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Critiques :
" En décembre 2018, la Revue du Mois c’est: Les Hommes Sans Épaules n° 46 !
On commence par la partie centrale ? Bernard Hreglich. C’est Thomas Dumoulin qui a coordonné le dossier. Bernard Hreglich est né à Tunis en 1943 et mort à Paris en 1996. Père et nom d’origine croate. Sa mère s’occupe d’une librairie, elle s’est remariée avec le poète Serge Wellens. Il ne publiera que trois livres de son vivant chez Gallimard (en 1977, 1986, et 1994) et sera malade de la sclérose en plaques.
e dossier est jalonné d’autoportraits et il est fait appel aux témoignages et analyses entre autres de poètes remarquables comme Max Alhau, Werner Lambersy, Lionel Ray et Frank Venaille. Je retiendrai son écriture élégante confinant à la préciosité, une tendance progressive de son écriture vers la fantasmagorie, et le passage d’une prosodie ample à la prose vers la fin de sa vie. C’est ce superbe équilibre des profondeurs que je cherche à atteindre à travers ma poésie… Il écrit par ailleurs : Le principal danger de l’écriture, c’est la vanité. Et il dénonce aussi chez les auteurs le manque d’esprit critique. François de Boisseuil, qui l’a côtoyé et aidé à rédiger, parle dans ses poèmes de paroles mystérieuses où la fuite du sens avait libéré une puissance sourde ou éclatante qui le dominait et qui pouvait le mettre dans la même stupéfaction que le lecteur.
Retour à l’éditorial signé Fernando Arrabal, et cette anaphore : de toute ma vie… avec plus loin deux poèmes : « Je te salue démente ! » et « Requiem pour la mort de Dieu ». Les HSE donnent des poèmes avec toujours des notes biobibliographiques remarquablement complètes, et l’on apprend beaucoup de choses sur les auteurs, ainsi sur Fernando Arrabal, mis à part un nombre considérable de rencontres importantes, la mort de son père sous la dictature franquiste quand il avait dix ans qui a marqué l’écrivain. Également Frankétienne, énorme auteur qui écrit à la fois en français et en haïtien. Mon insomnie barbare dérange la liturgie des ténèbres. Eric Sénécal, créateur des éditions Clarisse : attendre que la crosse de la fougère relève la nuque et Patricia Suescum : L’enfance idéalisée / n’est que le reflet / de la désespérance / de l’adulte trahi. Retour au début avec deux belles parties consacrées à Erri de Luca, écrivain napolitain fortement impliqué politiquement, et Luis Mizón, poète chilien, avec une vingtaine de pages de son écriture ciselée. Mon poème est un lit défait / bientôt il sortira ses draps à la fenêtre / et le grand matelas familial / prendra le soleil… Olivier Deschizeaux fait une critique littéraire d’un livre de Lionel Bourg. Harry Szpilmann : Flamme lacunaire. Essart / de vent, ou filet d’air que brasse / une délégation d’ailes / blessées. Alain Brissiaud : lorsque la nuit s’accouple aux gris regrets du soir… Philippe Bajolet écrit des Humaux (mi-hommes, mi-animaux). Ensuite Christophe Dauphin donne une étude sur le poète Abdul Kader El Janabi. Né en 1944 à Bagdad en Irak, il s’exile à Londres en 1970 puis à Paris, deux ans plus tard, lieu à partir duquel il assiste à la suite de contorsions sanglantes dans son pays avec Saddam Hussein puis Daech. Il est au carrefour d’une pensée orientale qui tend à s’affranchir d’un obscurantisme religieux et du surréalisme qu’il a découvert en Europe. Enfin le même Christophe Dauphin fait le point à travers un livre de l’écrivain William Souny de la situation extrêmement délicate de Mayotte où misère et problème migratoire forment le quotidien. Peuple d’oiseaux / cloué par les ailes / à la muraille des lagons…
Je passe toute la partie infos, échos, critiques, éditions… Un scoop cependant : Jacques Aramburu est un pseudo d’Alain Breton !
Pour clore, deux hommages, hors pagination, en tête du volume : Georges-Emmanuel Clancier (1914-2018), auteur du « Pain noir » : la poésie est la tentative et la possibilité d’approche musicale au plus près de la totalité de l’être humain… Egalement :le poème est négation du temps, exaltation de l’instant rendu immobile et illimité… et Oksana Shachko suicidée à 31 ans, Femen et peintre d’icônes complètement réinventées. Les HSE lui avaient consacré une partie dans leur n° 44.
Les Hommes sans épaules demeurent une revue foisonnante, documentée, riche et rayonnante, ouverte aussi bien à la poésie française qu’internationale. "
Jacques MORIN (cf. "La Revue du mois" in dechargelarevue.com, décembre 2018).
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Le dossier de ce n° 46 des Hommes sans Epaules, coordonné par Thomas Demoulin, est consacré à Bernard Hreglich, mais avant d’en venir à son « réalisme incandescent », lisons un extrait de l’éditorial de Fernando Arrabal, Dans toute ma vie… :
« Le poète est l’écrivain-ouvrier, polisseur de jaculatoires (du latin jaculari) qui, pour réconcilier la science et l’inspiration, compose avec une rigueur géométrique. Parfois, par erreur, on l’a considéré comme un pionnier de la modernité ou un paladin des sentiments. Le poète trace les lignes de la réalité jusqu’au cauchemar ou la vision inclus. Dès l’origine le poète se sent plus proche d’Euclide ou de G.Y. Perelman que d’Homère ou de W.H. Auden. La superstition, la magie et autres avatars du charlatanisme ou de n’importe quoi provoquent son effroi.
Le poète se fie à la science comme si, dès le commencement, le Verbe avait prévu la génétique actuelle et le clonage. Les mille et une nuits (et un jour) de la poésie permettent la reproduction sans fin.
Le poète ne croit pas à la dualité vie/mort, ordure/nature, merde/ciel. C’est le précurseur du chat de Schrödinger : il voudrait continuer à exister pour toujours et en ce monde, comme s’il était un surdoué tenté par le suicide. »
Thomas Demoulin poursuit d’une certaine manière quand il présente le travail de Hreglich :
« On n’avoue pas qu’on est poète.
Ou alors on l’avoue mal.
C’est le symptôme d’une société qui ne sait plus définir le travail. D’une société qui asservit dans le travail. Monsieur le poète, quel est votre véritable métier ? – à cette mauvaise question, Bernard Hreglich est l’exemple de celui qui n’a rien à répondre, si ce n’est que l’écriture fut sa seule et unique activité, sa liberté la plus réelle. »
Bernard Hreglich (1943 – 1996) s’est totalement engagé en poésie. Architecte de la langue autant qu’artiste du sens, il n’a eu de cesse d’approfondir et d’explorer les possibilités offertes par le Verbe. Ecrire est avec lui un programme de haute vigilance sur les mots qu’il sait vivants et prompts à s’échapper.
« Les manuscrits d’un même poème, nous dit Thomas Demoulin à propos de l’écriture de Bernard Hreglich, (notamment ceux qu’il composa pour les deux livres parus chez Gallimard) constituent souvent une suite d’abondantes variations d’où émerge progressivement une ligne, de plus en plus nette à mesure que l’harmonie se développe. Le résultat final a donc l’épaisseur sensible d’une histoire. Son rythme est lesté par la matérialité des mots et conduit par le fil de la syntaxe. Et sa ligne parvient souvent aux confins du sens, au bord du déchirement où les lois naturelles du langage n’ont plus leur droit et cèdent la place à un possible absolu. »
Voici un extrait de La voix de l’Eglantine :
Ce matin, enfin, enfin, j’ai revu tes yeux pâles,
J’ai su qu’il était temps de rencontrer l’éclair ou son frère
Le monstre aux dents si douces. Dire adieu aux pantins
Dont j’ai subi trop patiemment l’odeur nauséabonde
Et les petits espoirs, et les petites haines, et les petits soupçons.
Ils n’auront pas de mal à se passer de moi et puis, qu’importe.
Je vais vers la merveille. Je vais mourir et l’églantine
S’éclaire d’heure en heure au centre du roncier.
Ma sœur je viens vers toi […]
Bernard Hreglich a peu publié. Il a attendu que les textes soit capables de restituer l’infusion du tragique qu’il recherchait. Il a trente-quatre ans quand il publie, en 1977, Droit d’absence, prix Max Jacob. Puis viennent Maître visage , en 1986, prix Jean Malrieu, Un ciel élémentaire, en 1994, prix Mallarmé. Autant dire jamais ne sera publié qu’après sa mort.
Il avait anticipé l’interprétation qu’on tenterait de faire de son œuvre au lieu de laisser les mots s’envoler et se poser au gré des hasards quantiques :
On ira voir dans mes papiers
l’angle sous lequel j’envisageais les pierre
et comment dans mes manières d’être
j’usais la corde jusqu’à l’os.
On trouvera une silhouette
Qui me ressemblera.
Avec le beau visage du silence qui tremble
Je ferai semblant d’être mon image.
Extrait de Variations d’un devenir
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 19 janvier 2019).
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Les Hommes sans Epaules s'ouvrent par des pages internationales. Son numéro 46 s'ouvre sur Erri de Luca : "J'attache de la valeur à toute forme de vie - à la neige, la fraise, la mouche - J'attache de la valeur au règne animal - et à la république des étoiles..." ; Luis Mizon : "il nous faudra penser la ville - avec le corps - l'entendre nous raconter sa vie - avec des mots tirés de notre vie - apprendre à voir l'âme des autres - avec les yeux des autres..." ; Fernando Arrabal : "Tout enfant est un fou, le fou n'est qu'un enfant - Quand sa tête repose sur le divan de plumes..." ; le haïtien et fougueux Frankétienne : "Je m'en île et m'enivre de rivages imprenables au bleu - tranchant des récifs" ; l'irakien Adbul Kader El Janabi (présenté par Christophe Dauphin) : "Noue ne voulons - Ni ascenseur pour la tour de Babel - Ni monument au soldat inconnu - Ni ciseaux - Dans l'attente d'un poème - Qui nu s'insurgerait - Contre la rime..." ; présenté aussi par Christophe Dauphin : William Souny de mayotte (un naufrage français) : "Voici la lune - plus innombrable - dans les fourgons proliférants - d'une république grillagère... " ;
Puis viennent les pages hexagonnales avec le dieppois Eric Sénécal : "moitié visage moitié - éclats carrés - de vies profils tirés - fatigues je crois aux yeux des anges..." ; Jacques Morin, dont la présentation par Les HSE reprend sa vision du poème : "le poète est peut-être un point de friction entre l'homme et la vie... le poème est un cri écrit"; Jacques Morin qui donne une série noir de courts poèmes, en prise directe avec le réel le plus actuel : "comment se débarrasser de tout ce barda de genres - ces a priori réduits - idées toutes faites - étroites - poncifs poncés"; poèmes semblables au cri qu'il dit quand la vieillesse semble déjà là: "Le désir s'enfuit - cesse - ventre percé - tu perds cette énergie virale - axiale - qui te tenait debout".
