Attila JÓZSEF

Attila JÓZSEF



Attila József est né à Budapest, le 11 avril 1905. Il est le troisième enfant de la famille, que le père abandonne en 1908. Son enfance  est des plus misérables. Être fragile et vulnérable, il fait sa première tentative de suicide à neuf ans, en 1914, alors qu’éclate la Première Guerre mondiale. Adolescent, il doit travailler pour aider sa mère et ses deux sœurs. En 1918, le vaste Empire austro-hongrois n’existe plus. La Hongrie dans laquelle vit Attila József, c’est celle, totalitaire, de l’amiral Horthy, qui a installé un régime nationaliste. Noël 1919 : la mère d’Attila meurt d’un cancer de l’utérus. La mère, symbole de la tendresse mais aussi du manque et de l’absence, reviendra fréquemment hanter les poèmes, tout comme Dieu, lourd comme un cadavre, insensible et sourd à la détresse humaine. Le jeune Attila reproche à Dieu ce qu’il reproche au père : l’avoir créé pour l’abandonner. Ses premiers poèmes, écrits à l’âge de 17 ans, paraissent dans la revue Nyugat (étendard du modernisme hongrois), où il fait figure d’enfant prodige. Le jeune homme est brillant, intelligent et doué, mais torturé par ses démons. En 1922, paraît en souscription, Le Mendiant de la beauté, son premier livre de poèmes. József subit alors les influences de Baudelaire et d’Endre Ady. La lecture de Rimbaud (frère de révolte), puis celle de Walt Whitman, l’influencent également, comme cela se ressent à la lecture de Ce n’est pas moi qui crie, son deuxième recueil, qui paraît en 1924. La critique est épatée par ce poète qui n’a pas encore vingt ans et dont le lyrisme aérien, les vers tour à tour tendres et rageurs, sont sans mesure avec ce qui se publie en Hongrie. En 1923, année où il obtient, en candidat libre, son baccalauréat, absorbant en trois mois le programme de deux ans d’études, Attila est jugé pour blasphème, à cause de la publication de son poème « Le Christ révolté ». Condamné à huit mois de prison et à 200.000 couronnes d’amende, la Cour Suprême le relaxe, mais un nouveau scandale se profile. En marge de ses études, il publie des poèmes dans le journal de la gauche de Szeged, dont « Cœur pur ». Son poème terrifie les bourgeois et les professeurs de l’Université, qui le renvoient. Tout en pratiquant le vers libre (il reviendra au vers rythmé et généralement rimé), il s’oriente vers l’écriture de poèmes d’inspiration populaire, dans l’héritage de Petőfi et d’Arany, deux grands classiques hongrois du XIXe siècle. C’est József Erdélyi, son aîné de quelques années, qui, alliant inspiration populaire et révolte libertaire, influencera Attila József vers la tendance populiste. À travers ce courant, Attila József trouvera sa voie et sa voix, tout en dépassant largement son « maître ». Après avoir vécu misérablement à Vienne et à Paris  (où il découvre le surréalisme, le marxisme et François Villon), József  est de retour à Budapest, en 1928. Il est embauché comme correspondant commercial trilingue, grâce aux parents d’une amie (qui deviendra, bien plus tard sa biographe) : Marta Vago. Le poète en est très amoureux, mais Marta est originaire d’une famille de bourgeoisie aisée, réceptive certes, aux idées socialistes, mais bien moins à l’idée de voir Marta épouser un poète instable. Comme toujours, le bonheur ne dure pas. Marta est envoyée à Londres, pour y poursuivre ses études. Je m’épris d’une fille fortunée – Mais par sa classe elle me fut ravie. Attila sombre dans la dépression nerveuse. Je n’ai ni père ni mère, paraît en février 1929. On y décèle les influences majeures et conjuguées du surréalisme, du réalisme et de l’inspiration populaire. La réputation d’Attila ne cesse de grandir, mais le recueil passe inaperçu, ce qui provoque, chez le poète, un profond ressentiment envers la critique, qu’il accuse de conformisme. C’est un nouvel amour qui le console de ses échecs littéraires. Judit Szántó, jeune militante communiste, sera sa compagne pendant cinq ans. Le poète milite clandestinement, donne des conférences devant des auditoires d’ouvriers, rédige des tracts, écrit des poèmes militants. Attila est acquis au combat des opprimés certes, mais sa poésie ne saurait se soumettre aveuglément aux préceptes du Parti communiste clandestin, qui, en 1933, lui reproche son attachement au folklore hongrois, comme son intimisme poétique. Dénoncé comme poète prolétarien par la droite, et accusé d’être un poète décadent, petit-bourgeois et rétrograde, par les communistes hongrois, Attila se retrouve pris entre deux feux. Il est exclu du Parti. Attila József continue malgré tout, à pratiquer une poésie d’inspiration humaniste et sociale. Il est alors au sommet de son art. Tout aussi remarquable est sa poésie amoureuse. Pour József, l’amour comme l’érotisme charnel, est une force qui libère. Dans Cela fait mal, son dernier recueil (1936), un testament, le poète crie sa souffrance et son désespoir tout en tentant de concilier la dimension sociale et l’apport de la psychanalyse. Le poète ne parvient pas à vaincre le mal de vivre qui l’oppresse, l’écrase et que l’on a hâtivement et très longtemps baptisé schizophrénie. En février 1937, Attila rejoint ses sœurs, dans leur maison de Balatonszárszó (au bord du lac Balaton). Le 3 décembre 1937, au soir, Attila József se donne la mort : il s’allonge sur les rails et attend le passage du train. Dés lors, son prestige ne va pas cesser de grandir. Poète majeur du XXe siècle, phare maudit, de son vivant, József ne connaîtra la renommée, qu’à titre posthume. Le dossier central des HSE 27 (2009), pour le moins exhaustif, a été consacré (par Christophe Dauphin) à « Attila József et la poésie magyare ». À lire : Aimez-moi : L'œuvre poétique (Phébus, 2005), Ni père ni mère (Sillage, 2010).

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Épaules).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : ATTILA JÓZSEF et la poésie magyare n° 27