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Critiques
"A l’occasion du centenaire de la naissance de ce grand poète que fut Jean Rousselot (1913-2004), Christophe Dauphin a dressé un portrait riche et touchant de cet homme aux multiples talents dont le parcours complexe est un exemple de foi en l’humanité et d’engagement pour la liberté.
A propos de son enterrement, quelques jours après son décès le 23 mai 2004, Christophe Dauphin confie : « Nous venions d’enterrer soixante-dix ans de poésie française. Jean était la poésie, une poésie sans cesse aux prises avec la vie, le fatum et l’Histoire ; un homme d’action, qui a durablement marqué les personnes qui l’ont approché. ».
Ce fut Louis Parrot, son mentor, qui l’initia à la poésie contemporaine. Ils se rencontrent en 1929. Cette initiation dépasse le cadre de la poésie, il est question aussi de philosophie, de psychologie, de politique et de religion. Il fut, dit Jean Rousselot de Louis Parrot, « mes universités ». C’est à Poitiers, ses nuits, ses cafés, le quartier ouvrier où vit Rousselot, les campagnes environnantes, que le poète se forge, que le génie se fraie un passage dans une forêt hostile faite de préjugés, de combats intérieurs, d’un isolement, peut-être salutaire, mais seulement apparent : « Je ne suis jamais seul. Je ne suis jamais Un. Je me tourmente pour des douleurs qui tiennent éveillée, la nuit entière, la vieille repasseuse qui m’a nourri ; pour la soif qui calcine un soldat au ventre ouvert… La douleur, l’angoisse, l’exil et le danger, voilà mes chemins de communication, voilà mes adhérences au placenta du monde… »
Proche des Jeunesses socialistes, puis en 1934 de la Ligue communiste, anticolonialiste, ses combats politiques sont, à l’époque, proches de ceux des surréalistes. Mais son combat politique reste distinct de sa poésie. En 1932, il participe à l’aventure de la revue bordelaise Jeunesse à la recherche d’un « renouvellement », d’un « rafraîchissement » de la poésie. C’est à partir de la publication en 1936 d’un recueil, intitulé Le Goût du pain, que Jean Rousselot est considéré comme un acteur essentiel de ce renouveau de la poésie.
Quand la guerre arrive, Jean Rousselot se sert de sa fonction de Commissaire de Police pour aider la Résistance et les poètes en danger. Sa poésie devient une poésie de combat, notamment dans cette « école » qui rassembla René Guy Cadou, Jean Bouhier, Michel Manoll, Marcel Béalu et d’autres. Une école, une manifestation de l’amitié.
Poète et homme d’action André Marissel parlera à propos de Jean Rousselot de « surréalisme en action ». Jean Rousselot gardera un grand respect pour le surréalisme qui l’aura éveillé, lui comme ses compagnons, et revendique une continuité entre les surréalistes et lui, tout particulièrement par une collaboration avec l’inconscient.
Après la deuxième guerre mondiale, Jean Rousselot tourne le dos à une vie sociale et poétique facile construite sur la reconnaissance de son action exemplaire pendant le conflit. Il renonce à son métier et veut vivre de sa plume ce qui se révèle évidemment aléatoire. En 1996, tout en affirmant ne pas regretter son choix, il confie à Christophe Dauphin : « Ne lâche jamais ton métier, tu m’entends ! Jamais ! Ne fais pas cette connerie ! Tu pourras ainsi écrire quand tu veux et surtout, ce que tu veux. ».
Jean Rousselot écrira de nombreux articles pour la presse. Le premier est consacré au désastre de Hiroshima qu’il qualifie de génocide, ce qui le brouille avec Aragon. Il va désormais écrire beaucoup, une trentaine de plaquettes et livres jusqu’en 1973, une vingtaine de pièces pour la radio, des romans, mais découvrir aussi et faire découvrir de nombreux poètes talentueux. Tombé amoureux de la Hongrie, il dénoncera le drame de Budapest en 1956, condamnant violemment la contre-révolution russe, et traduira beaucoup de grands poètes hongrois en français comme Attila József, Sándor Petőfi, Endre Ady…
De 1997 à sa disparition, Jean Rousselot continue d’écrire et de publier une « poésie de terrain », au plus proche de la vie, du peuple, des rêves de liberté de tous ceux qui sont contraints. Une écriture de plus en plus dépouillée, directe, grave, sans mensonge, sans artifice, sans effet.
Jean Rousselot, au bout de 137 volumes, continue d’œuvrer. « Les mots de Rousselot restent debout et marchent à nos côtés. Le poète rend la vie possible. C’est pour cela qu’il ne meurt pas tout à fait. » dit avec justesse Christophe Dauphin."
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 19 janvier 2014).
"Jean Rousselot aurait eu 100 ans le 27 octobre 2013. C’est l’occasion choisie par son ami, Christophe Dauphin, pour faire paraître cet essai qui nous dit ce qu’est et ce que doit être un poète : celui qui évoque le quotidien, homme parmi les hommes, travailleur parmi les travailleurs, qui, pour eux, fait le don de soi au sens le plus fraternel du mot.
« Ecolier » de Rochefort, proche de Cadou, Manoll ou Bérimont, admirateur fervent de Roger Toulouse, Jean Rousselot laisse une œuvre ample et diverse : l’œuvre d’un romancier, d’un historien, d’un critique aussi, amoureux de la parole, de l’écriture, et de l’émotion que l’une et l’autre procurent, et qui s’appelle poésie. « Le poème est pour moi l’inouïe prise de conscience des pouvoirs du poète sur le temps, qu’il arrête, sur la mémoire, qu’il ressuscite, sur les sentiments, qu’il élève au Sublime, sur le réel, qu’il perce et transmue pour en retrouver l’essence et a pérennité. »
Abel MOITTIE (in roger-toulouse.com, janvier 2014).
"Les analyses de Dauphin, comme d'habitude chez lui, cernent mieux qu'un portrait le personnage réputé impossible, mais il le transforme délibérément. Par exemple, ce qui n'était pas toujours mentionné dans les biographies, le rôle du poète dans la police et dans la résistance à l'occupant nazi est mis en evidence. Lorsqu'il eut quarante ans, Jean Rousselot parla du surréalisme en souriant de se croire un peu "plus surréaliste que les surréalistes eux-mêmes". Sa décision en 1946 de démissionner de tout et de vivre de sa plume fut capitale. Il devient alors grand voyageur et se produit et publie dans le monde entier. Il n'hésite pas non plus à prendre des positions fermes contre les injustices, comme pour Abdellatif Laâbi en 1972. Pour la forme de ses poèmes, il aura adopté tout. Avec force. Il s'insurge encore contre les inutiles: "Pour beaucoup de mes confrères, l'activité poétique consiste à fabriquer des objets de langage avec un langage sans objet... La poésie jetable gagne du terrain." Que n'aurait-il pas dit aujourd'hui ?"
Paul VAN MELLE (in Inédit Nouveau n°267, La Hulpe, Belgique, mars 2014).
"Jean Rousselot aurait eu cent ans en 2013. Et Christophe Dauphin a eu la bonne idée de faire à la fois sa biographie et un essai sur ce poète hors pair. Il divise son livre par chapitre chronologiques, et avec Jean Rousselot, c'est tout le vingtième siècle qu'on revisite... Christophe Dauphin insiste sur le fait que pour le poète, la poésie est surtout une manière d'être. L'homme est derrière son regard - Comme derrière une vitrine - Lavée à grande eau par le jour. Jean Rousselot prône une poésie de terrain et non de laboratoire ajoute l'auteur de la monographie. Je n'ai fait ici que survoler ce livre bien documenté. Ce qui étonne et retient chez Jean Rousselot, c'est la fidélité à ses idées et la rectitude de ses principes et de son action. Cela a toujours conféré à sa poésie une considérable autorité."
Jacques MORIN (in Décharge n°161, mars 2014).
"Le pari de Dauphin – restituer l’une des figures les plus emblématiques de la poésie francophone des années 30/80, à l’occasion du centenaire de sa naissance – est magnifiquement tenu par un autre passeur de poésie, rompu à l’exercice d’analyse et d’admiration d’un aîné qui a compté, qu’il a connu, avec lequel il a pu s’entretenir, avec lequel il a échangé nombre de correspondances. Et le réseau se poursuit fidèlement : Jean Rousselot, qui a toujours revendiqué ses dettes envers Reverdy, Max Jacob, qui a toujours fait de l’amitié une vertu humaniste et littéraire, passe ainsi le relais à son cadet de l’Académie Mallarmé pour qu’il chante (le mot n’est pas outré) un parcours poétique, celui d’un homme droit, qui s’est toujours voulu, comme il l’a énoncé dans ce beau poème (repris en fin de volume) homme au sens le plus dense du terme: « Je parle droit, je parle net, je suis un homme. » Il est, certes, difficile de rappeler sans tomber dans les poncifs de la biographie et dans ceux de la vénération poétique. Christophe Dauphin, se basant sur une documentation de premier ordre, des témoignages de première main, des entretiens, de nombreuses lectures, une connaissance intime de la foison d’œuvres nées entre 1935 et 2002, rameute les grandes étapes de la formation d’un esprit, d’une conscience littéraire. L’occasion d’un tournage pour la télévision, sous l’impulsion du poète-maire Roland Nadaus, souda le poète des « Moyens d’existence » et son jeune biographe. Le centenaire fêté à Saint-Quentin-en-Yvelines en 2013.
"Le 23 mai 2014, il y aura dix ans que l’écrivain Rousselot nous a quittés. Le petit livre de Dauphin, qu’on lit d’une traite tant il respire le respect et le travail en profondeur pour nous faire mieux sentir une voix vraie, agrémenté de photographies (portraits de Rousselot et des groupes d’amis poètes) et d’une belle huile en 4e de couverture due à l’ami peintre Roger Toulouse, offre, en quatre sections chronologiques, une étude précise de soixante-dix ans dévolus à la poésie. Les origines ouvrières, le sens aigu du social et du juste, la lutte contre la tuberculose, les rencontres fondamentales des poètes Fombeure et Parrot, l’ancrage de Poitiers (la province enfin !) et l’effervescence intellectuelle de cette cité natale, une première revue créée (Le Dernier carré), la reconnaissance dès 1936 (avec « Le goût du pain »), le commissaire Rousselot résistant de la première heure (que de tâches et de faux papiers à prévoir !), l’intense expérience de Rochefort-sur-Loire (dont Rousselot est redevable, mais dont la seule mention finira un jour par l’agacer comme si c’était son seul ancrage), les travaux « alimentaires » dès qu’il cesse ses activités de commissaire pour se consacrer uniquement à la littérature…les matières sont multiples et le travail de Dauphin donne poids, relief, consistance à tous les trajets accomplis par le poète entre sens incisif d’une poésie à hauteur d’homme et conscience aussi précise de son devoir d’homme, de poète, d’écrivain solidaire, syndicaliste et engagé dans les mille et une tâches d’écriture poétique, critique, romanesque et de traduction.
Les solidarités littéraires s’inscrivent en grand dans cette perspective : les aînés salués (Reverdy, Jacob, Jouve en tête), les cadets mis à l’honneur (Cadou), les actions multiples dans les journaux et revues (jusqu’à Oran) pour défendre la poésie. Rousselot (que je comparerais volontiers à l’infatigable Armand Guibert, que Christophe ne cite pas) n’a jamais oublié d’être, en dépit de ses cent quarante volumes, en dépit des reconnaissances ; il méritait cette approche soignée.
Que retenir de plus frappant ? Tant de faits, tant de poèmes, tant de gestes ! Allez, sélectionnons : ses coups de gueule au moment où tout le monde se taisait lors des événements de Budapest (ah ! ses amis hongrois, Joszef, Gara, Illyés…) ; sa défense d’Abdellatif Laâbi des geôles hassaniennes ; sa défense d’une poésie de terrain (non de laboratoire)…. Mais, surtout, l’écriture d’une conscience. Et la fidélité souveraine à ses origines : « Et je suis seul à voir pendre derrière moi, - Comme des reines arrachées, - Les rues de mon enfance pauvre », (« Pour Flora et Gyula Illyés », Jean Rousselot).
Un très bel essai de Christophe Dauphin !"
Philippe LEUCKX (in recoursaupoeme.fr, 11 juin 2014).
"Un remarquable essai de Christophe Dauphin, qui nous fait découvrir le parcours atypique de ce grand poète que fut Jean Rousselot. Ce grand admirateur de Victor Hugo, dont les premiers poèmes portent l'indéniable empreinte du maître, trace un chemin qui nous mène là où il écrit : Malgré moi j'ai pitié des cours profondes et visqueuses - sans oiseaux, sans feuilles tourbillonnantes - Et du pétrin invisible qui geint en bas - Jour et nuit comme un forçat enterré. Ce livre retrace l'itinéraire fondateur d'un poète portant la marque de l'inconscient et l'esprit libertaire, qui ne triche pas avec lui-même, et sur lequel bien d'entre nous feraient bien de méditer: descends vers les gouffres, dit-il, perds ta couleur, tes yeux et le dernier écho, là-haut, de ta présence..."
Bruno GENESTE (in revue Spered Gouez n°20, octobre 2014).
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Critiques
"A l’occasion du centenaire de la naissance de ce grand poète que fut Jean Rousselot (1913-2004), Christophe Dauphin a dressé un portrait riche et touchant de cet homme aux multiples talents dont le parcours complexe est un exemple de foi en l’humanité et d’engagement pour la liberté.
A propos de son enterrement, quelques jours après son décès le 23 mai 2004, Christophe Dauphin confie : « Nous venions d’enterrer soixante-dix ans de poésie française. Jean était la poésie, une poésie sans cesse aux prises avec la vie, le fatum et l’Histoire ; un homme d’action, qui a durablement marqué les personnes qui l’ont approché. ».
Ce fut Louis Parrot, son mentor, qui l’initia à la poésie contemporaine. Ils se rencontrent en 1929. Cette initiation dépasse le cadre de la poésie, il est question aussi de philosophie, de psychologie, de politique et de religion. Il fut, dit Jean Rousselot de Louis Parrot, « mes universités ». C’est à Poitiers, ses nuits, ses cafés, le quartier ouvrier où vit Rousselot, les campagnes environnantes, que le poète se forge, que le génie se fraie un passage dans une forêt hostile faite de préjugés, de combats intérieurs, d’un isolement, peut-être salutaire, mais seulement apparent : « Je ne suis jamais seul. Je ne suis jamais Un. Je me tourmente pour des douleurs qui tiennent éveillée, la nuit entière, la vieille repasseuse qui m’a nourri ; pour la soif qui calcine un soldat au ventre ouvert… La douleur, l’angoisse, l’exil et le danger, voilà mes chemins de communication, voilà mes adhérences au placenta du monde… »
Proche des Jeunesses socialistes, puis en 1934 de la Ligue communiste, anticolonialiste, ses combats politiques sont, à l’époque, proches de ceux des surréalistes. Mais son combat politique reste distinct de sa poésie. En 1932, il participe à l’aventure de la revue bordelaise Jeunesse à la recherche d’un « renouvellement », d’un « rafraîchissement » de la poésie. C’est à partir de la publication en 1936 d’un recueil, intitulé Le Goût du pain, que Jean Rousselot est considéré comme un acteur essentiel de ce renouveau de la poésie.
Quand la guerre arrive, Jean Rousselot se sert de sa fonction de Commissaire de Police pour aider la Résistance et les poètes en danger. Sa poésie devient une poésie de combat, notamment dans cette « école » qui rassembla René Guy Cadou, Jean Bouhier, Michel Manoll, Marcel Béalu et d’autres. Une école, une manifestation de l’amitié.