Le dossier central de ce numéro 46 est consacré à Bernard Hreglich (1943-1996; prix Max-Jacob, Prix Jean-Malrieu, Prix Mallarmé...) : "Maisons, voiliers, ravines; je respire à présent mon ultime flaque de chagrin"; dossier cooordonné par Thomas Demoulin, avec des poèmes choisis et inédits, des dessins de B. Hreglich, des contributions-hommages de Werner Lambersy, Lionel Ray, Franck Venaille. une oeuvre tendue, nerveuse, sans concession (expression bateau, mais là c'est vrai) : "Lampes des nuits blanches cernées de vitres et d'algorithmes - on voudrait se consoler en suivant l'itinéraire - qui évite le soleil... - dans cette ville où nous n'irons jamais."
Christian DEGOUTTE (in revue Verso n°176, mars 2019).
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Lectures :
LES HSE ET LA VALEUR DE LA POÉSIE CHILIENNE
Les Hommes sans Épaules consacre son 45e numéro à la poésie chilienne. C’est l’aventure intellectuelle et poétique d’un peu plus d’un siècle qui s’y lit, passionnément.
La poésie chilienne s’attache, semble nous dire Christophe Dauphin, à ses contingences propres. À son histoire coloniale tout d’abord, à la conquête espagnole et à l’asservissement des peuples autochtones, au basculement violent dans un autre ordre. Mais elle s’inscrit également dans une spatialité, une réalité physique, des contrastes évidents. Dans sa préface du dossier du 45enuméro des Hommes sans Épaules, il nous rappelle la formulation qu’emprunta Pablo Neruda pour dire la naissance d’une poésie nationale : « La poésie du Chili émergea comme une fleur rouge du combat livré par une race qui fut décimée mais ne se rendit pas au formidable ennemi. C’est alors que ce petit pays acquit sa voix propre. Et cette voix se répercute sur les neiges andines et les écumes infinies du grand océan. » Et qu’elle est mal-connue, comme sa pluralité s’éclipse derrière quelques astres tonitruants, imposants, quasi monstrueux.
Il y a d’abord le grand Neruda, presque trop grand, débordant, un peu mégalomane, aux formules habiles et lyriques qui prend toute la place, ou qui voudrait la prendre. Celui qui affirme, se voulant « barde d’utilité publique », qu’il veut « faire office de garde-frein, de maître berger, de maître d’œuvre, de laboureur, de gazier, ou de simple bagarreur de régiment capable d’en découdre à coups de poing ou de cracher du feu par les narines », se rêve en étendard ou en héraut d’un peuple entier. On oublie que tous ne furent pas dans sa ligne, au premier rang desquels le truculent et tonitruant Pablo de Rokha ou le très altier Vicente Huidobro qui se fâchèrent souvent avec lui. Ils sont les poètes majeurs du premier quart du XXe siècle ceux qui structurent, avec Gabriela Mistral, la poésie chilienne, sans aucun doute l’une des plus fortes et des plus cosmopolites de son époque en Amérique du Sud et que nous avons en grande partie oubliée.
Car derrières les quelques astres qui éblouissent, tout un fourmillement de poètes mérite d’être redécouverts, relus, mis en avant. C’est ce à quoi s’emploie le très bon dossier de ce numéro qui présente pour chaque poète un court texte de présentation et un choix d’extraits exemplaires. On lira quelques vers très beaux d’Alberto Baeza Flores (1914-1998) sur Valparaiso :
Tu as été pour ma vie la fenêtre secrète, ouverte sur
l’aventure.
Je suis descendu de ma capitale aux larges épaules,
poussée par tant de cordillères.
J’ai parcouru ta couronne de collines, tes labyrinthes de
rues et de réverbères
à l’arrière du pont d’un navire fantastique de rêves,
et au bout de ta voix était l’aube.
Ou bien, assurément du grand antipoète, Nicanor Parra, à mon avis le plus grand, le plus drôle, le plus lucide peut-être, le plus modeste en tout cas.
Christophe Dauphin dans une présentation synthétique d’une trentaine de pages retrace plus d’un siècle de production poétique : de l’impact du surréalisme, des différents mouvements, des concurrences et des relations compliquées entre des personnalités très fortes. Il explique clairement comment les mouvements se frottent les uns aux autres, s’incarnent dans des revues – Mandrágora, Boletín surrealista, Leitmotiv – plus ou moins éphémères, assez clairement l’histoire des avant-gardes, des relations cosmopolites avec Breton ou l’influence de Jarry, Péret ou encore Césaire sur les travaux des poètes chiliens. On y découvrira les élans du modernisme, le groupe de Los Diez, le créationnisme ou l’imaginisme. Il resitue très bien ces mouvements, ce fourmillement dans le contexte politique et l’évolution de la société chilienne. Jusqu’à la charnière de l’élection de Salvador Allende et du coup militaire qui porte au pouvoir Augusto Pinochet.
Car, on le sent, c’est cette période qui l’émeut plus – il la relie à sa biographie personnelle, à sa jeunesse en banlieue parisienne, à ses amitiés avec les jeunes exilés chiliens qui y débarquèrent après l’instauration de la dictature –, cet enjeu central de l’exil, du retour, de la circulation des histoires et des identités, la manière dont tout ceci s’extravase. En lisant la petite anthologie qui poussera nombre de lecteurs à aller y voir de plus près, on découvre des poètes comme Waldo Rojas ou Rodrigo Verdugo Pizarro, on se rappellera que Roberto Bolaño a produit une œuvre poétique importante dont la plus grande part demeure inédite, malgré la parution il y a quelques années de son recueil Trois, chez Bourgois, en 2012.
En lisant ce dossier intitulé « Le temps des brasiers » – probablement en hommage au film documentaire de Fernando Ezequiel Solanas (El hora de los horno, 1968) –, on relira de la poésie en même temps qu’une histoire, celle de dés-exilés, de sans-terre qui sont de quelque part, « ce pays qui a des poètes comme la mer a des vagues », on en saisira la puissance d’invention, la continuité intellectuelle, la cohérence utopique, l’énergie verbale qui coïncide toujours avec la vie collective, la passion politique, le traumatisme d’une nation. Donner accès, ouvrir les yeux et les oreilles sur de pareils poètes, du passé comme d’aujourd’hui, est une entreprise louable, forte, nécessaire probablement. On espère qu’elle aura quelque écho, que des yeux attentifs se pencheront sur l’Altazor, qu’on lira Nicodemes Guzmán, Juan Godoy ou Volodia Teitelboim, qu’on se frottera à un lyrisme bien singulier, qu’on entendra la valeur d’une poésie, oui, sa valeur.
Hugo PRADELLE (in entrevues.org, le journal des revues culturelles, 31 mai 2018).
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"Chaque nouvelle livraison de cette revue semestrielle est d’une richesse inouïe tant sur le plan des découvertes et des confirmations que sur celui des informations dans le domaine de la poésie. Christophe Dauphin dirige de main de maître cette publication en sélectionnant et coordonnant articles et poèmes.
Son long éditorial enflammé ouvre la voie et donne envie de se plonger dans ce qui constitue sur 135 pages le dossier principal intitulé « Poètes chiliens contemporains, Le temps des brasiers ». Il s’agit d’un large choix de 17 poètes chiliens contemporains parmi lesquels deux Prix Nobel : Gabriela Mistral et Pablo Neruda. Ce choix va du prolifique Luis Mizon au jeune Patricio Sanchez Rojas et du novateur Vicente Huidobro au chanteur martyr Victor Jara.
Les Porteurs de feu de ce numéro sont le poète-prêtre révolutionnaire nicaraguayen Ernesto Cardenal et le poète-médecin éditeur belge Yves Namur.
Quant aux neuf Wah sélectionnés, ils sont le miroir d’une diversité et d’une richesse qui ne se dément pas. Évoquons enfin la soixantaine de pages finales qui propose des articles, des informations et des chroniques.
Tous les numéros de la 3° série des Hommes sans Épaules constituent, au fil des années, un riche panorama des poésies mondiales. "
Georges CATHALO (cf. Lecture flash 2018 in revue-texture.fr, 27 avril 2018).
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Encore une très belle livraison que ce numéro 45 des Hommes sans Epaules, qui nous offre ce que nous pouvons sans hésitation appeler une anthologie des poètes Chiliens contemporains. Accompagné et guidé par un paratexte important comme à l’habitude, le lecteur est invité à découvrir quelques uns des noms parmi les plus représentatifs du genre : Vicente Huidobor, Pablo de Rokha, Pablo Neruda, Alberto Beaza Flores, Gonzalo Rojas, Patricio Sanchez Rojas et bien d’autres.
Ce dossier est précédé d’une introduction signée par Christophe Dauphin, qui dans son éditorial retrace le panorama historique et social qui a présidé aux productions proposées : « Lettre du pays qui a des poètes comme la mer a des vagues ».
Les rubriques habituelles entourent ce dossier : le lecteur y découvrira tout un appareil critique, « Avec la moelle des arbres » dont les auteurs ne sont autres qu’Odile Cohen-Abbas, Henri Béhar, César Birène, Karel Hadek, Paul Farellier et Claude Argès. Des informations qui recensent aussi les événements qui ont eu lieu autour de la poésie figurent en fin de volume : un compte rendu du 27ème salon de la revue, de la rencontre avec Frédéric Tison qui a eu lieu à Saint Mandé en novembre 2017, et bien d’autres encore.
Enfin, ce numéro du premier semestre 2018 nous propose des textes d’Yves Namur, d’Emmanuelle Le Cam, de Gabriel Henry, et d’autres poètes contemporains de tous horizons.
Fidèle à sa ligne éditoriale et à sa politique qui est d’offrir au lecteur une pluralité d’outils afin de guider sa lecture sans jamais en orienter la réception, ce numéro 45 des Hommes sans Epaules est dans la lignée de ceux qui l’ont précédé. Il propose une rare épaisseur, non seulement en terme de volume, annonciateur d’un contenu riche et diversifié, mais aussi en terme d’analyses visant à enrichir l’appréhension d’une littérature toujours donnée à découvrir dans la globalité des éléments contextuels qui ont présidés à sa production. La liberté de découvrir de nouveaux auteurs, de nouveaux horizons poétiques est ici encore soutenue par une contextualisation dont le lecteur saura s’emparer pour recevoir dans toutes leurs dimensions les pages de cette revue.
Carole MESROBIAN (cf. Revue des revues in recoursaupoeme.fr, 5 mai 2018).
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" Les revues ouvrent un espace de réflexion politique, offrent des possibles d’engagement. On y est lucide, en colère. Ainsi, la remarquable revue XXI propose une série de dossiers passionnants qui s’inscrivent dans la longue durée, La Revue du crieur poursuit son travail original pour promouvoir une réflexion de gauche dans le monde d’aujourd’hui, alors que Les Hommes sans Épaules nous rappelle l’histoire douloureuse des exilés chiliens tout en brossant un magnifique panorama de la poésie de ce bout du continent américain.
