Loys MASSON
Loys Masson est né le 31 décembre 1915 à Rose-Hill (Île Maurice), où son père est établi comme Attorney-at-law (avoué), à l’instar de celui de Malcolm de Chazal. Loys a deux frères, plus jeunes : Hervé qui deviendra peintre, journaliste, écrivain et André, qui sera journaliste et écrivain. Juillet 1939, il est temps pour Loys Masson de quitter Maurice et d’abandonner son poste d’employé aux écritures à la Mauritius Commercial Bank.
Bagarreur, il est champion de boxe (l’air d’un petit boxeur ou plutôt un coq de combat), antifasciste convaincu (« c’est comme si je portais en moi toutes les victimes du fascisme ») et révolté (« Ne te soumets pas à la vie. Révolte-toi au hasard contre n’importe qui ou n’importe quoi, n’importe comment, pour te réhabiliter devant elle. Rebelle-toi pour guérir »). Masson est aussi un catholique fervent. Le Christ sera souvent nommé dans ses poèmes : « frères des plaies et des fanges », « aile clouée du Verbe », « nuit d’Orphée, syllabe arrêtée du chant d’adieu », « brouillard en forme de pendu », « captif otage à jamais pour les hommes libres », « éblouissant ressuscité. » Il est déjà poète et a publié ses deux premiers livres en 1937 et 1938, Fumées et Les Autres nourritures.
Le 29 aout 1939, il arrive à Paris via Marseille : Nous appareillâmes un soir d’octobre – Aux étoiles. L’ancre racla la coque – Il y eut trois longs cris de sirène – L’île mourut au tournant de la lame – Les fanaux dansèrent, le mât plia – la lune pleine monta sur l’avant – Et toute la mer fut blanche et tremblante… Ce poète français, qui est un citoyen anglais, s’engage dans la Légion étrangère. Malade, il est réformé en mars 1940 et part se réfugier à Tours chez des proches de sa famille. Ces derniers ont une fille, Paula, qui correspond avec l’une des sœurs de Masson. C’est le coup de foudre : Vous êtes venue, il faisait un temps d’anémone au temps où nous nous sommes connus. Les fiançailles suivent en juillet 40 : Je vous aime – je suis Loys Masson - Le poète de la tendresse, de vous, et de la révolution.
Été 41, il fait la rencontre de Lanza del Vasto, Pierre Emmanuel, Max-Pol Fouchet, Jacques Baron, Claude Roy et, à Villeneuve-Lès-Avignon, de Pierre Seghers, qui fait de lui le secrétaire de rédaction puis l’administrateur de sa revue Poésie 41, 42 et 45. Masson adhère au Parti communiste en 1942 ; parti qu’il quitte en 1948, sans rompre pour autant avec le socialisme. Dans son essai, Pour une Église, Masson tente la synthèse de sa double-croyance catholicisme-communisme. Le grand écart, de fait. « Son Christ revêt les traits d’un mythe, car c’est bien le mythe marxiste de l’homme nouveau qui marche derrière ses phrases pathétiques », témoigne le R. P. Tilliette. Jean Rousselot ajoute : « Le Christ de Masson est la clé de voûte d’un panthéon anonyme, végétal, viscéral et animal, dont la symbolique, spontanée, est affaire d’instinct plutôt que de raison. » Pierre Emmanuel, en 1943 : « Avec une tremblante, une amoureuse familiarité, ne chemine-t-il pas côte à côte avec Dieu, compagnon fraternel des soirs de lutte ? Loys Masson se sent le contemporain du Christ. » La même année, Aragon ajoute : « Poésie optimiste qui cherche le bien. Poésie dangereuse pour ceux qui ont intérêt à la conservation du mal, pour ceux qui font du mal leur rayon, leur théâtre et leur boutique. »
C’est toujours en 1943 que, menacé et recherché par la Gestapo, en raison de son activité de poète-résistant, Masson est contraint, avec Paula, de s’enfuir. Masson écrit (in son roman Les Mutins) : « « Plus ou moins condamnés à mort par les nazis, recherchés – traqués dans chaque ombre – ma femme, Paula, et moi avions quitté Villeneuve-lès-Avignon en mai de l’année précédente. N’ayant pour toute arme que la colère et un peu d’orgueil et un petit revolver avec seize balles, nous nous étions réfugiés dans ce châtelet délabré, adossé à sa futaie, sans meuble et sans lumière, prisonnier de sa douve et de sa mélancolie. » Ils retournent en Touraine et se réfugient au châtelet de Thilouze. Ce lieu et cette époque, durant laquelle il écrit beaucoup, lui inspireront notamment le roman La douve : « Je devenais la douve et la douve devenait moi… Tu es cercle à mon exemple, suggère la douve, une boue semblable à la mienne ne t’habite-t-elle pas depuis des années ? Qu’offres-tu d’autre que de la vase ? Homme-douve, les saules, le vent le répètent, homme-douve. » Poète, Loys Masson collabore aux revues Poésie, Fontaine, Confluences, les Lettres Françaises.
