Les Hommes sans Épaules


Dossier : La parole est à PIERRE CHABERT

Numéro 33
268 pages
Premier semestre 2012
17.00 €


Sommaire du numéro



Éditorial / Témoignage : "L'expérience poétique" par Paul SANDA

Les Porteurs de Feu : Poèmes de Marie-Claire BANCQUART, Richard ROGNET

Ainsi furent les Wah : Poèmes de Elodia TURKI, Jean-Michel BONGIRAUD, Danièle CORRE, Patrick AVELINE, Bojenna ORSZULAK

Le Poète surprise : Ismail KADARE, par Christophe DAUPHIN

Dossier : La parole est à Pierre CHABERT par Christophe DAUPHIN, Poèmes de Pierre CHABERT

Une voix, une œuvre : Georges JEAN, par Michèle LÉVY, Max ALHAU, par Paul FARELLIER

Le poète de la Baltique : Tomas TRANSTRÖMER, par Svante SVAHNSTRÖM

Le photographe du surréel : Théodore BRAUNER, par César BIRÈNE

Dans les cheveux d'Aoûn : par Paul FARELLIER

Les pages des Hommes sans Épaules : Poèmes de Paul FARELLIER, Alain BRETON, Christophe DAUPHIN, Jacques ARAMBURU, Karel HADEK

La nappe s'abîme (chronique) : Revuistes : don de soi, contre soi ?, par Éric SÉNÉCAL

Avec la moelle des arbres : notes de lecture de Jean CHATARD, Claude ARGÈS, Paul FARELLIER, Alain BRETON, Jean-Pierre VÉDRINES

Infos / Échos des HSE par César BIRÈNE

"Incises poétiques" : une suite de Joumana HADDAD

Hommages : Michel HEROULT, José MILLAS-MARTIN, par César BIRÈNE

Présentation

Notre présence
parfois
nous devient étrangère

comme sortie de nous  afin d’aller sur quel chemin
centaure
sans cavalier ?

– Au moins ne pas se retourner

craindre     derrière nous    des paysages monstrueux

ou  la terre qui
se viderait
à bruit très léger
dans le rien.


Marie-Claire BANCQUART - premier poème d'une suite inédite : Un entretemps violent.
(in Les Hommes sans Épaules n°33, 2012).



Ce n’est pas au moment où elle tomba sur toi,
la mort, qu’elle fut la mort, ni lorsqu’on
t’emporta, comme un paquet, hors de chez nous,
dans une housse grise dont le gris de la nuit,

lui-même fut troublé, non, ce n’est pas à ce
moment-là qu’elle fut la mort, mais bien après
ton départ, lorsqu’elle explosa dans la vie,
vivante dans la cuisine, en chaque ustensile

sorti d’un placard, sur la nappe débarrassée
de ses miettes, après les repas, vivante dans
le jour accroché aux rideaux, dans le jeu des

mésanges que rassemble le pin, vivante dans
le jardin où les rhododendrons se souviennent
des regards attendris que tu portais sur eux.


Richard ROGNET - un des poèmes d'une suite inédite : C'était un neuf octobre.
(in Les Hommes sans Épaules n°33, 2012).



LA PAROLE EST A PIERRE CHABERT


"... Pierre Chabert (né en 1914), n’est pas seulement le doyen des Hommes sans Épaules et (avec Georges-Emmanuel Clancier, voir HSE 27, 2009), des poètes français. Il est l’un des membres fondateurs de notre revue, un aîné attentif, collaborateur des trois séries. Mais, Pierre Chabert est surtout l’auteur d’une œuvre discrète et singulière dont l’aura ne s’est pas démentie au fil des ans. Pierre Chabert est l’auteur de vingt publications, d’Ombres chinoises (1935) à l’anthologie L'Amour la mort (2001), en passant par le chef-d'œuvre qu'est Les Sales Bêtes (1968), qui balisent un demi-siècle en poésie... Il n'y a pas, en définitive, une écriture Chabert, mais une variété de styles, qu'il a adoptés pour chercher l’identité qui lui serait demeurée opaque. Les personnalités diamétralement opposées de ses meilleurs amis, Pierre Boujut, Jean Breton et Guy Chambelland, soulignent assez les contradictions dont il fut toujours porteur. Il ne cesse par ailleurs au sein de ses écrits, de mettre en garde ses proches contre toute vision simpliste de lui-même. Avant la lettre il pratique le camping, s'enthousiasme pour la révolte de mai 68, entre à la société crématiste, et embrasse le naturisme à plus de 60 ans. À la fois asocial, se défiant des groupes comme des étiquettes, et soucieux de trouver un sens à toute expérience ou aventure, fût-il la prépondérance de l'absurde ou la gouvernance de la folie, Pierre Chabert apparaît comme un écrivain totalement en phase avec son époque, notamment passionné par l'évolution de la pensée scientifique, de Jean-Henri Fabre à Teilhard de Chardin, puis Einstein et Sigmund Freud. L'influence de son environnement vauclusien, son enfance à Cavaillon dans un milieu paysan pétri de comportements ataviques aussi bien que d'aspirations intellectuelles, imprègnent son premier recueil de poèmes et reviennent en force dans les derniers ouvrages, après l'aventure humaine et littéraire que représenta son investissement dans La Tour de Feu et dans les trois séries des Hommes sans Épaules..."

