Claude Michel CLUNY
Claude Michel Cluny (1930-2015), né dans les Ardennes, a passé son enfance dans la région parisienne. La guerre, qui a marqué profondément son adolescence, lui inspirera, sur le tard, un livre autobiographique, Sous le signe de Mars (2002).
Entré en 1952 à l’ORTF, il y accomplira toute sa carrière professionnelle, notamment comme bibliothécaire de la Maison de Radio France. Très grand voyageur sur tous les continents, avec plusieurs tours du monde à son actif, il révèle, tant en poète qu’en diariste, l’importance qu’avait prise le voyage dans son œuvre comme dans sa vie.
Son premier roman, La Balle au bond, sort chez Denoël en 1961, année même où La Nouvelle Revue française publie ses premiers poèmes. C’est un peu plus tard, en 1965, que paraît son premier recueil de poèmes, Désordres. Il a longuement collaboré aux Lettres françaises, à La Quinzaine littéraire et à La Nouvelle Revue française, y tenant la critique cinématographique. Il fera également œuvre de critique de cinéma au Nouvel Observateur puis de critique littéraire au Quotidien de Paris et à L’Express. Au Figaro littéraire, il assurera, dans les années 1990-2000, la chronique de littérature étrangère. Quant au Magazine littéraire, il y aura publié nombre de ses articles jusqu’à la fin de 2003.
En plus de la poésie, qui nous occupe ici prioritairement, il faut souligner l’étendue et la diversité des autres aspects d’une œuvre qui réunit des romans, des essais critiques, de très nombreux articles, et surtout un journal littéraire (L’Invention du temps) d’une grande richesse de jugements et d’analyses, et d’une remarquable hauteur de vue, dont les éditions de La Différence assurent la publication monumentale (dix volumes déjà parus sur un total de quatorze).
Claude Michel Cluny s’est également distingué par ses travaux d’édition, dirigeant notamment chez son éditeur, La Différence, la collection « Orphée », au format de poche, riche de plus de deux cent cinquante titres, permettant au public français d’accéder à l’œuvre d’une foule de poètes du monde entier.
L’œuvre poétique de Claude Michel Cluny frappe tout d’abord par son intense beauté. De la beauté – dont on a cru bon de se détourner en foule, peut-être parce qu’elle avait été par trop glorifiée dans les « écoles » du passé –, Cluny sera resté le plus fidèle desservant. Beauté du sens poétique et de l’image, bien sûr, mais en même temps beauté française de la langue, dont le poète aura été l’un des artisans les plus accomplis.
L’héritage que fait fructifier son œuvre est essentiellement celui d’une antiquité païenne gréco-romaine, donc parfaitement étranger aux conceptions judéo-chrétiennes : un sens du devenir héracli-téen, une connaissance nietzschéenne du tragique ; mais en outre, omniprésent, un érotisme qui célèbre la lumière des demi-dieux adolescents.
Paul FARELLIER
(Revue Les Hommes sans Epaules)
Œuvres de Claude Michel Cluny :
Poésie : Désordres, Gallimard, 1965. Inconnu passager, Gallimard, 1978. Asymétries, La Différence, 1985. Hérodote Eros, Fata Morgana, 1984. Feuilles d’ombre d’Harmodios de Cyrène apories, La Différence, 1987. Poèmes du fond de l’œil, Gallimard, 1989. Odes profanes, La Différence, 1989. Œuvre poétique, vol. 1 « Œuvres complètes », La Différence, 1991. Un jour à Durban, La Différence, 1991. Les dieux parlent, La Différence, 1993. Poèmes d'Italie, La Différence, 1998. À l’ombre du feu, La Différence, 2001. L’Autre Visage, La Différence, 2004. Œuvre poétique, vol. 2, La Différence, 2010.
Journal littéraire : L'Invention du Temps : journal littéraire, La Différence, 10 volumes ont paru depuis 2002.
Essais et récits : Dictionnaire des nouveaux cinémas arabes, Sindbad, 1978. La Rage de lire, essais critiques, Denoël, 1978. Le Caire, essai, Champ Vallon, 1985. Le Fleuve et l'Écho, La Différence, 1987. Le Livre des quatre corbeaux, essai, La Différence, 1998. Atacama, essai historique, La Différence, 2000. Sous le signe de Mars, récit, La Différence, 2002. Waterloo, une bataille pour l'Europe, album, Éditions de la Différence, 2012.
Romans et nouvelles : La Balle au bond, roman, Denoël, 1961. Un jeune homme de Venise, roman, Denoël, 1966. Vide ta bière dans ta tombe, récit, Denoël, 1980. Disparition d'Orphée de Girodet, nouvelle, La Différence, 1987. On dit que les gens sont tristes, nouvelles, Gallimard, 1992. Œuvre romanesque complètes, La Différence, 1994.
LEPTIS MAGNA
Je ne sais que faire de tant de splendeur.
Jean Tardieu
1
Odeur des pins
comme une robe
ôtée d’un coup
dans la lumière,
ce pétrole bleu
qu’on ne brûle pas
encore.
2
Odeur plate
du silence
des pierres
anéanties
comme un cri
brisé au sol.
Les paroles
ne nous font pas d’ombre.
3
L’orage a lavé les dieux
de ses eaux tristes
un insecte s’écrase
odeur d’une sueur –
celle de ton passage.
4
Là-bas, si près
où l’air tremble
les yeux violets
de la mer
emplissent par milliers
les yeux absents
d’une immense ville morte.
5
Et le vent lève
un peu de poussière
qui souriait
sur les dents du silence.
(Lybie, 1968)
Claude Michel CLUNY
(Poèmes extraits de La Mort sur l’épaule, éd. Rencontre, 1971).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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