Présentation et historique

 

 
La troisième série des HSE : 1997 à nos jours

Guy Chambelland étant mort en 1996, sa librairie-galerie du 23, rue Racine, à Paris, ne tomba pas dans l’oubli, puisque deux de ses proches amis, les poètes Elodia Turki et Alain Breton, reprirent le flambeau du défunt « Pont de l’Épée » et de la « Poésie pour vivre », en créant, en 1996, les éditions Librairie-Galerie Racine, où seront publiés des poètes confirmés (Jean Breton et Guy Chambelland, mais également Pierre Chabert, Jean Rivet, Serge Brindeau, Georges Jean, Hervé Delabarre, Paul Farellier, Claudine Bohi, Henri Rode, Yannick Girouard, Jacques Simonomis, Jocelyne Curtil, Alain Simon, Jacques Taurand, Christophe Dauphin ou Yves Mazagre) et de nombreux jeunes poètes (Lionel Lathuille, Claire Boitel, Adrien Leroy, Ivica Hénin, Jacques Kupfer, Laurence Bouloumié ou Ludovic Tournès). Un an après la création des éditions Librairie-Galerie Racine, Jean Breton, qui a renoncé à sa fonction d’éditeur depuis 1986, pour se consacrer pleinement à son œuvre critique et à la création, proposa de lancer la troisième série des Hommes sans Épaules.    

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La revue Les Hommes sans Épaules (éditée par les éditions Librairie-Galerie Racine jusqu’en 2010, puis par Les Hommes sans Épaules éditions, à partir de 2011) renaît une troisième fois, non de ses cendres, mais d’une braise en attente d’un souffle, sous la direction de Jean Breton (jusqu’en 2000) puis de Christophe Dauphin (à partir de 2001), avec un comité de rédaction composé d’Elodia Turki, de Paul Farellier et d’Alain Breton. Nous sommes toujours dans une « guerre du feu ». La tribu des Hommes sans Épaules (inventée par Rosny aîné dans son roman préhistorique, Le Félin géant) avait choisi la poésie contre la force brute. L’aventure des Hommes sans Épaules peut se poursuivre. 

Les Hommes sans Épaules entendent promouvoir et défendre une poésie émotiviste, héritière en droite ligne de la Poésie pour vivre, certes, mais qui ne saurait faire fi du surréalisme et des grandes voix solitaires que sont, entre autres, celles de Guy Chambelland ou d’Yves Martin. À travers l’émotivisme, nous actualisons, développons et augmentons de nos propres acquis, les actions de nos aînés, car tout ce qui est vivant doit se renouveler pour continuer à vivre. Tout ce qui ne se renouvelle pas meurt. C’est cela une filiation poétique et non un respect de décrets et de mots d’ordre qui, d’ailleurs, n’existent pas. Car le vrai mot personne ne l’a encore dit : l’émotivisme est une synthèse.

L’émotivisme, défini par Christophe Dauphin, n’entend pas se limiter à des recherches formelles, à des phénomènes de mode, puisqu’il se trouve avant tout lié à la quête d’une vérité humaine, ne s’incarne, ni dans une école, ni dans un système, ni dans un mouvement idéologique, mais dans un groupe infini, tel que celui des HSE, au sein duquel, l’individu, éloigné de toute complaisance, se tient au plus près du fatum humain contemporain, et demeure relié à l’autre, aux autres, par des affinités secrètes. L’émotivisme invite à une explosion de la sensibilité dans « l’ici et maintenant », et crée un lien entre tous ceux qui se confient tripes et âmes, pour tenter de faire basculer la vie dans le poème, avec cette sorte d’abandon qui doit préluder à une nouvelle invention de l’être, la dimension sensible scellant le socle de la poésie entendue comme chant profond. L’émotivisme repose sur l’expression intime d’un sujet, la construction d’une image du monde, et l’élaboration d’une forme verbale, picturale, graphique ou autre. L’émotivisme ne saurait être réduit à la seule expression des affects. Le poème, s’il ne correspond pas pour une large part aux enjeux de la vie intérieure, à la traduction des fluctuations de l’être par le langage, s’il ne naît d’avoir été vécu intensément, brèche ouverte sur l’intime, aura peut-être l’apparence d’un bijou, mais, par excès de formalisme, de culture ou de sensiblerie, ne pourra que culminer en un vain bibelot. La poésie émotiviste est un organisme, un postulat du sang. Elle est un règne, à la manière des règnes biologiques, minéral, animal ou végétal. Mon soleil fait la terre mauve - je suis un cri qui marche (...) - La chair forme des replis fanés - les yeux ont des lueurs de verre - pourtant un feu garde sa force comme une soif, écrit Patrice Cauda dans L’Épi et la nuit, 1984.