Poète et homme d’action André Marissel parlera à propos de Jean Rousselot de « surréalisme en action ». Jean Rousselot gardera un grand respect pour le surréalisme qui l’aura éveillé, lui comme ses compagnons, et revendique une continuité entre les surréalistes et lui, tout particulièrement par une collaboration avec l’inconscient.
Après la deuxième guerre mondiale, Jean Rousselot tourne le dos à une vie sociale et poétique facile construite sur la reconnaissance de son action exemplaire pendant le conflit. Il renonce à son métier et veut vivre de sa plume ce qui se révèle évidemment aléatoire. En 1996, tout en affirmant ne pas regretter son choix, il confie à Christophe Dauphin : « Ne lâche jamais ton métier, tu m’entends ! Jamais ! Ne fais pas cette connerie ! Tu pourras ainsi écrire quand tu veux et surtout, ce que tu veux. ».
Jean Rousselot écrira de nombreux articles pour la presse. Le premier est consacré au désastre de Hiroshima qu’il qualifie de génocide, ce qui le brouille avec Aragon. Il va désormais écrire beaucoup, une trentaine de plaquettes et livres jusqu’en 1973, une vingtaine de pièces pour la radio, des romans, mais découvrir aussi et faire découvrir de nombreux poètes talentueux. Tombé amoureux de la Hongrie, il dénoncera le drame de Budapest en 1956, condamnant violemment la contre-révolution russe, et traduira beaucoup de grands poètes hongrois en français comme Attila József, Sándor Petőfi, Endre Ady…
De 1997 à sa disparition, Jean Rousselot continue d’écrire et de publier une « poésie de terrain », au plus proche de la vie, du peuple, des rêves de liberté de tous ceux qui sont contraints. Une écriture de plus en plus dépouillée, directe, grave, sans mensonge, sans artifice, sans effet.
Jean Rousselot, au bout de 137 volumes, continue d’œuvrer. « Les mots de Rousselot restent debout et marchent à nos côtés. Le poète rend la vie possible. C’est pour cela qu’il ne meurt pas tout à fait. » dit avec justesse Christophe Dauphin."
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 19 janvier 2014).
"Jean Rousselot aurait eu 100 ans le 27 octobre 2013. C’est l’occasion choisie par son ami, Christophe Dauphin, pour faire paraître cet essai qui nous dit ce qu’est et ce que doit être un poète : celui qui évoque le quotidien, homme parmi les hommes, travailleur parmi les travailleurs, qui, pour eux, fait le don de soi au sens le plus fraternel du mot.
« Ecolier » de Rochefort, proche de Cadou, Manoll ou Bérimont, admirateur fervent de Roger Toulouse, Jean Rousselot laisse une œuvre ample et diverse : l’œuvre d’un romancier, d’un historien, d’un critique aussi, amoureux de la parole, de l’écriture, et de l’émotion que l’une et l’autre procurent, et qui s’appelle poésie. « Le poème est pour moi l’inouïe prise de conscience des pouvoirs du poète sur le temps, qu’il arrête, sur la mémoire, qu’il ressuscite, sur les sentiments, qu’il élève au Sublime, sur le réel, qu’il perce et transmue pour en retrouver l’essence et a pérennité. »
Abel MOITTIE (in roger-toulouse.com, janvier 2014).
"Les analyses de Dauphin, comme d'habitude chez lui, cernent mieux qu'un portrait le personnage réputé impossible, mais il le transforme délibérément. Par exemple, ce qui n'était pas toujours mentionné dans les biographies, le rôle du poète dans la police et dans la résistance à l'occupant nazi est mis en evidence. Lorsqu'il eut quarante ans, Jean Rousselot parla du surréalisme en souriant de se croire un peu "plus surréaliste que les surréalistes eux-mêmes". Sa décision en 1946 de démissionner de tout et de vivre de sa plume fut capitale. Il devient alors grand voyageur et se produit et publie dans le monde entier. Il n'hésite pas non plus à prendre des positions fermes contre les injustices, comme pour Abdellatif Laâbi en 1972. Pour la forme de ses poèmes, il aura adopté tout. Avec force. Il s'insurge encore contre les inutiles: "Pour beaucoup de mes confrères, l'activité poétique consiste à fabriquer des objets de langage avec un langage sans objet... La poésie jetable gagne du terrain." Que n'aurait-il pas dit aujourd'hui ?"
Paul VAN MELLE (in Inédit Nouveau n°267, La Hulpe, Belgique, mars 2014).
"Jean Rousselot aurait eu cent ans en 2013. Et Christophe Dauphin a eu la bonne idée de faire à la fois sa biographie et un essai sur ce poète hors pair. Il divise son livre par chapitre chronologiques, et avec Jean Rousselot, c'est tout le vingtième siècle qu'on revisite... Christophe Dauphin insiste sur le fait que pour le poète, la poésie est surtout une manière d'être. L'homme est derrière son regard - Comme derrière une vitrine - Lavée à grande eau par le jour. Jean Rousselot prône une poésie de terrain et non de laboratoire ajoute l'auteur de la monographie. Je n'ai fait ici que survoler ce livre bien documenté. Ce qui étonne et retient chez Jean Rousselot, c'est la fidélité à ses idées et la rectitude de ses principes et de son action. Cela a toujours conféré à sa poésie une considérable autorité."
Jacques MORIN (in Décharge n°161, mars 2014).
"Le pari de Dauphin – restituer l’une des figures les plus emblématiques de la poésie francophone des années 30/80, à l’occasion du centenaire de sa naissance – est magnifiquement tenu par un autre passeur de poésie, rompu à l’exercice d’analyse et d’admiration d’un aîné qui a compté, qu’il a connu, avec lequel il a pu s’entretenir, avec lequel il a échangé nombre de correspondances. Et le réseau se poursuit fidèlement : Jean Rousselot, qui a toujours revendiqué ses dettes envers Reverdy, Max Jacob, qui a toujours fait de l’amitié une vertu humaniste et littéraire, passe ainsi le relais à son cadet de l’Académie Mallarmé pour qu’il chante (le mot n’est pas outré) un parcours poétique, celui d’un homme droit, qui s’est toujours voulu, comme il l’a énoncé dans ce beau poème (repris en fin de volume) homme au sens le plus dense du terme: « Je parle droit, je parle net, je suis un homme. » Il est, certes, difficile de rappeler sans tomber dans les poncifs de la biographie et dans ceux de la vénération poétique. Christophe Dauphin, se basant sur une documentation de premier ordre, des témoignages de première main, des entretiens, de nombreuses lectures, une connaissance intime de la foison d’œuvres nées entre 1935 et 2002, rameute les grandes étapes de la formation d’un esprit, d’une conscience littéraire. L’occasion d’un tournage pour la télévision, sous l’impulsion du poète-maire Roland Nadaus, souda le poète des « Moyens d’existence » et son jeune biographe. Le centenaire fêté à Saint-Quentin-en-Yvelines en 2013.
"Le 23 mai 2014, il y aura dix ans que l’écrivain Rousselot nous a quittés. Le petit livre de Dauphin, qu’on lit d’une traite tant il respire le respect et le travail en profondeur pour nous faire mieux sentir une voix vraie, agrémenté de photographies (portraits de Rousselot et des groupes d’amis poètes) et d’une belle huile en 4e de couverture due à l’ami peintre Roger Toulouse, offre, en quatre sections chronologiques, une étude précise de soixante-dix ans dévolus à la poésie. Les origines ouvrières, le sens aigu du social et du juste, la lutte contre la tuberculose, les rencontres fondamentales des poètes Fombeure et Parrot, l’ancrage de Poitiers (la province enfin !) et l’effervescence intellectuelle de cette cité natale, une première revue créée (Le Dernier carré), la reconnaissance dès 1936 (avec « Le goût du pain »), le commissaire Rousselot résistant de la première heure (que de tâches et de faux papiers à prévoir !), l’intense expérience de Rochefort-sur-Loire (dont Rousselot est redevable, mais dont la seule mention finira un jour par l’agacer comme si c’était son seul ancrage), les travaux « alimentaires » dès qu’il cesse ses activités de commissaire pour se consacrer uniquement à la littérature…les matières sont multiples et le travail de Dauphin donne poids, relief, consistance à tous les trajets accomplis par le poète entre sens incisif d’une poésie à hauteur d’homme et conscience aussi précise de son devoir d’homme, de poète, d’écrivain solidaire, syndicaliste et engagé dans les mille et une tâches d’écriture poétique, critique, romanesque et de traduction.
Les solidarités littéraires s’inscrivent en grand dans cette perspective : les aînés salués (Reverdy, Jacob, Jouve en tête), les cadets mis à l’honneur (Cadou), les actions multiples dans les journaux et revues (jusqu’à Oran) pour défendre la poésie. Rousselot (que je comparerais volontiers à l’infatigable Armand Guibert, que Christophe ne cite pas) n’a jamais oublié d’être, en dépit de ses cent quarante volumes, en dépit des reconnaissances ; il méritait cette approche soignée.
Que retenir de plus frappant ? Tant de faits, tant de poèmes, tant de gestes ! Allez, sélectionnons : ses coups de gueule au moment où tout le monde se taisait lors des événements de Budapest (ah ! ses amis hongrois, Joszef, Gara, Illyés…) ; sa défense d’Abdellatif Laâbi des geôles hassaniennes ; sa défense d’une poésie de terrain (non de laboratoire)…. Mais, surtout, l’écriture d’une conscience. Et la fidélité souveraine à ses origines : « Et je suis seul à voir pendre derrière moi, - Comme des reines arrachées, - Les rues de mon enfance pauvre », (« Pour Flora et Gyula Illyés », Jean Rousselot).
Un très bel essai de Christophe Dauphin !"
Philippe LEUCKX (in recoursaupoeme.fr, 11 juin 2014).
"Un remarquable essai de Christophe Dauphin, qui nous fait découvrir le parcours atypique de ce grand poète que fut Jean Rousselot. Ce grand admirateur de Victor Hugo, dont les premiers poèmes portent l'indéniable empreinte du maître, trace un chemin qui nous mène là où il écrit : Malgré moi j'ai pitié des cours profondes et visqueuses - sans oiseaux, sans feuilles tourbillonnantes - Et du pétrin invisible qui geint en bas - Jour et nuit comme un forçat enterré. Ce livre retrace l'itinéraire fondateur d'un poète portant la marque de l'inconscient et l'esprit libertaire, qui ne triche pas avec lui-même, et sur lequel bien d'entre nous feraient bien de méditer: descends vers les gouffres, dit-il, perds ta couleur, tes yeux et le dernier écho, là-haut, de ta présence..."
Bruno GENESTE (in revue Spered Gouez n°20, octobre 2014).
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"A l’occasion du centenaire de la naissance de ce grand poète que fut Jean Rousselot (1913-2004), Christophe Dauphin a dressé un portrait riche et touchant de cet homme aux multiples talents dont le parcours complexe est un exemple de foi en l’humanité et d’engagement pour la liberté.
A propos de son enterrement, quelques jours après son décès le 23 mai 2004, Christophe Dauphin confie : « Nous venions d’enterrer soixante-dix ans de poésie française. Jean était la poésie, une poésie sans cesse aux prises avec la vie, le fatum et l’Histoire ; un homme d’action, qui a durablement marqué les personnes qui l’ont approché. ».
Ce fut Louis Parrot, son mentor, qui l’initia à la poésie contemporaine. Ils se rencontrent en 1929. Cette initiation dépasse le cadre de la poésie, il est question aussi de philosophie, de psychologie, de politique et de religion. Il fut, dit Jean Rousselot de Louis Parrot, « mes universités ». C’est à Poitiers, ses nuits, ses cafés, le quartier ouvrier où vit Rousselot, les campagnes environnantes, que le poète se forge, que le génie se fraie un passage dans une forêt hostile faite de préjugés, de combats intérieurs, d’un isolement, peut-être salutaire, mais seulement apparent : « Je ne suis jamais seul. Je ne suis jamais Un. Je me tourmente pour des douleurs qui tiennent éveillée, la nuit entière, la vieille repasseuse qui m’a nourri ; pour la soif qui calcine un soldat au ventre ouvert… La douleur, l’angoisse, l’exil et le danger, voilà mes chemins de communication, voilà mes adhérences au placenta du monde… »
Proche des Jeunesses socialistes, puis en 1934 de la Ligue communiste, anticolonialiste, ses combats politiques sont, à l’époque, proches de ceux des surréalistes. Mais son combat politique reste distinct de sa poésie. En 1932, il participe à l’aventure de la revue bordelaise Jeunesse à la recherche d’un « renouvellement », d’un « rafraîchissement » de la poésie. C’est à partir de la publication en 1936 d’un recueil, intitulé Le Goût du pain, que Jean Rousselot est considéré comme un acteur essentiel de ce renouveau de la poésie.
Quand la guerre arrive, Jean Rousselot se sert de sa fonction de Commissaire de Police pour aider la Résistance et les poètes en danger. Sa poésie devient une poésie de combat, notamment dans cette « école » qui rassembla René Guy Cadou, Jean Bouhier, Michel Manoll, Marcel Béalu et d’autres. Une école, une manifestation de l’amitié.
Poète et homme d’action André Marissel parlera à propos de Jean Rousselot de « surréalisme en action ». Jean Rousselot gardera un grand respect pour le surréalisme qui l’aura éveillé, lui comme ses compagnons, et revendique une continuité entre les surréalistes et lui, tout particulièrement par une collaboration avec l’inconscient.
Après la deuxième guerre mondiale, Jean Rousselot tourne le dos à une vie sociale et poétique facile construite sur la reconnaissance de son action exemplaire pendant le conflit. Il renonce à son métier et veut vivre de sa plume ce qui se révèle évidemment aléatoire. En 1996, tout en affirmant ne pas regretter son choix, il confie à Christophe Dauphin : « Ne lâche jamais ton métier, tu m’entends ! Jamais ! Ne fais pas cette connerie ! Tu pourras ainsi écrire quand tu veux et surtout, ce que tu veux. ».
Jean Rousselot écrira de nombreux articles pour la presse. Le premier est consacré au désastre de Hiroshima qu’il qualifie de génocide, ce qui le brouille avec Aragon. Il va désormais écrire beaucoup, une trentaine de plaquettes et livres jusqu’en 1973, une vingtaine de pièces pour la radio, des romans, mais découvrir aussi et faire découvrir de nombreux poètes talentueux. Tombé amoureux de la Hongrie, il dénoncera le drame de Budapest en 1956, condamnant violemment la contre-révolution russe, et traduira beaucoup de grands poètes hongrois en français comme Attila József, Sándor Petőfi, Endre Ady…
De 1997 à sa disparition, Jean Rousselot continue d’écrire et de publier une « poésie de terrain », au plus proche de la vie, du peuple, des rêves de liberté de tous ceux qui sont contraints. Une écriture de plus en plus dépouillée, directe, grave, sans mensonge, sans artifice, sans effet.
Jean Rousselot, au bout de 137 volumes, continue d’œuvrer. « Les mots de Rousselot restent debout et marchent à nos côtés. Le poète rend la vie possible. C’est pour cela qu’il ne meurt pas tout à fait. » dit avec justesse Christophe Dauphin."
Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 19 janvier 2014).