Résistant, il est, en outre, membre de Front National : « Il fait soleil sur les bourreaux ». Le couple reste en Touraine jusqu’en septembre 1944. Puis vient la Libération. Loys Masson est nommé secrétaire général du Comité national des écrivains ; il devient rédacteur en chef des Lettres françaises, journaliste puis producteur à la RTF ; ne cessant de publier abondamment, poèmes, pièces de théâtre, essais et romans jusqu’à sa disparition à Paris le 27 octobre 1969, un an après la déclaration d’indépendance de l’Île Maurice, qui lui a conféré la nationalité mauricienne. Inhumé à Pantin, son corps ne fut jamais rapatrié, comme il le souhaitait, à Maurice, son île, tant présente dans son œuvre, sa prose, notamment.
Masson a entretenu une relation ambiguë avec son île et a choisi l’exil. Cette île, elle lui était autant proche que lointaine. La concession de sa tombe arrivée à expiration ; ses restes furent versés dans une fosse commune en 2005. Partout chez Masson, poète du tumulte, de la révolte et de la passion, il est question d’appel à la liberté, de révolution et de rédemption, d’amour de la vie, de fascination pour la mort, en de, souvent, longs versets, insufflant le souffle de Dieu, de la femme et de la libération de l’oppression, la fraternité des choses et des êtres
Christophe DAUPHIN
(Revue Les Hommes sans Epaules).
Œuvres de Loys Masson :
Poésie : Fumées (Imprimerie Gaud, 1937), Les Autres nourritures (T. Esclapon, 1938), Délivrez-nous du mal (éd. Seghers, 1942), Pour les quatre saisons (éd. Seghers, 1942), Poèmes d’ici (Cahiers du Rhône, 1943), Chroniques de la grande nuit (Ides et Calendes, 1943), La Lumière naît le mercredi (éd. Seghers/Parizeau, 1946), Icare ou le voyage (éd. Seghers, 1950 ; Rééd ; L’Ether vague, 1996), Quatorze poèmes du cœur vieillissant (Caractères, 1952), Les Vignes de septembre (éd. Seghers, 1955), La Dame de Pavoux (Robert Laffont, 1965), Prix Artaud 1966, La Croix de la rose rouge (Robert Morel, 1969), Petite Rapsodie de la Main (Claude Givaudan, 1972).
Romans et nouvelles : L'Étoile et la clef (Gallimard, 1945), Le Requis civil (Gallimard, 1945), Saint-Alias, nouvelles (Trois Collines, 1947), Tous les corsaires sont morts (Ferenczi, 1947), L’Illustre Thomas Wilson, illustrations de Fernand Léger (Bordas, 1948. Rééd. Belfond, 1967, Les Introuvables, 1975), Les Mutins (Éditions de la Paix, 1951 ; Rééd. Robert Laffont, 1959), Les Cacti ou petites plantes de Saint Benoît Labre (Éd. de la Paix, 1951), Tout ce que vous me demanderez (Éd. de la Paix, 1952), Les Tortues (Robert Laffont, 1956 ; Rééd. André Dimanche, 1999), La Douve (Robert Laffont, 1957), Les Sexes foudroyés (Robert Laffont, 1958), Le Notaire des Noirs (Robert Laffont, 1961 ; Rééd. Le Livre de Poche, 1969 ; Éd. de l’Océan indien, 1985 et 1994 ; André Dimanche, 2000), Prix des Deux-Magots 1962, Le Feu d’Espagne (Robert Laffont, 1965), Les Anges du trône (Robert Laffont, 1967), Des Bouteilles dans les yeux, nouvelles (Robert Laffont, 1970), Les Noces de la vanille (Éd. de l’Océan indien, 1981).
Théâtre : La résurrection des corps (Paris-Théâtre, 1952), Christobal de Lugo (Robert Laffont, 1960). Essais : Pour une Église (Trois Collines, 1945 ; Rééd. Bordas, 1947), Célébration du rouge-gorge (Robert Morel, 1965), Célébration de la chouette (Robert Morel, 1966).
À consulter : Charles Moulin, Loÿs Masson (Collection Poètes d’aujourd’hui, Pierre Seghers, 1962).
Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules
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Dossier : Edouard J. MAUNICK, le poète ensoleillé vif n° 53 |