Gérard de NERVAL

Gérard de NERVAL



Né à Paris le 22 mai 1808, Gérard de Nerval, de son vrai nom Gérard Labrunie, ne connut jamais sa mère, morte en Allemagne deux ans après sa naissance. Il passe ses premières années dans le Valois à Mortefontaine auprès de son oncle Antoine Boucher. En parcourant les forêts et en écoutant les récits légendaires de sa province, il prend l'habitude de la rêverie. Les paysages du Valois servent de cadre réaliste, folklorique et idéalisé à la plupart de ses récits de fiction. Il voue un culte à la mémoire de sa mère qu'il n'a pas connue. À Paris, où il fait ses études au collège Charlemagne, il se lie d'amitié avec Théophile Gautier. Il se montre un élève studieux. Ses premiers textes littéraires sont des élégies inspirées par l'épopée napoléonienne (Napoléon et la France guerrière, élégies nationales, 1827). En 1828, imprégné de culture germanique, il révèle à ses contemporains les maîtres qu'il aime et qu'il imite: Goethe dont il traduit le Faust. À la même époque, il se fait journaliste, se lie avec les principaux écrivains romantiques du Cénacle (Hugo, Nodier, Petrus Borel, etc.) et, se mêle à la bohème littéraire de l'époque qui donne bals, soupers, fétes costumées, Petits châteaux de Bohème. Il prend une part active, aux côtés de son ami Gautier, à la fameuse bataille d'Hernani. En 1834, il rencontre l'actrice et chanteuse Jenny Colon, pour laquelle il se prend d'une passion désespérée sans succès. Désespéré par le mariage de Jenny avec un flûtiste en 1838, Nerval qui lui conserve une image idéale tente de trouver une consolation dans les voyages, en Allemagne puis en Autriche. La lecture du second Faust qu'il traduit en 1840 le persuade que comme Faust il a chéri sous une apparence humaine, l'incarnation fragile d'un éternel féminin. Son exaltation aboutit en 1841 à une crise très grave, il est soigné pour troubles mentaux pendant six mois dans une maison de santé, la clinique du docteur Blanche. Momentanément guéri, il apprend la mort de Jenny Colon en 1842, le souvenir de la morte s'estompe et elle lui apparaît désormais. Dans les pays d'Orient (Égypte, Liban, Rhodes, Syrie, Turquie) qu'il va visiter en 1843, il poursuit sa chimère et des aspirations religieuses se mêlent au rêve sentimental. Il étudie les mythologies, la Vénus grecque, l'Isis égyptienne. Mais une nouvelle crise survient en 1851 et il doit être interné à plusieurs reprises. Il publie L'Artiste, La Bohème galante, Lorely, Les Nuits d'octobre (1852). À partir de 1853 les périodes d'équilibre alternent avec les périodes de délire. Après sa dernière hospitalisation (mai à octobre 54), il traîne une existence misérable. On le découvre à l'aube du 25 janvier pendu dans une ruelle parisienne. Il a transcrit avant de mourir les principaux épisodes de sa tragique aventure, ses œuvres les plus émouvantes, Sylvie, Les Chimères, Aurélia et enfin Pandora qui nous révèlent comment son rêve a pris naissance s'est épanoui et épanché dans la vie réelle jusqu'à désorganiser sa représentation du monde. Chaque nouvelle du livre Les Filles du feu porte le nom d'une femme, à la fois réelle et mythique («Angélique», «Sylvie», «Octavie», «Isis», «Corilla»). Le cadre des premiers de ces récits, «Sylvie» et «Angélique», est le Valois, tandis que les derniers se déroulent en Italie. Tous ces textes font néanmoins le récit de la quête d'une figure féminine perdue, femme, déesse, fée ou sainte, qui finit par s'incarner dans l'Isis mystique des cultes ésotériques. Le recueil Les Chimères regroupe des sonnets («El Desdichado», «Myrtho», «Delfica», «Artémis», «le Christ aux oliviers») enchâssant, dans une métrique presque classique, des images et des symboles hermétiques : à ce titre, ce recueil est exemplaire de la recherche mystique du poète, recherche marquée par un syncrétisme religieux qui combine christianisme et paganisme dans une mystique personnelle. Aurélia, dernière œuvre de Nerval est le récit en prose d'un voyage onirique, «épanchement du songe dans la vie réelle», qui dépeint «les impressions d'une longue maladie qui s'est passée tout entière dans les mystères de l'esprit». Dans cette œuvre, il a tenté de rendre compte d'une de ses expériences «surnaturalistes» ou «surréalistes», au cours desquelles les frontières entre le rêve et la réalité se brouillent. C'est d'ailleurs Aurélia qui lui valut d'être considéré par les surréalistes comme un précurseur. À lire : Œuvres complètes, 3 volumes, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard.



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : DIVERS ÉTATS DU LOINTAIN n° 34