Dans la presse

 

Tri par numéro de revue
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2009 – À propos du numéro 27

    « Une des meilleures revues que je connaisse pour entrer en poésie contemporaine. L’érudition de son directeur, Christophe Dauphin y est pour quelque chose. Ce numéro 27 des Hommes sans Épaules, s’ouvre sur un dossier consacré à deux monuments de la poésie contemporaine, Georges-Emmanuel Clancier dont le succès populaire de roman tel Le Pain noir ont un peu éclipsé l’œuvre poétique pourtant de premier plan, et Werner Lambersy, prolifique auteur belge qui ne déçoit jamais. Suit un imposant dossier sur la poésie magyare qui nous replonge dans les turbulences du XXe siècle. Plus contemporain, un coup de projecteur sur l’œuvre de Claudine Bohi. »
Yves Artufel (Gros-textes, Arts et Résistance n°2, avril 2010).

    « HSE 27. Une belle revue, complète et diverse. Déjà, l’éditorial de Christophe Dauphin nous donne à lire et en particulier à propos du poète hongrois Attila Jozsef… Un dossier de 64 pages lui est consacré. Suivi d’une étude par Paul Farellier de l’œuvre de Claudine Bohi (avec, comme toujours, en ce qui la concerne, sa photo ; merci !)… Mais Farellier nous présente aussi G.E. Clancier, W. Lambersy et A. Bouchez. Quand à Claudia Sperry-Fontanille, elle s’interroge sur « Langage, poésie et magie avec Octavio Paz ». »
    Alain Lacouchie (Friches n°104, avril 2010).

    « Dans ce numéro 27 des HSE, la poésie comme forme de résistance est revendiquée contre l’humiliation, l’horreur et l’injustice. G.E. Clancier en ouvre les premières pages… Et Lambersy de poursuivre… Un dossier important de C. Dauphin et K. Hadek est consacré à la poésie magyare et au grand poète Attila Jozsef : « Ce n’est pas moi qui crie, c’est la terre qui gronde »…. Aux « meurtrissures d’être », F.Y. Caroutch, J. Blot, Y. Colley, A. D’Urso opposent leur manière singulière d’écrire, tantôt avec retenue, tantôt avec un regard corrosif sur le monde. A travers la lecture de P. Farellier nous parvient la voix grave, profonde, amoureuse de C. Bohi : « Le désir clair – monte des chevilles – je n’ai de vraie parole – qu’à mes deux bouches ensemble. » Et A. Bouchez lance un appel « qui ravaude le soleil ». Entre hommages (à A. Miguel par Jean Chatard, à Octavio Paz par C. Sperry-Fontanille), dossiers fournis, poèmes, notes de lectures, les Hommes sans Epaules cheminent, résistent, renaissent, tentent de donner sens « au petit tas de vivre » (P. Farellier). Le lecteur est appelé de toutes parts, parfois se perd tant est grande la diversité et la densité des propos. Mais n’appartient-il pas à chacun de trouver ses propres chemins ? »
Jacqueline Persini-Panorias (Poésie/première n°47, juillet/octobre 2010).




A propos du numéro 44 :

"Les Hommes sans Epaules, une revue qui doit être présente dans votre bibliothèque !

Une livraison semestrielle de qualité, des articles de fond, des prises de position intelligentes, des poèmes à lire et relire. loin du tapage, diurne et nocturne, dont peuvent s'entourer ceux qui se veulent les créateurs d'aujourd'hui. Eux qui, à l'égal de certaines installations picturales, installent leurs textes dans le règne de sdécibels, des sexes branlants et autres impuissances... à être.

Sous les yeux, le numéro 44 des HSE, avec un dossier central consacré à "Nikolaï Prorokov et les poètes russes du dégel", sous la responsabilité d'Olga Medvedkova et Karel Hadek. Mais qui est donc ce Nikolaï Prorokov dont je n'avais personnellement jamais entendu parler ? Christophe Dauphin, qui le présente, nous dit qu'il est né en 1945 et qu'il s'est suicidé en 1972, à l'âge donc de vingt-sept ans, sans jamais avoir publié de son vivant. Quant au "dégel", il désigne une période qui se situe peu après la mort de Staline (1953) et où les portes d'une certaine liberté retrouvée semblent s'ouvrir ou plus exactement s'entrouvrir... pour peu de temps. Christophe Dauphin situe parfaitement l'époque et les mouvements politiques ou littéraires qui entourent cette date. 

On apprend ainsi que Prorokov se situe du côté des acméistes dont les deux grandes figures sont Anna Akhmatova et Ossip Mandelstam. Les acméistes, et je cite Dauphin, "revendiquent l'utilisation d'un langage simple et concret pour porter à son apogée la dimension poétique du quotidien... Le poète acméiste veut poser un regard neuf sur le monde et exige plus de rigueur."

"Dans la nuit du 1er au 2 novembre 1972, écrit Olga Medvedkova, un grand et beau jeune homme âge de 27 ans saute par la fenêtre d'un appartement communautaire moscovite... il meurt quelques heures plus tard à l'hôpital." Evoquant sa poésie toute dévolue à la liberté, Medvedkova nous explique que ses "thèmes ne s'offrent qu'au regard attentif, s'enferment dans une opacité, repoussent  ceux qui sont habitués à la littérature des mots d'ordre. Parfois semi-abstraits, ces poèmes sont semblables à la première abstraction de Kandinsky: la syntaxe est brisée..."

Prorokov, un poète qu'il nous est donné de lire pour la première fois et qui illustre bien mon sentiment: si, comme l'écrivait Yves Bonnefoy, "la poésie moderne est loin de ses demeures possibles", les vrais poètes sont peut-être là, loin du brouhaha de la foule et des cracheurs de feu ou d'invectives, tapis dans l'indifférence d'une société où les paillettes et les coups de gueule "faceboochiens" de tous poils, semblent, hélas, dominer l'esprit et le temps.

Non, ce n’est pas l’heure

d’affermir les paroles par l’amour

et de bâtir le quartier de cartes,

où les rois –

sont d’escaliers les marches,

et les dames – des portes.

 

Cette flatteuse démarche

je la répudie avec douleur.

 

Je sais,

ce n’est pas l’heure,

on ne me croira pas.

 

Nikolaï PROROKOV (1967)


Les Hommes sans Epaules, 
ce sont aussi des dossiers sur Gaston Miron ou Alexandre Voisard, des poèmes d'Evtouchenko dont l'un des textes publiés, "Conversation", se termine ainsi (et fait écho à ma réflexion) : "Je pense à la honte - de nos descendants, - quand, réglant son compte à la turpitude, - ils se souviendront - de ces temps étranges..."

Evtouchenko est mort le 1er avril 2017."

Yves NAMUR (in Le Journal des poètes n°1, 2018, Belgique).

*

"La revue Les Hommes sans Épaules est une revue pleine et complexe. Pleine avec ses 336 pages, cela se conçoit. Complexe, ce numéro en particulier en est la preuve. Puisque son contenu suit plusieurs pistes, reprise tout au long de son cours pour certaine. Et la matière en son entier reste diverse et riche, comme le sommaire touffu en atteste, courant de la première à la quatrième de couverture. Indéniablement, l’axe principal se situe autour de la poésie russe contemporaine, pour rester large avec la découverte d’un poète ignoré jusqu’à présent que les HSE révèlent au grand jour : Nikolaï Prorokov.

Christophe Dauphin lui consacre en effet son éditorial. Le contexte ? Une URSS en « plein Dégel », après la mort de Staline en 1953, jusqu’à la prise en main du pouvoir par Brejnev, en 1964, ce qui correspond exactement à la période Khroutchtchev, plus « ouverte ». Auparavant, la littérature russe baigne dans le réalisme socialiste. Malheur à tous ceux qui ne veulent pas y adhérer : Essenine se suicide en 1925, Maïakovski en 1930. Goulag et mort en détention pour d’autres… Prorokov est l’héritier de Boulgakov (Maître et Marguerite) condamné à écrire pour son tiroir, comme l’écrit joliment l’animateur des HSE.