Ceux, encore trop nombreux, qui ne connaîtraient pas Les Hommes sans Épaules, une revue poétique qui a démarré dans les années 1950 à Avignon et redémarré en 1991 en restant sous l’égide de Rosny aîné (auteur du Félin géant), peuvent et doivent commencer par le numéro en cours qui offre un aperçu substantiel de la poésie contemporaine chilienne et la contextualise, ce qui reste indispensable. L’article de fond de Christian Dauphin, par ailleurs directeur de la publication, tient sa ligne qui cherche l’homme derrière la poésie, l’étincelle derrière la forme.
Sa contribution, intitulée « L’Heure des brasiers » (comme le film de Solanas en 1968), comporte un important dossier sur les exilés de 1973. Avec le groupe des Quilapayun, alors en tournée en France et considérés comme des ambassadeurs d’Allende, ils se retrouvèrent dans le même immeuble de Colombes et cette condensation géographique, leur impact culturel adossé au support des maisons de la culture en France, ont modifié notre rapport à l’hispanité d’autant que les dictatures du Cône Sud ne cessaient d’accroître le nombre d’exilés. Plus de 10 à 15 000 personnes, qui, pour presque un tiers, sont reparties lorsque la démocratie revint. Ces figures de l’adaptation et de la mélancolie ne sont pas homogènes, même en cas de malheur commun. Le dossier de poésie contemporaine permet de suivre toutes les positions humaines, mais aussi la difficulté de la situation de dés-exilés de ceux qui ont choisi le retour. Les jeunes embarqués dans une identité duelle n’ont pas davantage vécu sur un lit de roses.
On peut être désarçonné quand de la poésie n’est pas éditée en bilingue mais la variété de tons et de couleurs, de rythmes et de registres, donne une présence et une actualité qui sortent tous ces auteurs transatlantiques d’un trop lointain Pacifique. Le Chili tout entier est bien « ce pays qui a des poètes comme la mer a des vagues », une formule qui désigne l’île de Pâques dont l’article liminaire rappelle comment disparurent sans faire de bruit, dans la déréliction totale de l’infériorisation, les derniers qui en savaient le sens.
On pourra y lire aussi un peu de Gabriela Mistral et de Pablo Neruda, de Huidobro comme de poètes contemporains tels Waldo Rojas et Rocío Durán-Barba, y découvrir bien d’autres noms trop méconnus. Bref, le volume qui comporte aussi ses rubriques habituelles, des inédits de jeunes poètes, des notes de lecture, fera référence. "
Ma. B (in en-attendant-nadeau.fr, 2018).
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« Valparaiso, tu étais le filet où vont s’engloutir des étoiles – poissons de brume et de fumée, yeux pleins de nostalgie des voyages impossibles – Tu as été pour ma vie la fenêtre secrète, ouverture sur l’aventure… », Alberto Baeza Flores, dans Les Hommes sans Epaules, qui consacrent presque cent-cinquante pages de son numéro 45, à la poésie chilienne, présentée historiquement et géographiquement par Christophe Dauphin. Entre la première nommée, Gabriela Mistral (née en 1887) et le quarantenaire Rodrigo Verdugo Pizarro, toutes les célébrités (car s’en sont) de la poésie chilienne sont là : Pablo Neruda, Vicente Huidobro, Luis Mizon, Nicanor Parra, Roberto Bolano : « il m’a été impossible de fermer les yeux et ne pas voir cet étrange spectacle, étrange et lent… - des milliers de jeunes gens comme moi, glabres – ou barbus, mais latino-américains tous – joue contre joue avec la mort. » Il y a aussi de quoi faire des découvertes : Alberto Baeza Flores, Gonzalo Rojas, Waldo Rojas… N’ont pas étét oubliés les chnateurs Victor Jara et Quilapayun… Autrement, le numéro s’ouvre sur un autre latino-américain, Ernesto Cardenal (qui n’a pas lu sa formidable « Oraison pour Marylin Monroe » ?) et par Yves Namur : « Rien - Si ce n’est peut-être la mer qu’on voit danser – Dans un poème… – Et de l’autre côté… - Une femme qui dit des je t’aime aux oiseaux – Et aux hommes qui s’envolent par hasard ou simple distraction. » La partie centrale du numéro est une anthologie d’inédits (Emmanuelle Le Cam, François H. Charvet, Adeline Baldacchino…). J’en retiens aussi l’écriture vigoureuse de Marie Murski : « des siècles qu’on te le dit ! -Mais as-tu seulement un nom – petite sœur des grandes batailles – des fers à repasser les immortelles fœtus après fœtus. Encore un numéro marquant, je trouve, des Hommes sans Epaules. »
Christian DEGOUTTE (in revue Verso n°174, septembre 2018).
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"L’éditorial de Christophe Dauphin, véritable introduction au dossier « Le temps des brasiers », permet de comprendre les particularités historiques et géographiques du Chili « qui concentre une bonne partie des climats de la planète ». On comprend pourquoi la poésie y « demeure l’un des moyens d’expression les plus créatifs ». Le dossier, très complet, présente les poètes connus ici (Pablo Neruda, Victor Jara), sans oublier les autres. "
Marie-Josée Christien (rubrique "Revues d'ailleurs", in n°24 de la revue Spered Gouez, 2018).
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"Un dossier consacré à la poésie chilienne contemporaine resituée dans son contexte historique et politique suivi d'une anthologie qui reprend entre autres des textes de Roberto Bolano, Antonio Skarmeta ou encore de Luis Sepulveda."
Electre, Livres Hebdo, 2018.
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A propos du numéro 44 :
"Les Hommes sans Epaules, une revue qui doit être présente dans votre bibliothèque !
Une livraison semestrielle de qualité, des articles de fond, des prises de position intelligentes, des poèmes à lire et relire. loin du tapage, diurne et nocturne, dont peuvent s'entourer ceux qui se veulent les créateurs d'aujourd'hui. Eux qui, à l'égal de certaines installations picturales, installent leurs textes dans le règne de sdécibels, des sexes branlants et autres impuissances... à être.
Sous les yeux, le numéro 44 des HSE, avec un dossier central consacré à "Nikolaï Prorokov et les poètes russes du dégel", sous la responsabilité d'Olga Medvedkova et Karel Hadek. Mais qui est donc ce Nikolaï Prorokov dont je n'avais personnellement jamais entendu parler ? Christophe Dauphin, qui le présente, nous dit qu'il est né en 1945 et qu'il s'est suicidé en 1972, à l'âge donc de vingt-sept ans, sans jamais avoir publié de son vivant. Quant au "dégel", il désigne une période qui se situe peu après la mort de Staline (1953) et où les portes d'une certaine liberté retrouvée semblent s'ouvrir ou plus exactement s'entrouvrir... pour peu de temps. Christophe Dauphin situe parfaitement l'époque et les mouvements politiques ou littéraires qui entourent cette date.
On apprend ainsi que Prorokov se situe du côté des acméistes dont les deux grandes figures sont Anna Akhmatova et Ossip Mandelstam. Les acméistes, et je cite Dauphin, "revendiquent l'utilisation d'un langage simple et concret pour porter à son apogée la dimension poétique du quotidien... Le poète acméiste veut poser un regard neuf sur le monde et exige plus de rigueur."
"Dans la nuit du 1er au 2 novembre 1972, écrit Olga Medvedkova, un grand et beau jeune homme âge de 27 ans saute par la fenêtre d'un appartement communautaire moscovite... il meurt quelques heures plus tard à l'hôpital." Evoquant sa poésie toute dévolue à la liberté, Medvedkova nous explique que ses "thèmes ne s'offrent qu'au regard attentif, s'enferment dans une opacité, repoussent ceux qui sont habitués à la littérature des mots d'ordre. Parfois semi-abstraits, ces poèmes sont semblables à la première abstraction de Kandinsky: la syntaxe est brisée..."
Prorokov, un poète qu'il nous est donné de lire pour la première fois et qui illustre bien mon sentiment: si, comme l'écrivait Yves Bonnefoy, "la poésie moderne est loin de ses demeures possibles", les vrais poètes sont peut-être là, loin du brouhaha de la foule et des cracheurs de feu ou d'invectives, tapis dans l'indifférence d'une société où les paillettes et les coups de gueule "faceboochiens" de tous poils, semblent, hélas, dominer l'esprit et le temps.
Non, ce n’est pas l’heure
d’affermir les paroles par l’amour
et de bâtir le quartier de cartes,
où les rois –
sont d’escaliers les marches,
et les dames – des portes.
Cette flatteuse démarche
je la répudie avec douleur.
Je sais,
ce n’est pas l’heure,
on ne me croira pas.
Nikolaï PROROKOV (1967)
Les Hommes sans Epaules, ce sont aussi des dossiers sur Gaston Miron ou Alexandre Voisard, des poèmes d'Evtouchenko dont l'un des textes publiés, "Conversation", se termine ainsi (et fait écho à ma réflexion) : "Je pense à la honte - de nos descendants, - quand, réglant son compte à la turpitude, - ils se souviendront - de ces temps étranges..."
Evtouchenko est mort le 1er avril 2017."
Yves NAMUR (in Le Journal des poètes n°1, 2018, Belgique).
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"La revue Les Hommes sans Épaules est une revue pleine et complexe. Pleine avec ses 336 pages, cela se conçoit. Complexe, ce numéro en particulier en est la preuve. Puisque son contenu suit plusieurs pistes, reprise tout au long de son cours pour certaine. Et la matière en son entier reste diverse et riche, comme le sommaire touffu en atteste, courant de la première à la quatrième de couverture. Indéniablement, l’axe principal se situe autour de la poésie russe contemporaine, pour rester large avec la découverte d’un poète ignoré jusqu’à présent que les HSE révèlent au grand jour : Nikolaï Prorokov.
Christophe Dauphin lui consacre en effet son éditorial. Le contexte ? Une URSS en « plein Dégel », après la mort de Staline en 1953, jusqu’à la prise en main du pouvoir par Brejnev, en 1964, ce qui correspond exactement à la période Khroutchtchev, plus « ouverte ». Auparavant, la littérature russe baigne dans le réalisme socialiste. Malheur à tous ceux qui ne veulent pas y adhérer : Essenine se suicide en 1925, Maïakovski en 1930. Goulag et mort en détention pour d’autres… Prorokov est l’héritier de Boulgakov (Maître et Marguerite) condamné à écrire pour son tiroir, comme l’écrit joliment l’animateur des HSE.
