhomme et Svante Svahnström.

Académie Mallarmé (association), Hélène Adam, Rodica Aldoux, André-Louis Aliamet, Casa de licitatie Alis (Bucarest), Louisa Amiche, Bernard Ascal, Daniel Barraud de Lagerie, Claude Barrère, Joël Bastard, Jean-Pierre Bégot, Anne-Marie Bernad, Jean Binder, Marion Brauner, Jacqueline Bregeault-Tariel, Philippe Brizon, Nicolas Cariven, Georges Cathalo, Jean-Louis Celati, Jacqueline Chénieux-Gendron, Marie-Josée Christien, Confluences Poétiques (association), Jocelyne Curtil, Jack Dauphin, Hervé Delabarre, Michel Dunand, Thierry de Rochegonde, Mireille Faivre-Engelhardt, Paul Farellier, Jacques Fournier, Colors Art Gallery/Lucian Georgescu (Bucarest), Yannick Girouard, Denis Guillec, Françoise Han, Pierre Hassner, Sandra Haug, Michel Héroult, Hélène Iché, Rose-Hélène Iché, Dadi Janco, Petre Ionesue, Monique Labidoire, Chantal Lainé, Jacqueline Lalande, L’Arche 23 (association), Ghislaine Le Dizes, Maguy Le Naour, Les Hommes sans Epaules (revue), Les Roumains de France (association), Roland Lombard, Alexandru Maciuca, François Montmaneix, Renée Moreau, Roland Nadaus, Simone Nadaus, Mireille Newman, Virgile Novarina, Carmen Popescu, Bernadette Prodhomme, Geneviève Prodhomme, Julie Prodhomme, Pierrick Prodhomme, Emilian Radu, Rafael de Surtis (association), Petre Raileanu, Marie-Christiane Raygot, Alain Ripaux, Robert Rius (association), Paolo Scopelliti, Josette Ségura, Eric Sénécal, Rodica Sibleyras, Catherine Sernet-Noone, Alexandre Sincu, Claudia Sperry, Simone Taurand, Marina Vanci Perahim, Frédéric-Jacques Temple, Denis Tourillon, Paul Van Melle, Claude Vercey et Delphine Wright.


HEMORRAGIE, ASCENSION

Près de vos armes, hommes inflexibles
Près de vos aigles dressés à déchirer les poumons
Des porteurs de flammes, voici mon ombre entre les montagnes
 inclinées
Attentivement vers la ville prise dans les menottes du pain.

Sachez que si vous me fouillez jusqu’aux entrailles
Ainsi qu’on ferait d’un violon, afin d’y trouver le chant,
Ou d’un miroir pour en arracher les images
Jamais vous ne toucherez la vision qui demeure en moi.
Parmi le matin qui s’ouvre une artère
Avec la brume tombée au fond des éprouvettes,
Avec l’âme qui, dans la chair comme dans une camisole de force,
Se tord, s’écorche et voudrait se délivrer.

Et vous qui mordez la neige et vous mordez entre vous
Comme des chiens au traîneau montant vers quel orage,
Bourreaux ou frères, me voilà je marche parmi vous
Et je ne sais ce que vous enfoncez dans mon épaule : poignard ou
 aile.

Ilarie VORONCA

(Poème extrait de Poèmes parmi les hommes, Cahier du Journal des poètes, 1934).


Oeuvres d'Ilarie Voronca :

Poésie:

Restristi, illustrées de dix dessins hors texte de Victor Brauner, Bucarest, Rahova Arte Grafice, 1923.
75 HP, revue d’avant-garde réalisée par Ilarie Voronca et Victor Brauner, Bucarest, 1924. Réédition Jean-Michel Place, 1993.
Colomba, illustrations de Sonia et Robert Delaunay, Imprimerie Union, 1927.
Ulise, illustration de Marc Chagall, Imprimerie Union, 1928.
Plante si animale, illustrations de Constantin Brancusi, Imprimerie Union, 1929.
Bratara noptilor, illustration de Victor Brauner, Bucarest, Unu, 1929.
Zodiac, illustration de M.H. Maxy, Bucarest, Unu, 1930.
Invitatie la bal, poèmes 1924-1925, Bucarest, Editura Unu, 1931.
Incantatii, illustration de Milita Petrascu, Bucarest, Editura Cultura nationala, 1931.
Peter Schlemihl, illustrations de Victor Brauner, Grégoire Michonze et Jules Perahim, Bucarest, Tipografia Bucovina, 1932.
Patmos, si alte sase poeme, Bucarest, Vremea, 1933.
Ulysse dans la cité, traduit du roumain par Roger Vailland, préface de Georges Ribemont-Dessaignes, illustration de Marc Chagall, éditions du Sagittaire, 1933. Réédition éditions Non Lieu, 2019, avec une préface de Christophe Dauphin.
Poèmes parmi les hommes, illustration d’Edmond Vandercammen, Cahier du Journal des poètes, 1934.
Patmos, collection des Cahiers Libres, Denoël et Steele, 1934. Réédition Le Pont de l’Epée, 1977. Avant propos de Tristan Tzara, Guy Chambelland, Yves Martin, Alain Simon, illustration de Victor Brauner. Édition de tête, 40 exemplaires ornés d’une gravure de Jacques Hérold.
Permis de séjour, Corréa, 1935.
La Poésie commune, G.L.M, 1936. Réédition éditions Plasma, 1979. Illustrations de Georges Ribemont-Dessaignes.
La Joie est pour l’homme suivi de Trois poèmes à la gloire du sommeil, Les Cahiers du Sud, 1936.
Pater noster suivi d’Ebauches d’un poème, Corrêa, 1937.
Amitiés des choses, Sagesse, 1937. Rééditions les Cahiers de Jalons no 3, 1979.

Oisiveté, Les Feuillets de Sagesse, 1938.

L’Apprenti fantôme et Cinq poèmes de septembre, Presses du Hibou, 1938. Réédition (sans les Cinq poèmes de septembre), L’Arbre, 1992.
Le Marchand de Quatre saisons, Cahiers du Journal des poètes, 1938.
Beauté de ce monde, Le Sagittaire, 1940.
Les Témoins, Méridien, 1942.
Oisiveté, Les Feuillets de Sagesse, 1943.
Contre-solitude, Bordas, 1946. Réédition, Plein Chant, 2006.
Les Chants du Mort, éditions Charlot, 1947. Réédition L’Arbre, 2003.
Dîner chez Jeanne Coppel, illustration de Jeanne Coppel, imprimerie PAB, 1952.
Poèmes choisis, introduction de Tristan Tzara, illustration de Marc Chagall, Seghers, 1956. Réédition Seghers, 1967, avec des textes inédits.
Poèmes inédits, Les Cahiers du Sud no 361, 1961.
Poeme, traduits en roumain par Sasa Pana, Préface d’Eugen Simion, Bucarest, Editura Pentru, Literatura universala, 1961.
Poèmes inédits, éditions Subervie, 1961.
Poèmes inédits, illustration d’Abidine, éditions Guy Chambelland, 1964.
Poème pour glorifier le pied, illustrations de Madeleine Follain Thinès, La Goutte d’Or, 1971.
Poeme alese, anthologie en langue roumaine établie et préfacée par Sasa Pana, illustration de Robert Delaunay, deux volumes, Bucarest, Editura Minerva, 1972.
Zodiac : poesii, édition établie et présentée par Ion Pop. Cette édition rerprend : Restristi, Colomba, Ulise, Plante si animale, Bratara noptilor et Zodiac, Bucarest, Editura Minerva, 1992.
Incantatii : poesii, édition établie par Ion Pop. Cette édition rassemble Invitatie la bal, Incantatii, Petre Schlemihl, Patmos, Din periodice et Patrusprezece sonete, Bucarest, Minerva, 1993.
La Chambre, L’Arbre, 2000. Poème publié dans Beauté de ce monde (1940) et repris dans Onze récits (1968).
Mais rien n’obscurcira la beauté de ce monde, L’Arbre, 2000. Ce recueil reprend neuf poèmes de Beauté de ce monde.