"Jean Rousselot aurait eu 100 ans le 27 octobre 2013. C’est l’occasion choisie par son ami, Christophe Dauphin, pour faire paraître cet essai qui nous dit ce qu’est et ce que doit être un poète : celui qui évoque le quotidien, homme parmi les hommes, travailleur parmi les travailleurs, qui, pour eux, fait le don de soi au sens le plus fraternel du mot.
« Ecolier » de Rochefort, proche de Cadou, Manoll ou Bérimont, admirateur fervent de Roger Toulouse, Jean Rousselot laisse une œuvre ample et diverse : l’œuvre d’un romancier, d’un historien, d’un critique aussi, amoureux de la parole, de l’écriture, et de l’émotion que l’une et l’autre procurent, et qui s’appelle poésie. « Le poème est pour moi l’inouïe prise de conscience des pouvoirs du poète sur le temps, qu’il arrête, sur la mémoire, qu’il ressuscite, sur les sentiments, qu’il élève au Sublime, sur le réel, qu’il perce et transmue pour en retrouver l’essence et a pérennité. »
Abel MOITTIE (in roger-toulouse.com, janvier 2014).
"Les analyses de Dauphin, comme d'habitude chez lui, cernent mieux qu'un portrait le personnage réputé impossible, mais il le transforme délibérément. Par exemple, ce qui n'était pas toujours mentionné dans les biographies, le rôle du poète dans la police et dans la résistance à l'occupant nazi est mis en evidence. Lorsqu'il eut quarante ans, Jean Rousselot parla du surréalisme en souriant de se croire un peu "plus surréaliste que les surréalistes eux-mêmes". Sa décision en 1946 de démissionner de tout et de vivre de sa plume fut capitale. Il devient alors grand voyageur et se produit et publie dans le monde entier. Il n'hésite pas non plus à prendre des positions fermes contre les injustices, comme pour Abdellatif Laâbi en 1972. Pour la forme de ses poèmes, il aura adopté tout. Avec force. Il s'insurge encore contre les inutiles: "Pour beaucoup de mes confrères, l'activité poétique consiste à fabriquer des objets de langage avec un langage sans objet... La poésie jetable gagne du terrain." Que n'aurait-il pas dit aujourd'hui ?"
Paul VAN MELLE (in Inédit Nouveau n°267, La Hulpe, Belgique, mars 2014).
"Jean Rousselot aurait eu cent ans en 2013. Et Christophe Dauphin a eu la bonne idée de faire à la fois sa biographie et un essai sur ce poète hors pair. Il divise son livre par chapitre chronologiques, et avec Jean Rousselot, c'est tout le vingtième siècle qu'on revisite... Christophe Dauphin insiste sur le fait que pour le poète, la poésie est surtout une manière d'être. L'homme est derrière son regard - Comme derrière une vitrine - Lavée à grande eau par le jour. Jean Rousselot prône une poésie de terrain et non de laboratoire ajoute l'auteur de la monographie. Je n'ai fait ici que survoler ce livre bien documenté. Ce qui étonne et retient chez Jean Rousselot, c'est la fidélité à ses idées et la rectitude de ses principes et de son action. Cela a toujours conféré à sa poésie une considérable autorité."
Jacques MORIN (in Décharge n°161, mars 2014).
"Le pari de Dauphin – restituer l’une des figures les plus emblématiques de la poésie francophone des années 30/80, à l’occasion du centenaire de sa naissance – est magnifiquement tenu par un autre passeur de poésie, rompu à l’exercice d’analyse et d’admiration d’un aîné qui a compté, qu’il a connu, avec lequel il a pu s’entretenir, avec lequel il a échangé nombre de correspondances. Et le réseau se poursuit fidèlement : Jean Rousselot, qui a toujours revendiqué ses dettes envers Reverdy, Max Jacob, qui a toujours fait de l’amitié une vertu humaniste et littéraire, passe ainsi le relais à son cadet de l’Académie Mallarmé pour qu’il chante (le mot n’est pas outré) un parcours poétique, celui d’un homme droit, qui s’est toujours voulu, comme il l’a énoncé dans ce beau poème (repris en fin de volume) homme au sens le plus dense du terme: « Je parle droit, je parle net, je suis un homme. » Il est, certes, difficile de rappeler sans tomber dans les poncifs de la biographie et dans ceux de la vénération poétique. Christophe Dauphin, se basant sur une documentation de premier ordre, des témoignages de première main, des entretiens, de nombreuses lectures, une connaissance intime de la foison d’œuvres nées entre 1935 et 2002, rameute les grandes étapes de la formation d’un esprit, d’une conscience littéraire. L’occasion d’un tournage pour la télévision, sous l’impulsion du poète-maire Roland Nadaus, souda le poète des « Moyens d’existence » et son jeune biographe. Le centenaire fêté à Saint-Quentin-en-Yvelines en 2013.
"Le 23 mai 2014, il y aura dix ans que l’écrivain Rousselot nous a quittés. Le petit livre de Dauphin, qu’on lit d’une traite tant il respire le respect et le travail en profondeur pour nous faire mieux sentir une voix vraie, agrémenté de photographies (portraits de Rousselot et des groupes d’amis poètes) et d’une belle huile en 4e de couverture due à l’ami peintre Roger Toulouse, offre, en quatre sections chronologiques, une étude précise de soixante-dix ans dévolus à la poésie. Les origines ouvrières, le sens aigu du social et du juste, la lutte contre la tuberculose, les rencontres fondamentales des poètes Fombeure et Parrot, l’ancrage de Poitiers (la province enfin !) et l’effervescence intellectuelle de cette cité natale, une première revue créée (Le Dernier carré), la reconnaissance dès 1936 (avec « Le goût du pain »), le commissaire Rousselot résistant de la première heure (que de tâches et de faux papiers à prévoir !), l’intense expérience de Rochefort-sur-Loire (dont Rousselot est redevable, mais dont la seule mention finira un jour par l’agacer comme si c’était son seul ancrage), les travaux « alimentaires » dès qu’il cesse ses activités de commissaire pour se consacrer uniquement à la littérature…les matières sont multiples et le travail de Dauphin donne poids, relief, consistance à tous les trajets accomplis par le poète entre sens incisif d’une poésie à hauteur d’homme et conscience aussi précise de son devoir d’homme, de poète, d’écrivain solidaire, syndicaliste et engagé dans les mille et une tâches d’écriture poétique, critique, romanesque et de traduction.
Les solidarités littéraires s’inscrivent en grand dans cette perspective : les aînés salués (Reverdy, Jacob, Jouve en tête), les cadets mis à l’honneur (Cadou), les actions multiples dans les journaux et revues (jusqu’à Oran) pour défendre la poésie. Rousselot (que je comparerais volontiers à l’infatigable Armand Guibert, que Christophe ne cite pas) n’a jamais oublié d’être, en dépit de ses cent quarante volumes, en dépit des reconnaissances ; il méritait cette approche soignée.
Que retenir de plus frappant ? Tant de faits, tant de poèmes, tant de gestes ! Allez, sélectionnons : ses coups de gueule au moment où tout le monde se taisait lors des événements de Budapest (ah ! ses amis hongrois, Joszef, Gara, Illyés…) ; sa défense d’Abdellatif Laâbi des geôles hassaniennes ; sa défense d’une poésie de terrain (non de laboratoire)…. Mais, surtout, l’écriture d’une conscience. Et la fidélité souveraine à ses origines : « Et je suis seul à voir pendre derrière moi, - Comme des reines arrachées, - Les rues de mon enfance pauvre », (« Pour Flora et Gyula Illyés », Jean Rousselot).
Un très bel essai de Christophe Dauphin !"
Philippe LEUCKX (in recoursaupoeme.fr, 11 juin 2014).
"Un remarquable essai de Christophe Dauphin, qui nous fait découvrir le parcours atypique de ce grand poète que fut Jean Rousselot. Ce grand admirateur de Victor Hugo, dont les premiers poèmes portent l'indéniable empreinte du maître, trace un chemin qui nous mène là où il écrit : Malgré moi j'ai pitié des cours profondes et visqueuses - sans oiseaux, sans feuilles tourbillonnantes - Et du pétrin invisible qui geint en bas - Jour et nuit comme un forçat enterré. Ce livre retrace l'itinéraire fondateur d'un poète portant la marque de l'inconscient et l'esprit libertaire, qui ne triche pas avec lui-même, et sur lequel bien d'entre nous feraient bien de méditer: descends vers les gouffres, dit-il, perds ta couleur, tes yeux et le dernier écho, là-haut, de ta présence..."
Bruno GENESTE (in revue Spered Gouez n°20, octobre 2014).
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Critiques
"La joie comme la peine se mesurent en centigramme." (Benjamin Péret). Joie ? parce qu'un nouveau numéro de Supérieur Inconnu, le trentième, est paru. Peine ? parce que c'est le dernier et qu'il est consacré à son fondateur Sarane Alexandrian, disparu en 2009 emporté par une leucémie. La couverture est de Madeleine Novarina, épouse de l'écrivain, et vient clore une série commencée en octobre 1995. Le comité de rédaction de la revue a dans son ensemble participé à l'hommage rendu à Alexandrian. Nous trouvons des textes et des entretiens d'anciens compagnons: Alain Jouffroy, des lettres d'André Breton et de Malcolm de Chazal, des illustrations de Victor Brauner, Ljuba, Denis Bellon. Sous la plume de Christophe Dauphin, auteur chez l'Âge d'Homme d'un essai Sarane Alexandrian, le grand défi de l'imaginaire, on peut lire un très intéressant et émouvant portrait de ce dernier. Les documents publiés sont nombreux et la période d'après-guerre est riche en témoignages: exposition surréaliste en 1947 à la galerie Maeght, création de la revue Néon et de Cause... Le sommaire est parsemé de textes inédits de Sarane Alexandrian, écrivain, critique d'art et fondateur d'une des revues les plus fascinantes de ces dernières années: Supérieur Inconnu, qui a paru en trois séries, trente numéros au total de 1995 à 2011. Adieu Grand Cri-chant nous en sommes pas prêts de vous oublier, d'ailleurs: "c'est les jeunes qui se souviennent. Les vieux oublient tout." (Boris Vian).
Michel Jacubowski (in Cahiers Benjamin Péret n°1, septembre 2012)
« Supérieur Inconnu.., est le titre qu'André Breton avait choisi, en novembre 1947, pour nommer la publication qu'il envisageait de fonder... » Aujourd'hui, c'est le dernier numéro d'une revue « ouverte à la prose autant qu'à la poésie» et qui a mis « à l'honneur, dans chaque numéro, un écrivain qui est souvent injustement méconnu du public et de la critique »... Dernier numéro consacré à Sarane Alexandrian, mort le 11 septembre 2009. Sarane Alexandrian et Madeleine Novarina, poète et son épouse, « le couple héroïque faisant face à tout » selon Christophe Dauphin. Un dossier complet avec des textes de l'auteur, bien sûr, des analyses de sa création romanesque, des fac-similés des lettres, des photos, des reproductions de tableaux et de dessins, des hommages de ses proches, des souvenirs... Et tout cela donne une image vivante de ce familier des surréalistes. Un exemplaire à conserver !
Alain Lacouchie, (revue Friches, n° 109, janvier 2012).
"Sarane Alexandrian nous a quittés le 11 septembre 2009 pour le Grand Réel. Spécialiste des avant-gardes et de la littérature érotique, biographe de Victor Brauner, cet homme exceptionnel, érudit incarnant l’élégance intellectuelle et spirituelle, fut aussi, c’est moins connu, un hermétiste de talent, ce qui apparût clairement à travers la revue Supérieur Inconnu qu’il dirigea brillamment. Deux ans après sa disparition, Supérieur Inconnu, désormais sous la direction de Christophe Dauphin, rassemble ses amis pour un numéro spécial, n°30, consacré à l’homme de l’art et à son œuvre multiple, inattendue, et absolument non-conformiste comme il savait si bien le revendiquer. Christophe Dauphin avertit le lecteur d’une ambiguïté toute française : « La France raffole des surréalistes quand ils sont morts ; mais quand ils étaient dans l’éclat de la jeunesse ou dans la force de l’âge, elle a tout fait pour les acculer à la misère. C’est d’ailleurs le lot de tout grand artiste révolté, de tout prophète de l’anticonformisme, de connaître une gloire tardive ; les conformistes lui préfèrent toujours le pantin remodelable après chaque rebut. Sarane Alexandrian n’a pas échappé, malheureusement, à ce principe ; du moins en France, car à l’étranger, au Liban, en Roumanie, en Angleterre, en Espagne, en Grèce, en Italie, au Portugal, en Turquie, aux Etats-Unis, en Chine (où son Histoire de la littérature érotique a été traduite en 2003), ou à l’Île Maurice, notre ami jouit d’un prestige qui ne s’est jamais démenti. » Ce numéro spécial débute par une présentation des trois périodes de la revue, les 21 numéros de la première série, 1995-2001, les 4 numéros de la deuxième série, 2005-2006 et la troisième série, 2007-2011 qui propose 5 numéros. D’une grande exigence, Sarane Alexandrian a veillé à la haute tenue de sa revue qui demeure la plus belle publication d’avant-garde des vingt dernières années. Supérieur Inconnu a inscrit le message du surréalisme éternel dans la période si dangereuse et si passionnante du changement de millénaire, message que l’art du XXIème siècle devra s’approprier pour demeurer art. Ce numéro, qui mêle articles, poèmes, illustrations, témoignages, écrits de Sarane, illustre la puissance, la densité et la richesse de ce message non-conformiste, au plus près de la liberté de l’être. Et il y a ce couple, Madeleine Novarina et Sarane Alexandrian, un amour fou qui n’a cessé de nourrir la création de l’un comme de l’autre. Parmi les textes de Sarane Alexandrian rassemblés dans ce numéro, citons : Madeleine Novarina poète – La création romanesque – Autour de « Socrate m’a dit » – Considérations sur le monde occulte – Ontologie de la mort, ces deux derniers inédits. Sarane Alexandrian contribua grandement au renouvellement de l’alliance salutaire entre avant-garde et initiation, par ses écrits bien sûr, plus encore par sa médiation entre des mondes qui s’ignorent encore à tort. Parmi les très nombreux contributeurs à ce numéro qui, davantage qu’un hommage, constitue une démonstration de la permanence de Sarane Alexandrian, citons : Madeleine Novarina, Virgile Novarina, André Breton (Trois lettres à Sarane Alexandrian), Malcom de Chazal (Lettre à Sarane Alexandrian), Jean-Dominique Rey, Odile Cohen-Abbas, Paul Sanda, Marc Kober, Fabrice Pascaud, Jehan Van Langhenhoven, etc. Ce numéro exceptionnel est diffusé par Les Hommes sans Epaules, 8 rue Charles Moiroud, 95440 Ecouen, France.
Remi Boyer (Incohérism.owni.fr, 21 septembre 2011)
"Un numéro hommage de Supérieur Inconnu à son fondateur, Sarane Alexandrian (1927-2009). Un lien étroit avec les HSE : le directeur de publication en est aussi Christophe Dauphin, et les HSE en gèrent la publication. Les contributeurs sont nombreux, poètes, artistes, amis, qui apportent leur voix pour cet hommage quasi unanime (seule voix dissonante, celle d’Alain Jouffroy) qui tente d’aborder toutes les facettes de cet homme à l’élégance légendaire qui sut ne pas faire de concession aux modes. On croisera ainsi entre autres Françoise Py, Lou Dubois, Olivier Salon, Virgile Novarina, César Birène, Marc Kober, Odile Cohen-Abbas, mais aussi, évoqués largement, par le document, lettre ou dessin, Madeleine Novarina, sa femme, les peintres Jean Hélion et Victor Brauner (dont une œuvre fait la couverture, comme pour le n°1), le poète mauricien (et toujours trop méconnu) Malcolm de Chazal, etc. Un numéro qui marque aussi la fin d’une aventure de 15 ans, puisque ce dernier numéro est aussi l’ultime d’une série de trente."
