Murillo MENDES

Murillo MENDES



Murilo Monteiro Mendes (Juiz de Fora, MG, 1901 - Lisbonne, Portugal, 1975) exerce dans sa jeunesse des activités professionnelles très diverses : préparateur de pharmacie, professeur de français, greffier de notaire, télégraphiste, archiviste du Ministère des Finances et commis à la Banque du Brésil. Il est très tôt attiré par la poésie et par la danse.

À 16 ans, il s’enfuit de la pension où il étudie pour aller assister, à Rio de Janeiro, au spectacle du danseur et chorégraphe russe Vaslav Nijinski. Ses ouvrages Poemas, « Poèmes » (1930), Bumba-Meu-Poeta, « Bumba-mon-poète[1] » (1930) et História do Brasil, « Histoire du Brésil » (1932), clairement modernistes, sont marqués par une grande préoccupation sociale et philosophique qui n’empêche pas une vision humoristique de la réalité brésilienne. Il entre en contact à cette même époque avec les poètes Manuel Bandeira, Carlos Drummond de Andrade, Oswald de Andrade, Raul Bopp, et avec le peintre Ismael Nery.

En 1935, il se convertit au catholicisme et écrit Tempo e Eternidade, « Temps et Éternité » (1935) en collaboration avec Jorge de Lima. La religion est pour lui une réponse à la réalité de son temps, et son objectif est de la rapprocher des questions sociales. La poésie de Tempo e Eternidade, étroitement liée à l’essentialisme[2], constitue un contrepoint universaliste aux préoccupations nationales de sa première poésie moderniste. C’est une poésie d’espoir plutôt que de conviction. Le poète tire du christianisme une double conception de la poésie, poésie en tant que martyre, qui cherche à témoigner de la souffrance de soi associée à celle du monde, et poésie en tant qu’agent messianique de la révolution (« Ensemble, ils formeront un jour une colonne très haute touchant les nuages et déchiffreront l’énigme »).

En 1940, il fait la connaissance de la poétesse Maria da Saudade Cortesão (fille de l’historien portugais Jaime Cortesão exilé au Brésil pour son opposition à la dictature de Salazar) qu’il épousera en 1947. Dans ses œuvres poétiques Poesia em Pânico, « Poésie en Panique » (1938), O Visionário, « Le Visionnaire » (1941), As Metamorfoses, « Les Métamorphoses » (1944) et Mundo Enigma, « Monde Énigme » (1945), se manifeste une influence cubiste, avec une prédominance du plastique sur le discursif, ainsi qu’un érotisme hérité du surréalisme. Dans Poesia em Pânico, par exemple, il personnifie l’Église en tant que femme toute en courbes et il fait dire au poète Nocaute : « Nous insisterons pour que Dieu ne répète pas la blague de la Création ».

Dans Poesia Liberdade, « Poésie Liberté » (1947), écrit sous le choc de la guerre, se reflète son inquiétude face à la situation du monde. Dans le Murilo Mendes de l’après-guerre jusqu’à la fin des années 1950, on retrouve la même tendance néoclassique qui caractérise la poésie d’autres poètes comme Carlos Drummond de Andrade et Jorge de Lima.

En 1953, il est invité à enseigner la littérature brésilienne à Lisbonne. Il visite ensuite plusieurs pays d’Europe, avant d’accepter en 1957 un poste de professeur de culture et littérature brésiliennes à l’Université de Rome. Il se lie d’amitié avec Miró, Breton et Ezra Pound.

En 1954, dans Contemplação de Ouro Preto, « Contemplation d’Ouro Preto », il modifie son langage et ses préoccupations en se référant aux anciennes cités minières et à leur atmosphère. Plus tard, le poète lance encore de nouveaux processus stylistiques, résultant de la contemplation de l’architecture et du paysage et produisant des œuvres d’un caractère méditatif, rigoureux et privé, comme Parabola, « Parabole » (1952), Siciliana, « Sicilienne » (1959) et Tempo Espanhol, « Temps Espagnol » (1959).

En 1970, il publie Convergência, « Convergence », un livre de poèmes d’avant-garde influencés par le concrétisme. Le trait le plus important de la production de cette période est toutefois l’abandon de la poésie au profit de la prose, qui mêle différentes formes littéraires telles que l’agenda, les portraits, les livres de voyage et les mémoires. À la fois moderne et traditionnel, Murilo Mendes a toujours maintenu une grande indépendance, voire un certain mépris pour les mouvements et manifestes.

La liberté avec laquelle il fusionne l’imaginaire et le quotidien, l’onirique et le mondain, l’éternel et le contingent, conduit Manuel Bandeira à le saluer comme « le grand conciliateur des contraires ». Sa poésie a inspiré d’autres poètes, parmi lesquels João Cabral de Melo Neto, qui a déclaré : « Murilo a toujours été pour moi un maître pour la plasticité et la nouveauté de l’image ».

Oleg ALMEIDA et Philippe MONNEVEUX

(Revue Les Hommes sans Epaules).


[1] Allusion probable à Bumba-meu-boi, “Bumba-mon boeuf”, danse folklorique populaire brésilienne du Nordeste,  qui comporte des personnages humains et des animaux fantastiques évoluant autour de la mort et de la résurrection d'un bœuf.

[2] L’essentialisme philosophique suppose que l’essence d’une chose précède son existence. Sans nier ni affirmer le libre arbitre éventuel de l’individu, il le rend tributaire de quelques déterminismes dont il ne peut pas commodément s’extraire et qui le définissent donc en partie.



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
DOSSIER : La poésie brésilienne, des modernistes à nos jours n° 49