Hors Collection
Les Leçons de la Haute-Magie
livre épuisé
Sarane ALEXANDRIAN
Essai
Préface de Christophe Dauphin. Illustration de Madeleine Novarina
96 pages -
13 x 18 cm
- Présentation
- Presse
- Du même auteur
SARANE ALEXANDRIAN ET LES LECONS DE LA HAUTE-MAGIE
Les Leçons de la Haute Magie, qui paraît après L’Impossible est un jeu (Editinter/Rafael de Surtis, 2011), est le deuxième livre posthume de Sarane Alexandrian (1927-2009), écrivain et intellectuel d’exception, qui a prolongé et actualisé le surréalisme tout en élevant le non-conformisme en Art de vivre. Les Leçons appartiennent à un cycle d’œuvres inédites, que l’auteur a regroupé sous le titre général de : Idées pour un Art de vivre. Le premier volume s’intitule : La Science de l’être (trois chapitres sur les étapes de l’acheminement de l’être). Le deuxième : Le Spectre du langage (sept chapitres sur la littérature, l’imaginaire et la poésie). Le troisième : Une et un font Tout (trois chapitres sur la nature féminine et sur les fantasmagories des rapports amoureux). Le quatrième : Les Leçons de la Haute Magie (vie, mort et croyances au regard de l’occultisme et de l’ésotérisme). La cinquième : Court traité de métapolitique (quatre chapitres, qui partant du socialisme romantique de Charles Fourier, notamment, élaborent les éléments d’un système de politique transcendante). La sixième : L’Art et le désir (quatre chapitres sur l’esthétique ontologique et la synthèse des arts). Cette série embrase toute la pensée d’Alexandrian, qui se rattache aussi bien à la philosophie occulte et à l’érotologie, qu’à l’analyse des principaux systèmes d’évaluation du réel. Ses influences et ses fondamentaux sont connus : André Breton, le poète insoumis du surréel ; Charles Fourier, le maître d’Harmonie ; Aleister Crowley, le maître de la Haute magie sexuelle ; Cornelius Agrippa, modèle de « l’humanisme de tous les temps ». Ainsi dès 1948, lorsqu’André Breton lui confia la direction de Néon, la première revue surréaliste de l’après-guerre, Alexandrian, nourri de Saint-Simon et de Fourier, n’hésita pas, quitte à s’opposer aux orthodoxes du groupe, à situer le surréalisme au-delà des idées en accordant la priorité au sensible. Il maintiendra le cap, sa vie durant. Comment en cela, aurait-il pu (lui qui a toujours associé « l’érudition et le lyrisme pour créer un savoir chaud opposable au savoir froid des pédants »), ignorer la philosophie occulte ? Triant le grain de l’ivraie, Alexandrian, nous démontre que la philosophie occulte, débarrassée de ses illuminés, est de tous les temps parce qu’elle systématise la pensée magique que chacun porte en soi (qu’il l’accepte ou non, qu’il la cultive ou la réprime). Au lieu donc de considérer ces croyances magiques comme lettres mortes ou pour un ensemble d’errements idéologiques, on doit y voir « les signes vivants d’un état d’esprit en perpétuelle évolution au cours des âges. Elles correspondent à des ressources psychiques permanentes de l’humanité, que la philosophie occulte prétend définir, augmenter, utiliser pour le mieux de l’individu, ce qui rend son étude indispensable, parmi d’autres, à une bonne appréciation du devenir de l’être humain », écrit Alexandrian, qui poursuit, dans le premier chapitre des Leçons de la Haute Magie : « Que cela vous plaise ou vous déplaise, peu m’importe, puisque je n’écris pas pour plaire ou pour déplaire, mais pour énoncer souverainement des vérités nécessaires (dans mes essais) ou des mensonges provoquant la rêverie (dans mes fictions). » L’auteur entend nous aider à mieux connaître l’Homme, ses désirs, les bons comme les mauvais, et toutes ses possibilités, les meilleures et les pires, au regard de l’ésotérisme (la transmission du savoir secret des premiers âges), de l’hermétisme (l’ensemble des croyances et des pratiques se rapportant à l’alchimie, qui se réfère aux préceptes de la Table d’Hermès) et de l’occultisme (la mise en pratique des moyens de contrôle de la réalité par la magie)...