Journal inédit suivi de Beauté de ce monde, poèmes 1940-1946, éditions présentée et établie par Petre Răileanu et Christophe Dauphin, (Les Hommes sans Epaules éditions, 2018).

Prose :

A doua lumina, essai, Bucarest, Unu, 1930. Réédition Minerva, Bucarest, 1996.
Act de prezenta, essais, Bucarest, Cartea cu semne, 1932. Réédition comprenant A doua lumina, Bucarest, Cluj, Dacia, 1972.
Lord Duveen ou L’invisible à la portée de tous, récit, Éditions de l’Ilot, 1941. Réédition éditions Eliane Vernay, 1977. Illustration de Marc Chagall.
La Confession d’une âme fausse, Méridien, 1942. Réédition L'Eveilleur, 2019.
La Clé des réalités, Méridien, 1944.
L’Interview, illustration de Halicka, éditions Jean Vigneau, 1944.
Henrika, roman, illustration de F. Delanglade, l’Entreprise de presse, 1945.
Souvenir de la planète Terre, roman, éditions Nagel, 1945.
Onze récits, avant propos d’Eugène Ionesco, Rougerie, 1968. Ce volume reprend six poèmes de Beauté de ce monde, un inédit et quatre récits publiés dans des revues.
Mic manual de fericire perfacta, édition bilingue établie par Sasa Pana, Bucarest, Cartea romaneasca, 1973.
Interviul. Unsprezece povestiri, préface d’Ion Pop, Bucarest, Cartea romaneasca, 1989.
Quarante ou cinquante personnes, L’Arbre, 1991.
Le Riche mendiant, A l’impatiente, 1991. Prose issue des Onze récits.
Arbres 1942, suivi de Un peu d’ordre, L’Arbre, 2000.
Interviul, Cartea Romaneasca, Bucarest, 1989. Traduit en roumain par Ion Pop.
Perméables, illustrations de Marie Bauthias, Trident neuf, 2003. Réédition d’un récit publié dans la revue Viatiques en 1943, puis dans La Clé des réalités (1944).

A consulter, sur Ilarie Voronca :

Christophe Dauphin, Ilarie Voronca, le poète intégral, essai suivi d’un large choix de textes et de poèmes, éditions Rafael de Surtis/Editinter, 2011.
Christophe Dauphin, Les Riverains du feu, une anthologie émotiviste de la poésie francophone contemporaine, Le Nouvel Athanor, 2009.
Ecaterina Grün, La Route chez Tristan Tzara, Benjamin Fondane et Ilarie Voronca, éditions Rafael de Surtis, 2005.
Ion Pop, La Réhabilitation du rêve, une anthologie de l’Avant-garde roumaine, EST-Samuel Tastet Editeur & Maurice Nadeau, 2006.
Ilarie Voronca, Numéro spécial, Plein Chant no 77, 2004.
Christophe Dauphin, 1903-2003 Ilarie Voronca, le centenaire de l’ombre, Les Hommes sans Epaules no 16, troisième série, 2004.
Christophe Dauphin, Ilarie Voronca parmi nous, Les Hommes sans Epaules no 9/10, deuxième série, 1993.
Ilarie Voronca, numéro spécial, présentation de Jean-Paul Mestas, Cahiers de Jalons no 3, 1979.
Ilarie Voronca, documents et choix de poèmes, Le Pont de l’Epée no 27-28, 1965.
Denys-Paul Bouloc, Ilarie Voronca, éditions Subervie, 1961.
Tristan Tzara, Ilarie Voronca, Les Lettres françaises, 1949.



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules




Dossier : LES POETES DANS LA GUERRE n° 15

Dossier : ILARIE VORONCA, le centenaire de l'ombre : 1903-2003 n° 16

Numéro Spécial GUY CHAMBELLAND POETE DE L'EMOTION n° 21




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Publié(e) dans le catalogue des Hommes sans épaules



 
Journal inédit, suivi de Beauté de ce monde (Poèmes 1940-1946) – 2éme édition

Ilarie Voronca, Le poète intégral