Vient un peu plus loin dans le cours du numéro le dossier à proprement parler de la livraison, consacré à Nikolaï Prorokov, par Olga Medvedkova. Elle relate les étapes de sa vie si brève entre sa naissance à Mourmansk en 1945 et sa défenestration en 1972, à Moscou. Il a fallu attendre 45 ans pour que ses poèmes enfermés dans une chemise voient le jour. Par les veines vrillées des sentiers, / par les opulentes rues moscovites, / les passants déambulent et mendient / quelque rumeur, des miettes de l’on-dit. D’autres poètes russes du Dégel sont présentés comme Andreï Voznessenski, Anatoli Naïman, Viktor Sosnora Je caresse des éperviers comme un bosquet de soldats / hérissés de baïonnettes !, Bella Akhmadoulina, Boris Pasternak qui refusa le Prix Nobel en 1958 et Iossif Brodski, condamné en 1964 à cinq ans de déportation et Prix Nobel en 1987, et en tête Evgueni Evtouchenko auquel Christophe Dauphin consacre en outre une étude. Né en 1933, près du lac Baïkal, Mon professeur de poétique, ce fut tout d’abord la taïga, mi-intellectuel mi-paysan, qualifié de poète de la déstalinisation, lecteur devant des foules immenses aussi bien en Russie qu’aux Etats-Unis, Evtouchenko fut le chef de file des poètes du Dégel. J’erre au fond de l’Egypte en un temps très lointain, / J’agonise pendu aux branches d’une croix. / Voyez, je porte encore la marque de ses clous. / Dreyfus, me semble-t-il, / c’est moi… (Babi-Yar, 1961 poème dénonçant l'antisémitisme, composé en symphonie par Chostakovitch). Evgueni Evtouchenko est mort durant la confection de cette livraison le 1er avril 2017.
Pour suivre un article sur Maïakovski par Iouri Annenkov, épuisé depuis 1958. Géant de près de deux mètres, Maïakovski bénéficie de deux coups de pouce retentissants, l’un par Gorki, l’autre par Lénine. L’auteur raconte ses différentes rencontres à Paris. Jusqu’à son suicide en 1930. Je suis quitte de la vie. / Inutile de faire le compte des souffrances, des soucis et querelles. / Vivez heureux.
Iouri Annenkov fait ensuite l’objet d’un portrait par Christophe Dauphin, surtout en tant que peintre proche du futurisme, cubisme, voire expressionnisme et abstraction. Il est vrai que les portraits proposés de Trotsky, Meyerhold, Gorki ou Pasternak sont proches de la caricature, et de ce fait très modernes. Iouri Annenkov est mort en 1974 à Paris. Puis Daniil Harms, poète, chef de file de l’Obériou, ultime groupe moderniste russe. Il meurt épuisé, affamé en 1942.
On passe sans transition, c’est aussi la marque de fabrication des revues, à aujourd’hui, à l’Ukraine et à une Femen : Oksana Shachko. Christophe Dauphin rappelle les grands devanciers comme Chevtchenko ou Makhno avant d’en venir aux premières manifestations des Femen qui obligeront celles-ci à s’exiler. Ce que fait Oksana Shachko en France, où prenant quelque distance avec les féministes françaises, elle se consacrera à la peinture d’icônes, art très précis et méticuleux, qu’elle détournera avec des symboles modernes, opposés au sacré d’origine. Article de Branko Aleksić sur Ivo Andrić, poète bosniaque, prix Nobel en 1961, avec extrait de son discours à Stockholm : …le conteur et son œuvre ne servent à rien s’ils ne servent pas à l’homme et à l’humanité.
Pour en revenir aux HSE, hommage est rendu à deux collaboratrices de la revue décédées cet été : Jocelyne Curtil et Marie-Christine Brière. Puis deux dossiers consacrés à Gaston Miron, le grand poète québécois Je suis sur la place publique avec les miens / la poésie n’a pas à rougir de moi… et Alexandre Voisard par Christophe Dauphin, poète suisse du haut lyrisme : que chacun de tes gestes soit souverain / comme le poème de l’insecte sous l’écorce. Il dit aussi : « … le projet romanesque s’appuie sur une certaine structure. La poésie est démunie. Elle n’est pas dans la démonstration. » Enfin des pages sont offertes à plusieurs auteurs remarquables : Annie Salager, Jean-Claude Tardif, Daniel Abel, Frédéric Tison, Eric Chassefière, Nicolas Rouzet et Aurélie Delcros. Ne pas omettre les fortes notes de lecture, plusieurs en rapport avec le thème principal de la livraison.
Il ne doit pas être facile pour l’animateur de mettre tout cela en page, ou « en musique ». Qu’on se rassure, en rendre compte n’est pas plus aisé ! En tout cas, un numéro « formidable », comme à chaque fois.
Jacques MORIN (cf. « La revue du mois », in dechargelarevue.com, octobre 2017).
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Совсем другого рода книга, но тоже связанная с советским поэтическим андерграундом. Если в исследовании Конакова речь идет о вполне себе классиках, то покончивший с собой в 1972 году Николай Пророков — фигура, полностью выпавшая из истории литературы. Первая небольшая публикация поэта случилась полгода назад, теперь вышло полное собрание его текстов. Такие открытия всегда увлекают. Они вновь проявляют двоякую природу литературного андерграунда — одновременно системы связей, незримых институций, в которых создавались судьбы и репутации, и просто общности всех ищущих и пишущих на русском языке. Пророков принадлежал второй, но не первой. Его тексты моментально узнаются как поэзия 60-х — с общими для времени интонациями, влечениями и влияниями. Однако у него не было литературных знакомств — не было людей, которые сделали бы его талантливые стихи частью общей литературной жизни поколения. Были бурная богемная молодость, относительно успешная карьера на радио, семейные и любовные драмы, смерть в эталонно-романтические 27 лет. И были стихи: частью — обыкновенно подростково-восторженные, частью — очень особенные и, скажем так, трезвые. Главное свойство его поэзии: она зависает между двумя полюсами — навязчивой фантазией о большой культуре, заклинаниями великих (лейтмотив — воображаемая полулюбовная связь с Ахматовой) и абсолютно частным, не видимым никому делом. Пророков становится настоящим поэтом именно тогда, когда говорит ни с кем и понимает, что его никто не слышит. Сложно не фантазировать о том, как сложился бы его путь, если бы у этих стихов нашлись понимающие читатели помимо нескольких близких друзей автора. С другой стороны, эфемерная красота этого маленького корпуса стихотворений именно в том, что они располагаются как бы на самом краю литературности. Там, где стихи — только естественная потребность говорить.
"Под вечер шамкали / шаги соседей, / и запах щей, / как свежий ветер, / врывался в комнату, / чтоб волосы трепать / и путать мысли. / Под фонарем / ершист и светел / отрезок дерева в окне. / Назавтра / щей не стало — / прокисли. / Но свежий ветерок рассольника / все так же волосы трепал / и путал мысли".
Издательство Культурный слой (in Kommersant, Mocou, novembre 2017).
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Les Hommes sans épaules, cahiers littéraires semestriels dirigés par Christophe Dauphin, ne s’appréhendent pas comme une revue. A mi-chemin entre le livre et le périodique, cette magnifique publication propose certes des articles. Mais le paratexte et le format proposés apparentent cette belle réalisation au volume d’un livre, souvent conséquent (336 pages pour ce numéro 44) plutôt qu’à une revue.
Le propos varie aussi de celui d’une revue classique. Suivant un groupement thématique, Les Hommes sans épaules recensent au sommaire du dossier proposé à chaque numéro des auteurs et leurs œuvres, connus et moins connus, qui s’y apparentent. Suivant à chaque fois la même mise en œuvre, les extraits sont précédés par un discours critique qui fait office d’introduction. Ce dispositif permet d’envisager le texte et son auteur dans une globalité signifiante, car sont évoqués les contextes historiques et culturels qui ont sous-tendu leurs productions. Ces introductions sont d’une rare qualité, car le comité de rédaction laisse la parole à des spécialistes du thème choisi. Le lecteur a donc le plaisir de pouvoir découvrir à la fois une époque, un contexte, des auteurs et des productions savamment choisies.
En manière d’avant propos, Christophe Dauphin propose, pour chaque numéro, un éditorial. Ce numéro 44, consacré à Nikolaï PROROKOV et aux « Poètes russes du Dégel », est précédé d’une introduction chapeautée par deux épigraphes. L’une est une citation tirée de Littérature et révolution, de Léon Trotsky, l’autre convoque Karl Marx, avec des lignes tirées du Débat sur la liberté de la presse. Le ton du propos, intitulé La Poésie n’est pas au service d’une classe, est donné. Ces deux références soutiennent les lignes de Christophe Dauphin qui nous rappelle que la poésie est universelle, qu’elle transcendance les contingences historiques et politiques. Noms et parcours de vie de poètes pour exemples, il nous montre que nombre d’entre eux ont péri à cause de leurs écrits. Ces références, des hommes héroïques, nous rappellent que la liberté est avant tout celle de créer, celle de pouvoir s’exprimer. Le directeur des Hommes sans Epaules nous rappelle que cette période du « Dégel » est le terreau d’une production poétique abondante, mais majoritairement étouffée et passée sous silence. Autant de noms auxquels la revue rend hommage, d’œuvres mises en lumière, de parcours de vie bien souvent écourtés par le fait d’avoir osé être poète. Replacées dans le contexte historique et politique de l’époque, brillamment évoqué par l’auteur de cet éditorial, ces figures marquantes de la poésie russe sont convoquées dans une perspective marxiste et littéraire. Ainsi s’expliquent les mouvements et les écoles qui ont pris racine dans ce contexte particulier, ainsi que la posture de chacun. Et le point commun, qui est celui de ne jamais cesser de vouloir résister, sert de fil directeur à cette belle recension.
A ce titre, le dossier central, consacré à Nikolaï Prorokov, est représentatif de cette posture de résistance et de sacrifice pour la liberté. La présence de ce poète ainsi que le caractère inédit des textes proposés est mis en exergue dans l’introduction. Cette présentation ainsi que le choix des extraits sont l’œuvre d’Olga MEDVEDKOVA et de Karel HADEK. Ce dossier est accompagné d’articles et de citations d’œuvres d’autres poètes de cette époque, tels qu’Evgueni EVTOUCHENKO, Andreï VOZNESSENSKI, Anatoli NAÏMAN, Viktor SOSNORA, Bella AKHMADOULINA, Boris PASTERNAK et Iossof BRODSKI . Le paratexte qui présente chaque auteur et les productions publiées est toujours riche et guide le lecteur dans son appréhension globale de l’oeuvre.
A ces groupements thématiques se joignent des rubriques : « Le Document des HSE » que ce numéro consacre à Maïakovski dans un article intitulé « Maïakovski inconnu » signé par Iouri Annenkov ; « Le portrait des HSE » dédié cette fois-ci à Iouri Annenkov et signé Christophe Dauphin ; « Le peintre des HSE », Oksana Shachko ; « Les pages des HSE » qui proposent une série de productions de poètes de tous horizons. Ces index et les auteurs et artistes qui y sont mis à l’honneur sont toujours accompagnés d’une introduction qui présente et situe les éléments proposés.
Peut-on alors parler encore de revue. Oui, certainement, car il s’agit bien d’une publication périodique spécialisée dans un domaine précis. Mais la qualité des éléments paratextuels, la diversité des références proposées et leur mise en perspective font des Hommes sans Épaules un document d’une grande richesse. La thématique abordée fait l’objet d’un travail explicatif conséquent, tout comme chaque rubrique. Le lecteur peut alors situer ce qu’il découvre. Sans jamais orienter sa lecture, Les Hommes sans Épaules lui offre la possibilité d’appréhender une époque, une œuvre, un auteur, une problématique, en lui permettant de se forger une opinion, et en lui offrant les outils nécessaires à une compréhension approfondie et autonome des domaines abordés.