Vient un peu plus loin dans le cours du numéro le dossier à proprement parler de la livraison, consacré à Nikolaï Prorokov, par Olga Medvedkova. Elle relate les étapes de sa vie si brève entre sa naissance à Mourmansk en 1945 et sa défenestration en 1972, à Moscou. Il a fallu attendre 45 ans pour que ses poèmes enfermés dans une chemise voient le jour. Par les veines vrillées des sentiers, / par les opulentes rues moscovites, / les passants déambulent et mendient / quelque rumeur, des miettes de l’on-dit. D’autres poètes russes du Dégel sont présentés comme Andreï Voznessenski, Anatoli Naïman, Viktor Sosnora Je caresse des éperviers comme un bosquet de soldats / hérissés de baïonnettes !, Bella Akhmadoulina, Boris Pasternak qui refusa le Prix Nobel en 1958 et Iossif Brodski, condamné en 1964 à cinq ans de déportation et Prix Nobel en 1987, et en tête Evgueni Evtouchenko auquel Christophe Dauphin consacre en outre une étude. Né en 1933, près du lac Baïkal, Mon professeur de poétique, ce fut tout d’abord la taïga, mi-intellectuel mi-paysan, qualifié de poète de la déstalinisation, lecteur devant des foules immenses aussi bien en Russie qu’aux Etats-Unis, Evtouchenko fut le chef de file des poètes du Dégel. J’erre au fond de l’Egypte en un temps très lointain, / J’agonise pendu aux branches d’une croix. / Voyez, je porte encore la marque de ses clous. / Dreyfus, me semble-t-il, / c’est moi… (Babi-Yar, 1961 poème dénonçant l'antisémitisme, composé en symphonie par Chostakovitch). Evgueni Evtouchenko est mort durant la confection de cette livraison le 1er avril 2017.

Pour suivre un article sur Maïakovski par Iouri Annenkov, épuisé depuis 1958. Géant de près de deux mètres, Maïakovski bénéficie de deux coups de pouce retentissants, l’un par Gorki, l’autre par Lénine. L’auteur raconte ses différentes rencontres à Paris. Jusqu’à son suicide en 1930. Je suis quitte de la vie. / Inutile de faire le compte des souffrances, des soucis et querelles. / Vivez heureux.

Iouri Annenkov fait ensuite l’objet d’un portrait par Christophe Dauphin, surtout en tant que peintre proche du futurisme, cubisme, voire expressionnisme et abstraction. Il est vrai que les portraits proposés de Trotsky, Meyerhold, Gorki ou Pasternak sont proches de la caricature, et de ce fait très modernes. Iouri Annenkov est mort en 1974 à Paris. Puis Daniil Harms, poète, chef de file de l’Obériou, ultime groupe moderniste russe. Il meurt épuisé, affamé en 1942.

On passe sans transition, c’est aussi la marque de fabrication des revues, à aujourd’hui, à l’Ukraine et à une Femen : Oksana Shachko. Christophe Dauphin rappelle les grands devanciers comme Chevtchenko ou Makhno avant d’en venir aux premières manifestations des Femen qui obligeront celles-ci à s’exiler. Ce que fait Oksana Shachko en France, où prenant quelque distance avec les féministes françaises, elle se consacrera à la peinture d’icônes, art très précis et méticuleux, qu’elle détournera avec des symboles modernes, opposés au sacré d’origine.
Article de Branko Aleksić sur Ivo Andrić, poète bosniaque, prix Nobel en 1961, avec extrait de son discours à Stockholm : …le conteur et son œuvre ne servent à rien s’ils ne servent pas à l’homme et à l’humanité.

Pour en revenir aux HSE, hommage est rendu à deux collaboratrices de la revue décédées cet été : Jocelyne Curtil et Marie-Christine Brière. Puis deux dossiers consacrés à Gaston Miron, le grand poète québécois Je suis sur la place publique avec les miens / la poésie n’a pas à rougir de moi… et Alexandre Voisard par Christophe Dauphin, poète suisse du haut lyrisme : que chacun de tes gestes soit souverain / comme le poème de l’insecte sous l’écorce. Il dit aussi : « … le projet romanesque s’appuie sur une certaine structure. La poésie est démunie. Elle n’est pas dans la démonstration. »
Enfin des pages sont offertes à plusieurs auteurs remarquables : Annie Salager, Jean-Claude Tardif, Daniel Abel, Frédéric Tison, Eric Chassefière, Nicolas Rouzet et Aurélie Delcros. Ne pas omettre les fortes notes de lecture, plusieurs en rapport avec le thème principal de la livraison.

Il ne doit pas être facile pour l’animateur de mettre tout cela en page, ou « en musique ». Qu’on se rassure, en rendre compte n’est pas plus aisé ! En tout cas, un numéro « formidable », comme à chaque fois.

Jacques MORIN (cf. « La revue du mois », in dechargelarevue.com, octobre 2017).

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Совсем другого рода книга, но тоже связанная с советским поэтическим андерграундом. Если в исследовании Конакова речь идет о вполне себе классиках, то покончивший с собой в 1972 году Николай Пророков — фигура, полностью выпавшая из истории литературы. Первая небольшая публикация поэта случилась полгода назад, теперь вышло полное собрание его текстов. Такие открытия всегда увлекают. Они вновь проявляют двоякую природу литературного андерграунда — одновременно системы связей, незримых институций, в которых создавались судьбы и репутации, и просто общности всех ищущих и пишущих на русском языке. Пророков принадлежал второй, но не первой. Его тексты моментально узнаются как поэзия 60-х — с общими для времени интонациями, влечениями и влияниями. Однако у него не было литературных знакомств — не было людей, которые сделали бы его талантливые стихи частью общей литературной жизни поколения. Были бурная богемная молодость, относительно успешная карьера на радио, семейные и любовные драмы, смерть в эталонно-романтические 27 лет. И были стихи: частью — обыкновенно подростково-восторженные, частью — очень особенные и, скажем так, трезвые. Главное свойство его поэзии: она зависает между двумя полюсами — навязчивой фантазией о большой культуре, заклинаниями великих (лейтмотив — воображаемая полулюбовная связь с Ахматовой) и абсолютно частным, не видимым никому делом. Пророков становится настоящим поэтом именно тогда, когда говорит ни с кем и понимает, что его никто не слышит. Сложно не фантазировать о том, как сложился бы его путь, если бы у этих стихов нашлись понимающие читатели помимо нескольких близких друзей автора. С другой стороны, эфемерная красота этого маленького корпуса стихотворений именно в том, что они располагаются как бы на самом краю литературности. Там, где стихи — только естественная потребность говорить.

"Под вечер шамкали / шаги соседей, / и запах щей, / как свежий ветер, / врывался в комнату, / чтоб волосы трепать / и путать мысли. / Под фонарем / ершист и светел / отрезок дерева в окне. / Назавтра / щей не стало — / прокисли. / Но свежий ветерок рассольника / все так же волосы трепал / и путал мысли".

Издательство Культурный слой (in Kommersant, Mocou, novembre 2017).

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Les Hommes sans épaules, cahiers littéraires semestriels dirigés par Christophe Dauphin, ne s’appréhendent pas comme une revue. A mi-chemin entre le livre et  le périodique, cette magnifique publication propose certes des articles. Mais le paratexte et le format proposés apparentent cette belle réalisation au volume d’un livre, souvent conséquent (336 pages pour ce numéro 44) plutôt qu’à une revue.

Le propos varie aussi de celui d’une revue classique. Suivant un groupement thématique, Les Hommes sans épaules recensent au sommaire du dossier proposé à chaque numéro des auteurs et leurs œuvres, connus et moins connus, qui s’y apparentent. Suivant à chaque fois la même mise en œuvre, les extraits sont précédés par un discours critique qui fait office d’introduction. Ce dispositif permet d’envisager le texte et son auteur dans une globalité signifiante, car sont évoqués les contextes historiques et culturels qui ont sous-tendu leurs productions. Ces introductions sont d’une rare qualité, car le comité de rédaction laisse la parole à des spécialistes du thème choisi. Le lecteur a donc le plaisir de pouvoir découvrir à la fois une époque, un contexte, des auteurs et des productions savamment choisies.