Jacques FOURNIER (levure littéraire.com, 2011).
"C’est la première fois que je parle de cette revue et ce sera l’ultime puisqu’il s’agit d’un numéro spécial consacré à son fondateur : Sarane Alexandrian, décédé en 2009. Ce dernier a longtemps été considéré comme le successeur désigné d’André Breton, c’est dire dans quelle mouvance, surréaliste, il s’est positionné toute sa vie. Le titre de la revue d’ailleurs, Supérieur inconnu, a été trouvé par André Breton lui-même en 1947, pour une revue qui n’a pas vu le jour alors. La publication a connu trois séries : la première de 1995 à 2001, avec 21 numéros, et un nombre impressionnant de poètes reconnus aujourd’hui ; la deuxième de 2005 à 2006 (4 n°), avec au comité de lecture des membres plus jeunes comme Marc Kober ou Christophe Dauphin qui rejoignent Alexandrian et les plus anciens, prenant comme axes principaux quatre vertus cardinales que sont le rêve, l’amour, la connaissance et la révolution. Cette série sera interrompue, faute de subvention du CNL, mais suivie par la troisième et finale (2005-2011) avec un comité de rédaction élargi : 5 numéros dont ce dernier. Sarane Alexandrian exerçait une véritable fascination sur tous ceux qui l’ont approché et qui témoignent dans cet ouvrage. Né en 1927 à Bagdad, son père était médecin du roi Fayçal 1er, il vient en France en 1934. Il rencontre le dadasophe Raoul Hausmann, ce qui va être déterminant dans son apprentissage intellectuel, puis André Breton, Victor Brauner et Madeleine Novarina, qui va devenir sa femme et à laquelle sont consacrés deux articles forts de la livraison. Théoricien n° 2 du surréalisme, il rompt rapidement avec André Breton, dès 1948. Christophe Dauphin montre comment il écrit sous autohypnose, à la Robert Desnos, autour de l’onirisme, la magie sexuelle et la gnose moderne. Une idée intéressante, c’est qu’il a souhaité être un anti-père pour les jeunes qui l’admiraient, afin qu’ils le dépassent à leur tour. Ses conceptions romanesques sont très éclairantes, puisqu’il a voulu certainement être davantage reconnu comme écrivain de romans plutôt que poète. Beaucoup de contributions suivent à la gloire de ce grand personnage, dont le charisme et l’ouverture intellectuelle impressionnaient grandement ses interlocuteurs, à noter la fausse note signée Alain Jouffroy qui donne en contrepoint un éclairage inverse au concert de louanges ; également avant de renvoyer à la revue qui propose une quarantaine de témoignages (dont Jehan Van Langenhoven ou Michel Perdrial entre autres), le Sarane Alexandrian, critique d’art, lequel lui confère pour conclure sa véritable dimension. Un homme hors du commun, sans contestation possible. Un grand écrivain de la fin du surréalisme."
Jacques MORIN (Site internet de la revue Décharge, novembre 2011).
Avec ce trentième numéro de Supérieur Inconnu s'achève l'aventure de cette revue fondée par Sarane Alexandrian en octobre 1995, aventure qui dura donc 16 ans et connut trois séries différentes. Ce dernier numéro consiste en un hommage à la figure tutélaire de Sarane Alexandrian, disparu le 11 septembre 2009. Nous y trouvons les signatures des acteurs majeurs ayant fait l'histoire de cette revue qui se revendiquait du non-conformisme intégral.
C'est à César Birène que revient la tâche d'ouvrir ce numéro mémorial par un texte retraçant clairement les grandes étapes de Supérieur Inconnu. A l'origine imaginée par André Breton, la revue aurait dû voir le jour en 1947 chez Gallimard sur les conseils de Jean Paulhan. Une revue ayant l'ambition d'unir les conservateurs fidèles à l'esprit du Second manifeste, et les novateurs. Le nom même de la revue vient directement de Breton qui voyait dans le "Supérieur Inconnu" l'objectif idéal de la recherche poétique de l'avenir. Elever l'esprit vers les hauteurs et explorer l'inconnu. Un désaccord empêcha ce projet que Sarane Alexandrian, en héritier légitime du Surréalisme – il avait été le secrétaire général du mouvement – reprend et mène à son point d'épanouissement au moment charnière du passage au troisième millénaire. Une revue issue du Surréalisme mais désireuse d'accueillir dans ses pages les voix d'un avenir poétique émancipé du passé, et fervente admiratrice de figures peut-être injustement mal connues telles celles de Claude Tarnaud, Charles Duits, Stanislas Rodanski, Gilbert Lely, Jeanne Bucher par exemple. César Birène retrace avec fidélité ces quelques quinze années d'engagement littéraire autour de Sarane Alexandrian. Il en synthétise l'esprit, les contenus, évoque les grands acteurs tels Alain Jouffroy et Jean-Dominique Rey, à la fondation de l'aventure avec Sarane. Puis rejoints par la jeune génération des Christophe Dauphin, Marc Kober, Alina Reyes. Je me permets d'ajouter Pablo Duran, Renaud Ego, Jong N'Woo, Malek Abbou, etc. Les transitions des séries 1 à 2 et 2 à 3 sont bien explicitées, ainsi que les raisons qui présidèrent chaque fois au changement de visage par ces nouvelles moutures de la revue. On notera avec étonnement au moins deux grands absents sous la plume de César Birène, deux absents de taille qui contribuèrent pourtant à l'envergure de la revue par le rôle qu'ils y tinrent au sein du comité de rédaction de la première série, en les personnes d'Alain Vuillot et de Matthieu Baumier…
La revue poursuit ensuite son hommage à Sarane avec les textes de Christophe Dauphin, les photos de Sarane et de sa femme Madeleine Novarina, les poèmes de Madeleine Novarina, les photos du bureau de Sarane où nous eûmes tous l'honneur, à un moment, d'être reçu pour une conversation d'une politesse exquise sous le charme silencieux et magiques des œuvres de Victor Brauner. Des textes inédits de Sarane, comme illustrés par des reproductions de toiles de Ljuba, sont ici publiés, comme La création romanesque issue de ses Idées pour un Art de vivre, Art de vivre qui était la passion de sa vie tant il considérait que cet Art induit tous les plans de l'émancipation de l'humain. Nous y trouvons également trois lettres inédites adressées à Sarane, deux par André Breton, la troisième par Malcolm de Chazal, lettres qui témoignent de l'engagement intellectuel intégral qui était celui d'Alexandrian.
Suit un entretien d'Alain Jouffroy par Jean-Dominique Rey autour de la figure de Sarane, entretien surprenant au sein d'un hommage tant Jouffroy n'use d'aucune langue de bois pour évoquer le souvenir de son ami Sarane. A juste titre d'ailleurs car Alexandrian, non-conformiste revendiqué, aurait eu en horreur les passages de pommade de circonstance. Jouffroy évoque un Alexandrian supportant mal la contradiction qu'on pouvait lui opposer et nombreux sont, parmi ceux qui le fréquentèrent, à avoir essuyé ses colères et sa susceptibilité... (..) Un homme généreux. Une figure tutélaire à qui l'on devait une manière d'allégeance à partir du moment où il nous avait accueilli dans son clan. Un écrivain ayant sa propre conception de la fidélité, souffrant avec difficulté qu'on lui oppose des vues différentes de ce en quoi il croyait. Mais généreux, je le répète, comme peu en sont capables. Aussi la version de Sarane par Alain Jouffroy a-t-elle lieu d'être tant elle rend fidèlement le caractère haut en couleur qui était le sien. D'ailleurs, s'ensuit la reproduction d'une réponse de Sarane à un message de Jouffroy laissé sur son répondeur téléphonique. Illustration significative des rapports qui furent ceux des surréalistes, faits de franchise, d'orgueil, de rodomontades, d'hystérie surjouée, de joutes oratoires, de ruptures, de réconciliations. Parmi les textes, passionnants, de ce numéro hommage, (nous ne les citerons pas tous), mentionnons celui de Paul Sanda consacré à l'ouvrage majeur d'Alexandrian, Histoire de la philosophie occulte, et aux prolongements de ce livre, d'abord dans le rapport qu'entretint Sanda avec Sarane, ensuite dans la vie de Sanda.
Remercions Christophe Dauphin, maître d'œuvre de cette ultime livraison, pour ses contributions à la réussite de ce beau numéro, tant lorsqu'il se consacre au couple Madeleine Novarina-Sarane Alexandrian que lorsqu'il dresse un portrait biographique de Sarane, situant son importance dans la deuxième génération surréaliste mais aussi dans le monde littéraire et intellectuel, lui dont l'œuvre fut traduite partout dans le monde sans que jamais l'intelligentsia officielle et médiatique ne lui rende le moindre hommage. Hommage encore à l'érudition époustouflante d'un homme hors-norme, qui n'avait cure de savoir pour savoir mais entendait savoir pour vivre plus et transmettre ses connaissances pour aider à vivre plus. Jean Binder, lui, choisit dans les multiples visages d'Alexandrian, l'écrivain d'art. Il rappelle que le premier livre de Sarane fut consacré au peintre Victor Brauner, Brauner l'illuminateur, dont on ne peut ici que conseiller la lecture tant ce livre est, à mes yeux, fondamental. Et poursuit en dressant l'itinéraire des écrits sur l'art de Sarane. Palpitant. Gérald Messadié quant à lui tire son chapeau à l'impertinence, pour employer un euphémisme, de Sarane, lui qui, en 2000, publia un livre étrange intitulé Soixante sujets de romans au goût du jour et de la nuit, livre dans lequel Sarane propose aux romanciers en mal d'inspiration 60 sujets mirifiques pour surseoir à leur manque de talent et d'imagination. Un livre volontairement passé inaperçu tant le bras d'honneur d'Alexandrian aux plumitifs desséchés en tous genres relève, comme le souligne Messadié, du terrorisme.
Il y a aussi le très beau texte de Marc Kober, d'une justesse et d'une mesure admirables, brossant l'image de surface qu'offrit à beaucoup Sarane Alexandrian pour nous montrer un peu le vrai cœur de cet homme : "Pourtant, la vérité de Sarane est ailleurs, écrit Kober : moins dans l'homme de lettres qu'il voulut être que dans une volonté d'élargir le périmètre humain".
Il y a enfin, et je m'arrêterai là, le beau poème que Matthieu Baumier offre ici à Sarane, intitulé "A l'étoile vive", assorti de cette émouvante dédicace Pour Sarane, par-delà. Ce trentième numéro rend ainsi un hommage mérité à un écrivain méconnu, dont l'œuvre théorique continuera d'irriguer les temps à venir tant elle se situe à la croisée de la Tradition dont notre société se targue de ne vouloir rien savoir, et de l'avenir qui l'aimante par un besoin vital de prendre sa respiration.
Supérieur Inconnu, ce furent 30 volumes en quinze ans, mais aussi des lectures publiques dont chacun des membres garde en mémoire les éclats et les reliefs. (Conciergerie de Paris, Mairie du XIIème arrondissement de Paris, Bateau-lavoir). A titre personnel, sans Supérieur Inconnu, sans Sarane Alexandrian, je n'aurais sans doute pas rencontré la danseuse Muriel Jaër, petite-fille de la galeriste Jeanne Bucher avec qui, au sortir d'une lecture de poèmes, je devais me lier d'amitié.
Je n'aurais pas non plus eu la grande chance de rencontrer Matthieu Baumier, dont l'amitié dans le Poème m'est absolument vitale. Pour ceci, Sarane, merci.
Gwen Garnier-Duguy (in Recoursaupoeme.fr, août 2012).
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"Dernier numéro de la revue consacré à Sarane Alexandrian, écrivain surréaliste. Son oeuvre est une aventure humaine et intellectuelle. Le non-conformisme caractérise le mieux l'oeuvre et la vie de Sarane Alexandrian."
Electre, Livres Hebdo, 2012.
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Critiques
"La joie comme la peine se mesurent en centigramme." (Benjamin Péret). Joie ? parce qu'un nouveau numéro de Supérieur Inconnu, le trentième, est paru. Peine ? parce que c'est le dernier et qu'il est consacré à son fondateur Sarane Alexandrian, disparu en 2009 emporté par une leucémie. La couverture est de Madeleine Novarina, épouse de l'écrivain, et vient clore une série commencée en octobre 1995. Le comité de rédaction de la revue a dans son ensemble participé à l'hommage rendu à Alexandrian. Nous trouvons des textes et des entretiens d'anciens compagnons: Alain Jouffroy, des lettres d'André Breton et de Malcolm de Chazal, des illustrations de Victor Brauner, Ljuba, Denis Bellon. Sous la plume de Christophe Dauphin, auteur chez l'Âge d'Homme d'un essai Sarane Alexandrian, le grand défi de l'imaginaire, on peut lire un très intéressant et émouvant portrait de ce dernier. Les documents publiés sont nombreux et la période d'après-guerre est riche en témoignages: exposition surréaliste en 1947 à la galerie Maeght, création de la revue Néon et de Cause... Le sommaire est parsemé de textes inédits de Sarane Alexandrian, écrivain, critique d'art et fondateur d'une des revues les plus fascinantes de ces dernières années: Supérieur Inconnu, qui a paru en trois séries, trente numéros au total de 1995 à 2011. Adieu Grand Cri-chant nous en sommes pas prêts de vous oublier, d'ailleurs: "c'est les jeunes qui se souviennent. Les vieux oublient tout." (Boris Vian).
Michel Jacubowski (in Cahiers Benjamin Péret n°1, septembre 2012)
« Supérieur Inconnu.., est le titre qu'André Breton avait choisi, en novembre 1947, pour nommer la publication qu'il envisageait de fonder... » Aujourd'hui, c'est le dernier numéro d'une revue « ouverte à la prose autant qu'à la poésie» et qui a mis « à l'honneur, dans chaque numéro, un écrivain qui est souvent injustement méconnu du public et de la critique »... Dernier numéro consacré à Sarane Alexandrian, mort le 11 septembre 2009. Sarane Alexandrian et Madeleine Novarina, poète et son épouse, « le couple héroïque faisant face à tout » selon Christophe Dauphin. Un dossier complet avec des textes de l'auteur, bien sûr, des analyses de sa création romanesque, des fac-similés des lettres, des photos, des reproductions de tableaux et de dessins, des hommages de ses proches, des souvenirs... Et tout cela donne une image vivante de ce familier des surréalistes. Un exemplaire à conserver !
Alain Lacouchie, (revue Friches, n° 109, janvier 2012).