Christophe DAUPHIN
(Extrait de la préface)
CONSIDERATIONS SUR LE MONDE OCCULTE
(Extrait)
Il y a dans la philosophie occulte un projet grandiose, qu'on ne saurait laisser perdre, même si sa réalisation paraît difficile: faire la synthèse de toutes les religions et de toutes les sciences, en extraire un principe commun dont on se servira pour définir l'idéal de l'homme universel.
On m'a demandé, au cours d'une interview télévisée pour Internet, quelle était la différence entre l'ésotérisme, l'hermétisme et l'occultisme. Ce sont trois notions que les profanes n'arrivent pas à bien distinguer, et sur lesquelles les spécialistes ne fournissent pas des définitions claires et précises. Voici ce que j'ai répondu. L'ésotérisme est la transmission du savoir secret des premiers âges. Il est admis que les prêtres de l'ancienne Egypte, dont Jamblique a évoqué les mystères, ceux de l'Iran antique professant le mazdéisme, les pythagoriciens qui excluaient de leur communauté quiconque divulguait un point de leur doctrine , les écoles gnostiques du Ier siècle de l'ère chrétienne, les kabbalistes soi-disant informés de l'enseignement oral que Moïse communiqua à soixante-dix vieillards d'Israël auxquels il révéla ce que lui avait dit Dieu sur le mont Sinaï, les druides qui apprenaient par coeur les textes celtes sacrés qu'ils citaient aux fidèles, ne voulant pas qu'ils soient consignés dans des livres, les sociétés initiatiques du XVIIIe siècle se réclamant de l'illuminisme, possédaient des connaissances et des pratiques qu'il est bon d'avoir pour être une personnalité hors du commun. On devient alors un initié, au terme d'une initiation acquise auprès d'un maître ou par des recherches solitaires paradoxales. Dans La Fin de l'ésotérisme, en 1973, Raymond Abellio a dit : "Le mot ésotérisme vient d'un mot grec qui signifie: je fais entrer, c'est-à-dire j'ouvre une porte, je fais passer de l'extérieur à l'intérieur, je révèle les vérités cachées." Il a omis d'ajouter que ces vérités cachées, l'ésotériste les cherche inlassablement dans les symboles et les allusions des images et des écrits du passé, et qu'il en tire des informations différentes de ce qu'on enseigne dans les universités. L'hermétisme est l'ensemble des croyances et des pratiques se rapportant à l'alchimie, qui se référait aux préceptes de la Table d'Hermès (le dernier étant:" Ce qui est en Haut est comme ce qui est en Bas, pour les miracles d'une seule chose"), et dont les adeptes se qualifiaient entre eux de "Fils d'Hermès". Ce qu'on appela "médecine hermétique" fut la médecine inaugurée par Paracelse, soignant les malades avec des médicaments préparés par des opérations alchimiques. L'Histoire de la philosophie hermétique en trois volumes que publia en 1732 l'abbé Lenglet-Dufrénoy fut uniquement une histoire de l'alchimie. L'Hermès des alchimistes n'est pas le dieu grec comparable au Mercure romain, c'est Hermès Trismégiste ("trois fois grand", parce qu'il a eu trois vie successives), un savant prodigieux né avant le Déluge, qui dans sa première vie inventa l'astronomie et la médecine, dans sa deuxième vie à Babylone construisit Babel, et dans sa troisième vie en Egypte se consacra au Grand Œuvre. Les auteurs arabes identifièrent le premier Hermès au prophète Idriss, et dirent que le troisième habitait Kamtar, la cité des magiciens dans le désert, où il avait accumulé d'immenses richesses. Une école de la Gnose, au IIe siècle de notre ère, sous le nom d'Hermès Trismégiste rédigea en grec quantité de traités métaphysiques, comme le Poïmandrès, qui élargirent le sens de l'hermétisme: cette philosophie de l'alchimie contint donc en même temps des spéculations ne se limitant pas à la recherche de la pierre philosophale. Enfin, l'occultisme est un mot inventé par Eliphas Lévi (pseudonyme du diacre Alphonse Louis Constant), après avoir publié à Paris en 1856 Dogme et Rituel de la Haute Magie, pour définir le mouvement de philosophie occulte qui, au XIXe siècle, s'efforça de propager et de mettre en pratique des moyens de contrôle de la réalité par la magie, non la magie noire, mais la magie divine, "science traditionnelle des secrets de la nature, qui nous vient des mages". L'occultisme avait recours au magnétisme, à la lumière astrale, au corps astral, aux esprits élémentaires, aux arts divinatoires, aux médiums, et s'opposait catégoriquement au spiritisme et à la théosophie parce qu'il tenait l'invocation des morts par les tables tournantes pour une charlatanerie. Dans le livre précité, Eliphas Lévi affirmait: "Oui, il existe une science qui confère à l'homme des prérogatives en apparence surhumaines... Oui, tout ce que les légendes en ont dit était vrai." Il déclarait aussi: "Il n'y a qu'un dogme en magie, et le voici: le visible est la manifestation de l'invisible." Eliphas Lévi exposa les principes de cette discipline dans Le Grand Arcane ou l'occultisme dévoilé, et après sa mort Papus en assura la continuation par des conférences et des brochures, comme Qu'est-ce que l'occultisme ? ou L'Occultisme littéraire.