En manière d’avant propos, Christophe Dauphin propose, pour chaque numéro, un éditorial. Ce numéro 44, consacré à Nikolaï PROROKOV et aux « Poètes russes du Dégel », est précédé d’une introduction chapeautée par deux épigraphes. L’une est une citation tirée de Littérature et révolution, de Léon Trotsky, l’autre convoque Karl Marx, avec des lignes tirées du Débat sur la liberté de la presse. Le ton du propos, intitulé La Poésie n’est pas au service d’une classe, est donné.  Ces deux références soutiennent les lignes de Christophe Dauphin qui nous rappelle que la poésie est universelle, qu’elle transcendance les contingences historiques et politiques. Noms et parcours de vie de poètes pour exemples, il nous montre que nombre d’entre eux ont péri à cause de leurs écrits. Ces références, des hommes héroïques, nous rappellent que la liberté est avant tout celle de créer, celle de pouvoir s’exprimer. Le directeur des Hommes sans Epaules nous rappelle que cette période du « Dégel » est le terreau d’une production poétique abondante, mais majoritairement étouffée et passée sous silence. Autant de noms auxquels la revue rend hommage, d’œuvres mises en lumière, de parcours de vie bien souvent écourtés par le fait d’avoir osé être poète. Replacées dans le contexte historique et politique de l’époque, brillamment évoqué par l’auteur de cet éditorial, ces figures marquantes de la poésie russe sont convoquées dans une perspective marxiste et littéraire. Ainsi s’expliquent les mouvements et les écoles qui ont pris racine dans ce contexte particulier, ainsi que la posture de chacun. Et le point commun, qui est celui de ne jamais cesser de vouloir résister, sert de fil directeur à cette belle recension. 

A ce titre, le dossier central, consacré à Nikolaï Prorokov, est représentatif de cette posture de résistance et de sacrifice pour la liberté. La présence de ce poète ainsi que le caractère inédit des textes proposés est mis en exergue dans l’introduction. Cette présentation ainsi que le choix des extraits sont l’œuvre d’Olga MEDVEDKOVA et de Karel HADEK.  Ce dossier est accompagné d’articles et de citations d’œuvres d’autres poètes de cette époque, tels qu’Evgueni EVTOUCHENKO, Andreï VOZNESSENSKI, Anatoli NAÏMAN, Viktor SOSNORA, Bella AKHMADOULINA, Boris PASTERNAK et Iossof BRODSKI . Le paratexte qui présente chaque auteur et les productions publiées est toujours riche et guide le lecteur dans son appréhension globale de l’oeuvre.

A ces groupements thématiques se joignent des rubriques : « Le Document des HSE » que ce numéro consacre à Maïakovski dans un article intitulé « Maïakovski inconnu » signé par Iouri Annenkov ; « Le portrait des HSE » dédié cette fois-ci à Iouri Annenkov et signé Christophe Dauphin ; « Le peintre des HSE », Oksana Shachko ; « Les pages des HSE » qui proposent une série de productions de poètes de tous horizons. Ces index et les auteurs et artistes qui y sont mis à l’honneur sont toujours accompagnés d’une introduction qui présente et situe les éléments proposés.

Peut-on alors parler encore de revue. Oui, certainement, car il s’agit bien d’une publication périodique spécialisée dans un domaine précis. Mais la qualité des éléments paratextuels, la diversité des références proposées et leur mise en perspective font des Hommes sans Épaules un document d’une grande richesse. La thématique abordée fait l’objet d’un travail explicatif conséquent, tout comme chaque rubrique. Le lecteur peut alors situer ce qu’il découvre. Sans jamais orienter sa lecture, Les Hommes sans Épaules lui offre la possibilité d’appréhender une époque, une œuvre, un auteur, une problématique, en lui permettant de se forger une opinion, et en lui offrant les outils nécessaires à une compréhension approfondie et autonome des domaines abordés.

Enfin, les pages liminaires de ce numéro 44 mettent à l’honneur deux « Femmes sans épaules », Jocelyne Curtil et Marie-Christine Brière, disparues cette année. Hommage émouvant auquel se joint l’équipe de Recours au Poème qui salue, tout comme le rappelle le comité de rédaction des HSE, l’importance de l’œuvre de chacune d’entre elles.

Carole MESROBIAN (cf. "Revue des revues" in www.recoursaupoeme.fr ).

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"Nikolaï Prorokov et les poètes russes du Dégel; Les HSE n°44; prenez le temps de parcourir ce numéro exceptionnel."

Jean-Pierre LESIEUR ( in Comme en poésie n°72, décembre 2017).

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« En cette période singulière où les violences faites aux femmes apparaissent au grand jour dans toutes leurs insupportables étendues et intensités, le comité de rédaction des HSE ouvre ce numéro 44 par un hommage aux Femmes sans Epaules, rendant hommage à deux femmes, poétesses et plus, récemment disparues : Jocelyn Curtil et Marie-Christine Brière qui, toutes les deux, en leur propre style, luttèrent pour la liberté des femmes et pour la liberté de tous, contre toutes les formes d’oppression.

 Le dossier est consacré cette fois à Nikolaï Prorokov (1945 – 1972), poète russe totalement inconnu qui sort ainsi de l’ombre avec ce numéro des HSE. Il trouve ainsi sa place aux côtés des grands poètes, régulièrement célébrés, du « Dégel », période de libéralisation de la littérature soviétique qui débute en 1954  –  1956. C’est, après la mort de Staline, toute la vie de l’esprit qui reprend dans la zone d’influence soviétique même si elle reste sous contrôle, la répression contre la Révolution hongroise en fut la démonstration. Le silence s’impose rapidement à ceux qui ne veulent pas collaborer, victimes d’une censure implacable. Mais la créativité souterraine se déploie malgré tout.

Nikolaï Prorokov tient une place à part au milieu de ces silencieux de talent. Il semble toutefois influencé par le symbolisme et par un mouvement poétique opposé, fondé en 1913 par Nikolaï Goumilev, l’acméisme, qui dénonce l’occultisme et la religiosité du mouvement symboliste. C’est Olga Medvedkova, qui connut Nikolaï Prorokov quand elle était enfant, qui dresse le portrait de ce « poète oublié de l’underground moscovite », évoque sa rencontre avec Mikhaï Boulgakov, son « irruption » dans la poésie, une poésie qu’il veut sans la moindre compromission, sans détour, sans recul :

« Ses mots à lui, nous dit Olga Medvedkova, se veulent gestes, aussi vrais et crus que brusques, aussi peu « littéraires », polis. Ils ne simplifient pas, ne flattent aucun ego. Ses mots à lui ne sont ni sentimentaux ni narcissiques. En mélangeant les registres de langage, ses poèmes ne s’offrent qu’au regard attentif, s’enferment dans une opacité, repoussent ceux qui sont habitués à la littérature des mots d’ordre. Parfois semi-abstraits, ces poèmes sont semblables à la première abstraction de Kandinsky : la syntaxe est brisée, on devine la trame narrative mais on reçoit surtout la décharge d’une vision. »

« C’est, dit-elle encore, en tant que poète lyrique – qui métaphysiquement – est du côté de ce qui vit, du non-fini – que Nikolaï se trouve du côté des tristes (alors que le régime exalte l’enthousiasme), des vieilles et des laides, des chers infirmes et tendres gueux », de ceux qui marchent les pieds nus sur la glace et à qui les pères – « vieillards robustes honnis » – ne pardonneront jamais la moindre défaillance. Cet épithète d’« honni » (ottorzhennyj) est l’une des plus grinçantes dans sa poésie ; les pères ne sont pas honnis par les gens mais par la vie elle-même ; ce sont des morts-vivants, des loups garous. »

 La charogne

 Remuez les doigts d’un cadavre,

Arrangez les cheveux de ses mains,

Joignez ses paumes en haut-parleur,

Criez à sa place par sa voix.

 

Déambulez avec ses pieds

Comme s’il avançait lui-même.

Battez vos ennemis de ses poings,

Comme il se doit, comme on aime.

 

Si quelqu’un s’est trompé quelque part,

Secouez sa tête en désapprouvant.

Et au bout de trois minutes

On croira le cadavre vivant.

