Joao CABRAL DE MELO NETO

Joao CABRAL DE MELO NETO



João Cabral de Melo Neto (Recife, PE, 1920 - Rio de Janeiro, RJ, 1999) passe une partie de son enfance dans les exploitations de canne à sucre de ses parents, à São Lourenço da Mata e Moreno, dans l’État de Pernambouc. À 10 ans, il entre au Collège Ponte d’Uchoa, des frères Maristes.

En 1938, il fréquente le Café Lafayette, point de rencontre des intellectuels de Recife. Il déménage ensuite avec sa famille, en 1942, à Rio de Janeiro. Il y rencontre Murilo Mendes, qui le présente à Carlos Drummond de Andrade et publie son premier livre, Pedra do Sono, « Pierre du Sommeil ». En 1945, il commence à travailler comme employé du Département de l’Administration de la Fonction Publique. La même année, il est inscrit au concours du Ministère des Relations Extérieures et commence à intégrer en 1946 la carrière diplomatique.

En 1952, il est accusé par Getúlio Vargas d’avoir créé une « cellule communiste » au Ministère des Relations Extérieures avec quatre autres diplomates. Il est exclu du Ministère puis réintégré l’année suivante, après un recours auprès de la Cour Suprême Fédérale. Après avoir assumé des charges diplomatiques dans plusieurs pays (Paraguay, Honduras, Sénégal), il est nommé Consul Général de la ville de Porto (Portugal) en 1984. Il reste en fonction jusqu’en 1987, date à laquelle il retourne vivre avec sa famille à Rio de Janeiro. Peu de temps après, il commence à souffrir de cécité, ce qui le conduit à la dépression. Il décède en 1999, victime d’une crise cardiaque.

Premier livre de poèmes de Melo Neto, Pedra do Sono, est une sélection de poèmes à fort contenu surréaliste. Parmi les thèmes principaux figure la description des états de rêve, révélant l’intérêt de l’auteur pour les états frontaliers entre sommeil et veille. La poésie ultérieure de João Cabral est caractérisée par une grande rigueur esthétique. Elle évite de recourir au pathos pour créer une atmosphère poétique, évitant ainsi toute tendance romantique, et recherche une construction élaborée et réfléchie du langage, transformant toute la perception en une image de quelque chose de concret et se rapportant aux sens, en particulier au toucher. Certains mots sont utilisés de manière récurrente comme canne, pierre, os, dent, couteau, faucille, lame, coupe, peau, baie, montre, sec, minéral, désert, aseptique, vide, faim. Il s’agit d’une poésie objective, constructiviste et communicative, d’une poésie du concret. Celle-ci aborde aussi des thèmes sociaux comme dans Morte e Vida Severina, poème dramatique publié en 1955, qui décrit la saga d’un habitant du Nordeste qui quitte le sertão vers le Sud-est du Brésil pour rechercher de meilleures conditions de vie.

Écrit en redondilha maior[1], le poème est divisé en deux parties : la première, « chemin ou échapper à la mort », se produit avant que le protagoniste n’atteigne la capitale Recife, et la seconde, « crèche ou rencontre de la vie », est postérieure à l’arrivée dans la ville. Inspiré de Gil Vicente, poète portugais du 16e siècle, le texte met en scène des personnages allégoriques et représentant les vertus et les péchés, le bien et le mal. A educação pela pedra, « L’éducation par la pierre », publié pour la première fois en 1966, est considérée comme l’un des ouvrages les plus importants de João Cabral. Dans cet ouvrage, le poète atteint l’apogée de son style. L’auteur a décidé avant de l’écrire quel serait le plan du livre, en déterminant le nombre de poèmes, les sujets abordés, etc. Les textes y sont traités de manière rigoureuse et systématique, afin qu’ils puissent obtenir la cohérence et l’objectivité d’une « pierre ». Le poème qui reçoit le même titre que le livre est au centre du travail et fonctionne comme son noyau thématique. Il se réfère à la pierre comme modèle d’exercice du langage et de fabrication de la poésie (par sa précision, son aridité et sa dureté), et comme symbole de la dure réalité du Nordeste brésilien.

Oleg ALMEIDA et Philippe MONNEVEUX

(Revue Les Hommes sans Epaules).


[1] La redondilha maior est le nom donné, à partir du 16e siècle, à un poème aux vers de sept syllabes. Elle a été en particulier utilisée par les poètes portugais Garcia de Resende et Luís Vaz de Camões.



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
DOSSIER : La poésie brésilienne, des modernistes à nos jours n° 49