Hors Collection
- Présentation
Les Cahiers Robert Rius consacrent entièrement leur deuxième numéro à Jacques Hérold (qui fut, un grand ami du poète surréaliste Robert Rius), avec la publication d’un document exceptionnel : l’autobiographie inédite de Jacques Hérold. De son enfance en Roumanie, jusqu’au début des années 50, l’artiste évoque avec chaleur, spontanéité et authenticité, son parcours tumultueux et riche qui traverse la première partie du XXe siècle, dont il n’ignore aucun combat, qu’il s’agisse de l’Avant-garde artistique ou des fléaux qui gangrènent le monde. Jacques Hérold (1910-1986) est l’un des plus grands peintres, non seulement du surréalisme, mais surtout du XXe siècle. Éminemment poétique et complexe, sa création n’a jamais cessée d’évoluer sous le signe du feu et de l’imaginaire le plus débridé. De 1930 à 1986, les périodes ne cessent de se succéder, certes, mais sans pour autant effacer ou gommer la thématique et les acquis des précédentes. Œuvre en perpétuelle ébullition, chaque période s’enrichit des thématiques de celle qui l’a précédée. « J’aurais voulu que ce soit ça, ma peinture : l’invasion du corps par une substance à la fois solide et liquide, cristalline, lumineuse, extrêmement subtile, l’or potable, l’élixir des alchimistes », a rapporté Jacques Hérold. Le Musée Cantini de Marseille a organisé, à l’occasion du centenaire de la naissance de l’artiste en 2010, une rétrospective retentissante de sa période surréaliste.
« Ce n’était pas aisé de faire comprendre ce que j’essayais de faire. Je ne montrais guère mes tableaux parce qu’il aurait fallu que je tente d’expliquer aux regardeurs… Les gens regardent généralement d’une façon très superficielle. C’est rare de voir au-delà des structures formelles, les mouvements organiques de la peinture. En surface, les choses ne s’expriment pas toujours, ne s’expliquent pas toujours clairement. Peut-être que maintenant que j’en ai parlé, on voit mieux de quoi il s’agissait. Je regrette surtout que la situation terrible de la guerre ne m’ait pas permis de peindre davantage, de faire plus de choses qui auraient par elles-mêmes éclairé l’affaire. Mais j’étais alors comme le monde, un peu émigrant, un peu douloureux. Mes difficultés et mes aléas étaient ceux du monde… La peinture était pour moi un acte secret que je devais faire parce que j’avais besoin de le faire, mais qui ne devait pas participer à ma vie dans la société. On ne peut pas vivre sans peindre, mais il ne faut pas vouloir à tout prix vivre à travers la peinture. J’ai toujours pensé que les choses, il faut les voir par le dedans. Il ne faut pas seulement les laisser les couvrir, c’est-à-dire ne faire que leur peau. Il faut enlever cette peau. Il faut que les choses puissent être vues dans leur mouvement interne et c’est très difficile en peinture d’exprimer le mouvement, parce que même s’il y a mouvement, il est arrêté… »
Jacques Hérold
(extrait de Fragments biographiques, Cahiers Robert Rius n°2, 2011).