Les Hommes sans Épaules


Dossier : JORGE CAMACHO chercheur d'or

Numéro 23
252 pages
Année 2007
28.00 €


Sommaire du numéro



Éditorial : La Révolte a un langage : la Poésie !, par Christophe DAUPHIN

Les Porteurs de Feu : Poèmes de Stanislas RODANSKI, André LAUDE

Ainsi furent les Wah : Poèmes de Jean-Pierre LASSALLE, Hervé DELABARRE, Jacques TAURAND, Marie-Christine BRIERE, Frédéric TISON, Ferruccio BRUGNARO, Marie-Anne SCHÖNFELD, Javotte MARTIN, Hubert BOUZIGES, Philippe LE FRANC

Hommage : Laurence ICHÉ, par Christophe DAUPHIN, Poèmes de Laurence ICHÉ, Robert RIUS, Marc PATIN, J.-V. MANUEL

Dossier : Jorge CAMACHO chercheur d'or, par Marie-Laure MISSIR, Poèmes de Jorge CAMACHO, Joyce MANSOUR, Vincent BOUNOURE, Guy CABANEL, Roberto MATTA, François-René SIMON, Reinaldo ARENAS, Marie-Laure MISSIR

Le poète de cœur : Samuel BREJAR

La mémoire, la poésie : Daniel VAROUJAN, par Christophe DAUPHIN, Eugène GUILLEVIC, par Monique W. LABIDOIRE

Une voix, une œuvre : Gilles LADES, par Paul FARELLIER, Poèmes de Gilles LADES

Le cri de l'oubli : Pierre DELISLE

Vers les terres libres : Pierrick de CHERMONT, par Paul FARELLIER

Avec la moelle des arbres : notes de lecture de Karel HADEK, Jean CHATARD, Jacques TAURAND, Paul FARELLIER

La chronique des revues, par César BIRÈNE

Infos / Échos des HSE

Illustrations de : René ICHÉ, Daniel PIERRE dit HUBERT, Jorge CAMACHO

Hommage : Christophe de PONFILLY, par Christophe DAUPHIN

Présentation

EDITORIAL (Extrait) :

« LA REVOLTE A UN LANGAGE : LA POESIE ! »

par Christophe DAUPHIN


« C’est la révolte même, la révolte seule qui est créatrice de lumière. Et cette lumière ne peut se connaître que trois voies : la poésie, la liberté et l’amour, qui doivent inspirer le même zèle, et converger à en faire la coupe même de la jeunesse éternelle sur le point le moins découvert et le plus illuminable du cœur humain.»

André Breton


à Jean-Baptiste André Godin (1817-1888), fondateur du Familistère de Guise.


« … La révolte la plus commune, c’est la révolte contre ce que Charles Fourier, qui a imaginé une société où l’individu ne cherche plus à refouler sa singularité mais à l’accomplir, appelle l’industrie civilisée, et qui ne peut que créer les éléments du bonheur, mais non pas le bonheur, car l’excès d’industrie conduit la civilisation à de très grands malheurs, si on ne sait pas découvrir les moyens de progrès réel en échelle sociale. Cette industrie, aujourd’hui mondialisée, et qui se borne exclusivement à l’utilitaire et à l’économique, la majorité des hommes ne l’accepte que sous la pression de la nécessité, et sans rien en retirer. Il n’y a donc pas à s’étonner «que la pauvreté naisse en civilisation de l’abondance même». Mais Fourier va plus loin : à quoi bon l’abondance, si elle n’augmente le bonheur de personne ? Dans un tel état de choses, peut-on prétendre que la liberté sociale existe ? Non, puisqu’elle est réduite à cette petite minorité qui possède la richesse : la liberté est illusoire si elle n’est pas générale. Il n’y a qu’oppression là où le libre essor des passions est restreint à l’extrême minorité. Or, le tout social se fait plus riche et plus complexe à mesure que chacun progresse vers soi, ajoute Simone Debout, éminente fouriériste. La réalité singulière et la vie communicative s’affirment indissolublement. Les hommes sont des miroirs les uns des autres et il n’est pas un trait particulier qui n’agrandisse le champ des possibles d’autrui. Les individus se transmettent réciproquement l’essor et valent plus les uns pour les autres par leurs différences que par ce qu’ils possèdent en commun. Il n’y a donc pas de plus grande justice envers les autres que d’aller soi-même au bout de son désir et de réaliser ses particularités les plus secrètes. Tout individu dès lors peut s’intégrer à la société, échapper à la solitude de celui qui ne trouve jamais sa place ni rien qui soit fait comme pour lui. Il est possible, dit Fourier, de marier la vérité de chacun à celle de tous. La sensibilité s’ordonne non par des lois mais par le libre jeu des individus dans le monde et parmi les autres. Ce qu’il importe, c’est de transformer l’histoire individuelle d’événements subis en actes à accomplir.

Mais la révolte ne saurait se limiter à l’économique, sans risquer de tomber dans l’ornière. Car partout, l’amour et les passions mènent le jeu. Sous la perception même et le mouvement de la connaissance, nous trouvons le désir, qui bouleverse la froide tranquillité de la conscience et esquisse une vie en autrui. C’est à ce titre, que la révolte a un langage : la poésie… »


Christophe DAUPHIN

(Extrait de l’éditorial, La révolte à un langage : la poésie ! », in Les Hommes sans Epaules n°23/242007).



ANGOISSE


     « Notre cœur est inquiet.»

               Saint Augustin.


L’ombre des créatures décline dans le crépuscule des apparences

Je suis seul au bord d’une neige inconnue

Et mon désir grandit comme les fastes annoncés à l’horizon

Je suis seul et l’aurore mystérieuse étend ses merveilles vers des hauteurs ignorées

Cortège nuptial –mais pour qui ?

