Collection Les HSE
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Alain Simon exprime des sentiments rares en bateleur d’un cœur énorme et marmiton de nos magies, en faisant fusionner, grosso modo, les sortilèges du surréalisme et l’écriture du quotidien. Mais quelle puissance lyrique chez cet ermite ambivalent ! Et quel sens de l’image ! Qu’il fasse saillie sur la musique, les femmes : Je reconnais la supériorité des femmes face aux éléments fondamentaux / Si elles chantent sinon adieu. Qu’il évoque la condition humaine : Y a-t-il suffisamment ici de passion pour la vie. Qu’il peigne la Nature, moelle de son inspiration : Toutes les ruses du passeur de ravines ; Qu’il s’en prenne au destin et au progrès : Je n’irai pas jusqu’à la rendre à sa locomotive / Les mille chevaux des dieux grondeurs, il fait souvent sauter la banque. Grand lunatique, ô combien attachant, anticonformiste enraciné dans l’aventure sur les mers lointaines et les sentiers familiers, Alain Simon marque, tel le fantôme du Bengale de notre enfance, la poésie de ses coups de bague. Même ses bavures restent des performances (C’était trop savant j’aime la maladresse). Un homme ordinaire, certes, mais dans l’inouï.
JE T'AI PREPARE UNE SOUPE...
Je t'ai préparé une soupe dans les ruines au milieu des ossements
soupe rouge comme l'oiseau du coeur comme la poudre tatare
pour chasser les rivales ce poison
tu jouissais par rafales
ne reste pas immobile passive ou rêveuse
un vieux loup viendra renifler ton mutisme
il fait si peur qu'il faut bien siffler du sexe
au lieu de parler d'idéal et ces conneries
je t'offre un symbole ce n'est pas moins qu'un pagne
une plume de corbeau protecteur un pipirite
égaré des Caraïbes voulant moduler l'amour
si rare chez les Russes aux âmes jamais désaltérées
La fièvre a rendu ces cendres complétement inaccessibles
ces runes comprises par le renne et le héron de Chine
et parfois par un cygne noir australien
qui a trop d'imagination et qui m'accompagne en lecteur d'aventures
esclaves ou serfs on ne peut que ruser dans l'herbe
je joue de tes nerfs je fais raquette
abandonne tes repères
sinon les cerfs axis te feront le coup du rut
sans délicatesse pour contempler tes yeux luisants
déploie tes ailes dans un viol de fête suivi d'un sentier lumineux
tiens ! j'ajoute quelques asperges
touille la douleur bois le vin
qu'on dise elle est fut choyée depuis la Djougarie
jusqu'aux flots de platine ainsi qu'on dise: ce fut une longue course
ce fut une bonne aventure
Alain SIMON
(Poème extrait de Dans le bleu détruit des fenêtres, Les Hommes sans Epaules éditions, 2010).
Dans la revue Les HSE
"Lire Alain Simon est un régal, tant il raffole de choses fines, tant il exprime de sentiments rares en bateleur d’un coeur énorme et marmiton de nos magies, en faisant fusionner, grosso modo, les sortilèges du surréalisme et l’écriture du quotidien. Son prétendu dandysme était une pudeur, dont il s’est pour partie défroqué avec le temps ; sa préciosité une recherche esthétique, une quête du Graal, dont il s’est grandement rapproché depuis quelques livres. Son sens du pittoresque, du nanan enrobé de feinte désinvolture. Mais quelle puissance lyrique chez cet ermite ambivalent ! Et quel sens de l’image ! Qu’il fasse saillie sur la musique : Il s’agirait peut-être d’un domaine d’épouvante avec des basses, des contrebasses en rêve de cordée ; qu’il évoque, grande affaire !, les femmes : « En avril dès qu’on lève la tête une fille affirme : je n’ai pas de temps à perdre/ Viens m’explorer ainsi dans le trèfle à quatre feuilles/ De Chulyma et près de Minoussinsk/ Viens et tais-toi je ne veux pas de la cruauté des mots/ Viens dans mes huit mètres de profondeur dans mon métier d’épouse poignardée dans mes viscères il fait chaud au fond ; ou : Tu seras toujours présente toi ma gouge/ Ma goule devrais-je dire toi ma folle/ Mon exquise débraillée avec du poil aux fesses/ Mais infidèle car pour aimer il faut trahir des dieux/ Et ça tourne mal ; ou encore : Je reconnais la supériorité des femmes face aux éléments fondamentaux/ Si elles chantent sinon adieu. Qu’il évoque la condition humaine : Y a-t-il suffisamment ici de passion pour la vie/ De lièvres apeurés pour fusionner et faire tourbillon / Faire syndicat comme les oies ? Qu’il peigne la Nature, moelle de son inspiration : Toutes les ruses du passeur de ravines ; ou : Genoux de langueur boisée/ Des pentes de Tannu-Ola ; puis : À cause des bergers qui ont tout appris des sources ; ou bien : Castagne à l’aube avec des savoureux/ De roseaux d’argent des cartouchiers/ Je leur ai confié quelques cuillères en argent / Ils m’ont remercié avec un trémolo dans la voix/ Les deltas j’en ai toujours fait mes sorcelleries certains remèdes/bJe n’ai jamais su que parler du Vieux Lac. Qu’il s’en prenne au destin et au progrès : Je n’irai pas jusqu’à la rendre à sa locomotive/ Les mille chevaux des dieux grondeurs, il fait souvent sauter la banque. Grand lunatique, ô combien attachant, anticonformiste enraciné dans l’aventure sur les mers lointaines et les sentiers familiers, Alain Simon marque, tel le fantôme du Bengale de notre enfance, la poésie de ses coups de bague. Même ses bavures restent des performances (C’était trop savant j’aime la maladresse). Un homme ordinaire, certes, dans l’inouï : Vous réciterez comme moi toutes sortes de cris mâles - Et la violence étrange avec des rires fous - Et la capitale misère : muse muselée dans l’obscur utile - Vous me direz je vous hais comme c’est bon sans doute."
Alain BRETON (Les Hommes sans Epaules n°31, 2011).