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                                                                Christophe Dauphin, Paul Farellier et Alain Breton, en 2006.

La revue Les Hommes sans Épaules demeure ouverte, renforcée par l’expérience accumulée, avec, entre autres atouts, les milliers de recueils et de revues reçus, rassemblés et lus, dans la chronique « Avec la moelle des arbres », qui débute toujours par ce juste propos de notre ami Sarane Alexandrian : « Il est beau de rechercher, au-delà des incompatibilités d’humeurs et des oppositions de goûts, la communauté spirituelle qu’on peut former avec tous les êtres qui valent quelque chose. » La rubrique « Avec la moelle des arbres », contient des notes et des chroniques de Christophe Dauphin, Paul Farellier, Jean Chatard, Karel Hadek, Gérard Paris, Jean-Pierre Védrines, Alain Breton, Jacques Aramburu, Claude Argès, Éric Sénécal (responsable de la chronique « La Nappe s’abîme ») et César Birène (responsable de la « Chronique des revues,» et des « infos/échos des HSE »).

Le travail de la rédaction est réalisé par un comité chaleureux mais exigeant. Chaque numéro s’ouvre sur un choix réalisé dans l’œuvre éditée ou inédite des plus sûrs poètes, selon nous, du demi-siècle écoulé: « Les Porteurs de Feu » : Claude de Burine, Jean Malrieu, Patrice Cauda, René Depestre, Thérèse Plantier, Jean-Claude Valin, Renée Brock, Henri Rode, Paul Vincensini, Serge Wellens, Gérard Murail, Jean Sénac, Yves Martin, Jocelyne Curtil, José Millas-Martin, Gabriel Cousin, Jean Rivet, Roger Kowalski, Gaston Puel, André Marissel, Jean Orizet, Pierre Chabert, Michel Merlen, Jean Rousselot, André Miguel, Francesca-Yvonne Caroutch, Alain Jouffroy, Vénus Khoury-Ghata, Serge Brindeau, Alain Morin, Jean-Vincent Verdonnet, Guy Chambelland, Stanislas Rodanski, André Laude, Gérald Neveu, Robert Champigny, Jacquette Reboul, Abdellatif Laâbi, Georges-Emmanuel Clancier, Werner Lambersy, Claude Tarnaud, Paul-Marie Lapointe, Michel Butor, Christian Bachelin, Gabrielle Althen, Frédéric Jacques Temple, Richard Rognet, Marie-Claire Bancquart, Vera Feyder, Francis Giauque…

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« Ainsi furent les Wah » est une anthologie permanente des poètes de notre temps. Les sensibilités nouvelles ne sont pas négligées. L’exigence de l’écriture doit s’accorder à l’authenticité et à l’émotion sans perdre de vue le bien-fondé et le sérieux des repères : Yann Appery, Dominique Joubert, Claudine Bohi, Lionel Lathuille, Frédérick Tristan, Hubert Bouziges, Jean-Marie Le Huche, Jean-Louis Depierris, Jacques Kober, Yusef Komunyakaa, Michel Baglin, Yannick Girouard, Yves Mazagre, Daniel Lander, Georges Sédir, Jean-Dominique Rey, Alain Simon, Jean-Claude Martin, Herri-Gwilherm Kerourédan, Jean-Paul Klée, André Prodhomme, Jean-Luc Maxence, Roland Busselen, Mireille Fargier-Caruso, Albert Fleury, Alain Wexler, Alain Jegou, Geneviève Novellino, Hervé Delabarre, Jean-Pierre Lassalle, Marie-Christine Brière, Frédéric Tison, Javotte Martin, Josette Ségura, Janine Modlinger, Estelle Dumortier, Albert Gontran, Emmanuel Berland, Paul Mari, Jean Thiercelin, Jeanine Salesse, Michel Héroult, Éric Sénécal, Henri Droguet, Jehan Van Langhenhoven, Paul Sanda, Yves Boutroue, Frédéric Auroux, Hafsa Saifi, Jacques Moulin, Odile Cohen-Abbas, Monique Saint-Julia, Isabelle Lévesque Katty Verny-Dugelay, Jean-Michel Bongiraud, Danièle Corre, Patrick Aveline, Bojenna Orszulak, Michel Merlen, Catherine Mafaraud-Leray, Marthe Émon-Peyrat, Nicole Hardouin…