On ne peut être occultiste sans avoir étudié l'ésotérisme, mais on peut fort bien l'être sans être alchimiste. De même, on peut être alchimiste en se contentant de connaître l'hermétisme, sans se préoccuper de l'ésotérisme et encore moins de l'occultisme. (..)
Sarane ALEXANDRIAN
(Extrait de Les Leçons de la Haute-Magie, Rafael de Surtis, 2012).
Sur Incoherism
"Deuxième livre posthume de Sarane Alexandrian, Les Leçons de Haute Magie viennent éclairer un aspect singulier de la personnalité riche et surprenante du second penseur du Surréalisme après André Breton. La pensée et l’œuvre de Sarane Alexandrian explorent toutes les dimensions de la psyché, à travers l’art et la littérature bien sûr, notamment d’avant-garde, mais également à travers l’érotologie, l’hermétisme et la philosophie occulte. Le choix d’une alternative nomade aux impasses de tous les conformismes ne pouvait que conduire Sarane Alexandrian à l’étude de pensées et praxis autres, constantes cependant de l’expérience humaine. Les Leçons de Haute Magie font partie d’un ensemble, intitulées Idées pour un Art de Vivre dont elles forment le quatrième volet. Le premier volume, La Science de l’être traite des étapes de l’acheminement de l’être. Le deuxième, Le Spectre du langage, interroge la littérature, l’imaginaire et la poésie. Le troisième, Une et un font Tout aborde la question de la nature féminine, et des fantasmagories des rapports amoureux, question qui trouve son prolongement dans ce quatrième volume. Le cinquième, Court traité de métapolitique, s’intéresse aux travaux de Charles Fourier qui lui était cher, et pose les bases d’une politique transcendante. Le sixième, L’Art et le désir, est consacré à une esthétique ontologique et à une synthèse des arts. Comme le remarque Christophe Dauphin dans son introduction, cette œuvre se trouve à la croisée de multiples influences, André Breton, Charles Fourier, Aleister Crowley, Cornélius Agrippa notamment mais elle est aussi porteuse d’une profonde originalité. « Vérités nécessaires » ou « mensonges provoquant la rêverie », l’œuvre de Sarane Alexandrian veut éveiller au réel. Il distingue non sans pertinence, ésotérisme, hermétisme et occultisme, même si ces distinctions sont parfois difficiles à établir, afin de poser les jalons d’un enseignement qui vise une structure absolue, un principe dégagé des surimpositions culturelles et personnelles. Les Leçons traitent de l’âme et de l’esprit, du monde occulte, de la métaphysique, de la phénoménologie des superstitions populaires, d’une ontologie de la mort, du Rêve de l’Erotisme Mystique de Joséphin Péladan et, enfin, du Livre des Rêves de Luc Dietrich. Les Leçons, apparemment disparates, constituent bien un ensemble cohérent, non destiné à rassurer le lecteur, mais plutôt à le constituer comme un libre aventurier de l’esprit. On ne suivra pas Sarane Alexandrian sur son peu de considération pour Gurdjieff, son contre-sens, il est vrai courant, sur la quatrième voie, ou au contraire sa surestimation de Papus, certes excellent vulgarisateur et organisateur mais sans doute pas comme il l’avance « meilleur théoricien de l’occultisme qu’Eliphas Lévi ». On appréciera son analyse subtile de ce qui est en jeu dans la nécessité que connaît l’homme d’explorer, parfois avec maladresse, l’invisible, l’inconnu, l’indicible, le néant et la totalité. Le sens de la queste et son intransigeance ont pour corollaire une peur originelle qui pousse l’être humain à s’extraire des conditionnements, à