Enfin, les pages liminaires de ce numéro 44 mettent à l’honneur deux « Femmes sans épaules », Jocelyne Curtil et Marie-Christine Brière, disparues cette année. Hommage émouvant auquel se joint l’équipe de Recours au Poème qui salue, tout comme le rappelle le comité de rédaction des HSE, l’importance de l’œuvre de chacune d’entre elles.
Carole MESROBIAN (cf. "Revue des revues" in www.recoursaupoeme.fr ).
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"Nikolaï Prorokov et les poètes russes du Dégel; Les HSE n°44; prenez le temps de parcourir ce numéro exceptionnel."
Jean-Pierre LESIEUR ( in Comme en poésie n°72, décembre 2017).
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« En cette période singulière où les violences faites aux femmes apparaissent au grand jour dans toutes leurs insupportables étendues et intensités, le comité de rédaction des HSE ouvre ce numéro 44 par un hommage aux Femmes sans Epaules, rendant hommage à deux femmes, poétesses et plus, récemment disparues : Jocelyn Curtil et Marie-Christine Brière qui, toutes les deux, en leur propre style, luttèrent pour la liberté des femmes et pour la liberté de tous, contre toutes les formes d’oppression.
Le dossier est consacré cette fois à Nikolaï Prorokov (1945 – 1972), poète russe totalement inconnu qui sort ainsi de l’ombre avec ce numéro des HSE. Il trouve ainsi sa place aux côtés des grands poètes, régulièrement célébrés, du « Dégel », période de libéralisation de la littérature soviétique qui débute en 1954 – 1956. C’est, après la mort de Staline, toute la vie de l’esprit qui reprend dans la zone d’influence soviétique même si elle reste sous contrôle, la répression contre la Révolution hongroise en fut la démonstration. Le silence s’impose rapidement à ceux qui ne veulent pas collaborer, victimes d’une censure implacable. Mais la créativité souterraine se déploie malgré tout.
Nikolaï Prorokov tient une place à part au milieu de ces silencieux de talent. Il semble toutefois influencé par le symbolisme et par un mouvement poétique opposé, fondé en 1913 par Nikolaï Goumilev, l’acméisme, qui dénonce l’occultisme et la religiosité du mouvement symboliste. C’est Olga Medvedkova, qui connut Nikolaï Prorokov quand elle était enfant, qui dresse le portrait de ce « poète oublié de l’underground moscovite », évoque sa rencontre avec Mikhaï Boulgakov, son « irruption » dans la poésie, une poésie qu’il veut sans la moindre compromission, sans détour, sans recul :
« Ses mots à lui, nous dit Olga Medvedkova, se veulent gestes, aussi vrais et crus que brusques, aussi peu « littéraires », polis. Ils ne simplifient pas, ne flattent aucun ego. Ses mots à lui ne sont ni sentimentaux ni narcissiques. En mélangeant les registres de langage, ses poèmes ne s’offrent qu’au regard attentif, s’enferment dans une opacité, repoussent ceux qui sont habitués à la littérature des mots d’ordre. Parfois semi-abstraits, ces poèmes sont semblables à la première abstraction de Kandinsky : la syntaxe est brisée, on devine la trame narrative mais on reçoit surtout la décharge d’une vision. »
« C’est, dit-elle encore, en tant que poète lyrique – qui métaphysiquement – est du côté de ce qui vit, du non-fini – que Nikolaï se trouve du côté des tristes (alors que le régime exalte l’enthousiasme), des vieilles et des laides, des chers infirmes et tendres gueux », de ceux qui marchent les pieds nus sur la glace et à qui les pères – « vieillards robustes honnis » – ne pardonneront jamais la moindre défaillance. Cet épithète d’« honni » (ottorzhennyj) est l’une des plus grinçantes dans sa poésie ; les pères ne sont pas honnis par les gens mais par la vie elle-même ; ce sont des morts-vivants, des loups garous. »
La charogne
Remuez les doigts d’un cadavre,
Arrangez les cheveux de ses mains,
Joignez ses paumes en haut-parleur,
Criez à sa place par sa voix.
Déambulez avec ses pieds
Comme s’il avançait lui-même.
Battez vos ennemis de ses poings,
Comme il se doit, comme on aime.
Si quelqu’un s’est trompé quelque part,
Secouez sa tête en désapprouvant.
Et au bout de trois minutes
On croira le cadavre vivant.
En confondant la mort et la vie,
Vous allez y croire vous aussi.
Poème de Nikolaï Prorokov
Ce numéro exceptionnel, consacré à cet Est si proche, est riche d’autres rencontres, depuis Evtouchenko jusqu’aux Femen : Editorial : « La Poésie n’est pas au service d’une classe », par Christophe DAUPHIN – Les Porteurs de feu : Gaston MIRON, par Jean BRETON, Frédéric Jacques TEMPLE, Christophe DAUPHIN, Alexandre VOISARD, par Christophe DAUPHIN, Poèmes de Gaston MIRON, Alexandre VOISARD – Ainsi furent les Wah : Poèmes de Annie SALAGER, Jean-Claude TARDIF, Daniel ABEL, Frédéric TISON, Eric CHASSEFIERE, Nicolas ROUZET, Aurélie DELCROS – Dossier : « Nikolaï PROROKOV & les poètes russes du Dégel », par Olga MEDVEDKOVA, Karel HADEK, Poèmes de Nikolaï PROROKOV, Evgueni EVTOUCHENKO, Andreï VOZNESSENSKI, Anatoli NAÏMAN, Viktor SOSNORA, Bella AKHMADOULINA, Boris PASTERNAK, Iossif BRODSKI – Une voix, une oeuvre: « Evgueni EVTOUCHENKO », par Christophe DAUPHIN, Poèmes de Evgueni EVTOUCHENKO – Le Document des HSE : « MAÏAKOVSKI inconnu », par Iouri ANNENKOV, Poèmes de Vladimir MAIAKOVSKI – Le Portrait des HSE : « Iouri ANNENKOV, le peintre et ses rencontres », par Christophe DAUPHIN, avec des textes de Iouri ANNENKOV – La Mémoire, la poésie : « Daniil HARMS, poète obériou à Leningrad », par Christophe DAUPHIN, Poèmes de Daniil HARMS – Le peintre des HSE : « Oksana SHACHKO, la feuille d’or de la révolution », par Christophe DAUPHIN, avec des textes de Oksana SHACHKO, Taras CHEVTCHENKO, FEMEN – Dans les cheveux d’Aoun : « Les papillons noirs d’Ivo ANDRIC », par Branko ALEKSIC, avec des textes de Ivo ANDRIC –Les Pages des HSE : Poèmes de Elodia TURKI, Paul FARELLIER, Alain BRETON, Christophe DAUPHIN – etc. »
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, novembre 2017).
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" Sous la houlette très professionnelle de Christophe Dauphin, ces cahiers littéraires proposent toujours des sommaires originaux. La revue s’ouvre sur un vibrant hommage à une trinité subversive : Thérèse Plantier, Jocelyne Curtil et Marie-Christine Brière. S’en suit un éditorial de 16 pages où il est rappelé que « la poésie n’est pas au service d’une classe ». Dauphin y évoque la figure trop méconnue de Nikolaï Prorokov (1945-1972) ainsi que ceux que l’on nomma « les poètes du dégel » après la mort de Staline en 1953. Aussi intense que bref, ce dégel a permis l’éclosion de talents originaux et de poètes courageux tels que Brodski, Pasternak, Evtouchenko ou Voznessenski. Le remarquable travail de recherche de Karel Hadek permet à chacun de trouver de bons repères pour une lecture efficace au fil d’un riche dossier de plus de 140 pages. Signalons également les focus éclairants sur deux « porteurs de feu » qu’il est urgent de relire : le Canadien Gaston Miron et le Suisse Alexandre Voisard. Puis le chapitre « ainsi furent les wah » ouvre ses pages à sept excellents poètes contemporains parmi lesquels Eric Chassefière et Jean-Claude Tardif. Enfin, comme toujours avec les HSE, l’ouverture aux autres se poursuit à travers différentes formes d’expression poétique ou d’abondantes notes de lecture. "
Georges CATHALO (cf. "Lectures flash 2018" in revue-texture.fr, janvier 2018).
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2017 - A propos du numéro 43 :
" La dernière livraison des Hommes sans Epaules, comme les précédentes, comporte de nombreuses études, des poèmes, des notes de lecture. L’éditorial, signé par Yves Bonnefoy, récemment disparu, intitulé La poésie n’est pas un dire mais un déblaiement, une instauration, définit avec force le but, les pouvoirs de la poésie : « Continuer d’espérer, vaille que vaille. Continuer de penser que l’arbre et le chemin sont si beaux dans la lumière du soir que ce ne peut être pour rien, et que nous avons toujours la tâche de les montrer, dans leur évidence. » Belle profession de foi de la part d’un de nos plus grands défenseurs de la poésie, d’un de nos meilleurs poètes.
La rubrique Les porteurs de feu est consacrée à Ounsi El Hage, poète arabe, présenté par Christophe Dauphin et tandis que Paul Farellier rend hommage à Jean-Paul Hameury, poète, essayiste, nouvelliste, décédé en 2009.
Dans les rubriques suivantes on peut lire, entre autres poèmes, ceux de Jean Pérol, d’Olga Vassileva, de Joachim Arthuys, de Louis Peccoud.
Paul Farellier consacre une étude, Le poème pour condition, qui est proche d’un essai, à l’un de nos poètes les plus représentatifs de sa génération : Lionel Ray. Cette étude chronologique permet de suivre l’itinéraire de Lionel Ray dès « Partout ici même » ( Gallimard, 1978 ) qui est « un livre inaugural » et Paul Farellier d’étudier la structure de cette écriture, la thématique en germe dans ce livre. Poète lyrique, Lionel Ray est hanté par l’absence, dans « Matière de nuit » ( Gallimard, 2004 ), par exemple, par le temps, dont la présence s’affirme dans « Syllabe de sable » (Gallimard, 1996 ), sans oublier la présence de l’amour, ce que Paul Farellier nomme les « iles amoureuses » ni celle qui lui fait écho : la mort, dans « Le Nom perdu » (Gallimard,1987 ). Cette étude d’une grande densité permet de mettre en lumière les différents aspects de la poésie de Lionel Ray, de le suivre dans son cheminement poétique qui est celui d’un homme en quête de vérité et de lucidité.
Dans la rubrique Une voix, une œuvre, Christophe Dauphin présente Taslima Nasreen, poète bengali dont la tête fut mise à prix dans son pays en raison de ses écrits, de son soutien apporté aux victimes de Charlie Hebdo. On peut lire quelques poèmes de cette femme militante dont l’œuvre comprend poèmes, romans, récits publiés en France chez différents éditeurs.