 

En confondant la mort et la vie,

Vous allez y croire vous aussi.

                               Poème de Nikolaï Prorokov

Ce numéro exceptionnel, consacré à cet Est si proche, est riche d’autres rencontres, depuis Evtouchenko jusqu’aux Femen : Editorial : « La Poésie n’est pas au service d’une classe », par Christophe DAUPHIN –  Les Porteurs de feu : Gaston MIRON, par Jean BRETON, Frédéric Jacques TEMPLE, Christophe DAUPHIN, Alexandre VOISARD, par Christophe DAUPHIN, Poèmes de Gaston MIRON, Alexandre VOISARD – Ainsi furent les Wah : Poèmes de Annie SALAGER, Jean-Claude TARDIF, Daniel ABEL, Frédéric TISON, Eric CHASSEFIERE, Nicolas ROUZET, Aurélie DELCROS – Dossier : « Nikolaï PROROKOV & les poètes russes du Dégel », par Olga MEDVEDKOVA, Karel HADEK, Poèmes de Nikolaï PROROKOV, Evgueni EVTOUCHENKO, Andreï VOZNESSENSKI, Anatoli NAÏMAN, Viktor SOSNORA, Bella AKHMADOULINA, Boris PASTERNAK, Iossif BRODSKI – Une voix, une oeuvre: « Evgueni EVTOUCHENKO », par Christophe DAUPHIN, Poèmes de Evgueni EVTOUCHENKO – Le Document des HSE : « MAÏAKOVSKI inconnu », par Iouri ANNENKOV, Poèmes de Vladimir MAIAKOVSKI
– Le Portrait des HSE : « Iouri ANNENKOV, le peintre et ses rencontres », par Christophe DAUPHIN, avec des textes de Iouri ANNENKOV – La Mémoire, la poésie : « Daniil HARMS, poète obériou à Leningrad », par Christophe DAUPHIN, Poèmes de Daniil HARMS – Le peintre des HSE : « Oksana SHACHKO, la feuille d’or de la révolution », par Christophe DAUPHIN, avec des textes de Oksana SHACHKO, Taras CHEVTCHENKO, FEMEN – Dans les cheveux d’Aoun : « Les papillons noirs d’Ivo ANDRIC », par Branko ALEKSIC, avec des textes de Ivo ANDRIC –Les Pages des HSE : Poèmes de Elodia TURKI, Paul FARELLIER, Alain BRETON, Christophe DAUPHIN – etc. »

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, novembre 2017).

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" Sous la houlette très professionnelle de Christophe Dauphin, ces cahiers littéraires proposent toujours des sommaires originaux. La revue s’ouvre sur un vibrant hommage à une trinité subversive : Thérèse Plantier, Jocelyne Curtil et Marie-Christine Brière. S’en suit un éditorial de 16 pages où il est rappelé que « la poésie n’est pas au service d’une classe ». Dauphin y évoque la figure trop méconnue de Nikolaï Prorokov (1945-1972) ainsi que ceux que l’on nomma « les poètes du dégel » après la mort de Staline en 1953. Aussi intense que bref, ce dégel a permis l’éclosion de talents originaux et de poètes courageux tels que Brodski, Pasternak, Evtouchenko ou Voznessenski. Le remarquable travail de recherche de Karel Hadek permet à chacun de trouver de bons repères pour une lecture efficace au fil d’un riche dossier de plus de 140 pages.
Signalons également les focus éclairants sur deux « porteurs de feu » qu’il est urgent de relire : le Canadien Gaston Miron et le Suisse Alexandre Voisard. Puis le chapitre « ainsi furent les wah » ouvre ses pages à sept excellents poètes contemporains parmi lesquels Eric Chassefière et Jean-Claude Tardif. Enfin, comme toujours avec les HSE, l’ouverture aux autres se poursuit à travers différentes formes d’expression poétique ou d’abondantes notes de lecture. "

Georges CATHALO (cf. "Lectures flash 2018" in  revue-texture.fr, janvier 2018).




2009 – À propos du numéro 28

    « Comme toujours, dans ce numéro 28 des HSE, des dossiers très bien ficelés et étonnants (par Fernand Verhesen et Karel Hadek). Celui qui ressort de cette livraison concerne le poète chilien Vicente Huidobro (1893-1948). Il est considéré comme l’un des chefs de file de la poésie latino-américaine contemporaine, au même titre que Pablo Neruda, avec lequel il entretiendra de son vivant une rivalité permanente et exacerbée de sa part. Il a connu une existence assez fracassante où il a mélangé manifestes littéraires et scandales de toutes sortes. Il est assez troublant, comme le pointe Christophe Dauphin, de constater, preuves chronologiques à l’appui, qu’il invente le calligramme trois ans avant Apollinaire, qu’il définit l’image poétique surréaliste avant Pierre Reverdy, et qu’il expérimente le « cadavre exquis » bien avant André Breton et consorts…. Son œuvre principale : Altazor, est comparable aux « Chants de Maldoror ». Vicente Huidobro se révèle un personnage fantasque et tout à fait fascinant. Ce qui laisse le plus perplexe, c’est que sa disparition après-guerre a eu lieu dans le silence le plus total, en France. Les HSE lui rendent un hommage tout à fait mérité. »
    Jacques Morin     (Décharge n°147, septembre 2010).




Lectures :

LES HSE ET LA VALEUR DE LA POÉSIE CHILIENNE

Les Hommes sans Épaules consacre son 45e numéro à la poésie chilienne. C’est l’aventure intellectuelle et poétique d’un peu plus d’un siècle qui s’y lit, passionnément.

La poésie chilienne s’attache, semble nous dire Christophe Dauphin, à ses contingences propres. À son histoire coloniale tout d’abord, à la conquête espagnole et à l’asservissement des peuples autochtones, au basculement violent dans un autre ordre. Mais elle s’inscrit également dans une spatialité, une réalité physique, des contrastes évidents. Dans sa préface du dossier du 45enuméro des Hommes sans Épaules, il nous rappelle la formulation qu’emprunta Pablo Neruda pour dire la naissance d’une poésie nationale : « La poésie du Chili émergea comme une fleur rouge du combat livré par une race qui fut décimée mais ne se rendit pas au formidable ennemi. C’est alors que ce petit pays acquit sa voix propre. Et cette voix se répercute sur les neiges andines et les écumes infinies du grand océan. » Et qu’elle est mal-connue, comme sa pluralité s’éclipse derrière quelques astres tonitruants, imposants, quasi monstrueux.

Il y a d’abord le grand Neruda, presque trop grand, débordant, un peu mégalomane, aux formules habiles et lyriques qui prend toute la place, ou qui voudrait la prendre. Celui qui affirme, se voulant « barde d’utilité publique », qu’il veut « faire office de garde-frein, de maître berger, de maître d’œuvre, de laboureur, de gazier, ou de simple bagarreur de régiment capable d’en découdre à coups de poing ou de cracher du feu par les narines », se rêve en étendard ou en héraut d’un peuple entier. On oublie que tous ne furent pas dans sa ligne, au premier rang desquels le truculent et tonitruant Pablo de Rokha ou le très altier Vicente Huidobro qui se fâchèrent souvent avec lui. Ils sont les poètes majeurs du premier quart du XXe siècle ceux qui structurent, avec Gabriela Mistral, la poésie chilienne, sans aucun doute l’une des plus fortes et des plus cosmopolites de son époque en Amérique du Sud et que nous avons en grande partie oubliée.

Car derrières les quelques astres qui éblouissent, tout un fourmillement de poètes mérite d’être redécouverts, relus, mis en avant. C’est ce à quoi s’emploie le très bon dossier de ce numéro qui présente pour chaque poète un court texte de présentation et un choix d’extraits exemplaires. On lira quelques vers très beaux d’Alberto Baeza Flores (1914-1998) sur Valparaiso :

Tu as été pour ma vie la fenêtre secrète, ouverte sur

           l’aventure.

Je suis descendu de ma capitale aux larges épaules,

           poussée par tant de cordillères.

J’ai parcouru ta couronne de collines, tes labyrinthes de

            rues et de réverbères

à l’arrière du pont d’un navire fantastique de rêves,

et au bout de ta voix était l’aube.

