Collection Les HSE
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Quelles images, prises dans le livre rouge et noir de la Piraterie à travers les âges, rôdent encore dans nos mémoires ? On peut compter ici trente-quatre poèmes en prose – chacun avec son répondant dessiné – pour réunir ce qu’il reste des hauts faits et des sordides éclats d’une histoire brutale, confiée aujourd’hui à la dérive de nos rêves et de leur métamorphose. On signe le règlement de bord, avec ses interdits sévères. On saisit la longue-vue, on hisse le pavillon de complaisance ou le pavillon à tête de mort quand apparaît la proie. Ramer, si le vent cède, subir la tempête, aller à l’abordage la peur au ventre, fêter le pillage, partager le butin, débarquer aux ports complices, envahir les tavernes, cette récompense du coureur d’océans : vivent le rhum, les filles ! Boucaniers, frères de la côté, naufrageurs, charlatans, marchands, exorcistes, voguent d’un monde à l’autre, de Zanzibar à Chandernagor, d’Alger à l’île de la Tortue ou au Cap Horn. Ils obéissent aveuglément aux grands capitaines de course, Drake ou Morgan à la main coupée, et se retrouvent parfois pendus à la proue des vaisseaux du roi d’Espagne, d’Angleterre ou de France. La nuit, quels sont leurs espoirs, leurs paniques ? Et à quoi pensent ceux qui tisonnent les feux de naufrageurs, sur la rive ? Voici la peste, le scorbut, les rixes, l’appât du gain, les prédictions des étoiles filantes, l’ivresse, le navire fantôme, l’île invisible, le marché aux esclaves, le danger du bagne, les baleines. La cale est pleine de barils de rhum et des fruits du pillage. Qui veut mourir pour le trésor des Amazones. Ces bricks, voiliers divers, caïques de Barbaresques, vaisseaux volés restent la toile de fond, les véhicules de nos aventures imaginaires, liées aux enchantements de l’enfance. On cherche encore l’ombre de Moby Dick dans ces itinéraires et ces exploits devenus clandestins – simple prétexte à récupérer d’autres songes ou à rendre moins étroite notre conception du réel. L’écriture poétique a été voulue ici comme de commentaire, afin de relater les principaux épisodes d’une fresque dans un narratif vécu intensément.
XXIV
Retour du combat, les voiles reconnaissent la côté.
Voici à terre les femmes scrutant chaque cyclone.
Lorsqu’elles se déshabillent un grimoire tombe à leurs pieds. Il contient les houles et tous les galbes des nuits.
Au nom du poulpiquet, du korrigan, que la fête témoigne ! Des doigts sur le ponton auscultent le cadavre de la mer.
Jacques ARAMBURU
(Poèmes extraits de Messe noire des vagues, Les Hommes sans Épaules éditions, 1999).
XXV
Termites, hibiscus et palétuviers se sont emparés des îles vierges. Des lianes se nouent autour du corps de chaque arrivant. Combien de corps engloutis dans les sables, ou bien emportés avec précaution jusqu’à la nécropole des tamanoirs par les sauriens – uniques détenteurs du trésor des Amazones ? Les basses voiles mènent à la crique par le chenal – loin des falaises.
Jacques ARAMBURU
(Poèmes extraits de Messe noire des vagues, Les Hommes sans Épaules éditions, 1999).