Kouam TAWA

Kouam TAWA



Kouam Tawa est né le 31 mai 1974, à Bafoussam, à l’ouest du Cameroun. Il réside dans sa ville natale et se consacre à la littérature, au théâtre et à l’animation d’ateliers d’écriture. Kouam Tawa encourage les participants à lire. Il leur dit : « Le mot littérature se décline à travers les trois mots suivants : « lis », qui est un impératif et une exhortation à la lecture, ensuite, « tes ratures », qui veut dire écrire sans relâche et enfin, « terre », pour marquer son ancrage ou ses racines. » 

Kouam Tawa est l’auteur d’une trentaine de livres de poésie y compris pour la jeunesse et d’une quinzaine de textes dramatiques pour la plupart inédits, dont Revanche(s), créée dans le cadre du projet « Pièces d’identités », de Roland Fichet, Le Dit de la grand route, mis en scène par Eva Doumbia, avec la promotion sortante de l’École de Chaillot, La Chose et La Revanche, qui ont été mis en scène dans le cadre de L’Afrique en créations/Lille 2000, Sacrilèges, mis en scène par Annie Lucas à la Passerelle – Scène nationale de Saint-Brieuc en 2002, Souïmanga, mis en scène par Wakeu Fogaing au Festival International de théâtre de Ouagadougou (Burkina Faso) en 1998, ou À corps perdu, mise en scène par Jean-Lambert Wild au Théâtre du Vieux Colombier en 2004.

Pour Kouam Tawa, « l’élément fondamental de la dramaturgie, c’est le conflit », conflit qui « permet de caractériser les gens, parce que l’homme se découvre dans l’action. » D’autres ont été mis en scène, en espace ou en ondes au Cameroun, en France, au Canada ou au Japon.

Situation d’un poète au Cameroun ? Kouam Tawa nous dit : « Depuis bien longtemps la position des écrivains est difficile au Cameroun. Au temps de la colonisation, ils portaient un message anticolonialiste affirmé et donc s’opposaient à la France puis après la décolonisation, les écrivains continuèrent à s’opposer aux conditions de cette décolonisation et à nouveau ils furent mal considérés par la France et indésirables au Cameroun. Mongo Beti était le plus grand d’entre eux. Il a vécu 31 ans en exil en France. Quand il est rentré au pays en 1991, il a continué à s’opposer au régime politique en place et a dénoncé l’époque coloniale. En Afrique on raconte une petite histoire qui dit qu’en France quand un écrivain publie un nouveau livre, il achète un costume et se prépare à aller de plateau de télévision en plateau de télévision. Alors qu’en Afrique francophone, l’écrivain qui sort un nouveau livre rase les murs et craint les services secrets. Quand Mongo Beti est mort en 2001, cette histoire a trouvé une illustration parfaite. J’ai assisté à son enterrement. J’ai vécu là un moment symbolique. La cérémonie eut lieu dans son village devant sa femme, française, et plein de gens qui ne comprenaient pas la langue dans laquelle le chef de famille s’exprimait pour l’éloge. Nous ne comprenions pas, mais régulièrement, nous entendions le nom du « Président Biya », peut-être trente fois ! J’étais interloqué, comme beaucoup d’autres personnes présentes. Vu les relations entre Beti et Biya, cela semblait incongru et dérangeant. La femme de Beti et d’autres personnes sont allées demander des explications. Il leur fut répondu que le « Président Biya » avait octroyé une médaille à Mongo Beti et qu’il fallait remercier le « Président Biya ». La femme de Beti fut horrifiée. La réponse fut que depuis 1956 et le premier livre anticolonialiste écrit par le défunt, appelé « Le Pauvre Christ de Bomba », le village avait été ostracisé. Qu’il ne disposait ni d’eau, ni d’électricité, ni d’hôpital et qu’il fallait que cesse cette situation. Voilà comment sont considérés les écrivains... Aujourd’hui encore, les plus grands écrivains camerounais, et de bien d’autres pays africains. Moi-même je rentre dans mon pays dans quelques jours et tous mes amis me conseillent de ne point le faire car la situation politique est très grave depuis des mois et il m’arrive d’écrire quelques poèmes en réaction. Mais je rentrerai... »