Christophe DAUPHIN

(extrait de la présentation du dossier, La Parole est à Pierre Chabert, in Les Hommes sans Épaules n°33, 2012).



LA MANTE RELIGIEUSE


Elle a le geste mécanique, le regard fixe, on dirait qu’elle sait où elle va.

On dirait qu’elle sait où elle prie.

Qui elle aime.

En fait, elle mange.

C’est l’Amante.

Elle procède avec ordre, elle a des habitudes.

Mais sa tête minuscule ne contient qu’une idée à la fois.

Elle mange.

Elle vit d’amour et de mort fraîche.

Trouvera-t-elle l’Étrangleur ?

Pierre CHABERT

(in Les Hommes sans Épaules n°33, 2012).



SCORPION SANS ISSUE


Il s’ennuie de lui-même, languissant à faire peur.

Soupirant de faire peur, il imprime son absurde croix gammée.

Corps de scorpion comme un message, mais qui saura le déchiffrer ?

Malentendu sur la muraille, il n’ose remuer. Puni de terrible façon. D’être lui.

Puni pour lui. Puni par lui.

Responsable de tout, c’est le plus terrible.

Il est la forme même de la Responsabilité.

Confident d’abord, ensuite coupable. Il répond.

Bourreau pour finir, il frappe et il est frappé. Il est l’image de la mort à double sens.

Qui relèvera la tête du scorpion, et regardera une fois dans ses yeux où veille une affreuse pitié ?


Pierre CHABERT

(in Les Hommes sans Épaules n°33, 2012).



Revue de presse

2012 – À propos du numéro 33

Dans la revue Verso

"On se rêve Rimbaud et on se réveille Chabert. Ceci dit sans méchanceté ni ironie aucunes à l'encontre de Pierre Chabert auquel Les Hommes sans Epaules consacre un dossier (rédaction Christophe Dauphin) dans son n°33 (266 pages, 17 €). Connu pour ses Sales Bêtes, Pierre Chabert est du même nid avignonnais que Jean Breton, Henri Rode, voire Guy Chambelland, un temps voisin gardois (voir les n° précédents des HSE). Né en 1914 à Cavaillon, lycéen (malheureux) puis prof (par manque d'imagination) à Avignon, Pierre Chabert ne s'éloignera guère du Vaucluse. Amour, mariage, enfants, copains en poésie (noms ci-dessus + Boujut + etc.), poèmes solaires, puis son amour le quitte pour un Rimbaud de passage. de ce malheur sortent Les Sales Bêtes, "La mante religieuse" : Elle a le geste mécanique, le regard fixe, on dirait qu'elle sait où elle va. On dirait qu'elle sait où elle prie. Qui elle aime. En fait, elle mange. C'est l'amante. Elle procède avec ordre, elle a ses habitudes. Mais sa tête minuscule ne contient qu'une idée à la fois. Elle vit d'amour et de mort fraîche. Trouvera-t-elle l'étrangleur ? Ensuite il retourne à la nature: camping, naturisme, abandonne toute société poétique, etc. Le poète fait homme, quoi ! Bon, y'a pas que Chabert dans ce n°33, ya M.-C. Bancquart, Richard Rognet, J.-M. Bongiraud, Danièle Corre, Elodia Turki (Autour de tes poignets - d'autres mains d'autres gestes - Elle et toi - immenses arlequins sur un pont sans rive... Max Alhau (Parfois c'est cela l'éternité - cet avant-goût - de ce qui ne sera pas..., Ismail Kadare (elle m'a saisi la nostalgie de notre Albanie... Me balader dans une ruelle - étroite comme les préjugés - sombre comme l'oubli - sinueuse et courte - comme l'homme mesquin..., et les réflexions (de 1979) Poésie urgente de Paul Farellier, de R. Barthes à J. Malrieu, en passant par B. Noël: la poésie doit se vivre avant de s'écrire. Pour finir, une nouvelle chronique confiée à Eric Sénécal : d'où vient l'amertume du revuiste..."

Christian Degoutte (Verso n°150, septembre 2012).

