James Douglas dit Jim MORRISON

James Douglas dit Jim MORRISON



L’image que l’on rapporte de James Douglas Morrison (1943-1971), le légendaire chanteur des Doors, est sommaire, superficielle, crée sur la base de fables aussi sensationnelles que contradictoires. Progressivement lassé de son image de rock star et de cette réputation de barde provocateur, Jim reviendra aux origines : la poésie. Il existe bien un dualisme entre le Morrison public, chanteur de rock, et le Morrison privé, qui est intensément poète. Il va alors rêver la fusion de la musique expérimentale et de la poésie. Mais Jim ne voulait pas que le public des Doors réagisse comme un troupeau. En parfait non-conformiste, il conteste les idées reçues. Il souhaite faire évoluer les foules, les faire accéder à la poésie dionysiaque, les sortir de l’aliénation de leur condition sociale. Mais lors des concerts, il ne trouve que des masses passives, identiques aux autres, en adoration devant l’idole. Cette totale incompréhension du public à l’encontre, tant de la création que du projet de Morrison, s’avéra être un cuisant échec personnel, qui poussera Jim à se retourner vers la solitude et la marginalité du poète, qu’il n’aura jamais cessé d’être. La musique n’était pour lui qu’un support qui devait véhiculer ses textes. Seule la poésie l’obsédait. Si certains poèmes ont pu servir de base pour des chansons, il importe de bien faire la distinction entre les deux genres. La chanson est une forme musicale à part entière. Elle est intimement liée à la musique et se conforme à ses exigences rythmiques et dynamiques qui sont incontournables. Hors musique, le texte perd bien souvent l’essentiel de sa force, apparaissant comme mutilé. Le poème n’obéit pas aux mêmes règles. Il découle d’une descente vertigineuse de l’individu en lui-même, pour y découvrir sa vérité, ses émotions. Il exprime ce que le langage conceptuel ne saurait dire. Pour Jim, il importe de travailler davantage à sa propre délivrance. Rien n’est immuable. On peut penser et réfléchir d’une autre manière que celle que l’on nous a inculquée. Il importe de trouver sa propre vérité ; d’agir selon sa nature et faire le nécessaire pour se libérer de tous les tabous. La majeure partie de l’œuvre poétique est composée lors des années d’études cinématographiques du poète, à l’UCLA de Los Angeles. Chaque recueil correspond à une étape bien précise de la création de Morrison. Avec Seigneurs et Nouvelles Créatures, le poète définit sa vision du monde, sa relation à la création, en même temps qu’il livre son bestiaire personnel. Il est fasciné par le serpent, cet animal simple, demeuré inchangé depuis des milliers d’années. Le serpent est une représentation commune du dieu créateur, dans maintes mythologies. Il s’identifie à la force, l’agressivité, les puissances de la vie. Il captive le poète qui en fera l’emblème de l’inconnu et de la condition humaine. Symbole de fertilité et de création, le serpent mue et laisse en son ancienne peau, la vie passée. Le loup revient souvent. Il symbolise la créature nocturne, qui perçoit dans la plus dure obscurité. Il personnifie la lumière. Il est le compagnon du poète. Il s’agit également d’un marginal. Le loup est le gardien des portes de l’au-delà. Le poète tente de montrer une autre façon d’apprécier la réalité : « La poésie ne veut rien dire, elle ne fait que révéler les possibles. Elle ouvre toutes les portes. A vous de franchir celle qui vous convient. » La poésie de James Douglas Morrison est une introspection dans les fibres et les arcanes les plus reculées de l’être. Une intériorisation du regard et des sens qui s’élancent dans une quête, sur la route des Seigneurs.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier: THÉRÈSE PLANTIER, UNE VIOLENTE VOLONTÉ DE VERTIGE n° 36

Publié(e) dans le catalogue des Hommes sans épaules


 
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