Allant à la rencontre, en mars 2019, des lycéens polonais de Jelenia Góra, Kouam Tawa se présente humblement et son pays aussi, en ces termes : « Je viens du Cameroun où j’écris de la poésie et des livres pour les enfants. L’œuvre de Molière sur laquelle je travaille est Dom Juan. Les jeunes de la partie francophone de mon pays ne savent pas qui est Molière. Je veux donc rester au plus près du texte pour qu’ils puissent approcher au mieux cet auteur français. Dans mon pays, huit régions parlent le français, deux sont anglophones alors qu’il existe 247 langues nationales. Le français et l’anglais sont les langues qui permettent aux populations de se comprendre, par exemple en cas de mariage entre deux personnes locutrices de langues nationales différentes. Il n’y a pas très longtemps que Molière n’est plus au programme des écoles camerounaises. Il y a une vingtaine d’années, les programmes étaient encore ceux hérités de la colonisation. Molière et Racine étaient enseignés dans la partie francophone, Shakespeare dans l’anglophone. Mais les programmes ont, eux aussi, pris leur indépendance et les « classiques » européens ou anglais ont disparu… »

Véracité et vérité d’une parole directement sortie de la vie simple, que l’on regarde et restitue avec amour humain et humour fraternel ; des aphorismes d’une sagesse qui peut être à la limite d’un truisme populaire, mais tellement rafraîchissants. Et malgré tout, une émotion bien palpable, honnêtement contenue. Tel nous apparait le poète camerounais Kouam Tawa, dont l’écriture nous change et c’est heureux du kaléidoscope verbal ambiant.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

À lire : À mi-mots (Unicité, 2020), Les nouveaux venus, illus. Juliette Lagrange, album jeunesse (Pas de l’échelle, 2019), Planez, oiseaux !, illus. Céline Dumas (Les petites allées, 2019), La voix des petites gens, illus. Teki Messoun (Les classiques ivoiriens, 2019), Donne-moi quelque chose, illus. Guillaume Leyssenot (Mazeto Square, 2019), Mon pays (Kamishibaï), illus. Barbara Pavé (Lirabelle, 2019), Les mots sont des tam-tams, poésie jeunesse (Tertium, 2019), L’homme à l’oiseau, illus. Marine Aubrière (Mazeto Square, 2018), Pourquoi m’appelle-t-on parapluie ?, illus. Antonio Boffa, poésie jeunesse (Lirabelle, 2018), Danse, Petite Lune ! (Rue du Monde, 2017), Matin de fête (Donner à Voir, 2017), Le bruit des fleuves (Tertium, 2017), Je verbe (Clé, 2017), Chemin faisant (Unicité, 2017), Danse, Petite lune, illus. Fred Sochard, album jeunesse (Rue du Monde, 2017), Elle(s) (Lanskine, 2016), Haut les vents ! (Christophe Chomant, 2016), Niko dort, illus. Tiphaine Boilet (Chat-Minou, 2016), Une reine pas comme les autres, illus. Georges Bonamer (Les Classiques ivoiriens, 2016), Colliers de perles (Al Dante/Le Triangle, 2015), Rien ne demeure et autres poèmes (L’Étrangère, 2013), Sais-tu où va le soleil ?, tableaux de Marion Lesage (La Martinière, 2009), Terre mienne (Ifrikiya, 2008), Moisson d’amour, poèmes pour la jeunesse (Agence Intergouvernementale de la Francophonie, 1998), A comme Afrique, illus. William Wilson (Gallimard jeunesse, juin 2020).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules



 
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