"Sarane Alexandrian nous a quittés le 11 septembre 2009 pour le Grand Réel. Spécialiste des avant-gardes et de la littérature érotique, biographe de Victor Brauner, cet homme exceptionnel, érudit incarnant l’élégance intellectuelle et spirituelle, fut aussi, c’est moins connu, un hermétiste de talent, ce qui apparût clairement à travers la revue Supérieur Inconnu qu’il dirigea brillamment. Deux ans après sa disparition, Supérieur Inconnu, désormais sous la direction de Christophe Dauphin, rassemble ses amis pour un numéro spécial, n°30, consacré à l’homme de l’art et à son œuvre multiple, inattendue, et absolument non-conformiste comme il savait si bien le revendiquer. Christophe Dauphin avertit le lecteur d’une ambiguïté toute française : « La France raffole des surréalistes quand ils sont morts ; mais quand ils étaient dans l’éclat de la jeunesse ou dans la force de l’âge, elle a tout fait pour les acculer à la misère. C’est d’ailleurs le lot de tout grand artiste révolté, de tout prophète de l’anticonformisme, de connaître une gloire tardive ; les conformistes lui préfèrent toujours le pantin remodelable après chaque rebut. Sarane Alexandrian n’a pas échappé, malheureusement, à ce principe ; du moins en France, car à l’étranger, au Liban, en Roumanie, en Angleterre, en Espagne, en Grèce, en Italie, au Portugal, en Turquie, aux Etats-Unis, en Chine (où son Histoire de la littérature érotique a été traduite en 2003), ou à l’Île Maurice, notre ami jouit d’un prestige qui ne s’est jamais démenti. » Ce numéro spécial débute par une présentation des trois périodes de la revue, les 21 numéros de la première série, 1995-2001, les 4 numéros de la deuxième série, 2005-2006 et la troisième série, 2007-2011 qui propose 5 numéros. D’une grande exigence, Sarane Alexandrian a veillé à la haute tenue de sa revue qui demeure la plus belle publication d’avant-garde des vingt dernières années. Supérieur Inconnu a inscrit le message du surréalisme éternel dans la période si dangereuse et si passionnante du changement de millénaire, message que l’art du XXIème siècle devra s’approprier pour demeurer art. Ce numéro, qui mêle articles, poèmes, illustrations, témoignages, écrits de Sarane, illustre la puissance, la densité et la richesse de ce message non-conformiste, au plus près de la liberté de l’être. Et il y a ce couple, Madeleine Novarina et Sarane Alexandrian, un amour fou qui n’a cessé de nourrir la création de l’un comme de l’autre. Parmi les textes de Sarane Alexandrian rassemblés dans ce numéro, citons : Madeleine Novarina poète – La création romanesque – Autour de « Socrate m’a dit » – Considérations sur le monde occulte – Ontologie de la mort, ces deux derniers inédits. Sarane Alexandrian contribua grandement au renouvellement de l’alliance salutaire entre avant-garde et initiation, par ses écrits bien sûr, plus encore par sa médiation entre des mondes qui s’ignorent encore à tort. Parmi les très nombreux contributeurs à ce numéro qui, davantage qu’un hommage, constitue une démonstration de la permanence de Sarane Alexandrian, citons : Madeleine Novarina, Virgile Novarina, André Breton (Trois lettres à Sarane Alexandrian), Malcom de Chazal (Lettre à Sarane Alexandrian), Jean-Dominique Rey, Odile Cohen-Abbas, Paul Sanda, Marc Kober, Fabrice Pascaud, Jehan Van Langhenhoven, etc. Ce numéro exceptionnel est diffusé par Les Hommes sans Epaules, 8 rue Charles Moiroud, 95440 Ecouen, France.
Remi Boyer (Incohérism.owni.fr, 21 septembre 2011)
"Un numéro hommage de Supérieur Inconnu à son fondateur, Sarane Alexandrian (1927-2009). Un lien étroit avec les HSE : le directeur de publication en est aussi Christophe Dauphin, et les HSE en gèrent la publication. Les contributeurs sont nombreux, poètes, artistes, amis, qui apportent leur voix pour cet hommage quasi unanime (seule voix dissonante, celle d’Alain Jouffroy) qui tente d’aborder toutes les facettes de cet homme à l’élégance légendaire qui sut ne pas faire de concession aux modes. On croisera ainsi entre autres Françoise Py, Lou Dubois, Olivier Salon, Virgile Novarina, César Birène, Marc Kober, Odile Cohen-Abbas, mais aussi, évoqués largement, par le document, lettre ou dessin, Madeleine Novarina, sa femme, les peintres Jean Hélion et Victor Brauner (dont une œuvre fait la couverture, comme pour le n°1), le poète mauricien (et toujours trop méconnu) Malcolm de Chazal, etc. Un numéro qui marque aussi la fin d’une aventure de 15 ans, puisque ce dernier numéro est aussi l’ultime d’une série de trente."
Jacques FOURNIER (levure littéraire.com, 2011).
"C’est la première fois que je parle de cette revue et ce sera l’ultime puisqu’il s’agit d’un numéro spécial consacré à son fondateur : Sarane Alexandrian, décédé en 2009. Ce dernier a longtemps été considéré comme le successeur désigné d’André Breton, c’est dire dans quelle mouvance, surréaliste, il s’est positionné toute sa vie. Le titre de la revue d’ailleurs, Supérieur inconnu, a été trouvé par André Breton lui-même en 1947, pour une revue qui n’a pas vu le jour alors. La publication a connu trois séries : la première de 1995 à 2001, avec 21 numéros, et un nombre impressionnant de poètes reconnus aujourd’hui ; la deuxième de 2005 à 2006 (4 n°), avec au comité de lecture des membres plus jeunes comme Marc Kober ou Christophe Dauphin qui rejoignent Alexandrian et les plus anciens, prenant comme axes principaux quatre vertus cardinales que sont le rêve, l’amour, la connaissance et la révolution. Cette série sera interrompue, faute de subvention du CNL, mais suivie par la troisième et finale (2005-2011) avec un comité de rédaction élargi : 5 numéros dont ce dernier. Sarane Alexandrian exerçait une véritable fascination sur tous ceux qui l’ont approché et qui témoignent dans cet ouvrage. Né en 1927 à Bagdad, son père était médecin du roi Fayçal 1er, il vient en France en 1934. Il rencontre le dadasophe Raoul Hausmann, ce qui va être déterminant dans son apprentissage intellectuel, puis André Breton, Victor Brauner et Madeleine Novarina, qui va devenir sa femme et à laquelle sont consacrés deux articles forts de la livraison. Théoricien n° 2 du surréalisme, il rompt rapidement avec André Breton, dès 1948. Christophe Dauphin montre comment il écrit sous autohypnose, à la Robert Desnos, autour de l’onirisme, la magie sexuelle et la gnose moderne. Une idée intéressante, c’est qu’il a souhaité être un anti-père pour les jeunes qui l’admiraient, afin qu’ils le dépassent à leur tour. Ses conceptions romanesques sont très éclairantes, puisqu’il a voulu certainement être davantage reconnu comme écrivain de romans plutôt que poète. Beaucoup de contributions suivent à la gloire de ce grand personnage, dont le charisme et l’ouverture intellectuelle impressionnaient grandement ses interlocuteurs, à noter la fausse note signée Alain Jouffroy qui donne en contrepoint un éclairage inverse au concert de louanges ; également avant de renvoyer à la revue qui propose une quarantaine de témoignages (dont Jehan Van Langenhoven ou Michel Perdrial entre autres), le Sarane Alexandrian, critique d’art, lequel lui confère pour conclure sa véritable dimension. Un homme hors du commun, sans contestation possible. Un grand écrivain de la fin du surréalisme."
Jacques MORIN (Site internet de la revue Décharge, novembre 2011).
Avec ce trentième numéro de Supérieur Inconnu s'achève l'aventure de cette revue fondée par Sarane Alexandrian en octobre 1995, aventure qui dura donc 16 ans et connut trois séries différentes. Ce dernier numéro consiste en un hommage à la figure tutélaire de Sarane Alexandrian, disparu le 11 septembre 2009. Nous y trouvons les signatures des acteurs majeurs ayant fait l'histoire de cette revue qui se revendiquait du non-conformisme intégral.
C'est à César Birène que revient la tâche d'ouvrir ce numéro mémorial par un texte retraçant clairement les grandes étapes de Supérieur Inconnu. A l'origine imaginée par André Breton, la revue aurait dû voir le jour en 1947 chez Gallimard sur les conseils de Jean Paulhan. Une revue ayant l'ambition d'unir les conservateurs fidèles à l'esprit du Second manifeste, et les novateurs. Le nom même de la revue vient directement de Breton qui voyait dans le "Supérieur Inconnu" l'objectif idéal de la recherche poétique de l'avenir. Elever l'esprit vers les hauteurs et explorer l'inconnu. Un désaccord empêcha ce projet que Sarane Alexandrian, en héritier légitime du Surréalisme – il avait été le secrétaire général du mouvement – reprend et mène à son point d'épanouissement au moment charnière du passage au troisième millénaire. Une revue issue du Surréalisme mais désireuse d'accueillir dans ses pages les voix d'un avenir poétique émancipé du passé, et fervente admiratrice de figures peut-être injustement mal connues telles celles de Claude Tarnaud, Charles Duits, Stanislas Rodanski, Gilbert Lely, Jeanne Bucher par exemple. César Birène retrace avec fidélité ces quelques quinze années d'engagement littéraire autour de Sarane Alexandrian. Il en synthétise l'esprit, les contenus, évoque les grands acteurs tels Alain Jouffroy et Jean-Dominique Rey, à la fondation de l'aventure avec Sarane. Puis rejoints par la jeune génération des Christophe Dauphin, Marc Kober, Alina Reyes. Je me permets d'ajouter Pablo Duran, Renaud Ego, Jong N'Woo, Malek Abbou, etc. Les transitions des séries 1 à 2 et 2 à 3 sont bien explicitées, ainsi que les raisons qui présidèrent chaque fois au changement de visage par ces nouvelles moutures de la revue. On notera avec étonnement au moins deux grands absents sous la plume de César Birène, deux absents de taille qui contribuèrent pourtant à l'envergure de la revue par le rôle qu'ils y tinrent au sein du comité de rédaction de la première série, en les personnes d'Alain Vuillot et de Matthieu Baumier…
La revue poursuit ensuite son hommage à Sarane avec les textes de Christophe Dauphin, les photos de Sarane et de sa femme Madeleine Novarina, les poèmes de Madeleine Novarina, les photos du bureau de Sarane où nous eûmes tous l'honneur, à un moment, d'être reçu pour une conversation d'une politesse exquise sous le charme silencieux et magiques des œuvres de Victor Brauner. Des textes inédits de Sarane, comme illustrés par des reproductions de toiles de Ljuba, sont ici publiés, comme La création romanesque issue de ses Idées pour un Art de vivre, Art de vivre qui était la passion de sa vie tant il considérait que cet Art induit tous les plans de l'émancipation de l'humain. Nous y trouvons également trois lettres inédites adressées à Sarane, deux par André Breton, la troisième par Malcolm de Chazal, lettres qui témoignent de l'engagement intellectuel intégral qui était celui d'Alexandrian.
Suit un entretien d'Alain Jouffroy par Jean-Dominique Rey autour de la figure de Sarane, entretien surprenant au sein d'un hommage tant Jouffroy n'use d'aucune langue de bois pour évoquer le souvenir de son ami Sarane. A juste titre d'ailleurs car Alexandrian, non-conformiste revendiqué, aurait eu en horreur les passages de pommade de circonstance. Jouffroy évoque un Alexandrian supportant mal la contradiction qu'on pouvait lui opposer et nombreux sont, parmi ceux qui le fréquentèrent, à avoir essuyé ses colères et sa susceptibilité... (..) Un homme généreux. Une figure tutélaire à qui l'on devait une manière d'allégeance à partir du moment où il nous avait accueilli dans son clan. Un écrivain ayant sa propre conception de la fidélité, souffrant avec difficulté qu'on lui oppose des vues différentes de ce en quoi il croyait. Mais généreux, je le répète, comme peu en sont capables. Aussi la version de Sarane par Alain Jouffroy a-t-elle lieu d'être tant elle rend fidèlement le caractère haut en couleur qui était le sien. D'ailleurs, s'ensuit la reproduction d'une réponse de Sarane à un message de Jouffroy laissé sur son répondeur téléphonique. Illustration significative des rapports qui furent ceux des surréalistes, faits de franchise, d'orgueil, de rodomontades, d'hystérie surjouée, de joutes oratoires, de ruptures, de réconciliations. Parmi les textes, passionnants, de ce numéro hommage, (nous ne les citerons pas tous), mentionnons celui de Paul Sanda consacré à l'ouvrage majeur d'Alexandrian, Histoire de la philosophie occulte, et aux prolongements de ce livre, d'abord dans le rapport qu'entretint Sanda avec Sarane, ensuite dans la vie de Sanda.
Remercions Christophe Dauphin, maître d'œuvre de cette ultime livraison, pour ses contributions à la réussite de ce beau numéro, tant lorsqu'il se consacre au couple Madeleine Novarina-Sarane Alexandrian que lorsqu'il dresse un portrait biographique de Sarane, situant son importance dans la deuxième génération surréaliste mais aussi dans le monde littéraire et intellectuel, lui dont l'œuvre fut traduite partout dans le monde sans que jamais l'intelligentsia officielle et médiatique ne lui rende le moindre hommage. Hommage encore à l'érudition époustouflante d'un homme hors-norme, qui n'avait cure de savoir pour savoir mais entendait savoir pour vivre plus et transmettre ses connaissances pour aider à vivre plus. Jean Binder, lui, choisit dans les multiples visages d'Alexandrian, l'écrivain d'art. Il rappelle que le premier livre de Sarane fut consacré au peintre Victor Brauner, Brauner l'illuminateur, dont on ne peut ici que conseiller la lecture tant ce livre est, à mes yeux, fondamental. Et poursuit en dressant l'itinéraire des écrits sur l'art de Sarane. Palpitant. Gérald Messadié quant à lui tire son chapeau à l'impertinence, pour employer un euphémisme, de Sarane, lui qui, en 2000, publia un livre étrange intitulé Soixante sujets de romans au goût du jour et de la nuit, livre dans lequel Sarane propose aux romanciers en mal d'inspiration 60 sujets mirifiques pour surseoir à leur manque de talent et d'imagination. Un livre volontairement passé inaperçu tant le bras d'honneur d'Alexandrian aux plumitifs desséchés en tous genres relève, comme le souligne Messadié, du terrorisme.
Il y a aussi le très beau texte de Marc Kober, d'une justesse et d'une mesure admirables, brossant l'image de surface qu'offrit à beaucoup Sarane Alexandrian pour nous montrer un peu le vrai cœur de cet homme : "Pourtant, la vérité de Sarane est ailleurs, écrit Kober : moins dans l'homme de lettres qu'il voulut être que dans une volonté d'élargir le périmètre humain".
Il y a enfin, et je m'arrêterai là, le beau poème que Matthieu Baumier offre ici à Sarane, intitulé "A l'étoile vive", assorti de cette émouvante dédicace Pour Sarane, par-delà. Ce trentième numéro rend ainsi un hommage mérité à un écrivain méconnu, dont l'œuvre théorique continuera d'irriguer les temps à venir tant elle se situe à la croisée de la Tradition dont notre société se targue de ne vouloir rien savoir, et de l'avenir qui l'aimante par un besoin vital de prendre sa respiration.
Supérieur Inconnu, ce furent 30 volumes en quinze ans, mais aussi des lectures publiques dont chacun des membres garde en mémoire les éclats et les reliefs. (Conciergerie de Paris, Mairie du XIIème arrondissement de Paris, Bateau-lavoir). A titre personnel, sans Supérieur Inconnu, sans Sarane Alexandrian, je n'aurais sans doute pas rencontré la danseuse Muriel Jaër, petite-fille de la galeriste Jeanne Bucher avec qui, au sortir d'une lecture de poèmes, je devais me lier d'amitié.
Je n'aurais pas non plus eu la grande chance de rencontrer Matthieu Baumier, dont l'amitié dans le Poème m'est absolument vitale. Pour ceci, Sarane, merci.
