Jean-Philippe SALABREUIL

Jean-Philippe SALABREUIL



Jean-Philippe Salabreuil (Jean-Pierre Steinbach, de son vrai nom) est né le 25 mai 1940, à Neuilly-sur-Seine. Après une licence en droit, Salabreuil travaille pour le C.N.R.S. et prépare une thèse sur « Les Coutumes africaines ». Il fait de nombreux séjours en Afrique où il occupera même un poste de conseiller du ministre de l'Éducation congolais. La poésie, comme il le confiera dans un texte en prose adressé à Claude Michel Cluny et qu'il appelait ses Commentaires lyriques, est une entreprise où les possibilités même de vivre sont en jeu : « Il est un dangereux point de l'esprit créateur. Celui où l'écriture n'étanche plus mais aiguise la soif de l'absolu et commence une lente chute vers le vide et le silence. » Le poème est comme le lieu où la vie fait l'expérience de ses limites, s'épanche et se reprend dans le chant. Au lendemain de la mort de Jean-Philippe Salabreuil (à Paris, le 27 février 1970), Jacques Réda écrit le texte d’hommage ci-après, qui sera publié dans Les Cahiers du Chemin (n° 9, 1970) : "Si, comme il apparaît souvent, la poésie vraiment vécue et faite par un être est remplie de ces traits prémonitoires qui le dépassent puis l’attendent sur la trajectoire cachée de son destin, alors ― et c’est sans consolation d’aucune sorte, c’est dans l’effroi ― on peut relire maintenant les poèmes de Jean-Philippe Salabreuil comme autant de formulations du même oracle sombre et si brutalement accompli. Et depuis quelque temps, dans ces poèmes, on voyait revenir avec une troublante insistance l’ange, oui ainsi dénommé l’ange ou bien un ange, mais toujours le même je crois, au visage si bien voilé qu’on l’aura pris d’abord simplement pour une figure devenue rare d’ailleurs dans la poésie de ce temps, pour beaucoup importune, mais redoutable encore près du geste qui clôt sans fin ― wie Abwehr und Warnung ― la Septième Élégie de Rilke. Et pour nous interdits, impuissants devant cette carrure qui s’éloigne, lui l’éclatant, lui la douceur réintégrant l’obscur d’un pas décidé et furieux, son travail fait comme il était prescrit, la dérision d’ajouter quelques mots grandit auprès de trois livres désormais qui font une œuvre. Et là jamais peut-être la douleur ne sera avancée plus nue le long de sa corde toujours plus étroitement, jamais en même temps elle n’aura cherché avec plus d’espérance à se transfigurer et à s’émerveiller quand même, quand même et jusque dans l’horreur telle une douleur d’enfant. Et ainsi se débat dans la douleur, avec tous ses sursauts baroques, ses maniérismes, ses audaces, ses apaisements insondables, chaque poème de Salabreuil d’une seule foulée qui bouleverse, car elle est du passage d’un être vers l’amour impossible, le retour impossible, l’impossible et pourtant profonde innocence du cœur. Il s’est mis à neiger ce matin avec une telle violence qu’on ne sait pas si c’est la neige ou quel noir éblouissement. Balance de lumière un brillant corps s’élève – Un corps sombre s’abat défaite et gloire – Et trêve maintenant ! » À lire : La Liberté des feuilles, Gallimard, (1964). Juste retour d'abîme, Gallimard, (1965). L'Inespéré, Gallimard, (1969).



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : HORIZONS POÉTIQUES DE LA MORT n° 31