s’affranchir des limites, à traverser, parfois sans ménagement, ce qui se présente, parfois au prix d’une vérité, parfois au prix d’un mensonge salutaire. Son analyse de la sexualité transcendante de Péladan est très juste, même si Sarane Alexandrian n’arrive pas à discerner clairement entre magie sexuelle, sexualité magique et alchimie interne. Il montre comment Péladan, à travers différents livres, présente les voies de couples et les différentes étapes de celles-ci. Celui qui a « glorifié l’érotisme sacré » ne pouvait que trouver en Sarane Alexandrian un lecteur non seulement attentif et passionné mais capable de le comprendre. L’érotologie de Sarane Alexandrian, le « sceptique intégral » ou le « gnostique moderne » que l’on lit aujourd’hui, n’est pas éloignée de celle de Péladan, « premier représentant de la mystique érotique dans la littérature moderne » qu’on ne lit plus, malheureusement. Les Leçons de Haute Magie introduisent à de nombreuses dimensions cachées de l’être. Elles témoignent également de la liberté de cet « homme remarquable », au sens le plus gurdjieffien qui soit, qui, en des temps hostiles, a osé traiter avec la distance nécessaire de sujets trop souvent tabous. "
Rémi Boyer (in incoherim.owni.fr, octobre 2012).
Bloc-notes
Historien d’art et de la littérature érotique, essayiste et romancier, auteur d’une trentaine d’ouvrages, Sarane Alexandrian (1927-2009) s’est situé tantôt au cœur et tantôt en marge du mouvement surréaliste. A la demande d’André Breton, il dirigea après-guerre la revue Néon, et on lui doit l’Art surréaliste et Le Surréalisme et le rêve. Il fut critique d’art à la revue L'œil et au journal Arts, et critique littéraire à l’Express.
Sarane Alexandrian s’est intéressé à la magie sexuelle, chez Crowley par exemple (en témoigne son essai sur La Magie sexuelle, La Musardine, 2000), mais aussi à la philosophie occulte, chez Agrippa par exemple, et, en dépit de certaines approximations, son Histoire de la philosophie occulte (Seghers, 1983) est des plus utiles. Après L’Impossible est un jeu (Edinter/Rafael de Surtis, 2011), voici son deuxième ouvrage posthume : Les leçons de la haute magie (Rafael de Surtis, 2012), qui rassemble des textes sur la vie, la mort et les croyances sous le regard de l’occultisme, par un surréaliste en quête de la réalité de l’homme, de l’invisible et du monde.Certains écrits sont inédits, d’autres ont été publiés, respectivement en 2008 et 2011, dans la revue d’avant-garde Supérieur Inconnu, qu’il a dirigée depuis 1995.
Alexandrian s’interroge et nous interroge ainsi sur l’âme et l’esprit, le monde occulte, le grand principe du Tout, la phénoménologie des superstitions populaires, l’ontologie de la mort. Que l’on partage ou que l’on ne partage pas toujours (ce qui est mon cas), les réponses qu’il apporte à la lumière de son expérience personnelle, ses textes témoignent de la pensée d’un intellectuel à la croisée du surréalisme et de l’occultisme, en quête du salut par le rêve et l’amour.
Enfin, une petite étude sur « Joséphin Péladan et le rêve de l’érotisme mystique » éclaire d’une jour nouveau l’œuvre de l’auteur des vingt-et-un romains de La Décadence latine, dans un domaine où d’aucuns, sans doute, ne seraient pas allés le chercher, mais où Sarane Alexandrian a su mettre en évidence certains traits caractéristiques d'une forme d'érotisme sacré chez le sâr de la Rose-Croix catholique.
Serge Caillet
("Bloc-notes d'un historien de l'occultisme" in sergecaillet.blogspot.fr)