Gwen Garnier-Duguy (in Recoursaupoeme.fr, août 2012).
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"Dernier numéro de la revue consacré à Sarane Alexandrian, écrivain surréaliste. Son oeuvre est une aventure humaine et intellectuelle. Le non-conformisme caractérise le mieux l'oeuvre et la vie de Sarane Alexandrian."
Electre, Livres Hebdo, 2012.
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Critiques
"Un recueil surprenant, dense et varié. Marie-Christine Brière a l'art d'écrire des poèmes cadrés. En une page, on découvre un portrait, souvent de quelqu'un, nommé parfois en titre, ou bien un paysage d'un lieu de même titré. Et l'on embarque pour ces photos comme dans un album, chaque texte guidant une visite aux confins des êtres ou du monde... le mot bonheur qui répandu placerait son bandeau - lisse sur les yeux d'enfants perdus. Amour, amitié, voyage. Empathie avec les gens et la nature. La seconde observation que l'on retient se trouve être dans la forme; les mots passent les vers, enjambant facilement, et enchaînant les phrases, ce qui provoque fluidité et vitesse: l'eau passe à peine sur le dos des pierres. Son écriture si particulière ne se prive pas de raconter, tout en chevauchant l'image si l'occasion se présente. Rien n'est prémédité, la poésie se matérialise au fur et à mesure que l'encre sèche sur le cahier. Un nuage a égaré sa guimbarde. On pense surréalisme bien sûr, dans une version baroque, et pourquoi n'en serais-ce pas ? mais je crois qu'il y a surtout le regard de Marie-Christine Brière à focalisations variées, et qui bouge instantanément, macro, plan large ou panoramique... le lecteur change de plan à chaque vers: Un train dans son roulement d'oreille - révèle une route lointaine, oubliée."
Jacques Morin (in Décharge ,n°160, décembre 2013).
"Le titre du recueil de Marie-Christine Brière sonne comme une invitation à embarquer aux côtés du poète, à nous laisser emporter au gré des lignes noircies de mots. Ainsi le parcours proposé au lecteur est-il jalonné par les titres de parties qui annoncent les étapes du voyage : « Amarrages », « A bord penchés tremblants », « Attaches », « Embarqués », « Humour rameur », « Et sur l’arche, un pépiement de création ». Comment ne pas deviner ici qu’il s’agit d’une liste des étapes progressives qui mènent à l’accomplissement du parcours poétique, ainsi qu’une manière d’énumération du périple auquel est invité le lecteur enserré à l’énoncé dans les pluriels employés par l’auteur ?
Alors qu’est-ce à dire ? Avant même la lecture des textes nous voyons se déployer le champ lexical de la navigation, métaphore de la traversée du réel portée par l’énonciation poétique dans sa puissance à décaler les rouages du signe. Un trajet au-delà des apparences données à voir à travers un quotidien dont le poète s’imprègne et dont elle énonce les détours sans apitoiement mais avec toujours un regard à l’Humanité. Le paysage habituel n’est plus insignifiant, il n’est plus tableau d’habitudes égrainées jour à jour. Grâce aux mises en œuvres paradigmatiques, dans le choix du lexique, et à une syntaxe qui permet les glissements sémantiques, il se dévoile à travers des dispositifs ainsi dévolus à la parole poétique.
En plongée dans les attentes A la table du café Les paroles contenues Disent le dehors des femmes Talons fins, robes noires
Un planeur descend des yeux Le repas, heure légale Assène son cliquetis Par un trou de porte ouverte
Barreau de fer midi coupe L’ombre en loques des auvents Vêtus de bleu unanime Les passants cherchent le soir
Dans sa forme, une poésie au vers et à la rime libres de toute contrainte, et des titres qui précèdent chaque texte. Pas de ponctuation ou rarement employée, et une syntaxe qui rythme la structure du vers. Une disposition à la page qui fait sens tant la gestion de l’espace typographique est signifiante : strophes en retrait, groupes de vers détachés, la forme soutient le paradigme dévolu à un lexique servi par des mots appartenant au registre courant, afin d’étayer la totalité des envolées du signe.
Alors il n’est pas étonnant lorsque nous suivons ce parcours poétique de constater que cette prégnance du réel au discours en propose une lecture herméneutique. Les étapes du quotidien énoncées par Marie-Christine Brière ne sont qu’occasions d’ouvrir à une dimension qui en transcende les apparences. Et la parole poétique emporte alors au-delà des contours. Ainsi ce titre oxymore, telle la poésie du recueil qui dit les apparences et leurs revers, Flocons noirs :
De là-bas et si haut tout est oie Mais tout n’est pas cygne Les nuages tombèrent en suie Un jour où nous avions gobé l’œuf Entrées dans une maison à terre Les mésanges de l’enfance Ne pouvaient en sortir Sans curiosité de nous
De là-bas en bas des gloires Portaient bonheur pas de nuage Sans frange d’argent dit le proverbe Mais les humains occupés donnent Miettes à celui-là le crucifié Etonnés de trouver l’homme-dieu Dément, torturé même à l’offert Sur la table d’une brocante
A partir d’une lecture sensible du réel, Marie-Christine Brière mène le lecteur au seuil d’un univers poétique qui en dévoile les arcanes grâce à la puissance des images évoquées. Et cette ambition herméneutique des textes de Cœur passager ne se limite pas seulement à une percée métaphorique de la vie ordinaire. Elle se propose aussi d’énoncer une réflexion sur le langage, qui sous-tend certains textes du recueil. Cette écriture spéculaire invite donc le lecteur à s’interroger sur le signe, à l’envisager comme trace inaboutie mais capable dans sa dimension poétique de mener à une vision transcendante du quotidien :
L’Oiseau c’est trop
………
L’accent sur le mot ciel par mégarde N’a même pas glissé au parapet où l’oiseau -toujours sans nom-sifflote entre deux silences. Comment faire sans livre
pour nommer, dessiner sur la paroi leurs mécaniques de plumes vertes ? bleues ? bleuvertes ? Le noir n’est que du gris la mouette et son œil bouton
deviendra plus tard une bottine Comment approcher du jeune né qui se Cogne sur la pierre, l’ouvrier l’imitera Sur son théâtre de planches
….
Comment rendre compte de cette perception accrue et sans concession des évidences, telle est la question que pose ici l’auteur. Comment énoncer une réalité si souvent violente, ancrer la poésie au réel mais ne pas l’y perdre.
Lire Cœur passager c’est se laisser embarquer dans l’univers de Marie-Christine Brière. La prégnance du quotidien ne fait en rien de cette poésie une poésie du réel. Bien au contraire, qu’il s’agisse de l’appareil paratextuel ou du choix d’une mise en œuvre syntaxique et paradigmatique qui permet les envolées sémantiques du signe, tout est prétexte à porter une réflexion sur la nature du langage poétique ainsi que sur l’ordinaire de l’existence dont l’auteur propose une lecture sensible. Les épigraphes sont à cet égard éloquentes : pour épigraphe d’œuvre, choisir une citation d’Anne Teyssiéras qui précède immédiatement une phrase de Philippe Jaccottet tirée de L’Ignorant, placée au début du premier chapitre, n’est pas neutre : ici s’énonce la volonté de se placer dans le sillage de ces auteurs et dit l’ambition de faire de la parole poétique un outil qui ouvre à une perception herméneutique du monde, et qui mène à son exégèse. Et Bernard Noël convoqué au chapitre trois sous le titre « Embarqués » soutient ces présences liminaires. La poésie est carte et boussole, outil et objet, nécessaires assemblages des signes qui peuvent rendre compte de ce regard prégnant, spéculaire, révélateur. Mais n’est-ce pas là, dans les déflagrations du signe, que se trouve l’accomplissement, que s’énonce la liberté ?
La Pédagogie
Mâchez la poésie Mâchez le poème Elèves inouïs Sortis des bois à peine Sauvages nez à nez Avec ceux qui les ont écrits vous êtes de ce monde
Ou alors naviguez C’est le bon moment Prenez le large Dans le débris du bruit aigu Des carreaux cassés Dans les fuites des décharges Dans vos minuscules incendies Vos nuées oranges Et jeux de cailloux
Carole Mesrobian (in recoursaupoème.fr, sommaire n°112, septembre 2014).
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Critiques
"Un recueil surprenant, dense et varié. Marie-Christine Brière a l'art d'écrire des poèmes cadrés. En une page, on découvre un portrait, souvent de quelqu'un, nommé parfois en titre, ou bien un paysage d'un lieu de même titré. Et l'on embarque pour ces photos comme dans un album, chaque texte guidant une visite aux confins des êtres ou du monde... le mot bonheur qui répandu placerait son bandeau - lisse sur les yeux d'enfants perdus. Amour, amitié, voyage. Empathie avec les gens et la nature. La seconde observation que l'on retient se trouve être dans la forme; les mots passent les vers, enjambant facilement, et enchaînant les phrases, ce qui provoque fluidité et vitesse: l'eau passe à peine sur le dos des pierres. Son écriture si particulière ne se prive pas de raconter, tout en chevauchant l'image si l'occasion se présente. Rien n'est prémédité, la poésie se matérialise au fur et à mesure que l'encre sèche sur le cahier. Un nuage a égaré sa guimbarde. On pense surréalisme bien sûr, dans une version baroque, et pourquoi n'en serais-ce pas ? mais je crois qu'il y a surtout le regard de Marie-Christine Brière à focalisations variées, et qui bouge instantanément, macro, plan large ou panoramique... le lecteur change de plan à chaque vers: Un train dans son roulement d'oreille - révèle une route lointaine, oubliée."
Jacques Morin (in Décharge ,n°160, décembre 2013).
"Le titre du recueil de Marie-Christine Brière sonne comme une invitation à embarquer aux côtés du poète, à nous laisser emporter au gré des lignes noircies de mots. Ainsi le parcours proposé au lecteur est-il jalonné par les titres de parties qui annoncent les étapes du voyage : « Amarrages », « A bord penchés tremblants », « Attaches », « Embarqués », « Humour rameur », « Et sur l’arche, un pépiement de création ». Comment ne pas deviner ici qu’il s’agit d’une liste des étapes progressives qui mènent à l’accomplissement du parcours poétique, ainsi qu’une manière d’énumération du périple auquel est invité le lecteur enserré à l’énoncé dans les pluriels employés par l’auteur ?
Alors qu’est-ce à dire ? Avant même la lecture des textes nous voyons se déployer le champ lexical de la navigation, métaphore de la traversée du réel portée par l’énonciation poétique dans sa puissance à décaler les rouages du signe. Un trajet au-delà des apparences données à voir à travers un quotidien dont le poète s’imprègne et dont elle énonce les détours sans apitoiement mais avec toujours un regard à l’Humanité. Le paysage habituel n’est plus insignifiant, il n’est plus tableau d’habitudes égrainées jour à jour. Grâce aux mises en œuvres paradigmatiques, dans le choix du lexique, et à une syntaxe qui permet les glissements sémantiques, il se dévoile à travers des dispositifs ainsi dévolus à la parole poétique.
En plongée dans les attentes A la table du café Les paroles contenues Disent le dehors des femmes Talons fins, robes noires
Un planeur descend des yeux Le repas, heure légale Assène son cliquetis Par un trou de porte ouverte
Barreau de fer midi coupe L’ombre en loques des auvents Vêtus de bleu unanime Les passants cherchent le soir
Dans sa forme, une poésie au vers et à la rime libres de toute contrainte, et des titres qui précèdent chaque texte. Pas de ponctuation ou rarement employée, et une syntaxe qui rythme la structure du vers. Une disposition à la page qui fait sens tant la gestion de l’espace typographique est signifiante : strophes en retrait, groupes de vers détachés, la forme soutient le paradigme dévolu à un lexique servi par des mots appartenant au registre courant, afin d’étayer la totalité des envolées du signe.
Alors il n’est pas étonnant lorsque nous suivons ce parcours poétique de constater que cette prégnance du réel au discours en propose une lecture herméneutique. Les étapes du quotidien énoncées par Marie-Christine Brière ne sont qu’occasions d’ouvrir à une dimension qui en transcende les apparences. Et la parole poétique emporte alors au-delà des contours. Ainsi ce titre oxymore, telle la poésie du recueil qui dit les apparences et leurs revers, Flocons noirs :
De là-bas et si haut tout est oie Mais tout n’est pas cygne Les nuages tombèrent en suie Un jour où nous avions gobé l’œuf Entrées dans une maison à terre Les mésanges de l’enfance Ne pouvaient en sortir Sans curiosité de nous
De là-bas en bas des gloires Portaient bonheur pas de nuage Sans frange d’argent dit le proverbe Mais les humains occupés donnent Miettes à celui-là le crucifié Etonnés de trouver l’homme-dieu Dément, torturé même à l’offert Sur la table d’une brocante
A partir d’une lecture sensible du réel, Marie-Christine Brière mène le lecteur au seuil d’un univers poétique qui en dévoile les arcanes grâce à la puissance des images évoquées. Et cette ambition herméneutique des textes de Cœur passager ne se limite pas seulement à une percée métaphorique de la vie ordinaire. Elle se propose aussi d’énoncer une réflexion sur le langage, qui sous-tend certains textes du recueil. Cette écriture spéculaire invite donc le lecteur à s’interroger sur le signe, à l’envisager comme trace inaboutie mais capable dans sa dimension poétique de mener à une vision transcendante du quotidien :
L’Oiseau c’est trop
………
L’accent sur le mot ciel par mégarde N’a même pas glissé au parapet où l’oiseau -toujours sans nom-sifflote entre deux silences. Comment faire sans livre
pour nommer, dessiner sur la paroi leurs mécaniques de plumes vertes ? bleues ? bleuvertes ? Le noir n’est que du gris la mouette et son œil bouton
deviendra plus tard une bottine Comment approcher du jeune né qui se Cogne sur la pierre, l’ouvrier l’imitera Sur son théâtre de planches
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Comment rendre compte de cette perception accrue et sans concession des évidences, telle est la question que pose ici l’auteur. Comment énoncer une réalité si souvent violente, ancrer la poésie au réel mais ne pas l’y perdre.
Lire Cœur passager c’est se laisser embarquer dans l’univers de Marie-Christine Brière. La prégnance du quotidien ne fait en rien de cette poésie une poésie du réel. Bien au contraire, qu’il s’agisse de l’appareil paratextuel ou du choix d’une mise en œuvre syntaxique et paradigmatique qui permet les envolées sémantiques du signe, tout est prétexte à porter une réflexion sur la nature du langage poétique ainsi que sur l’ordinaire de l’existence dont l’auteur propose une lecture sensible. Les épigraphes sont à cet égard éloquentes : pour épigraphe d’œuvre, choisir une citation d’Anne Teyssiéras qui précède immédiatement une phrase de Philippe Jaccottet tirée de L’Ignorant, placée au début du premier chapitre, n’est pas neutre : ici s’énonce la volonté de se placer dans le sillage de ces auteurs et dit l’ambition de faire de la parole poétique un outil qui ouvre à une perception herméneutique du monde, et qui mène à son exégèse. Et Bernard Noël convoqué au chapitre trois sous le titre « Embarqués » soutient ces présences liminaires. La poésie est carte et boussole, outil et objet, nécessaires assemblages des signes qui peuvent rendre compte de ce regard prégnant, spéculaire, révélateur. Mais n’est-ce pas là, dans les déflagrations du signe, que se trouve l’accomplissement, que s’énonce la liberté ?