Il faut aussi mentionner, outre les nombreuses notes de lecture des Portraits éclairs, ceux de Christophe Dauphin et de Réginald Gaillard par Pierrick de Chermont et de Jean-Louis Bernard par Michel Passelergue. Pour terminer cette livraison propose de nombreux textes et poèmes de plusieurs auteurs dont Frédéric Tison, Paul Eluard, Michel Butor, Gérard Cléry, Nanos Valaoritis et bien d’autres.
Les Hommes sans Epaules constituent une source créatrice et poétique dont on ne saurait négliger l’importance et la diversité des propos, la qualité des différentes rubriques et celle des textes choisis."
Max ALHAU (cf. "Chemins de lectures" in revue-texture.fr, mars 2017).
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" Ce quarante-troisième Cahier Littéraire des HSE est consacré à Lionel Ray. Le dossier établi par Paul Farellier est accompagné de poèmes inédits. C’est au début des années 70 que Lionel Ray abandonne le nom de Robert Lohro pour marquer une rupture dans son cheminement et son œuvre poétiques. C’est une période de dissidence, de déconstruction, « celle aussi, nous dit Paul Farellier, d’un totalitarisme linguistique où le poème aura bientôt peine à trouver sa respiration. Mais, trop vrai poète, l’homme auquel nous avons affaire pouvait-il se démettre longtemps de sa liberté ? »
Cette première rupture en annonce une autre, dix ans plus tard, une « métamorphose » qu’il décrira lui-même :
« Alors j’ai décidé, faisant table rase de mes fausses terreurs comme de tout terrorisme linguistico-théorique, de saisir la coïncidence la plus exacte possible entre écrire et vivre, et comme l’un de l’autre se fortifie, d’interroger cette rencontre de l’événement, du regard et du poème. »
Remarquons que cette métanoïa créatrice échappe ici à toute posture.
« Le poème, chez Lionel Ray, nous dit encore Paul Farellier, n’est jamais le déversoir d’une plénitude ; il vient en contrepoint d’un manque, comme la marque d’un dénuement qui obligerait le poète à se jeter dans l’espace verbal. »
Des ruptures au sein de l’apparaître émane toutefois une permanence qui fait du temps une matière à travailler par le langage autant que le temps pétrit la langue.
Dans l’éditorial d’Yves Bonnefoy, disparu le 1erjuillet 2016, éditorial intitulé La poésie n’est pas un dire, mais un déblaiement, une instauration, nous lisons ceci :
« La poésie ? Ce n’est pas ajouter des livres à d’autres, sur des rayons de bibliothèque, pour faire avec eux une littérature, et son histoire, et de la culture, autrement dit de la mort, non, c’est tenter de rendre aux mots la pleine mémoire de ce qu’ils nomment : ces choses simples qui sont de l’infini, de la vie, quand on les perçoit dans leur immédiateté, mais que notre discours conceptualisé, tout analytique, remplace par ses schèmes, ses abstractions. (…)
D’où l’intérêt qu’il y a, pour qui se soucie de la poésie, à écouter les questions qui lui sont posées, c’est une occasion de prendre conscience de ce qui, dans sa réflexion ou même au plus intime de son existence de chaque jour, veut lui faire oublier ce devoir de lucidité, c’est-à-dire abandonner sa grande espérance. »
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, avril 2017).
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"Les Hommes sans Epaules nous livrent leur 43ème cahier littéraire, un volume, lui aussi, copieux, avec quelques trois cents pages et quelques plats de résistance(s). Ainsi l'éditorial, La poésie n'est pas un dire, mais un déblaiement, une instauration, est-il signé par Yves Bonnefoy, disparu le 1er juillet 2016. Il s'agit en fait d'extraits d'entretiens et de correspondances avec le poète. Je citerai en vrac quelques fragments qui nous aident, j'en suis convaincu, à vivre le mieux et le plus justement possible, non pas en poète, mais en poésie : La poésie ? Ce n'est pas ajouter des livres à d'autres... c’est tenter de rendre aux mots la pleine mémoire de ce qu’ils nomment : ces choses simples qui sont de l’infini, de la vie, quand on les perçoit dans leur immédiateté, mais que notre discours conceptualisé, tout analytique, remplace par ses schèmes, ses abstractions.... La poésie tend à déconstruire les mythes qui l'entravent.
Au sommaire d'une revue qui se doit d'être conservée en bibliothèque, une belle étude consacrée à l'oeuvre de Lionel Ray par Paul Farellier (j'y reviendrai dans le prochain numéro pour évoquer son dernier livre paru, Souvenirs de la maison du temps, Gallimard, 2017), mais en voici déjà un bref extrait : Peut-être aurait-il fallu s'ouvrir à la violence - Des chemins, retrouver un père - Haut comme le jour ... - Qu'avons-nous fait de tout ce temps - Qui nous semblait inépuisable - De tant de flammes de portes vives et d'attente ?
Il y a tout, ou presque, à lire dans Les Hommes sans Epaules, il y en aura donc pouir toutes les faims, toutes les soifs. Peut-être vous citer encore le texte de Frédéric Tison et sa méditation sur Hölderlin, les poèmes de Taslima Nasreen, poète Bengali, les poèmes de Joachim Arthuys et bien évidemment ceux de Jean Pérol... Il faut manger le tout !"
Yves NAMUR (in Le Journal des poètes n°3, septembre 2017, Châtelineau, Belgique).
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" C'est l'un des revues les plus copieuses, appréhendant par ses nombreux dossiers et ses études la diversité de la poésie actuelle. Introduit par un décapant texte d'Yves Bonnefoy sur la poésie qui "tente de rendre aux mots la pleine mémoire de ce qu'ils nomment", des dossiers sur Lionel Ray, poète parmi ceux qui comptent aujourd'hui et sur la poète bengali Taslima Nasreen."
Marie-Josée CHRISTIEN (in Spered Gouez n°23, novembre 2017).
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2016 - A propos du numéro 42 :
"Le dossier central de la livraison des HSE 42 (forte de plus de 320 pages) est consacré à Claude Pélieu, par Pierre Joris et Alain Brissiaud.
Claude Pélieu est né en 1934 en France. Trois ans en Algérie dans les Bat d’Af. Part en 1963, avec Mary Beach, aux Etats-Unis où il résidera, malgré quelques retours en France (en 1968 à Paris, et en 92-93 à Caen), jusqu’à sa mort en 2002. Une dague orageuse explose entre les sourcils du sexe. Il fut le seul représentant français de la beat generation, adepte du cut-up et auteur de nombreux collages la lune incandescente isocèle la conscience et hurle comme un moteur mal aimé. Une trentaine de pages de son œuvre, comprenant près de cinquante recueils, est donnée pour sonder sa poésie si particulière et cette définition : Ecrire la poésie, c’est plonger dans l’inconnu, et marcher, marcher, pour oublier les crimes crapuleux des mots et la mémoire mouvante. Des poèmes de Jack Kerouac, Julian Beck, Allen Ginsberg, Carl Solomon, Ed Sanders, Pierre Joris et Bruno Sourdin suivent « autour de Claude Pélieu ». Avant un ensemble consacré à Allen Ginsberg, avec un texte écrit par Pélieu pour son soixantième anniversaire La poésie de Ginsberg est toujours hors-champ, en marge, dehors et une étude de Christophe Dauphin sur « le poète-Amérique ». L’auteur de Howl se joindra dans les années soixante au mouvement hippie et deviendra un symbole de l’opposition à la guerre du Vietnam. Le chef de file de la beat generation restera avant tout comme un grand mystique. Il disparaît à l’âge de 70 ans. D’autres auteurs du même mouvement sont également présentés dans ce n° comme Lawrence Ferlinghetti, Gregory Corso, le célèbre auteur de « Bomb », Bob Kaufman et aussi Vim Karénine…
Mis à part ça, Christophe Dauphin donne un édito très engagé sur la religion, où il s’appuie sur des prises de position de Talisma Nasreen et Adonis. A la suite de quoi, il rend un chaleureux hommage à Yves Bonnefoy sous l’angle de sa perception du surréalisme et cette citation : Yves Bonnefoy retient que la poésie n’est pas un discours orné […] mais qu’elle est comme une langue étrangère à l’intérieur de la langue, et par laquelle l’individu fait une expérience particulière, une mise à l’épreuve de soi-même…
Mis à part ça, deux poètes sont mis en avant dans cette livraison : l’Allemand Hans Magnus Enzensberger (né en 1929 en Bavière): à Jerez on échange des baisers pour deux fois cinq dents Avec une poésie engagée et questionnante tendez vos pommes d’Adam à mes morsures de Judas et des textes drus et longs et captivants Ne manquez pas d’acheter des cercueils climatisés avec chasse d’eau. Et le poète hollandais Cees Nooteboom (né en 1933 à La Haye) qui manqua de devenir moine avant de parcourir le monde, du Surinam au Japon: Je suis, telle une flèche, / tendu vers le lointain / mais dans le lointain / je ne suis / rien.
Mis à part ça, une étude brillante de l’œuvre de Colette Klein par Gérard Cléry qui éclaire son parcours recueil après recueil. J’allais éclore / mais le feu a repeint la vie / et ses doigts de dentelle / m’ont écrasé / sans bruit… Elle n’apprend qu’à trente ans qu’elle est juive. Elle sera la compagne de Pierre Esperbé et travailla avec lui autour de la revue Phréatique. La peur a mis son corsage d’oiseaux / comme si la nuit / devait en mourir.Tous ses récents recueils sont édités chez Alain-Lucien Benoît.
Mis à part ça, une promenade avec Roger Vailland l’infréquentable par Jehan Van Langhenhoven. Des textes aussi de Jacqueline Lalande, Yves Boutroue : le sang las / dans le fracas des veines, Frédéric Tison… et Samaël Steiner.
Mis à part ça, un dossier consacré à l’incroyable auteur de happenings Pierre Pinoncelli. Avec un entretien de Virgile Novarina qui prépare un film sur lui par Marie-Françoise Dubromel. Pierre Pinoncelli, né en 1929 termine son préambule de présentation ainsi : s’efforcer d’être GROTESQUE pour empêcher la vie de se coaguler dans le sérieux, le bon goût, et l’esthétisme. Il dit par ailleurs : Le happening, pour moi, c’est l’immaturité volontaire, c’est la fidélité à l’enfance… C’est une rallonge mise à la jeunesse. Je cite quelques exemples retentissants de ses actions : un hold-up à la SG de Nice (jumelée avec le ville du Cap en 75 lors de l’apartheid), l’aspersion d’André Malraux à la peinture rouge lors de l’inauguration du musée Chagall à Nice en 1969, entre autres… et bien sûr, les trois attentats contre l’urinoir de Duchamp, une fois en urinant dedans (Ready-made réciproque), et deux fois en le cassant avec un marteau. Enfin en 2002, il se mutile un petit doigt pour protester contre les Farc en Colombie… Incroyable personnage !
Mis à part ça… le numéro est tellement plein comme un œuf et riche à la lecture qu’il mérite largement d’être la revue du mois !!! »
Jacques MORIN (cf. La revue du mois in dechargelarevue.com, 5 novembre 2016).