Plaisirs lunaires d’une fille hautaine

Ardente à glacer les cœurs

Je suis seul dans les marais brûlés par la comète

Les visions s’enfuient de mes yeux mornes

Les paysages sombrent dans la débâcle des glaces

Je cherche le repos silencieux de la mer hivernale

Souvenir au sein mystérieux de l’être

Sommeil et retour à l’ineffable Présence

Où germe tout dans l’obscurité des origines

Je suis dans un abandon étrange –les siècles ont fui

Aux approches du soir du monde

Voici maintenant que s’élève la nuit bienheureuse

C’est l’inquiétante beauté d’un front chaste dévoilé

O puissance tutélaire ! Je suis

Tremblant et frénétique – l’angoisse creuse mon esprit:

Au ciel de mes yeux déments est-ce la venue

De l’obscurité du pays sans paysage?

Ou bien le ténébreux visage d’une femme

Reine des contrées spirituelles

Où s’épanchera mon amour sanglotant

Pour connaître enfin l’inconnaissable Paix

Où stagnent les existences révolues ou futures ?


Stanislas RODANSKI

(in Les Hommes sans Epaules n°23/242007).



LES MOTS OU JE MORDS…


les mots où je mords ont un goût d’orange amère

qui me rendra les mots lisses de l’enfance

qui me rendra les mots complices d’une aube

pépiante comme un oiseau tombé du nid

les mots où je meurs les mots où je m’enferre

quand je veux dire famine et feu vermine et mort

lumière sous le boisseau trahissent mon effort

semblent obéir et murmurent le contraire


et surtout les mots de mon amour

que je polis et repolis et couvre de couleurs

n’ont pour écho que des cris de douleur

la chair s’exerce au néant sur les hauteurs du jour

les mots où je traque le mystère

chasseur déchiré par les sagaies de l’orage

navigateur solitaire en dérive au milieu d’un torrent d’images

les mots claquent comme des loques aux lucarnes de l’hiver


comment se faire entendre dans une pareille ténèbre

comment détecter le sang attentif et chaud

comment dissoudre le silence et le désert

quand les mots pâles sonnent creux comme de vieux os


André LAUDE

(in Les Hommes sans Epaules n°23/242007).




JORGE CAMACHO, CHERCHEUR D'OR

 par Marie-Laure MISSIR


« … Les œuvres de Jorge Camacho empruntent des chemins de violence et de sève. Sur ses toiles, les formes explosent, saturent l’horizon de fumée et de cendre ou bruissent d’une vie secrète, cachée, celle des lentes germinations dans un paysage surchauffé de soleil. Affirmations verticales, troncs noueux contrariés par des greffes d’ossements et de serres, des totems s’élèvent qui ne sont ni tout à fait organiques, ni tout à fait désarticulés. Ils traversent des flamboiements de brasier. « A l’ordre de la nuit, au désordre du jour », le pinceau de Jorge Camacho parle d’or… »


Marie Laure MISSIR

(Extrait de la présentation du dossier Jorge CAMACHO chercheur d’or, in Les Hommes sans Epaules n°23/242007).



HALO DE POIVRE



        Spirale d’eau

        Aux confins d’aisselles.



Le cube muet de l’horloge à vent

S’accroche au lustre de la nuit blanche


        L’œil à l’orbite folle

        De calmar-épée



Dans la peau argentée de glu

Le ressort qui nage dans la boîte d’amiante.


        La chair ficelée

        Au noyau de l’ombre.



L’œuf d’ailes transparentes

Perché sur un crâne de soufre.


AU CERCLE DE FEU DE VELOURS

CISELE DE PLUIE !


Jorge CAMACHO

(in Les Hommes sans Epaules n°23/242007).



Revue de presse

2007 – À propos du numéro 23/24

    « Dans ce numéro 23/24 des HSE, à noter tout particulièrement le double article « Les Porteurs de feu », avec d’une part « Stanislas Rodanski » par JM Goutier et Sarane Alexandrian et d’autre part, « André Laude » par Paul Farellier. Numéro riche, très nombreux textes de création et contributions. On peut encore citer un ensemble consacré au poète arménien Daniel Varoujan et un article de Monique W. Labidoire, Guillevic : un poète dans sa durée. »
    Florence Trocmé (Poézibao, dimanche 27 janvier 2008).

   « Je suis immédiatement consolé par le double numéro 23/24 des Hommes sans Épaules, mené à la baguette par Christophe Dauphin et qui rend hommage cette fois à Samuel Bréjar, trop tôt disparu… Dauphin, lui, s’est attaché au poète arménien Daniel Varoujan, tandis que Paul Farellier se fait Gilles Lades et que Monique Labidoire termine son Guillevic. En 250 pages, la revue fait le tour d’une actualité littéraire remarquablement riche. »
    Paul Van Melle (Inédit Nouveau n°220, mars 2008).

    « La revue de poésie, même de parution intermittente, reste l’outil principal de la promotion poétique en France et le numéro 23/24 du périodique Les Hommes sans Épaules, fondé par le regretté Jean Breton et dirigé par Christophe Dauphin le démontre avec éclat. »
    Jean-Luc Maxence (Monde et Vie n°792, mars 2008).

    « Toujours, avec les HSE, ce remarquable et précieux voyage dans la poésie des cinquante dernières années. Notons entre autres, dans ce n°23/24, l’évocation de ces porteurs de feu que furent Stanislas Rodanski et André Laude, ainsi qu’un dossier Jorge Camacho. »
    Yves Artufel (Liqueur 44 n°79, automne 2008).