Ou bien, assurément du grand antipoète, Nicanor Parra, à mon avis le plus grand, le plus drôle, le plus lucide peut-être, le plus modeste en tout cas.

Christophe Dauphin dans une présentation synthétique d’une trentaine de pages retrace plus d’un siècle de production poétique : de l’impact du surréalisme, des différents mouvements, des concurrences et des relations compliquées entre des personnalités très fortes. Il explique clairement comment les mouvements se frottent les uns aux autres, s’incarnent dans des revues – Mandrágora, Boletín surrealista, Leitmotiv – plus ou moins éphémères, assez clairement l’histoire des avant-gardes, des relations cosmopolites avec Breton ou l’influence de Jarry, Péret ou encore Césaire sur les travaux des poètes chiliens. On y découvrira les élans du modernisme, le groupe de Los Diez, le créationnisme ou l’imaginisme. Il resitue très bien ces mouvements, ce fourmillement dans le contexte politique et l’évolution de la société chilienne. Jusqu’à la charnière de l’élection de Salvador Allende et du coup militaire qui porte au pouvoir Augusto Pinochet.

Car, on le sent, c’est cette période qui l’émeut plus – il la relie à sa biographie personnelle, à sa jeunesse en banlieue parisienne, à ses amitiés avec les jeunes exilés chiliens qui y débarquèrent après l’instauration de la dictature –, cet enjeu central de l’exil, du retour, de la circulation des histoires et des identités, la manière dont tout ceci s’extravase. En lisant la petite anthologie qui poussera nombre de lecteurs à aller y voir de plus près, on découvre des poètes comme Waldo Rojas ou Rodrigo Verdugo Pizarro, on se rappellera que Roberto Bolaño a produit une œuvre poétique importante dont la plus grande part demeure inédite, malgré la parution il y a quelques années de son recueil Trois, chez Bourgois, en 2012.

En lisant ce dossier intitulé « Le temps des brasiers » – probablement en hommage au film documentaire de Fernando Ezequiel Solanas (El hora de los horno, 1968) –, on relira de la poésie en même temps qu’une histoire, celle de dés-exilés, de sans-terre qui sont de quelque part, « ce pays qui a des poètes comme la mer a des vagues », on en saisira la puissance d’invention, la continuité intellectuelle, la cohérence utopique, l’énergie verbale qui coïncide toujours avec la vie collective, la passion politique, le traumatisme d’une nation. Donner accès, ouvrir les yeux et les oreilles sur de pareils poètes, du passé comme d’aujourd’hui, est une entreprise louable, forte, nécessaire probablement. On espère qu’elle aura quelque écho, que des yeux attentifs se pencheront sur l’Altazor, qu’on lira Nicodemes Guzmán, Juan Godoy ou Volodia Teitelboim, qu’on se frottera à un lyrisme bien singulier, qu’on entendra la valeur d’une poésie, oui, sa valeur.

Hugo PRADELLE (in entrevues.org, le journal des revues culturelles, 31 mai 2018).

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"Chaque nouvelle livraison de cette revue semestrielle est d’une richesse inouïe tant sur le plan des découvertes et des confirmations que sur celui des informations dans le domaine de la poésie. Christophe Dauphin dirige de main de maître cette publication en sélectionnant et coordonnant articles et poèmes.

Son long éditorial enflammé ouvre la voie et donne envie de se plonger dans ce qui constitue sur 135 pages le dossier principal intitulé « Poètes chiliens contemporains, Le temps des brasiers ». Il s’agit d’un large choix de 17 poètes chiliens contemporains parmi lesquels deux Prix Nobel : Gabriela Mistral et Pablo Neruda. Ce choix va du prolifique Luis Mizon au jeune Patricio Sanchez Rojas et du novateur Vicente Huidobro au chanteur martyr Victor Jara.

Les Porteurs de feu de ce numéro sont le poète-prêtre révolutionnaire nicaraguayen Ernesto Cardenal et le poète-médecin éditeur belge Yves Namur.

Quant aux neuf Wah sélectionnés, ils sont le miroir d’une diversité et d’une richesse qui ne se dément pas. Évoquons enfin la soixantaine de pages finales qui propose des articles, des informations et des chroniques.

Tous les numéros de la 3° série des Hommes sans Épaules constituent, au fil des années, un riche panorama des poésies mondiales. "

Georges CATHALO (cf. Lecture flash 2018 in revue-texture.fr, 27 avril 2018).

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Encore une très belle livrai­son que ce numé­ro 45 des Hommes sans Epaules, qui nous offre ce que nous pou­vons sans hési­ta­tion appe­ler une antho­lo­gie des poètes Chiliens contem­po­rains. Accompagné et gui­dé par un para­texte impor­tant comme à l’habitude, le lec­teur est invi­té à décou­vrir quelques uns des noms par­mi les plus repré­sen­ta­tifs du genre : Vicente Huidobor, Pablo de Rokha, Pablo Neruda, Alberto Beaza Flores, Gonzalo Rojas, Patricio Sanchez Rojas et bien d’autres.

Ce dos­sier est pré­cé­dé d’une intro­duc­tion signée par Christophe Dauphin, qui dans son édi­to­rial retrace le pano­ra­ma his­to­rique et social qui a pré­si­dé aux pro­duc­tions pro­po­sées : « Lettre du pays qui a des poètes comme la mer a des vagues ».

Les rubriques habi­tuelles entourent ce dos­sier : le lec­teur y décou­vri­ra tout un appa­reil cri­tique, « Avec la moelle des arbres » dont les auteurs ne sont autres qu’Odile Cohen-Abbas, Henri Béhar, César Birène, Karel Hadek, Paul Farellier et Claude Argès. Des infor­ma­tions qui recensent aus­si les évé­ne­ments qui ont eu lieu autour de la poé­sie figurent en fin de volume : un compte ren­du du 27ème salon de la revue, de la ren­contre avec Frédéric Tison qui a eu lieu à Saint Mandé en novembre 2017, et bien d’autres encore.

Enfin, ce numé­ro du pre­mier semestre 2018 nous pro­pose des textes d’Yves Namur, d’Emmanuelle Le Cam, de Gabriel Henry, et d’autres poètes contem­po­rains de tous hori­zons.

Fidèle à sa ligne édi­to­riale et à sa poli­tique qui est d’offrir au lec­teur une plu­ra­li­té d’outils afin de gui­der sa lec­ture sans jamais en orien­ter la récep­tion, ce numé­ro 45 des Hommes sans Epaules est dans la lignée de ceux qui l’ont pré­cé­dé. Il pro­pose une rare épais­seur, non seule­ment en terme de volume, annon­cia­teur d’un conte­nu riche et diver­si­fié, mais aus­si en terme d’analyses visant à enri­chir l’appréhension d’une lit­té­ra­ture tou­jours don­née à décou­vrir dans la glo­ba­li­té des élé­ments contex­tuels qui ont pré­si­dés à sa pro­duc­tion. La liber­té de décou­vrir de nou­veaux auteurs, de nou­veaux hori­zons poé­tiques est ici encore sou­te­nue par une contex­tua­li­sa­tion dont le lec­teur sau­ra s’emparer pour rece­voir dans toutes leurs dimen­sions les pages de cette revue.

Carole MESROBIAN (cf. Revue des revues in recoursaupoeme.fr, 5 mai 2018).

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" Les revues ouvrent un espace de réflexion politique, offrent des possibles d’engagement. On y est lucide, en colère. Ainsi, la remarquable revue XXI propose une série de dossiers passionnants qui s’inscrivent dans la longue durée, La Revue du crieur poursuit son travail original pour promouvoir une réflexion de gauche dans le monde d’aujourd’hui, alors que Les Hommes sans Épaules nous rappelle l’histoire douloureuse des exilés chiliens tout en brossant un magnifique panorama de la poésie de ce bout du continent américain.

Ceux, encore trop nombreux, qui ne connaîtraient pas Les Hommes sans Épaules, une revue poétique qui a démarré dans les années 1950 à Avignon et redémarré en 1991 en restant sous l’égide de Rosny aîné (auteur du Félin géant), peuvent et doivent commencer par le numéro en cours qui offre un aperçu substantiel de la poésie contemporaine chilienne et la contextualise, ce qui reste indispensable. L’article de fond de Christian Dauphin, par ailleurs directeur de la publication, tient sa ligne qui cherche l’homme derrière la poésie, l’étincelle derrière la forme.

