Max-Pol FOUCHET

Max-Pol FOUCHET



Poète de l’enthousiasme, romancier de l’imaginaire, essayiste, ethnologue, historien d’art, animateur de revue, journaliste et homme de télévision, Max-Pol Fouchet est né à Saint-Vaast-la-Hougue (Manche), le 1er mai 1913. Il est baptisé au calvados entre l’Angleterre et la France sur le Liberté, l’un des trois voiliers de son père (les deux autres sont Égalité et Fraternité). Ce n’est pourtant pas en Normandie, qu’il passer sa jeunesse, mais à Alger, où son père, armateur normand, gazé lors de la Première Guerre mondiale, a immigré en 1923 avec sa famille.

Au Lycée Hoche d’Alger, où il fréquente Albert Camus, Max Pol Fouchet s’engage dans la lutte antifasciste et fonde les Jeunesses Socialistes d’Algérie, ainsi que leur bulletin, Non ! Paul Hubert Fouchet mort en 1929, la mère, Lucie Fouchet s’installe en 1931 avec un commerçant sympathisant des Croix de Feu, de l’extrême droite. Max Pol rompt avec le milieu familial et embarque en 1933 en tant que mousse sur un cargo. Lorsqu’il revient à Alger, Simone, sa fiancée, ne l’a pas attendu et a épousé Albert Camus. L’amitié entre les deux écrivains est brisée. Trahi et en butte à la maladie (tuberculose) Fouchet reprend ses études et termine sa licence.

Ses conditions de vie sont précaires, tout comme sa santé : Fouchet travaille comme surveillant dans une école. Son premier livre de poèmes, Simples sans vertu (1937) parait à Alger à l’enseigne d’Edmond Charlot. Suite à la Guerre d’Espagne, il démissionne du Parti Socialiste. En 1939, il est nommé conservateur adjoint au musée des Beaux-Arts, et passe avec succès le Concours des Musées Nationaux. La même année, il fonde et anime la revue Fontaine (1939-1947, 63 numéros). Bravant la censure, il intitule « Nous ne sommes pas vaincus ! », l’éditorial de son numéro de juillet 1940. Pour rétablir la « vraie hiérarchie » des valeurs, il a besoin des poètes. Écoutons-le : « Conquérir des terres plaît à certains. Mais les terres sont de sable, où s’effacent les pas. Les plus heureux des conquérants, que sont-ils, en définitive, sinon des anecdotes ? Ce qui demeure, plus qu’Alexandre, César ou Napoléon même, c’est Platon, c’est Virgile, c’est Racine. Notre époque, sachons-le, sera celle de Bergson, de Valéry, de Claudel, de Gide, de nombreux autres. La permanence, la voilà. Et le reste est histoire… Savons-nous assez qu’à la suite de Claudel, de Supervielle, de Jouve, d’Éluard, de Cocteau, de Max Jacob, de Valéry, de Montherlant, pour ne citer que ceux-là, se déploie, animée de la plus haute conscience, une admirable poésie ? Que chacun, dans son ordre, recense les siens. Les noms lui viendront aux lèvres, si nombreux, qu’il reprendra courage et foi. Car nous sommes là à dix contre un. »

Fontaine, « Revue de la Résistance en pleine lumière », regroupe des écrivains résistants à Alger, et devient rapidement sous l’Occupation, l’une des principales tribunes de la Résistance intellectuelle française. De retour en France au début des années 1950, Fouchet, pionnier de la culture à la télévision, participe aux premiers pas de la télévision avec la préoccupation d’initier les Français à la culture. Il crée ainsi, avec Pierre Desgraupes et Pierre Dumayet les émissions culturelles Lectures pour tous et le Fil de la vie. Mais ses prises de positions (contre la peine de mort, la torture et la censure), alors que le pouvoir politique encadre encore fortement la télévision, l’en éloigne.

Infatigable, le poète- voyageur n’eut de cesse connaître et de faire connaître les peuples et les civilisations rencontrées au cours de ses missions à travers l’Inde, l’Afrique noire ou l’Amérique latine, ce dont témoignent les publications de Les Peuples nus (1953), Terres indiennes (1955) ou Nubie, splendeur sauvée (1965). Il n’abandonne pas pour autant ses activités littéraires en publiant des romans (La Rencontre de Santa-Cruz, 1976 ; La Relevée des herbes, 1980 ; Histoires pour dire autre chose, 1980), des livres de poésie et des récits de voyages.

En 1957, alors âgé de quarante-quatre ans, Fouchet est victime d’un accident de voiture en Afrique. Il se rend en convalescence chez une amie, à Vézelay ; ville qu’il ne quitte pas et où il y achète une maison. Dans les années 1970, il fait partie du « comité de sélection » de la société de vente par correspondance Le Grand Livre du Mois. Lors de la sortie du livre L'archipel du Goulag, il s’oppose à l’auteur, notamment lors d’un numéro de l’émission Apostrophe : « Le cas Soljenitsyne appartient à deux domaines, celui de la littérature et celui de la politique. L’Occident loue son talent, avec raison, mais il sert aussi de machine de guerre contre l’URSS. » Durant sa carrière, il sera aussi journaliste à Libération, professeur d’histoire de l’art, homme de radio et archéologue.

Max Pol Fouchet décède à l’hôpital d’Avallon (Yonne), le 22 août 1980, des suites d’une congestion cérébrale. À sa demande, sur sa tombe au sont inscrits ces mots : « il aima la liberté. » Le poète de Saint-Vaast a rejoint dans le petit cimetière de Vézelay, l’une des figures tutélaires, ami, de l’histoire des Hommes sans Épaules, notre légende noire, malgré le bleu du ciel : Georges Bataille.  Nombreux furent nos amis liés à Max Pol Fouchet ou publiés dans Fontaine (Georges Emmanuel Clancier, Sarane Alexandrian, Jean Rousselot, Luc Decaunes…), sans oublier Jean Breton, qui publia dans sa revue Poésie 1, le fameux numéro de référence :  Les Poètes de la revue Fontaine. Max Pol Fouchet n’a pas été oublié et c’est heureux. Sa fille Marianne ainsi qu’une association entretiennent de feu sa mémoire et son œuvre. Et notre Adeline Baldacchino lui a consacré un magnifique livre en 2013.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Epaules).

 

Œuvres (poésie) : Simples sans vertu (Charlot, 1937). Vent profond (La Vie réelle, 1938), Les Limites de l’amour (Fontaine, 1942), Anthologie thématique de la poésie française (Club du Livre du mois, 1955 ; Seghers, 1958), Demeure le secret (Mercure de France, 1961. Rééd., Actes Sud, 1985 et 2008), Femme de nuit et d’aube (Georges Fall, 1966), Le Feu la flamme (Elmayan-Capell, 1975), Héraklès (A.B.C. D., 1978), Les Poètes de la revue Fontaine (Revue Poésie 1 n° 55 à 61, éd. Saint-Germain-des-Prés, 1979).

À consulter : Un jour, Je m’en souviens, Mémoire parlée (Mercure de France, 1968), Fontaines de mes jours, entretiens avec Albert Mermoud (Stock, 1979), Revue Poésie 1 n°55-61 (1978), Les poètes de la revue Fontaine (Les Hommes sans Epaules),  Jean Queval, Max-Pol Fouchet (Seghers, 1969), Jules Roy, Éloge de Max-Pol Fouchet (Actes Sud, 1980), Adeline Baldacchino, Max-Pol Fouchet, le feu la flamme, Une rencontre (Michalon, 2013).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : Poètes normands pour une falaise du cri n° 52