Dans Spered Gouez

" Paul Sanda, en préambule, témoigne de l’expérience poétique et  de ses  éléments fondateurs, de  la sienne construite avec patience et volonté, par la forge et la méditation, sur «la trituration du passé» où « tout prend racine dans une histoire de famille, de mensonge », où la rage de savoir et de comprendre, la soif de langage l’emportent. Christophe Dauphin revient sur l’itinéraire du poète albanais Ismaïl Kadaré. Il donne aussi « la parole à Pierre Chabert », poète discret, l’un des doyens des poètes français, qui est l’un des membres fondateurs de la revue. Dans la rubrique « Une vie, une œuvre », Michèle Lévy évoque « le voyage intérieur » de Georges Jean, tandis que Paul Farellier  présente Max Alhau et « les richesses du démuni ». Eric Sénécal tient chronique, dans « La nappe s’abîme », et, observant avec pertinence le monde des revues, s’interroge sur  la situation et les motivations de leurs animateurs-poètes : la revue est-elle obstacle ou énergie et ressource pour leur propre création ? Prenant appui sur des exemples concrets, il conclut avec justesse que la revue peut soutenir et guider  leur travail d’écriture, devenir une source. « Poésie urgente », un article écrit en 1979 de Paul Farellier, démontre toute la permanence de son actualité. Les HSE 33, un numéro semestriel dense qui mêle lectures et matière à réflexion. "

Marie-Josée Christien (revue Spered Gouez n°18, 2012).

Dans Incoherism

Après un éditorial de Paul Sanda, le n°33 des Hommes sans Épaules, la volumineuse revue-livre dirigée par Christophe Dauphin propose une série de dossiers et de cahiers littéraires :   Les Porteurs de Feu : Marie-Claire Bancquart – Richard Rognet (présentation Paul Farellier).   Les Wah : Elodia Turki – Jean-Michel Bongiraud – Danièle Corre – Patrick Aveline – Bojenna Orszulak.   Le poète surprise : Ismail Kadare.   Dossier : « La Parole est à Pierre Chabert » par Christophe Dauphin.   Une Voix, une œuvre : Georges Jean par Michèle Lévy – Max Alhau par Paul Farellier.   Le poète de la Baltique : Tomas Tranströmer par Svante Svahnström.   Le photographe du surréel : Théodore Brauner par César Birène.   Dans les cheveux d’Aoun : « Poésie urgente » par Paul Farellier.   Les pages des Hommes sans Épaules : Paul Farellier, Alain Breton, Christophe Dauphin, Jacques Aramburu, Karel Hadek.   Chronique : « La nappe s’abîme » par Éric Sénécal.   À ce sommaire fort riche s’ajoutent les infos, les échos, les notes de lecture…

Rémi BOYER (in Incohérism, 17 avril 2012)

Dans Grostextes

"Les HSE 33 : 266 pages denses de poésie sous différentes coutures orchestrées par Christophe Dauphin, une densité qui a de quoi déconcerter le chroniqueur. Après un choix de poèmes divers et variés, on découvre un poème d’Ismail Kadaré, des dossiers Pierre Chabert, Georges Jean ou Max Alhau, des réflexions de Paul Farellier et Eric Sénécal et des hommages aux disparus de l’hiver, José Millas-Martin ou Michel Héroult : « … Je me débarrasse avec hâte / comme si le temps me manquait / moi qui ne suis personne / peut-être une ombre / si vous cherchez bien / peut-être un souffle / ou rien » (Michel Héroult)."

Yves Artufel (in grostextes.over-blog.com, avril 2012).

Dans Inédit Nouveau

"Les Hommes sans Epaules, née en 1953, a connu des interruptions, mais en est à sa troisième série, cette fois sous la direction de Christophe Dauphin, qui succède à Jean et Alain Breton. C'est une véritable encyclopédie de grands auteurs et d'études fouillées. Le numéro 33 célèbre, sous des formes diverses, Ismaïl Kadare, l'éternel Pierre Chabert, le Nobel Tomas Tranströmer, le très ancien Théodore Brauner, mais aussi Georges Jean et Max Alhau, déjà classiques. Cette encyclopédie du surréalisme ouvert, j'ose dire enfin ouvert, est dans ma bibliothèque un des rayons les plus précieux, auquel je me réfère souvent, ayant connu quelque fort anciennes icones des années 50, Chavée, Dotremont ou Mariën. Je ne puis m'empêcher de penser à Dada, au jazz, au surréalisme et à Cobra comme à un de ces ensembles qui unissaient dans la bagarre, la diversité et l'amitié, les romantiques, les symbolistes et autres futuristes d'il y a deux siècles déjà, lorsque Verhaeren espérait un bel avenir."

Paul Van Melle (in Inédit Nouveau n°257, juillet 2012).