Sa contribution, intitulée « L’Heure des brasiers » (comme le film de Solanas en 1968), comporte un important dossier sur les exilés de 1973. Avec le groupe des Quilapayun, alors en tournée en France et considérés comme des ambassadeurs d’Allende, ils se retrouvèrent dans le même immeuble de Colombes et cette condensation géographique, leur impact culturel adossé au support des maisons de la culture en France, ont modifié notre rapport à l’hispanité d’autant que les dictatures du Cône Sud ne cessaient d’accroître le nombre d’exilés. Plus de 10 à 15 000 personnes, qui, pour presque un tiers, sont reparties lorsque la démocratie revint. Ces figures de l’adaptation et de la mélancolie ne sont pas homogènes, même en cas de malheur commun. Le dossier de poésie contemporaine permet de suivre toutes les positions humaines, mais aussi la difficulté de la situation de dés-exilés de ceux qui ont choisi le retour. Les jeunes embarqués dans une identité duelle n’ont pas davantage vécu sur un lit de roses.

On peut être désarçonné quand de la poésie n’est pas éditée en bilingue mais la variété de tons et de couleurs, de rythmes et de registres, donne une présence et une actualité qui sortent tous ces auteurs transatlantiques d’un trop lointain Pacifique. Le Chili tout entier est bien « ce pays qui a des poètes comme la mer a des vagues », une formule qui désigne l’île de Pâques dont l’article liminaire rappelle comment disparurent sans faire de bruit, dans la déréliction totale de l’infériorisation, les derniers qui en savaient le sens.

On pourra y lire aussi un peu de Gabriela Mistral et de Pablo Neruda, de Huidobro comme de poètes contemporains tels Waldo Rojas et Rocío Durán-Barba, y découvrir bien d’autres noms trop méconnus. Bref, le volume qui comporte aussi ses rubriques habituelles,  des inédits de jeunes poètes, des notes de lecture, fera référence. "

Ma. B (in en-attendant-nadeau.fr, 2018).

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« Valparaiso, tu étais le filet où vont s’engloutir des étoiles – poissons de brume et de fumée, yeux pleins de nostalgie des voyages impossibles – Tu as été pour ma vie la fenêtre secrète, ouverture sur l’aventure… », Alberto Baeza Flores, dans Les Hommes sans Epaules, qui consacrent presque cent-cinquante pages de son numéro 45, à la poésie chilienne, présentée historiquement et géographiquement par Christophe Dauphin. Entre la première nommée, Gabriela Mistral (née en 1887) et le quarantenaire Rodrigo Verdugo Pizarro, toutes les célébrités (car s’en sont) de la poésie chilienne sont là : Pablo Neruda, Vicente Huidobro, Luis Mizon, Nicanor Parra, Roberto Bolano : « il m’a été impossible de fermer les yeux et ne pas voir cet étrange spectacle, étrange et lent… - des milliers de jeunes gens comme moi, glabres – ou barbus, mais latino-américains tous – joue contre joue avec la mort. » Il y a aussi de quoi faire des découvertes : Alberto Baeza Flores, Gonzalo Rojas, Waldo Rojas… N’ont pas étét oubliés les chnateurs Victor Jara et Quilapayun… Autrement, le numéro s’ouvre sur un autre latino-américain, Ernesto Cardenal (qui n’a pas lu sa formidable « Oraison pour Marylin Monroe » ?) et par Yves Namur : « Rien - Si ce n’est peut-être la mer qu’on voit danser – Dans un poème… – Et de l’autre côté… - Une femme qui dit des je t’aime aux oiseaux – Et aux hommes qui s’envolent par hasard ou simple distraction. » La partie centrale du numéro est une anthologie d’inédits (Emmanuelle Le Cam, François H. Charvet, Adeline Baldacchino…). J’en retiens aussi l’écriture vigoureuse de Marie Murski : « des siècles qu’on te le dit ! -Mais as-tu seulement un nom – petite sœur des grandes batailles – des fers à repasser les immortelles fœtus après fœtus. Encore un numéro marquant, je trouve, des Hommes sans Epaules. »

Christian DEGOUTTE (in revue Verso n°174, septembre 2018).

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"L’éditorial de Christophe Dauphin, véritable introduction au dossier « Le temps des brasiers », permet de comprendre les particularités historiques et géographiques du Chili « qui concentre une bonne partie des climats de la planète ». On comprend pourquoi la poésie y « demeure l’un des moyens d’expression les plus créatifs ». Le dossier, très complet, présente les poètes connus ici (Pablo Neruda, Victor Jara),  sans oublier les autres. " 

Marie-Josée Christien (rubrique "Revues d'ailleurs", in n°24 de la revue Spered Gouez, 2018).

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"Un dossier consacré à la poésie chilienne contemporaine resituée dans son contexte historique et politique suivi d'une anthologie qui reprend entre autres des textes de Roberto Bolano, Antonio Skarmeta ou encore de Luis Sepulveda."

Electre, Livres Hebdo, 2018.






2010 – À propos du numéro 29/30

    « Quelle importance si ma roue persévère - Seule et tournant sans fin sa propre fusion - Mon secret plus secret pour moi que pour les autres. - Mon âtre est ailleurs, (p. 165). Ce numéro spécial 29/30 des Hommes sans Épaules est constitué par un gros dossier « Henri Rode, l’émotivisme à la bouche d’orties », avec des essais de Christophe Dauphin et Lionel Lathuille et un important choix de poèmes d’Henri Rode (1917-2004 – voir fiche Wikipédia). »
    Florence Trocmé (Site internet Poézibao, 6 février 2011).

    « Ce numéro 29/30 des Hommes sans Épaules, est un numéro spécial entièrement consacré à Henri Rode, poète "émotiviste" hors du commun à découvrir ou redécouvrir. »
    Lucien Aguié (site d’ARPO, février 2011).

    « Ce numéro 29/30 des Hommes sans Épaules est un numéro spécial consacré entièrement à Henri Rode (1917-2004). Christophe Dauphin le préface deux fois. La première en reprise pour un recueil de 94 : Pandémonium. La seconde beaucoup plus étoffée pour l’œuvre entière (dont une partie reste inédite). Ce qu’on peut retenir sur cette forte étude : L’importance de la ville d’Avignon où le poète vit le jour, une œuvre d’abord romanesque avec des personnages très inspirés par sa famille proche, puis de résistance durant la seconde guerre mondiale, sous la tutelle de Marcel Jouhandeau avant de trouver toute sa puissance dans la poésie, et la rencontre entre autres assez pittoresque d’Aragon, racontée deux fois, avec des extraits toujours passionnants tirés de son Journal impubliable. Il se spécialise dans les chroniques cinématographiques et se rapproche du groupe HSE qui lance en 53 un « Appel aux riverains » et l’on voit toute la filiation que ce mot a pu avoir pour Christophe Dauphin. Celui-ci dresse une parenté pour Henri Rode entre Lautréamont hier et Cioran aujourd’hui. C’est en 80 que le poète publie son œuvre majeure : Mortsexe qui est donnée à la suite de cette analyse fine et complète. (Dessins de Lionel Lathuille). Je crois que j’aime le sexe parce qu’avec la mort il est l’extrême… Oublier que l’orgasme est le meilleur du vivre. Toutes les formes sont déclinées : du poème à l’aphorisme, du récit à l’article, Henri Rode brillait de tous ses feux quel que soit l’enjeu littéraire. Un poète important à découvrir grâce à ce fort volume de 300 pages. »
    Jacques Morin     (Site internet de la revue Décharge, 16 février 2011)

