Petre RAILEANU

Petre RAILEANU



Essayiste, critique littéraire et traducteur, Petre Răileanu (né le 13 avril 1951, à Brăila en Roumanie) a quitté la Roumanie, où il était éditeur, pour venir en France, en 1992.

"Je suis né le 13 avril 1951 à Braila, Roumanie, ville au bord du Danube d’où sont partis le poète Voronca et le peintre Maxy, le surréaliste Trost, l’écrivain Mihail Sebastian, la grand « vagabond » Panaït Istrati ou Iannis Xenakis, mathématicien, architecte et compositeur. De son passé cosmopolite ma ville gardait, comme j’ai pu constater pendant les années d’école, un formidable éventail de noms propres: Bacillieri, Weintraub, Ménélas, Dimissiano, Théodoroff, White, avec tout de même une nette domination des Grecs, arrivés en plusieurs vagues : les armateurs, plus anciens, et les « partisans », comme on les désignait avec pudeur idéologique, car il s’agissait de communistes bannis dans leur pays, arrivés, eux, après la guerre. Les Grecs nous ont imposé définitivement leur formule de salut, Iasso ! et quelques diminutifs adorables comme kutzulaki (petit chien). Vifs, bavards et pragmatiques, leur parler sifflait comme les langues des serpents envoyés par les dieux vengeurs contre Laocoon et ses fils.

La tradition, fondée sur toute une littérature, veut que l’enfance idéale se passe à la campagne, là où l’enfant se trouve au sein de la nature à la fois menaçante et protectrice. Il est vrai que la ville façonne différemment la psychologie et les comportements. Ici, les murs en pierre ou en briques qui obturent l’horizon, les petites rues et le grand boulevard Cuza, désespérément vides aux premières heures de l’après-midi et les interminables jours de dimanche, les regards espions derrière les rideaux et les tribunaux sévissant sur chaque pas de porte m’ont donné très tôt le goût ineffaçable de l’ennui et l’envi de fuir.

Le dynamisme d’autre fois de la cité danubienne, le dernier port maritime sur le grand fleuve, comme on apprenait encore à l’école, avait été engloutie par la mélancolie et l’oubli. Fuir. Fuir. Ce n’est que plus tard que j’ai compris Panaït Istrati. Ses errements incessants à la recherche d’un introuvable centre. Son destin tragique, son œuvre lumineuse. Tous ceux aussi qui se reconnaissent dans l’arbre inversé."

Installé à Paris, il a travaillé comme journaliste à Radio France Internationale. II a publié des articles, des études, des essais, en France comme en Roumanie, qui éclairent les zones d'interférences entre les deux cultures, particulièrement à l'époque des avant-gardes littéraires et artistiques.

Eminent spécialiste de Gherasim Luca, dont il a donné une biographie de référence ainsi que l'édition en fac simile de Le Vampire passif / Vampirul pasiv (Vinea, 2016) et du surréalisme roumain, Petre Răileanu, rédacteur de la revue Lettres roumaines, est lauréat 2012 de la Bourse de création d'avant garde Sarane Alexandrian, pour son essai: Le Groupe surréaliste roumain ou la vie dans la vie. Ila également écrit sur Tristan Tzara et le mouvement Dada.

Dans son maître livre, Les Avant-Gardes en Roumanie, Petre Raileanu, démontré que l'émergence et le développement des avant-gardes en Europe ne résultent pas de phénomènes d'imitation, mais d’une sorte de « contagion spontanée ». Avant l’émergence du surréalisme, phénomène français, il existe de nombreux centres de rayonnement des avant-gardes, dont Bucarest parmi les plus actifs. L’ouvrage de Petre Raileanu dresse un panorama complet des avant-gardes en Roumanie, présentant sucessivement les précurseurs de la fin du XIXe siècle (Macedonski, Urmuz), les messagers (Tzara, Janco, Fondane, Brauner...), les revues, les manifestes et tous les protagonistes. Il se termine avec l'histoire du groupe surréalisme roumain (1941-1947). L'abondante illustration ne se limite pas aux productions littéraires et visuelles, à la typographie et au graphisme ; elle montre l'influence des mouvements novateurs sur environnement urbain moderne : architecture, décor intérieur, création d'objets, mobilier.

Petre Raileanu est coauteur, avec Christophe Dauphin de l’édition de Journal inédit, suivi de Beauté de ce monde (Poèmes 1940-1946), de Ilarie Voronca (Les Hommes sans Épaules éditions, 2018 ; Deuxième édition revue et augmentée, 2020).

Christophe DAUPHIN

A lire : Gherasim Luca Poezie Ontofonie (Tracus Arte, 2019), Les Avant-Gardes en Roumanie, la charette et le cheval vapeur (éditions Non Lieu, 2018), Dada în direct (Tracus Arte, 2016), Gherasim Luca, monographie (éditions Oxus, 2004), Europa mon amour (Editura Culturale Romane, 2003), Fundoianu/Fondane et l'avant-garde, en collaboration Avec Michel Carassou, (Paris-Méditerranée, Paris, 1999), Jacques Herold, Maltraité de peinture, Préface, notes et traduction du français, (Editura ICARE, Bucarest, 2001), La dialectique démoniaque. Le parcours roumain de Gherasim Luca, (Mélusine n°15, L'Age d'Homme, 1995).

Site internet Petre Raileanu



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier: ROGER KOWALSKI, A L'OISEAU, A LA MISERICORDE n° 38

Publié(e) dans le catalogue des Hommes sans épaules


 
Journal inédit, suivi de Beauté de ce monde (Poèmes 1940-1946) – 2éme édition