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" Voici un numéro très Beat puisqu’une bonne partie de cette nouvelle livraison des HSE célèbre les poètes de la Beat Generation : Claude Pélieu, Gregory Corso, Bob Kaufman, Lawrence Ferlinghetti, Allen Ginsberg… L’hommage commence avec l’éditorial de Christophe Dauphin : « Hier comme aujourd’hui, le monde a besoin de gens comme les beats, révoltés éblouis et pacifiques, clochards célestes, poètes hallucinés, étrangers au formatage généralisé de la société cybernétique. Davantage qu’une pratique d’un mode d’écriture ou d’un langage novateur, la Beat generation est un mode de vie contestataire, une révolte qui en appelle à la recherche d’autres espaces mentaux et géographiques, d’autres expériences où s’effaceraient les frontières (entre les gens comme entre les arts), la misère initiale, l’image d’une Amérique repliée sur elle-même. Les artistes de la Beat generation aspirent à devenir selon la formule d’Allen Ginsberg : « des vagabonds de la nuit, intelligents et melvilléens ». (…)La mystique poétique et lunaire des beats est bien loin de la religion telle qu’elle pollue encore et toujours notre atmosphère. Les poètes ont leur mot à dire sur le sujet. Pourquoi ? Parce que « le poète est celui qui transgresse pour notre compte la règle de l’accoutumance », nous dit Saint-John Perse. »
Le dossier Beat se révèle très actuel des deux côtés de l’Atlantique, entre la tentation populiste des USA et le faux débat laïcité/religion de la France. Christophe Dauphin en appelle à Abdellatif Laâbi pour redire ce qu’est ou devrait être la laïcité, contre tous les obscurantismes, y compris athées.
Le dossier, établi par Pierre Joris et Alain Brissiaud est consacré à Claude Pélieu, l’un des maîtres du cut-up, mais pas seulement, pour nous offrir une œuvre forte et réellement originale, toujours à découvrir. Le dossier, sans faire le tour d’un personnage complexe et nécessairement insaisissable, livre plusieurs facettes talentueuses de l’homme et de sa création, souvent dévastatrice.
Soupe de lézard
Odeur de bois vert.
Je rêve dans les prés bleutés de mon enfance.
Odeur de bois vert.
Les prés bleus de mon enfance.
Photos fanées d’une merveilleuse banalité
Salade de fruits, biscuits, piquette, violettes, boutons d’or. Derrière ces murs les haillons pourris de la « creative writing », les cerveaux morts des profs secoués de tics – plaques d’égouts fumantes – tout sombre dans les sargasses de crème fouettée. D’un côté poésie, de l’autre rien, moins que rien.
Les empires sur lesquels le soleil ne se couchait jamais. Je rêve. Temps doux. Début d’hiver sans neige. Le parfum des fougères toujours tenace.
Eventails de couleur disparaissant derrière les trembles & les peupliers.
La rivière ne fait guère de bruit, gardienne de tous les secrets.
Nuages orchestrant cette féerie.
Vrai, nous sommes du chromo, de la croûte.
L’herbe bleue recouvre tout ce qui germe.
Abeilles. Alouettes dans les blés d’automne.
La chasse est ouverte. Echos tristes au fond des canyons & des gorges touffues, silence dans la Sierra, le monde a un goût de cendre.
Tout est vendu. Invisibles dangers. Nuages plaqués contre le ciel pierreux. On dirait une peinture de Magritte.
Fantômes tombés du firmament.
Le sablier de l’éternité tout de leurs spectacles.
Ce numéro, au sommaire remarquablement riche, introduit le lecteur à la Beat generation en évitant les nostalgies rêveuses et tardives, en quête d’une tension créatrice libérée des contractions de la médiocratie."
Rémy BOYER (in incoherism.wordpress.com, 29 septembre 2016)
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" Cette revue nous a habitués à de copieuses livraisons semestrielles et celle-ci ne déroge pas à la règle que se sont fixés Christophe Dauphin et son équipe rédactionnelle. Ici, dès l’éditorial, les prises de position sont clairement affirmées dans la lignée d’un humanisme à la fois tolérant et intransigeant. Si par exemple l’on rend un hommage mérité à Yves Bonnefoy, c’est pour en circonscrire l’œuvre féconde et non pour ajouter une voix louangeuse supplémentaire au concert posthume.
On lira tout d’abord les textes percutants des « porteurs de feu » que sont l’Allemand Hans Magnus Enzensberger et le Hollandais Cees Nooteboom qui n’usurpent pas ce titre.
Claude Pélieu a droit à un dossier-hommage présenté par deux spécialistes de la beat génération, avec, encadrant le dossier, les écrits de 14 poètes très divers ; cela va des Américains Gregory Corso, Bob Kaufman et Lawrence Ferlinghetti aux Français Gérard Cléry, Vim Karénine et Frédéric Tison sans oublier Odile Cohen-Abbas, Jacqueline Lalande et Martine Callu.
On lira encore un long entretien avec Virgile Novarina qui permet de redécouvrir l’itinéraire artistique du provocateur Pierre Pinoncelli ainsi que d’autres volets qu’il serait trop long de présenter. Pages libres et notes de lecture complètent ce numéro d’une grande qualité littéraire et surtout d’une parfaite cohérence dans les choix éditoriaux. "
Georges CATHALO (cf. "Lecture flash", in revue-texture.fr, octobre 2016).
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" Recevoir la revue Les HSE est toujours la promesse jamais démentie de découvrir des lectures variées et consistantes. Cette fois encore, avec sonnuméro 42, la revue semestrielle tient ses promesses (et sa fonction de revue). Il me sera difficile de faire ici le tour de son sommaire foisonnant.
J’ai particulièrement apprécié, sans réserve, le long éditorial de Christophe Dauphin, préambule d’un texte inédit à paraître. Une parole claire et lucide, sans les lâches circonvolutions d’usage, sans démagogie ni oeillères, où il aborde la question des religions qui occupe l’espace public, « pollue encore et toujours notre atmosphère », quand celles-ci se prennent pour des sciences exactes. Empruntant le titre de son édito à Artaud, il rappelle le bien-fondé de la laïcité, s’appuyant sur les écrivains et penseurs les plus pertinents (et les plus exposés à la vindicte ambiante du moment et à l’ignorance de nos soi-disant élites intellectuelles et politiques) : Gérard Biard (qui se demande si on a le droit aujourd’hui de ne pas croire en Dieu), Taslima Nasreen condamnée à mort par les islamistes, les poètes Abdellatif Laâbi, Adonis et Saadi Youssef.
Le dossier principal, très exhaustif, fait retour sur la Beat Generation avec une partie consacrée à Claude Pélieu, deux études sur Allen Ginsberg et un choix de poèmes de Lawrence Ferlinghetti, Gregory Corso, Bob Kaufman, poètes parmi les moins connus de la Beat Generation.
Dans les autres pages, un hommage à Yves Bonnefoy par Christophe Dauphin, un dossier éclairé sur Colette Klein par Gérard Cléry, de nombreux poèmes dont ceux de Serge NúñezTolin, Gérard Cléry et Alain Brissiaud. "
Marie-Josée CHRISTIEN (in Spered Gouez n°22, novembre 2016).
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"Avec Les Hommes sans Epaules n°42, qui contient des hommages à des talents récemment disparus, la poésie redevient encyclopédique et ouverte aussi bien au cher surréalisme de Christophe Dauphin, qu'a bien d'autres poètes.
Je saute des uns à d'autres, comme si c'était fait intentionnellement, alors que je sais depuis longtemps, que comme chez nous, le hasard contribue plus que les choix, à toutes les découvertes possibles. Comme toutes les poésies et tous les arts, admirés ou méprisés, sinon haïs parfois, alors que de génération en génération, si peu d'ordre demeure intact et tant de bons disparaissent de nos mémoires et tant de faiblards d'une époque passée, reviennent aux avant-plans, après un souvent très long oubli.
Dans la même revue, datée du second semestre 2016, l'éditorial ressemble à une grande et nouvelle Histoire des univers littéraires, que l'on soit jeune lecteur ou poète, que l'on revienne à des langues tristement abandonnées, à de beaux jeux anciens ou que l'on découvre du neuf. J'ai compris le plaisir d'accepter toutes les natures poétiques, toutes les langues heureuses et même, plus rarement cependant, les simples mais bonnes volontés. Ce qui m'a surpris, c'est qu'il ne s'agit que du début d'un texte plus long, mais aussi que les sujets (car il y en a plusieurs, surtout contradictoires) concernent (ou plutôt ne concernent pas) sous un long titre pas très facile à interprêter: "Le Poète n'admet pas que l'on fonde une religion sur ses vertèbres ou son cerveau"; comme s'il était question des deux mots qui apparaissent le plus souvent, religion et laïcité, pour réfléchir et citer des personnages qui ne pensent qu'à cela. Par exemple, le sage Abdellatif Laâbi (que j'ai publié déjà il y a longtemps), Claude Pélieu, les plus classiques Allen Ginsberg, Adonis, Lawrence Ferlinghetti, que je ne connaissais pas, et surtout Taslima Nasreen, dont il est question en fait, dans toute la suite du texte et qui fait comprendre l'inidspensable laïcité que Dauphin expliquera plus avant dans la suite, passant alors de l'antisémitisme à l'islamophobie et à des tas d'autres notions expliquées clairement et auxquelles il sera utile de revenir.
Pour moi, trois mots suffisent: religion(s), réligiosité et irreligion. Ils me semblent remplacer tous les autres, que je ne vois que comme des sortes de synonymes où demeure la racine initiale, due aux sources simplement anthropologiques des premiers vivants presque devenus humains. Un drame dans le même numéro est la présence de trop nombreux disparus, dont la célébritée passée me fait penser à mes lectures déjà anciennes ou récentes si ce sont de plus jeunes. Je ne parviens que difficilement à dater tous ces morts, dont il faut et surtout faudra se souvenir parce que l'histoire littéraire et artistique supporte mal les dates.
Il est évident pour moi et pour la revue Les HSE, que la vérité est dans les textes, et l'imposante revue de Christophe Dauphin, est tellement nourrie de différences, que les quelques réputations qu'on lui a faites me semblent bien plus encyclopédiques qu'anthologiques aux sens anciens du terme, mais selon moi, plus encore d'Histoire que de littérature(s), tant le lecteur se sent construit, sinon reconstruit, par l'univers du revuiste."
Paul VAN MELLE (cf. "A tous mes échos" in Inédit-Nouveau n°281, La Hulpe, Belgique, octobre 2016).
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Lectures
"Cette nouvelle livraison, essentiellement consacrée à la poésie, est d'une richesse exceptionnelle. Dans son éditorial, Le Passager du Transatlantique, Christophe Dauphin rend un hommage chaleureux à Benjamin Péret dont il souligne le parcours singulier, celui d'un poète qui n'a jamais songé à faire carrière dans la littérature. Il cite, pour souligner son propos, Sarane Alexandrian: "Quand on considère ce que sont devenus dans leur vieillesse tant de matamores qui entrèrent dans les lettres le défi aux lèvres, le regard hautain, on s'incline bien bas devant Péret. Il n'a pas un instant fait de concessions pour s'attirer les honneurs que méritait son génie. Pauvre, vivotant de son métier de correcteur, il a gardé jusqu'au bout la vertu réfractaire de sa jeunesse... Libre comme le rossignol, mélodieux comme lui, menacé comme lui par la cohorte bruyante des ânes, il n'a cessé de faire entendre le chant qui lui était naturel." Le travail de l'association des amis de Benjamin Péret y est salué, une fois n'est pas coutume, depuis l'édition des Oeuvres complètes jusqu'à l'apport nouveau des Cahiers Benjamin Péret.