    « Plusieurs tendances, actuellement, se font jour : « la poésie du quotidien », « la poésie émotiviste » marquée par la parution récente d’une Anthologie émotiviste publiée par Christophe Dauphin au Nouvel Athanor, « la poésie engagée » et la poésie néo-classique »… En règle générale, la poésie contemporaine œuvre à hauteur d’homme. Elle témoigne de l’homme et de ses destins difficiles. Certains le font en haut d’une tour, d’autres au fond d’une cave mais, toujours, c’est de l’homme dont il s’agit. En tout cas bien plus de l’homme que des dieux. Certaines revues appuient cette recherche vers le bas ou vers le haut. Elles offrent une chance dans leur diversité : Verso d’Alain Wexler, Diérèse de daniel martinez, Comme en poésie de Jean-Pierre Lesieur, Les Hommes sans Épaules de Christophe Dauphin et Les Cahiers du Sens de Jean-Luc Maxence. »
    Michel Héroult (À L’Index n°19, 2011)

    «  Le numéro 29/30 des HSE, la revue de Christophe Dauphin, est consacré intégralement au poète avignonnais Henri Rode (1917-2004), romancier, journaliste, critique cinématographique (il a publié une biobibliographie d’Alain Delon), poète (la poésie, toujours présente, prendra le pas sur le roman dès sa rencontre avec Jean Breton et d’autres jeunes poètes, fondateurs et animateurs de la revue Les Hommes sans Épaules, à laquelle il collaborera dès sa création en 1953). Christophe Dauphin tisse un long (90 pages), passionné et passionnant portrait de ce poète, touchant au plus juste de ses doutes, engagements, positions, amitiés (Aragon, Nimier, Jouhandeau, ...), douleurs, etc. De larges extraits ponctuent ce portrait inspiré, qui est aussi partiellement celui d’une aventure, celle des HSE. Suivent près de 200 pages de textes, poèmes inédits, extraits du Journal impubliable (La mort, ce dernier rire du sperme), larges extraits de Mortsexe (1980), « son chef-d’œuvre aux déjections d’une violence inouïe », (Patrice Delbourg). Une vingtaine de dessins de Lionel Lathuille ponctuent, en parfaite adéquation, ces pages brûlantes, douloureuses, lucides, qu’il est temps de (re)découvrir. »
    Jacques Fournier (« Ecoute é Notes », 13 avril 2011).

    « Il y avait bien longtemps que je n’avais plus de vrais contacts vivants avec mes amis surréalistes, sauf quelques exceptions, dont les HSE, revue animée par Christophe Dauphin, dont la fidélité sans failles rend un hommage imposant à Henri Rode dans le numéro 29/30 avec un sous-titre particulièrement clair : « l’émotivisme à la bouche d’orties », soit les amitiés d’émotion où je retrouve par exemple Frans Masereel et Henri Michaux. De quoi faire ou refaire connaissance avec la plus grande liberté d’écriture et de graphismes. Surréalisme encore, mais tragiquement, que cette existence qui me fait penser à Desnos ou Crevel pour la passion d’écrire, mais qui a duré 87 ans sans la moindre baisse de niveau. Triste qu’il ne soit pas plus connu, alors que Dauphin évoque pour la « Bouches d’orties », le Piranèse que j’avais trouvé chez Marcel Mariën au temps du « Miroir d’Elisabeth ». Il s’est défini ainsi : « La seule poésie qui me paraisse valable aujourd’hui est celle qui échappe, tel un monstrueux lapsus, à la culture et à la direction de celui qui l’écrit. »
    Paul Van Melle (Inédit Nouveau n°250, mai/juin 2011).

    « 306 pages, achevées d’imprimer début 2011, pour célébrer le poète et critique Henri Rode, trop oublié par un siècle superficiel. L’article inaugural de Christophe Dauphin et les suivants sont primordiaux, d’ailleurs, pour mieux comprendre la place de grande importance occupée à partir de 1953 à Avignon par Henri Rode (1917-2004). Certes, ce n°29/30 de l’excellente revue Les Hommes sans Épaules, restitue avec pertinence « l’émotivisme à la bouche d’orties » de Rode, dans son temps, mais il étonne surtout par ses poèmes proposés ici, inédits y compris… Certes, Henri Rode n’est pas un poète pour jeunes filles à l’âme légère, il se situe entre Lautréamont et Jean Cocteau, souvent, il tourne le dos à l’insignifiance, il est davantage « bouches d’orties » que « bouche d’ombre ». Il n’empêche, ce décryptage de son œuvre est une réussite rare qui a « son poids de féérie.
    Jean-Luc Maxence (Le Cerf-volant n°224, 2011).




Critiques :

" En décembre 2018, la Revue du Mois c’est: Les Hommes Sans Épaules n° 46 !

On commence par la partie centrale ? Bernard Hreglich. C’est Thomas Dumoulin qui a coordonné le dossier. Bernard Hreglich est né à Tunis en 1943 et mort à Paris en 1996. Père et nom d’origine croate. Sa mère s’occupe d’une librairie, elle s’est remariée avec le poète Serge Wellens. Il ne publiera que trois livres de son vivant chez Gallimard (en 1977, 1986, et 1994) et sera malade de la sclérose en plaques.

e dossier est jalonné d’autoportraits et il est fait appel aux témoignages et analyses entre autres de poètes remarquables comme Max Alhau, Werner Lambersy, Lionel Ray et Frank Venaille. Je retiendrai son écriture élégante confinant à la préciosité, une tendance progressive de son écriture vers la fantasmagorie, et le passage d’une prosodie ample à la prose vers la fin de sa vie. C’est ce superbe équilibre des profondeurs que je cherche à atteindre à travers ma poésie… Il écrit par ailleurs : Le principal danger de l’écriture, c’est la vanité. Et il dénonce aussi chez les auteurs le manque d’esprit critique. François de Boisseuil, qui l’a côtoyé et aidé à rédiger, parle dans ses poèmes de paroles mystérieuses où la fuite du sens avait libéré une puissance sourde ou éclatante qui le dominait et qui pouvait le mettre dans la même stupéfaction que le lecteur.

Retour à l’éditorial signé Fernando Arrabal, et cette anaphore : de toute ma vie… avec plus loin deux poèmes : « Je te salue démente ! » et « Requiem pour la mort de Dieu ». Les HSE donnent des poèmes avec toujours des notes biobibliographiques remarquablement complètes, et l’on apprend beaucoup de choses sur les auteurs, ainsi sur Fernando Arrabal, mis à part un nombre considérable de rencontres importantes, la mort de son père sous la dictature franquiste quand il avait dix ans qui a marqué l’écrivain. Également Frankétienne, énorme auteur qui écrit à la fois en français et en haïtien. Mon insomnie barbare dérange la liturgie des ténèbres. Eric Sénécal, créateur des éditions Clarisse : attendre que la crosse de la fougère relève la nuque et Patricia Suescum : L’enfance idéalisée / n’est que le reflet / de la désespérance / de l’adulte trahi.
Retour au début avec deux belles parties consacrées à Erri de Luca, écrivain napolitain fortement impliqué politiquement, et Luis Mizón, poète chilien, avec une vingtaine de pages de son écriture ciselée. Mon poème est un lit défait / bientôt il sortira ses draps à la fenêtre / et le grand matelas familial / prendra le soleil…
Olivier Deschizeaux fait une critique littéraire d’un livre de Lionel Bourg. Harry Szpilmann : Flamme lacunaire. Essart / de vent, ou filet d’air que brasse / une délégation d’ailes / blessées. Alain Brissiaud : lorsque la nuit s’accouple aux gris regrets du soir… Philippe Bajolet écrit des Humaux (mi-hommes, mi-animaux). Ensuite Christophe Dauphin donne une étude sur le poète Abdul Kader El Janabi. Né en 1944 à Bagdad en Irak, il s’exile à Londres en 1970 puis à Paris, deux ans plus tard, lieu à partir duquel il assiste à la suite de contorsions sanglantes dans son pays avec Saddam Hussein puis Daech. Il est au carrefour d’une pensée orientale qui tend à s’affranchir d’un obscurantisme religieux et du surréalisme qu’il a découvert en Europe. Enfin le même Christophe Dauphin fait le point à travers un livre de l’écrivain William Souny de la situation extrêmement délicate de Mayotte où misère et problème migratoire forment le quotidien. Peuple d’oiseaux / cloué par les ailes / à la muraille des lagons…

Je passe toute la partie infos, échos, critiques, éditions… Un scoop cependant : Jacques Aramburu est un pseudo d’Alain Breton !