La Pédagogie
Mâchez la poésie Mâchez le poème Elèves inouïs Sortis des bois à peine Sauvages nez à nez Avec ceux qui les ont écrits vous êtes de ce monde
Ou alors naviguez C’est le bon moment Prenez le large Dans le débris du bruit aigu Des carreaux cassés Dans les fuites des décharges Dans vos minuscules incendies Vos nuées oranges Et jeux de cailloux
Carole Mesrobian (in recoursaupoème.fr, sommaire n°112, septembre 2014).
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"Un recueil surprenant, dense et varié. Marie-Christine Brière a l'art d'écrire des poèmes cadrés. En une page, on découvre un portrait, souvent de quelqu'un, nommé parfois en titre, ou bien un paysage d'un lieu de même titré. Et l'on embarque pour ces photos comme dans un album, chaque texte guidant une visite aux confins des êtres ou du monde... le mot bonheur qui répandu placerait son bandeau - lisse sur les yeux d'enfants perdus. Amour, amitié, voyage. Empathie avec les gens et la nature. La seconde observation que l'on retient se trouve être dans la forme; les mots passent les vers, enjambant facilement, et enchaînant les phrases, ce qui provoque fluidité et vitesse: l'eau passe à peine sur le dos des pierres. Son écriture si particulière ne se prive pas de raconter, tout en chevauchant l'image si l'occasion se présente. Rien n'est prémédité, la poésie se matérialise au fur et à mesure que l'encre sèche sur le cahier. Un nuage a égaré sa guimbarde. On pense surréalisme bien sûr, dans une version baroque, et pourquoi n'en serais-ce pas ? mais je crois qu'il y a surtout le regard de Marie-Christine Brière à focalisations variées, et qui bouge instantanément, macro, plan large ou panoramique... le lecteur change de plan à chaque vers: Un train dans son roulement d'oreille - révèle une route lointaine, oubliée."
Jacques Morin (in Décharge ,n°160, décembre 2013).
"Le titre du recueil de Marie-Christine Brière sonne comme une invitation à embarquer aux côtés du poète, à nous laisser emporter au gré des lignes noircies de mots. Ainsi le parcours proposé au lecteur est-il jalonné par les titres de parties qui annoncent les étapes du voyage : « Amarrages », « A bord penchés tremblants », « Attaches », « Embarqués », « Humour rameur », « Et sur l’arche, un pépiement de création ». Comment ne pas deviner ici qu’il s’agit d’une liste des étapes progressives qui mènent à l’accomplissement du parcours poétique, ainsi qu’une manière d’énumération du périple auquel est invité le lecteur enserré à l’énoncé dans les pluriels employés par l’auteur ?
Alors qu’est-ce à dire ? Avant même la lecture des textes nous voyons se déployer le champ lexical de la navigation, métaphore de la traversée du réel portée par l’énonciation poétique dans sa puissance à décaler les rouages du signe. Un trajet au-delà des apparences données à voir à travers un quotidien dont le poète s’imprègne et dont elle énonce les détours sans apitoiement mais avec toujours un regard à l’Humanité. Le paysage habituel n’est plus insignifiant, il n’est plus tableau d’habitudes égrainées jour à jour. Grâce aux mises en œuvres paradigmatiques, dans le choix du lexique, et à une syntaxe qui permet les glissements sémantiques, il se dévoile à travers des dispositifs ainsi dévolus à la parole poétique.
En plongée dans les attentes A la table du café Les paroles contenues Disent le dehors des femmes Talons fins, robes noires
Un planeur descend des yeux Le repas, heure légale Assène son cliquetis Par un trou de porte ouverte
Barreau de fer midi coupe L’ombre en loques des auvents Vêtus de bleu unanime Les passants cherchent le soir
Dans sa forme, une poésie au vers et à la rime libres de toute contrainte, et des titres qui précèdent chaque texte. Pas de ponctuation ou rarement employée, et une syntaxe qui rythme la structure du vers. Une disposition à la page qui fait sens tant la gestion de l’espace typographique est signifiante : strophes en retrait, groupes de vers détachés, la forme soutient le paradigme dévolu à un lexique servi par des mots appartenant au registre courant, afin d’étayer la totalité des envolées du signe.
Alors il n’est pas étonnant lorsque nous suivons ce parcours poétique de constater que cette prégnance du réel au discours en propose une lecture herméneutique. Les étapes du quotidien énoncées par Marie-Christine Brière ne sont qu’occasions d’ouvrir à une dimension qui en transcende les apparences. Et la parole poétique emporte alors au-delà des contours. Ainsi ce titre oxymore, telle la poésie du recueil qui dit les apparences et leurs revers, Flocons noirs :
De là-bas et si haut tout est oie Mais tout n’est pas cygne Les nuages tombèrent en suie Un jour où nous avions gobé l’œuf Entrées dans une maison à terre Les mésanges de l’enfance Ne pouvaient en sortir Sans curiosité de nous
De là-bas en bas des gloires Portaient bonheur pas de nuage Sans frange d’argent dit le proverbe Mais les humains occupés donnent Miettes à celui-là le crucifié Etonnés de trouver l’homme-dieu Dément, torturé même à l’offert Sur la table d’une brocante
A partir d’une lecture sensible du réel, Marie-Christine Brière mène le lecteur au seuil d’un univers poétique qui en dévoile les arcanes grâce à la puissance des images évoquées. Et cette ambition herméneutique des textes de Cœur passager ne se limite pas seulement à une percée métaphorique de la vie ordinaire. Elle se propose aussi d’énoncer une réflexion sur le langage, qui sous-tend certains textes du recueil. Cette écriture spéculaire invite donc le lecteur à s’interroger sur le signe, à l’envisager comme trace inaboutie mais capable dans sa dimension poétique de mener à une vision transcendante du quotidien :
L’Oiseau c’est trop
………
L’accent sur le mot ciel par mégarde N’a même pas glissé au parapet où l’oiseau -toujours sans nom-sifflote entre deux silences. Comment faire sans livre
pour nommer, dessiner sur la paroi leurs mécaniques de plumes vertes ? bleues ? bleuvertes ? Le noir n’est que du gris la mouette et son œil bouton
deviendra plus tard une bottine Comment approcher du jeune né qui se Cogne sur la pierre, l’ouvrier l’imitera Sur son théâtre de planches
….
Comment rendre compte de cette perception accrue et sans concession des évidences, telle est la question que pose ici l’auteur. Comment énoncer une réalité si souvent violente, ancrer la poésie au réel mais ne pas l’y perdre.
Lire Cœur passager c’est se laisser embarquer dans l’univers de Marie-Christine Brière. La prégnance du quotidien ne fait en rien de cette poésie une poésie du réel. Bien au contraire, qu’il s’agisse de l’appareil paratextuel ou du choix d’une mise en œuvre syntaxique et paradigmatique qui permet les envolées sémantiques du signe, tout est prétexte à porter une réflexion sur la nature du langage poétique ainsi que sur l’ordinaire de l’existence dont l’auteur propose une lecture sensible. Les épigraphes sont à cet égard éloquentes : pour épigraphe d’œuvre, choisir une citation d’Anne Teyssiéras qui précède immédiatement une phrase de Philippe Jaccottet tirée de L’Ignorant, placée au début du premier chapitre, n’est pas neutre : ici s’énonce la volonté de se placer dans le sillage de ces auteurs et dit l’ambition de faire de la parole poétique un outil qui ouvre à une perception herméneutique du monde, et qui mène à son exégèse. Et Bernard Noël convoqué au chapitre trois sous le titre « Embarqués » soutient ces présences liminaires. La poésie est carte et boussole, outil et objet, nécessaires assemblages des signes qui peuvent rendre compte de ce regard prégnant, spéculaire, révélateur. Mais n’est-ce pas là, dans les déflagrations du signe, que se trouve l’accomplissement, que s’énonce la liberté ?
La Pédagogie
Mâchez la poésie Mâchez le poème Elèves inouïs Sortis des bois à peine Sauvages nez à nez Avec ceux qui les ont écrits vous êtes de ce monde
Ou alors naviguez C’est le bon moment Prenez le large Dans le débris du bruit aigu Des carreaux cassés Dans les fuites des décharges Dans vos minuscules incendies Vos nuées oranges Et jeux de cailloux
Carole Mesrobian (in recoursaupoème.fr, sommaire n°112, septembre 2014).
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Critiques
" Lisez ce beau recueil qui convie le lecteur à une recherche patiente, là où jour et nuit se mélangent en de curieuses et bouleversantes alchimies, alors que l’instant, par sa fragilité même, ouvre les chemins de la durée: (...) il te faudra te ressaisir, / recommencer contre l’obscurité, / l’amenuiser de son triomphe même, / tenir des promesses précaires. Car il s’agit bien d’un perpétuel recommencement, non sans douleur, mais sans amertume, puisque cette vie quotidienne et menacée doit conduire à sa propre naissance. "
Catherine FUCHS, in La Revue de Belles-Lettres, n° 2, 1995, p. 137.
" Dans les trois parties de cet ouvrage […], Paul FARELLIER se met à l’épreuve, avec une rigueur impitoyable et douce. Être est d’abord descendre en soi, avec certitude et quelque effroi mais c’est aussi en venir à ce point d’acuité qui épouse les choses défaites, jusqu’à délivrer « le flux rapide de l’éternel ». […] Toujours, Paul FARELLIER a un sens aigu des pouvoirs de perception : la moindre vibration libère un sens multiple, une lumière dont l’excès serait mortel. La fin provisoire du chemin, dans la complexité indiscernable, s’émerveille des cris les plus élancés malgré la lancinante prison intérieure. Un secret, terrible, rassurant, veille. "
Gilles LADES, in Friches, n° 45, hiver 1994.
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Critiques
"Je voudrais pointer deux poètes qui incarnent un mouvement nouveau de la poésie française actuelle : l’un, Matthieu Baumier, avec Le silence des pierres (Le Nouvel Athanor), porteur d’une révolte blanche, froide et implacable ; l’autre, Christophe Dauphin, avec L'ombre que les loups emportent, poèmes 1985-2000 (Les Hommes sans Epaules éditions), porteur d’une révolte noire, fraternelle et conquérante. Les deux arpentent les terres de la poésie d’un pas ferme et avec une écoute chasseur expérimenté. Que leur prend-il alors de se dresser soudain ? Pourquoi veulent-ils en découdre, alors que leur culture devrait les attirer vers une poésie sagement communautaire ? Il y a chez l’un et l’autre la conviction que le « Recours au poème » agirait comme une arme salvifique sur le monde d’aujourd’hui ou que le poète est aujourd’hui le dernier « porteur de feu » nécessaire pour produire un lendemain. Fini donc le temps des recherches formelles, des plaintes délicates et lointaines ! Aujourd’hui – soudain – une gravité (Baumier) une urgence (les deux), une ivresse (Dauphin) mobilisent le poète au-delà de lui-même, le forcent (Baumier) ou l’exaltent (Dauphin) à sortir la poésie de sa dimension littéraire (synonyme d’échangeable, discutable, comparable…), pour revenir à sa dimension première qui est le débordement, l’impatience, l’inévitable, l’obligation d’une lutte à bras-le-corps contre le destin, qu’on pourrait définir en mots actuels comme une aspiration incontrôlable et séculaire à se défaire de l’idée de l’homme. Comme rappelée à sa vocation, leur poésie se condense, se fait muscle, arme et entraîne vers les horizons de « l’après fin du monde » (où nous sommes)… Il est aussi significatif de noter que l’un et l’autre animent collectivement des communautés de poètes à travers le site poétique de « Recours au poème » pour Matthieu Baumier et la revue « Les Hommes sans Epaules » pour Christophe Dauphin…
La poésie de Christophe Dauphin, comme l’introduit Jean Breton dans sa préface à L’ombre que les loups emportent, est un « feu » et « un coup de poing ». L’autre élément immédiatement pointé dans la préface et que je rejoins plutôt deux fois qu’une, c’est celui de guide lyrique qu’incarne Christophe Dauphin. Un guide sûr, généreux, solaire, riche d’une confiance jamais entamée. Un guide pour un combat toujours à mener : « Battons-nous jusqu’au jaillissement de l’homme », un soleil qui se fait noir par son besoin de justice et sa volonté de tenir l’homme libre. Plonger dans cette anthologie de près de cinq cents pages, c’est prendre l’océan d’assaut, retrouver l’appétit du large, des grands espaces et des rencontres. Essayons d’ordonner les impressions et sentiments que la lecture de ces poèmes souleva au long de cette traversée.
La première est la joie de retrouver si vivante la grande veine du surréalisme ; ainsi donc sa vitalité, son immédiateté ne sont pas mortes. Des poètes la portent fièrement et usent de ses moyens splendides. Exemples : « il est minuit / vos doigts ne servent à rien », ou « ton nom est la lame de mon couteau », ou « après la lune au regard d’ange, l’ouragan marche sur des planches ».
La deuxième est le plaisir, si rare, de trouver un grand poète français, c’est-à-dire, qui connaît le pulpe de notre langue et retrouver ces accents classiques qui donnent envie d’apprendre par cœur ses vers pour les réciter. Exemple : « Je suis l’enfant du grenier / où rien ne bouge » ou « Paris le bleu des vagues et l’ombre des réverbères ».
La troisième est la satisfaction d’un poète qui ose tout : le journalisme, le manifeste, le pamphlet, l’aphorisme, la prose, la vitesse, le collage, le parti-pris, le croc-en jambe. Le poète est un animal dangereux quand il traverse la rue. Exemple : « Je parle droit je parle net / je ne ravale pas mon crachat », ou « Mon adolescence fut banlieusarde /Une nuit noire à pied de biche / cigarette en main ».
La quatrième est la gravité d’approcher des confidences d’un cœur doué pour la rencontre, attentif, à l’écoute, qui accepte de se perdre dans l’échange. Exemple qui me touche particulièrement : « Le jour commençant / me dit Elodia Turki / ne dicte rien et nous devance », ou encore son attachement à une fraternité, sa reconnaissance et sa fidélité à une communauté de poètes et d’amis : « Dans la nuit mes amis / je retrouve vos visages ».
La cinquième est la complicité secrète à son anarchie qui mélange un communisme social et une protestation lapidaire proche de la Beat Generation (pensez au « Blind poet » de Ferlinghetti) ; « « le consommateur est un citoyen raté ». Ou « Choisissez vos armes : la Colère, la révolte ou l’Amour » (je suppose que Dauphin n’a pas choisi et a pris les trois). Ou « Un poète est un coup de poing dans la gueule du réel ». A lire intégralement, son poème « cela ne se discute même pas », dont je ne résiste pas au plaisir de vous donner quelques vers : « plutôt Maïakovski que le parti (..) / plutôt ma femme que la tienne ( ..) / plutôt mon enfance que mon adolescence ( ?..) / plutôt le nœud que le papillon (..) / plutôt le cri que le silence / plutôt la boucle que l’oreille (..) / plutôt oui que non (..) » La sixième est une adhésion profonde à l’ambition humaniste de sa poésie, fût-elle empreinte d’une volonté d’effacer Dieu de tout horizon (« Plutôt l’homme que Dieu »), car on ne peut trouver Dieu qu’en cherchant l’homme. Et c’est pourquoi, bien souvent, la poésie des poètes communistes, dont Dauphin est le fils spirituel, par leur simplicité et leur élan me semble porteuse d’une foi plus vivante (et plus riche) que bien des poètes chrétiens. Exemple : « Je est un pluriel de paupières / le poème est une rencontre humaine », ou « Mon usine / c’est l’amour que le poète construit / pour les autres – presque tous les autres ».