Benjamin Péret occupe le coeur de ce numéro avec un volumineux dossier de plus de quatre-vingt pages intitulé: La Parole est toujours à Benjmain Péret. Ce dossier, parfaitement documenté et maîtrisé, par Christophe Dauphin, dit l'essentiel. Il est complété d'un article de Jean-Clarence Lambert sur les liens et affinités entre Benjamin Péret, Octavio Paz et le Mexique. Octavio Paz savait ce que fut l'exceptionnelle amitié entre Péret et Breton, une complicité intellectuelle reposant sur "la recherche d'une vie qui concilie poésie et révolution". Le choix des extraits de l'oeuvre de Péret qui a été fait dans Les HSE en est l'illustration.
on trouverea également dans ce numéro plusieurs dossiers sur Annie Le Brun par Karel Hadek et sur Jehan Mayoux avec une présentation de César Birène: "Jehan Mayoux, le poète insoumis", suivi d'un choix de poèmes par Hervé Delabarre. Parmi les "portraits éclairs" figurent également Lionel Ray et Fabrice Maze."
Gérard ROCHE (in Cahiers Benjamin Péret n°5, septembre 2016).
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" Le dossier de ce beau numéro est consacré à Benjamin Péret. Dans son éditorial, intitulé « Le passager du Transatlantique », Christophe Dauphin explique ce choix :
« Les poètes ont toujours été et sont toujours de ce monde, mais ils sont rares, ceux qui, de la trempe de Benjamin Péret, demeurent toujours et définitivement à l’avant-garde du Feu poétique. Et pourtant, si le Passager du Transatlantique n’a jamais cessé d’être à flot, ce fut trop souvent sur un océan d’ombre, que n’emprunte qu’une minorité, certes, mais active et éclairée. Ce constat a motivé l’écriture du dossier central de ce numéro des HSE. Avec Péret, nous ne sommes jamais dans l’histoire de la littérature, tellement ce poète est actuel – et surtout en ces temps d’assassins et du médiocre dans lesquels nous vivons -, mais dans la vie. Comment alors expliquer l’audience confidentielle de son œuvre ? »
Si la France a, depuis des décennies, du mal avec la poésie en général et les poètes en particulier qui, souvent, obligent à penser dans un monde qui a vu, avec les soi-disant nouveaux philosophes des années 60-70, l’opinion remplacer la pensée et le savoir. Benjamin Péret, un anticonformiste cher à Sarane Alexandrian, n’a jamais fait la moindre concession à la mondanité.
L’œuvre, toujours injustement méconnue de Benjamin Péret, est immense, aux poèmes s’ajoutent des contes, des écrits politiques, des écrits ethnologiques, des écrits critiques sur le cinématographe et les arts plastiques, sur le surréalisme, la littérature, sans compter les entretiens. Une œuvre éditée aujourd’hui en sept volumes sous le titre Œuvres complètes grâce à l’association des amis de Benjamin Péret.
Son œuvre, toujours aussi actuelle, dérange et secoue. Elle réveille. Benjamin Péret qui poussera de manière exemplaire la pratique de l’écriture automatique dans ses retranchements soulève l’hostilité et l’incompréhension dès la fin des années 1920, notamment de la N.R.F., incompréhension qui demeure.
Voici pourtant ce qu’en dit André Rolland de Renéville en 1939 :
« L’écriture automatique apparaît en harmonie avec le tempérament de Péret, au point qu’il semble que notre poète n’eût pas écrit si le surréalisme n’avait pas été découvert. Benjamin Péret ne conserve de notre langage que la construction syntaxique, l’allure et le ton. Les mots lui deviennent des signes. Il leur redonne un sens absolument libre, dégagé des objets qu’il désigne. De nouveaux objets semblent naître de ces moules dont le contenu nous était imposé par l’usage. Et le miracle est que ces réalités nous les comprenons, tandis que nous traverse l’immense éclat de rire d’un être que nulle contrainte ne retient plus de se lancer à travers notre flore et notre faune urbaines, comme s’il s’agissait pour lui de celles d’une contrée primordiale, ouverte à ses instincts. Il suffit de lire au hasard l’un de ses plus beaux poèmes pour y trouver l’exemple d’une conscience qui décide d’accepter sans y introduire de contrôle, la succession des idées qui se présentent à elle par le mécanisme de leur libre association. Péret annihile la distance entre l’homme et l’objet, entre l’espace et le temps, entre le réel et le rêve : Sois la vague et le bourreau la lance et l’orée – et que l’orée soit l’étincelle qui va du cou de l’amante à – celui de l’amant – et que se perde la lance dans la cervelle du temps – et que la vague porte la poutre – et que la poutre soit une hirondelle – blanche et rouge comme mon CŒUR et ma peur. »
Christophe Dauphin note que si Benjamin Péret, ce « surréaliste par excellence », « est presque toujours qualifié d’opposant-né », il convient aussi de parler de lui comme d’ « un homme du oui et de l’adhésion à la liberté, à l’amour sublime, au merveilleux, à l’amitié ». Péret, nous dit-il, a aussi « magistralement établit l’analogie entre la démarche poétique et la pensée mythique ». Christophe Dauphin rappelle que Benjamin Péret est définitivement vivant quand bien des prétendus poètes d’aujourd’hui sont déjà morts. En 1945, il tenait ces propos, à la fois réalistes et visionnaires, dans Le déshonneur des poètes.
« Les ennemis de la poésie ont eu de tout temps l’obsession de la soumettre à leurs fins immédiates, de l’écraser sous leur dieu ou, maintenant, de l’enchaîner au ban de la nouvelle divinité brune ou « rouge » – rouge-brun de sang séché – plus sanglante encore que l’ancienne. Pour eux, la vie et la culture se résument en utile et inutile, étant sous-entendu que l’utile prend la forme d’une pioche maniée à leur bénéfice. Pour eux, la poésie n’est que le luxe du riche, aristocrate ou banquier, et si elle veut se rendre « utile » à la masse, elle doit se résigner au sort des arts « appliqués », « décoratifs », « ménagers », etc. »
Benjamin Péret est plus que jamais précieux dans un monde ou la compromission, la trahison et la falsification sont la norme.
A travers le temps et l’espace
Attendre sous le vent et la neige des astres
la venue d’une fleur indécente sur mon front décoloré
comme un paysage déserté par les oiseaux appelés soupirs du sage
et qui volent dans le sens de l’amour
voilà mon sort
voilà ma vie
Vie que la nature a fait pleine de plumes
et de poisons d’enfants
je suis ton humble serviteur
Je suis ton humble serviteur et je mords les herbes des nuages
que tu me tends sur un coussin qui
comme une cuisse immortelle
conserve sa chaleur première et provoque le désir
que n’apaiseront jamais
ni la flamme issue d’un monstre inconsistant
ni le sang de la déesse
voluptueuse malgré la stérilité d’oiseau des marécages intérieurs"
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress. com, 1er mai 2016).
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"Je me demande toujours si je dois considére Les Hommes sans Epaules (ici, le numéro 41), comme un livre ou une revue. presque 200 pages pour Benjamin Péret et 30 pour Annie Le Brun, me font hésiter, mais tout de même et comme d'habitude, Christophe Dauphin me fait pencher vers le livre. En particulier pour Péret, si curieusement discret et souvent mal défini, même si son surréalisme est sans doute aucun, un des plus complets et plus authentiques de tous les membres et souvent tellement plus connus des groupes internationaux. Par ses voyages et ses étonnantes originalités, il se démarque fortement des autres tentations explicatives, si nombreuses et si souvent contradictoires sous le même nom de surréalistes, comme de Dada et tant de noms d'avant-gardes, valables ou non, Péret reste un modèle par l'abondance de sa production et sa qualité d'écriture et de pensée (au grand pluriel), mais plus encore de son inventivité. Dauphin ne s'y trompent à aucun moment et le lecteur a intérêt à parcourir avec lui cette oeuvre que je commence à préférer parfois aux autres icones groupées autour de l'éternel André Breton. J'ai découvert Annie Le Brun, que je ne connaissais pas encore, et admire sans réserve tout ce qu'elle rend magique dans ce portrait en apparence si simple. même après cet Homme sans Epaules, j'ai le sentiment de n'avoir pas encore lu Péret."
Paul VAN MELLE (in revue Inédit Nouveau n°279, avril 2016).
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" Le dossier majeur de la revue de Christophe Dauphin (une centaine de pages sur les plus de 300 de l’ensemble) est consacré à Benjamin Péret (1899-1959). Opposant-né, anticlérical, antimilitariste, adversaire du nationalisme, Péret ne s’est jamais départi de ses opinions profondes tout au long de sa vie. C’est en 1920 qu’il rencontre Breton et les dadaïstes ; il demeurera un fervent adepte de l’écriture automatique et plus largement défendra la liberté sous toutes ses formes. Certains de ses articles assez virulents et prises de position lui vaudront pas mal d’inimitiés durables. Il passera en trois périodes une dizaine d’années soit au Brésil, soit aux Mexique. Où son penchant pour le trotskysme prendra racine ainsi que son intérêt pour les religions africaines. Il sera correcteur pour les Journaux Officiels, rejoindra les anarchistes de la « colonne Durutti » en Espagne, en 36, et sera emprisonné trois semaines à Rennes, en mai 1940. Durant la guerre, il passe par Marseille, avant de rejoindre le Mexique, est fasciné par la civilisation maya. Il travaille vingt ans sur l’Anthologie des mythes, légendes et contes populaires d’Amérique. 1945, c’est le scandale du Déshonneur des poètes qui répond à Honneur des poètes (Aragon, Éluard, Seghers, Tardieu, Frénaud, Ponge…). Où Péret fustige cette poésie proche de la propagande, en dénonçant « la récupération du poétique par le politique ». Cette polémique violente va l’isoler. Il aura du mal à éditer Le Gigot, sa vie, son œuvre que Losfeld accepta où il fait montre de ses dons de conteur. Octavio Paz parle en résumé d’une des œuvres les plus originales et sauvages de notre époque. Suit un texte de Jean-Clarence Lambert, un voisin, qui met en perspective Péret, Paz et le Mexique, et je retiens dans son préambule cette comparaison assez juste entre Péret et Breton entre le naturel de l’un et le côté plus emprunté et cérémonieux de l’autre. Une anthologie d’une vingtaine de pages pour clore.
Je voudrais te parler cristal fêlé hurlant comme un chien dans une nuit de draps battants… "
Jacques MORIN ( cf. "Repérage" in dechargelarevue.com, 17 août 2016.)
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