Pour clore, deux hommages, hors pagination, en tête du volume : Georges-Emmanuel Clancier (1914-2018), auteur du « Pain noir » : la poésie est la tentative et la possibilité d’approche musicale au plus près de la totalité de l’être humain… Egalement :le poème est négation du temps, exaltation de l’instant rendu immobile et illimité… et Oksana Shachko suicidée à 31 ans, Femen et peintre d’icônes complètement réinventées. Les HSE lui avaient consacré une partie dans leur n° 44.

Les Hommes sans épaules demeurent une revue foisonnante, documentée, riche et rayonnante, ouverte aussi bien à la poésie française qu’internationale. "

Jacques MORIN (cf. "La Revue du mois" in dechargelarevue.com, décembre 2018).

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Le dossier de ce n° 46 des Hommes sans Epaules, coordonné par Thomas Demoulin, est consacré à Bernard Hreglich, mais avant d’en venir à son « réalisme incandescent », lisons un extrait de l’éditorial  de Fernando Arrabal, Dans toute ma vie… :

« Le poète est l’écrivain-ouvrier, polisseur de jaculatoires (du latin jaculari) qui, pour réconcilier la science et l’inspiration, compose avec une rigueur géométrique. Parfois, par erreur, on l’a considéré comme un pionnier de la modernité ou un paladin des sentiments. Le poète trace les lignes de la réalité jusqu’au cauchemar ou la vision inclus. Dès l’origine le poète se sent plus proche d’Euclide ou de G.Y. Perelman que d’Homère ou de W.H. Auden. La superstition, la magie et autres avatars du charlatanisme ou de n’importe quoi provoquent son effroi.

Le poète se fie à la science comme si, dès le commencement, le Verbe avait prévu la génétique actuelle et le clonage. Les mille et une nuits (et un jour) de la poésie permettent la reproduction sans fin.

Le poète ne croit pas à la dualité vie/mort, ordure/nature, merde/ciel. C’est le précurseur du chat de Schrödinger : il voudrait continuer à exister pour toujours et en ce monde, comme s’il était un surdoué tenté par le suicide. »

Thomas Demoulin poursuit d’une certaine manière quand il présente le travail de Hreglich :

« On n’avoue pas qu’on est poète.

Ou alors on l’avoue mal.

C’est le symptôme d’une société qui ne sait plus définir le travail. D’une société qui asservit dans le travail. Monsieur le poète, quel est votre véritable métier ? – à cette mauvaise question, Bernard Hreglich est l’exemple de celui qui n’a rien à répondre, si ce n’est que l’écriture fut sa seule et unique activité, sa liberté la plus réelle. »

Bernard Hreglich (1943 – 1996) s’est totalement engagé en poésie. Architecte de la langue autant qu’artiste du sens, il n’a eu de cesse d’approfondir et d’explorer les possibilités offertes par le Verbe. Ecrire est avec lui un programme de haute vigilance sur les mots qu’il sait vivants et prompts à s’échapper.

« Les manuscrits d’un même poème, nous dit Thomas Demoulin à propos de l’écriture de Bernard Hreglich, (notamment ceux qu’il composa pour les deux livres parus chez Gallimard) constituent souvent une suite d’abondantes variations d’où émerge progressivement une ligne, de plus en plus nette à mesure que l’harmonie se développe. Le résultat final a donc l’épaisseur sensible d’une histoire. Son rythme est lesté par la matérialité des mots et conduit par le fil de la syntaxe. Et sa ligne parvient souvent aux confins du sens, au bord du déchirement où les lois naturelles du langage n’ont plus leur droit et cèdent la place à un possible absolu. »

Voici un extrait de La voix de l’Eglantine :

 

Ce matin, enfin, enfin, j’ai revu tes yeux pâles,

J’ai su qu’il était temps de rencontrer l’éclair ou son frère

Le monstre aux dents si douces. Dire adieu aux pantins

Dont j’ai subi trop patiemment l’odeur nauséabonde

Et les petits espoirs, et les petites haines, et les petits soupçons.

Ils n’auront pas de mal à se passer de moi et puis, qu’importe.

 

Je vais vers la merveille. Je vais mourir et l’églantine

S’éclaire d’heure en heure au centre du roncier.

Ma sœur je viens vers toi […]

 

Bernard Hreglich a peu publié. Il a attendu que les textes soit capables de restituer l’infusion du tragique qu’il recherchait. Il a trente-quatre ans quand il publie, en 1977, Droit d’absence, prix Max Jacob. Puis viennent Maître visage , en 1986, prix Jean Malrieu, Un ciel élémentaire, en 1994, prix Mallarmé. Autant dire jamais ne sera publié qu’après sa mort.

Il avait anticipé l’interprétation qu’on tenterait de faire de son œuvre au lieu de laisser les mots s’envoler et se poser au gré des hasards quantiques :

 

On ira voir dans mes papiers

l’angle sous lequel j’envisageais les pierre

et comment dans mes manières d’être

j’usais la corde jusqu’à l’os.

On trouvera une silhouette

Qui me ressemblera.

 

Avec le beau visage du silence qui tremble

Je ferai semblant d’être mon image.

 

                                                                                          Extrait de Variations d’un devenir

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 19 janvier 2019).

*

Les Hommes sans Epaules s'ouvrent par des pages internationales. Son numéro 46 s'ouvre sur Erri de Luca : "J'attache de la valeur à toute forme de vie - à la neige, la fraise, la mouche - J'attache de la valeur au règne animal - et à la république des étoiles..." ; Luis Mizon : "il nous faudra penser la ville - avec le corps - l'entendre nous raconter sa vie - avec des mots tirés de notre vie - apprendre à voir l'âme des autres - avec les yeux des autres..." ; Fernando Arrabal : "Tout enfant est un fou, le fou n'est qu'un enfant - Quand sa tête repose sur le divan de plumes..." ; le haïtien et fougueux Frankétienne : "Je m'en île et m'enivre de rivages imprenables au bleu - tranchant des récifs" ; l'irakien Adbul Kader El Janabi (présenté par Christophe Dauphin) : "Noue ne voulons - Ni ascenseur pour la tour de Babel - Ni monument au soldat inconnu - Ni ciseaux - Dans l'attente d'un poème - Qui nu s'insurgerait - Contre la rime..." ; présenté aussi par Christophe Dauphin : William Souny de mayotte (un naufrage français) : "Voici la lune - plus innombrable - dans les fourgons proliférants - d'une république grillagère... " ;

Puis viennent les pages hexagonnales avec le dieppois Eric Sénécal : "moitié visage moitié - éclats carrés - de vies profils tirés - fatigues je crois aux yeux des anges..." ; Jacques Morin, dont la présentation par Les HSE reprend sa vision du poème : "le poète est peut-être un point de friction entre l'homme et la vie... le poème est un cri écrit"; Jacques Morin qui donne une série noir de courts poèmes, en prise directe avec le réel le plus actuel : "comment se débarrasser de tout ce barda de genres - ces a priori réduits - idées toutes faites - étroites - poncifs poncés"; poèmes semblables au cri qu'il dit quand la vieillesse semble déjà là: "Le désir s'enfuit - cesse - ventre percé - tu perds cette énergie virale - axiale - qui te tenait debout". 

Le dossier central de ce numéro 46 est consacré à Bernard Hreglich (1943-1996; prix Max-Jacob, Prix Jean-Malrieu, Prix Mallarmé...) : "Maisons, voiliers, ravines; je respire à présent mon ultime flaque de chagrin"; dossier cooordonné par Thomas Demoulin, avec des poèmes choisis et inédits, des dessins de B. Hreglich, des contributions-hommages de Werner Lambersy, Lionel Ray, Franck Venaille. une oeuvre tendue, nerveuse, sans concession (expression bateau, mais là c'est vrai) : "Lampes des nuits blanches cernées de vitres et d'algorithmes - on voudrait se consoler en suivant l'itinéraire - qui évite le soleil... - dans cette ville où nous n'irons jamais."

Christian DEGOUTTE (in revue Verso n°176, mars 2019).




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