Mariné PÉTROSSIAN

Mariné PÉTROSSIAN



Lorsqu'en 1993 Mariné Pétrossian (née en 1960 à Erevan, Arménie) publie son premier livre de poèmes, la jeune République d'Arménie se trouve en proie aux pires difficultés, totalement démunie et ruinée par le séisme de 1988, par la guerre et le chaos écobomique découlant de la disparition de l'URSS, et par le blocus opéré par la Turquie. Liée à des événements antérieurs tout aussi dramatiques (la sale guerre d'Afghanistan, la catastrophe de Tchernobyl, la guerre du Karabagh), l'Arménie, au passé déjà si douloureux, se relève difficilement. on comprendra donc aisément le ton dramatique de la poésie de Mariné Pétrossian qui, avec Violette Krikorian (née en 1966), est l'une des voix les plus singulières de la nouvelle poésie arménienne. Mariné Pétrossian est licenciée ès lettres de l’Université d’État d’Erevan. Nourrie des littératures de l’Antiquité, passionnée par François Villon, elle commence à publier ses poèmes en 1987, à la fin de l’ère soviétique, dans la revue Karoun, qui comptait alors 70.000 lecteurs. Aujourd’hui, si l’écrivain a gagné en liberté, il est devenu vulnérable, rejoignant l’anonymat des critères économiques. Elle prône une véritable liberté linguistique (Je veux qu'au loin mon écriture / oscille comme une fleur épineuse), pour « écrire quelque chose qui irait au-delà de la langue », comme un moyen de se « resituer » dans ce monde. Elle n’hésite pas à publier des articles sur la situation socio-politique d’une Arménie égocentrée, pour rappeler que la poésie aussi doit sortir de son isolement. À Lire (en français) : J’apporterai des pierres, traduit par Vahé Godel, (Comp’Act, 1995) et Erevan, traduit par Vahé Godel, (Comp’Act, 2002).

Christophe DAUPHIN

(Revue Les Hommes sans Épaules).




C'est ma ville natale, mais c'est une autre ville, à l'aube la froidure est métallique, et les pierres anonymes et nues, où s'étendait jadis l'Empire du Sable coule aujourd'hui le Fleuve du Temps, dont les glaçons brisèrent les vitres de ma fenêtre. La liberté, c'est le vent, le vent dans son armure de glace, la liberté, c'est le soleil, la cendre du soleil répandue sur les champs, Erevan est une ville muette, un corps de pierre noirci par l'incendie, le feu éteint, restent les pierres, restent les gens.


Mariné Pétrossian



Publié(e) dans la revue Les Hommes sans épaules


 
Dossier : ILARIE VORONCA, le centenaire de l'ombre : 1903-2003 n° 16