Laurence Iché, née le 9 avril 1921, à Saint-Étienne, est décédée le 9 septembre 2007, à Madrid (Espagne). Fille du grand sculpteur René Iché (1897-1954) et du modèle de Montparnasse, Renée (Rosa Achard), Laurence Iché avait posé très jeune pour quelques-unes des œuvres majeures de son père, mais également pour Pablo Picasso, Victor Brauner et d’autres artistes. En 1937, elle avait à peine seize ans lorsque son père lui fit découvrir la modernité et l’avant-garde artistique, au Pavillon espagnol de l’Exposition universelle de Paris. Ce fut un choc. Elle se lia par la suite avec de nombreux artistes, dont le poète Robert Ganzo, à l’occasion de ses nombreuses échappées du lycée Victor-Duruy. C’est sur les conseils de Max Jacob que son père la plaça alors brièvement chez les Bénédictines. À partir de 1939, Laurence Iché commence à écrire régulièrement des contes, des articles et des poèmes dans lesquels s’insufflent l’onirisme, l’ironie et l’humour noir : Il y avait une pierre blanche dans un mur, qui était très mécontente. Le mur la traitait toujours de chausson, et la pierre ne trouvait pas du tout qu’elle était un chausson, mais une belle pierre brillante. Beauté, mais au caractère trempé, Laurence Iché est une femme sensible et engagée dans la vie, dans les luttes de son temps ; elle incarne parfaitement, avant l’heure, la femme libre, indépendante et émancipée. Au début de la guerre, elle tombe amoureuse de Robert Rius (1914-1944), poète surréaliste, secrétaire et ami d’André Breton. Elle l’épouse en juin 1941, et participe, à ses côtés, durant l’Occupation, à la fondation et à l’animation du groupe surréaliste de La Main à Plume (1941-1944), qui rassemble une vingtaine d’artistes et d’intellectuels issus du surréalisme et du groupe néo-dadaïste des Réverbères : Marc Patin, Jean-François Chabrun, Noël Arnaud, Jacques Bureau, Adolphe Acker, Oscar Dominguez, Paul Éluard, Georges Hugnet, Jacques Hérold, Léo Malet, Maurice Blanchard, Tita, J-V Manuel (Manuel Viola), etc. En 1942, elle publie son premier recueil, des poèmes érotiques (Au fil du vent, 1942, illustré par Oscar Dominguez), dont Blanchard, interloqué, dira : «  quand a-t-on vu une femme avancer ces choses-là ? » Suivra Étagère en flamme, en 1943, illustré par des dessins de trottoir relevés par Pablo Picasso : Un ange descendit pour voir le monde sur le dos du poisson, mais comme il n’avait pas l’habitude d’avoir un visage, il s’était trompé et au lieu d’avoir une oreille de chaque côté du visage, il en avait une au beau milieu. La fin de la guerre n’est qu’une série d’épreuves et de douleurs, avec les décès successifs de sa fille Aurélia, puis de son mari, dénoncé, arrêté, puis torturé et fusillé par la Gestapo, avec ses camarades, le 21 juillet 1944. En 1949, elle épouse, en Espagne, le peintre abstrait José Viola Gamon (1916-1997) dit J.-V. Manuel ou Manuel Viola. Chaque semaine, Laurence Iché assiste à des rencontres poétiques à Madrid, encourageant les plus jeunes à persister dans cet art difficile et ingrat. Elle est aussi l’une des premières à s’intéresser et à traduire en français Camilo José Cela, et du français à l’espagnol, la correspondance amoureuse d’Oscar Dominguez (inédite). Si elle cesse de publier, elle continue pourtant à écrire, et consacre la dernière partie de sa vie à défendre l’œuvre abstraite de son second époux. L’année 2007, qui la voit disparaître, correspond étrangement avec la commémoration des vingt ans de la mort de Manuel Viola. Autre malheureuse coïncidence, la police française vient tout juste de retrouver La Déchirée, l’œuvre de Résistance de son père René Iché, offerte à De Gaulle, en 1942, à Londres, et pour laquelle elle avait posé à l’âge de dix-neuf ans.

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Épaules).

Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules

Dossier : Léo MALET & Yves MARTIN, la rue, Paris, la poésie et le Merveilleux, n° 20	Dossier : JORGE CAMACHO chercheur d'or n° 23