Collection Les HSE
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« Les Effigies » : s’agit-il de portraits, d’icônes, de visages ou de symboles, ou encore de reflets, d’ombres ? Ces ombres que, selon Pline l’Ancien, traça de son amant la fille du potier de Corinthe sur le mur de son logis, inaugurant ainsi l’art de la peinture. Peut-être Eurydice sut-elle trouver en Orphée celui qui, la laissant dans l’ombre à son corps défendant, trouverait les effigies de son visage et de son nom pour les chanter aux hommes ? Les trois carnets de poèmes qui forment ce livre évoquent l’irruption des effigies selon la ville, selon les arbres et les toits, selon les parcs enfin : trois lieux d’où regarder. Le poème est alors de conférer un visage au langage humain, un visage unique comme tous les visages, et c’est en cela aussi que le poète peut être connu par son poème : sa voix révélée s’ajoute à son visage.
Il marchait encore tout à l’heure à grandes enjambées
Dans la nuit de la ville, près des portes fermées.
Il faisait beau dans le ciel noir et pacifique, il était le nuage –
Il était mille songes et nul de ces songes n’était le sien.
Voitures d’ombres, murmures de fenêtres alentour
Et mille alarmes chuchotées. Il traversait
Une rue vide, et de pierre, et d’eaux glacées
Rapidement sans y penser allant la demeure constellée.
L’homme dort en la haute chambre. Il m’a semblé
Entendre l’heure, et la feuille des hivers et des étés
Se froisser. Ai-je rêvé, encore
Son sommeil — il brûle inachevé — et son passé ?
Frédéric Tison
(Poème extrait de Les Effigies, Les Hommes sans Epaules/LGR, 2013).