Nos dossiers sillonnent d’urgence le rêve et l’inconscient, les territoires de l’imaginaire comme le réel à vif : Les Hommes sans épaules 1ère série, Guy Chambelland (deux dossiers), l’Édition de poésie en France (quatre dossiers), le Nouveau lyrisme, les Poètes dans la guerre, Ilarie Voronca, Marc Patin et le surréalisme, Joyce Mansour tubéreuse enfant du conte oriental, Léo Malet & Yves Martin la rue Paris la poésie et le Merveilleux, Jean Breton ou le soleil à hauteur d’homme, Jorge Camacho chercheur d’or, Roger-Arnould Rivière le poète de la cassure, Jacques Bertin le poète du chant permanent, Attila Jozsef et la poésie magyare, Vicente Huidobro ou la légende d’Altazor Henri Rode l’émotivisme à la bouche d’orties, Horizons poétiques de la mort, Pierre Reverdy et la poétique de l’émotion, Pierre Chabert, Divers états du lointain…

Des rubriques comme « Une Voix, une œuvre » ou « La Mémoire, la Poésie » présentent des poètes marquants de notre temps et rendent aussi hommage à des œuvres lumineuses et souvent méconnues ou à redécouvrir : Jacques Simonomis, Jean-Pierre Duprey, Mahmoud Darwich, Paul Farellier, Gérard Murail, Ernest Delève, Yves Bonnefoy, Elodia Turki, Pierre Gabriel, Alain-Pierre Pillet, Monique Rosenberg, Albert Ayguesparse, Thérèse Plantier, Henri Falaise, Jean-Paul Hameury, Robert Rius, Daniel Varoujan, Eugène Guillevic, Louis Guillaume, Fernand Verhesen, Gilles Lades, Jacques Taurand, Claudine Bohi, Stanislas Grochowiak, Abou El Kacem Chebbi, François Montmaneix, Gérard Bocholier, Christophe Dauphin, Loïc Herry, Tomas Tranströmer, Georges Jean, Max Alhau, Ismail Kadare, Monique W. Labidoire, Gellu Naum…

La rubrique « Vers les Terres libres » est consacrée à des auteurs que leur bibliographie, encore peu étendue, écarte des précédentes rubriques, mais dont les créations, éloignées des tendances dominantes, révèlent une authenticité et une originalité évidentes : Pierrick de Chermont, Christiane Veschambre, Benoît Doche de Laquintane, Joumana Haddad…

« Le Cri de l’oubli » entend remettre en lecture des poèmes dont l’éloignement relatif dans le temps n’a rien retranché de leur force et de leur beauté : Pierre Delisle, Alain Bouchez, Ernest Delève, Jean-Baptiste Lysland…

La rubrique « Dans les cheveux d’Aoun », donne à lire des proses de : Jean Breton, Jean Sannes, Jean-Max Tixier, Pierre Reverdy, Claude Michel Cluny, Jim Ferguson, Christophe Dauphin, Sarane Alexandrian, André Breton, Léo Malet, Yves Martin, Janine Modlinger, Octavio Paz, Claudia Sperry-Fontanille, Alain Simon, Jacques Hérold, Alain Breton, Jean Chatard, Félix Labisse, Paul Farellier, Imre Kertész, Jehan Van Langhenhoven…

La revue ne tourne pas le dos à la photographie ou à la création plastique (Piem, Bosc, Trez, Roland Topor, Chaval, Jorge Camacho, René Iché, Victor Brauner, Madeleine Novarina, Amos Zelikson, Antonio Guansé, Joyce Mansour, Lucien Coutaud, Daniel Pierre dit Hubert, Henri Espinouze, Roger Toulouse, Alain Breton, Anton Larbie, Lionel Lathuille, Tita, Pablo Picasso, Hans Arp, Juan Gris, Fernand Léger, Robert Bereny, Geza Bornemisza, Sandor Bortnyik, Lajos Kassák, Székely Aladar, Gustave Moreau, Ligier Richier, Jacques Hérold, Claude Cahun, Brassaï, Amedeo Modigliani, Holley Chirot, Félix Labisse, Jorge Camacho, Gino Severini, Jean-Olivier Hucleux, Théodore Brauner, Ljuba …), ni à la passion et à l’humour. Il y a des éclairs, des brûlures… c’est notre souhait, deux fois l’an.

Pour les Hommes sans Épaules, et c’est une constante que l’on retrouve dans les trois séries,  le poème n’est jamais production artificielle, pirouette linguistique ou verbalisme asséchant. Se méfiant du cynisme comme du décoratif culturel, le poème colle au plus près de la réalité, du vécu de l’homme ordinaire, pour résumer le statut que les poètes du groupe ont toujours réclamé pour eux-mêmes.