On ne peut que regretter le manque d’intérêt des grands critiques pour ce qui se passe en poésie. Pourquoi condamner au silence la vie et le dynamisme qu’on y trouve ? Pourquoi retirer cette pièce maîtresse de la création ? J’avoue ne pas comprendre. "
Pierrick de CHERMONT (in revue Nunc n°31, octobre 2013).
"J’ai eu la chance, enfin, de lire Christophe Dauphin il y a quelques années seulement. Que de temps perdu jusque là ! Et depuis sa parole, si proche, si justement essentielle, ne m’a pas quitté. Comme une voix d’ami dans les joies et dans les peines. Puis, lors d’un Printemps des Poètes, j’ai eu cette fois l’heur de passer deux jours avec lui, dans l’Eure justement, son département aimé. Nous étions un peu comme Laurel (moi) et Hardy (lui). Mais j’ai compris que cet homme intègre, vrai, serait effectivement un ami désormais quoi qu’il advienne : sa voix et lui ne faisaient qu’un. Et si j’ose parler d’amitié, de cette valeur suprême qui nous est commune, c’est que nous habitons tous deux sur une même île ouverte à tous les vents, tenus par la même conviction inébranlable quant à l’urgence du rêve et de la poésie. Comme moi, entre l’amour et la révolte, il choisit l’amour et la révolte ! Et je reçois aujourd’hui L’ombre que les loups emportent comme la confirmation de ce qui nous unit.
À voir l’ouvrage, on pense tenir là un pavé romanesque. Ou alors une de ces anthologies dont l’auteur a le secret : 461 pages ! Un ouvrage à la taille de ce colosse qui impose par sa stature avant d’en imposer par sa parole. Quelle audace ! Aucun poète n’ose aujourd’hui publier de tels volumes. On trouve dans L’ombre que les loups emportent les poèmes publiés par Christophe Dauphin de 1985 à 2000. À 32 ans, il avait déjà une œuvre derrière lui. Et quelle œuvre !
Dès ses premiers textes en 1985 (comme un Rimbaud, il n’a alors, et peut-être à jamais, que 17 ans) ce chantre de l’émotivisme écrit que « l’amour est à réinventer » et cet aphorisme augure, et ce de façon magistrale, de l’œuvre qui suivra. Dès ce moment, la poésie de Christophe claque, cogne et caresse comme une évidence et avec une sûreté extraordinaire qui n’est agie par nulle certitude mais par la vraie rébellion, par le plus brûlant amour. Christophe Dauphin nous fait croire plus que jamais à cette aventure fabuleuse des mots de sang qui est l’honneur des hommes.
Avec lui, la poésie est belle et rebelle. Belle parce que rebelle quand « La révolte et l’amour logent dans l’étoile de nos pas ». Belle aussi contre tous ceux qui voudraient enterrer le mot « beauté ». Nous avons là une écriture quasi incendiaire (le feu y est aussi présent que le cri), une poésie du sens multiplié bien au delà de cette polysémie absconse des petits maîtres qui trop souvent confine à l’insignifiance.
Il a trouvé le juste accord, la tonalité exacte de l’image surréaliste à hauteur d’homme. Une image d’une extraordinaire sensualité : « tes jambes prennent leur source dans mes mains » ; « ce sont les femmes qui m’inventent » ; « c’est une femme / Enroulée comme une bague autour de moi »… L’envie me prend de tout citer.
Dauphin, un grand poète ? Au diable ces qualificatifs éculés ; la poésie n’a pas à être grande mais à être vraie. J’ose dire ici simplement que Christophe Dauphin est peut-être le plus vrai poète français de ce temps."
Guy ALLIX (in Mediapart, le 1er décembre 2012).
"Les textes. L’acte créateur et vivificateur de donner, de se donner. De compromettre l’instance de repli, de retrait, pour l’amour d’une attente, d’une exigence, d’un simple relais dans le geste salvateur, instrumental du livre, dans le geste de penser, de dire, de transcrire : l’ensemble des recueils de Christophe Dauphin, s’étendant sur plusieurs années, pourrait s’entendre comme vingt-quatre heures de la vie d’un corps. D’un corps assurément né en poésie, à vocation précoce, fertilisant jusqu’à l’extrême de par ses forces et ses intentions, de par ses rigueurs oblatives, le mouvement même de la vie, et en lequel les fastes de tous les désirs sans faille ni dichotomie, à parts égales, dans une vigueur unitive, au plus profond s’inscrivent. Un corps d’un réservoir infini, une grille, une arche poétique, perpétuellement en alerte, un de ces « qui-vive », captant toutes les espèces d’étincelles, des plus fondamentales, des plus matérielles aux plus oniriques, et qui n’en aurait jamais fini de se tendre, d’éprouver, de se confronter. Vingt-quatre heures de la vie d’un corps qui naît sans discontinuer de sa quête, ses prismes intrinsèques, aussi de sa présence aux événements du monde, y apportant son « commentaire », au plus vrai, son commentaire concret et substantiel, au sens de se rendre au mystère, au sens de vivre et d’aimer, agissant pragmatiquement par le biais des écrits, érigeant sa beauté inté-rieure en vindicte, versant l’action des lettres dans l’indigence et l’immobilisme. Il y a, dans cet homme qui consigne, un chirurgien averti qui traite, avec les instruments de la parole et des signes, les plaies et les ulcères de son temps. Il y a un homme qui opère avec justesse et précision, les yeux ouverts sur l’infection, et s’achemine de guerre en guerre, de passion en passion, vers l’ouvert et la transparence. Car jamais les mains du poète ne se déprennent du matériau vivant, jamais elles ne battent pour leur propre compte ; je le répète, il y a dans sa cure d’écriture, une morsure guérissant tous les maux du dégoût de l’injustice et de la solitude. Christophe Dauphin est un meneur de rêves, de rêves solides, coriaces, de rêves d’élite qu’il lance dans le feu de toutes les batailles. Dressé, toujours nouveau dans son armement sensuel de mots - chez lui le verbe a un sexe -, dans une poétique efficiente du partage et de l’engagement. Car le comble de Christophe Dauphin est cette générosité de l’intelligence. Pour preuve, je cite l’ensemble de l’oeuvre et l’ensemble du corps, d’un seul tenant, prêt à défier, au seuil d’un poème d’avenir, tous les carcans de la désespérance."
Odile COHEN-ABBAS (in Les Hommes sans Epaules n°35, 2013).
"Christophe Dauphin est un poète majeur du monde contemporain, un poète qui assume pleinement la fonction d’éveilleur, fonction traditionnelle du poète. C’est dans le choix de l’alternative nomade que Christophe Dauphin transmet, avec une grande originalité, non une connaissance, mais un art de se relier librement au réel. Il maintient en alerte, une double alerte, l’une pour la personne afin qu’elle ne se laisse pas engluer par la bêtise envahissante, l’autre à la l’individu, la part indivisible, afin qu’elle préserve les chemins sinueux qui conduisent à l’être. Poèmes de queste, profondément initiatiques, voyages au centre de soi-même, ses textes sont sans concession au monde des apparences. C’est le réel qu’il veut, et rien d’autre, ce réel qui pointe dans le temps du rêve où les mots se défont pour s’assembler dans une langue inconnue qui résonne comme la cloche du monastère qui annonce l’heure du silence, tout prêt du sommet de la montagne. Réenchantement des mondes, les poèmes de Christophe Dauphin libèrent les espaces des carcans de préjugés des mondes normés afin que l’esprit se déploie. Après Totems aux yeux de rasoir, poèmes 2001-2008, ce nouveau recueil rassemble les poèmes de la période 1985-2000 dans un volume de près de 500 pages. Essayiste et critique littéraire, Christophe Dauphin, inscrit consciemment dans le poème continu de la vie, laisse une trace subtile avec l’encre des émotions."
Rémi BOYER (in incoherism.owni.fr, le 1er décembre 2012).
"Imprégné par les avancées du Surréalisme, Christophe Dauphin s’en est dégagé autant par son inspiration que par son écriture. Son livre est par excellence la somme qui le prouve. Elle permet aussi de voir un pan du chemin de celui qui caresse l’utopie comme il ouvre parfois à des chants moins sereins. Adepte des voyages sous toutes ses formes, « par la rivière Kwai » comme sur « les pas de Baudelaire dans les voiles », de la nuit mexicaine aux touffeurs de Samarkand, à travers un tableau de Monet, de Madeleine Novarina ou de Frida Khalo le poète est toujours au plus près de la vie : le monde est là. L’idéalisme du poète ne l’expurge pas de ses miasmes. De même sa propension à l’absolu ne prive pas le lecteur de toute une sensualité. Dauphin crée une œuvre qui se dérobe à l’ombre même s’il se dit « un crépuscule aux mains coupées ». Et si la poésie ne sauve pas elle cicatrise un peu. Certes la peau est souvent prête à éclater à nouveau, le sang pulse mais il n’empêche que l’écriture métamorphose tout – jusqu'au « collier de Buick et de Lada » sur l’île de Cuba.
Il existe dans une telle œuvre des sortes de narrations plastiques poétiques qui forcent l'espoir en luttant contre la réalité lorsque nécessaire. L’écriture est donc la source de la résistance à la vérité instrumentalisée comme à l’amour déçu. La femme y est d’ailleurs présente de manière paradoxale, hors champ. Et le poème devient parfois par-delà la douleur le lieu sourd de rêves provoqués par les attentes que la femme comme les lieux provoquent. Dans ces derniers réside toujours quelque chose d’intime qui joue de l’entre deux : l’ici et le là-bas, l’avant et l’après.
Le visible et l’énoncé suggèrent de l’invisible et du tu, du nous, du liant et du lien – c’est d’ailleurs une idée mère chez Dauphin. Un tel livre permet de traverser les couches sédimentaires d’une œuvre et d’une existence. Certes son contenu ne se confond pas avec le signifié. Dauphin élabore des énoncés qui n’ont rien de « médico-légaux». Ils expriment un état particulier de la visibilité du monde et de la profondeur des émotions et leur charge d'ineffable que l’artiste engendre et nourrit. Chaque texte révèle le cri de vie, d'amour, d'exigence intérieure. C’est pourquoi il se conçoit comme un espace à relire et relire pour découvrir ce qu’il en est - par-delà le poète - de l’être et de ce qui le met en question et l’affecte dans sa relation au monde. "
Jean-Paul GAVARD-PERRET (in incertainregard.hautetfort.com, 7 octobre 2012).
"Ce n'est pas la première fois que Christophe Dauphin rassemble dans un gros livre ses poèmes de longues périodes de son passé, soit une production incroyablement imposante. Ce fut d'abord Totems aux yeux de rasoir, poèmes 2011-2008 (lire Inédit Nouveau n°248) et maintenant L'ombre que les loups emportent, qui rassemble les poèmes publiés et/ou inédits, de la période allant de 1985 et 2000. Par conséquent cette fois, des poèmes de jeunesse. On y retrouve d'ailleurs les préfaces, très instructives, de Jean Breton, Henri Rode et Alain Breton. Le temps écoulé indique que le poète a changé, et cela aussi aide à mieux comprendre les différences. car Dauphin ne cesse de modifier son approche de la poésie. Il a même lancé le terme d'"émotivisme". Pas pour se séparer de son surréalisme d'origine, auquel il reste absolument fidèle, mais pour marquer sa place dans l'histoire littéraire... Dauphin n'hésite pas à présenter ses successives admirations, sinon ses révoltes, comme cela est le cas, à travers l'assassinat de Malik Oussekine en 1986, mais aussi ses réflexions, qui le construisent aux yeux du lecteur. Quelques exemples: "L'amitié, je la porte comme une écharpe qui réchauffe", ou: "Un ami est quelqu'un avec qui on peut se taire sans s'ennuyer." Un peu plus loin, c'est la poésie qui prend le relais: "Il n'y a que la poésie qui soit vie, tout le reste n'est que boniments." Plus loin encore, Rode le signale: "Christophe Dauphin sait exalter les grands humiliés du temporel par le sentiment", et lui-même refuse "le mètre classique." D'un voyage au Mexique, il a rapporté Frida Kahlo et toute la civilisation aztèque. Décidément, Dauphin est un poète du monde entier ! "
Paul VAN MELLE (in Inédit Nouveau n°260, janvier 2013, La Hulpe, Belgique).
"Avec L'ombre que les loups emportent, Christophe Dauphin rassemble ses poèmes de 1985 à 2000. A ceux qui croient que le surréalisme est mort comme à ceux qui espèrent qu'il est (vraiment) toujours vivant, je conseille cet ouvrage constellé de comètes verbales et d'aphorismes pyrotechniques: "Le printemps est un révolver d'herbes claires". "Il est minuit - Vos doigts ne servent à rien". "La nuit est une gare aux pas invisibles". Oui, le surréalisme - mais humaniste et pas dictatorial à la Breton - est bien vivant. Christophe Dauphin l'actualise sous le nom d'émotivisme."
Roland NADAUS (in Le Petit Quentin n°283, mars 2013).
CE POETE SE NOURRIT DE LA VIE.
" Seule la poésie est vie, tout le reste n'est que boniment ou subsistance", entend démontrer le poète Christophe Dauphin, dans L’ombre que les loups emportent. Christophe Dauphin signe un recueil de poèmes en prise directe avec le monde. Reconnu par le milieu littéarire, l'artiste est originaire de Nonancourt (Eure) où il naît en 1968, dans une demeure de famille acquise depuis plusieurs générations. Il y vit avec ses grands-parents jusqu’à l’âge de 3 ans avant de rejoindre ses parents à Colombes (Hauts-de-Seine). Leur logement surplombe un bidonville où survivent des immigrés de tous bords politiques. L’enfant n’a pas pleinement conscience de cette situation potentiellement explosive mais il observe et s’imprègne de ces images. Pendant les vacances, il retourne dans l’Eure. Son grand-père lui transmet son esprit d’« ouverture culturelle, sa fibre littéraire et sa passion de l’Histoire ». A 9 ans, Christophe découvre Napoléon, Flaubert et Maupassant. Il lit, dessine, s’interroge à propos de la Société et écrit des poèmes. Cette enfance, suivie d’une adolescence tourmentée, constitueront la « matière vivante » de son art poétique. « On naît et on est poète », dit-il. Christophe rencontre des hommes illustres (Léopold Senghor), des écrivains, des poètes (Jean et Alain Breton, Henri Rode). Il se reconnaît dans le surréalisme (une influence qui correspond à l’intrusion du rêve dans la réalité) et dans un courant de la poésie contemporaine dénommé La Poésie pour vivre qui se veut non-élitiste, « émotiviste »* et en lien avec le monde. Jean Breton le définit comme « le poète-phare de sa génération ». A 45 ans, l'Eurois a derrière lui une œuvre constituée d’une trentaine de recueils, essais, anthologies, critiques littéraires. Il est aussi Directeur de l’une des plus prestigieuses et ancienne revue Les Hommes sans Epaules.
* La poésie émotiviste par l’exemple : « Le cœur en papillote - Je tremble d’amour - Dans le calme d’une rue peinte par Giorgio de Chirico » : devant une œuvre plastique du peintre italien Chirico, « chef de file de la peinture métaphysique », le poète ressent une émotion intense proche du sentiment d’amour. « Si le mot oiseau ne vole pas - l’idée me donne des ailes » : l’auteur fait appel à un souvenir. Son ami poète Jean Rousselot lui avait dit que « le mot oiseau comportait toutes les voyelles et que c’était ce qui lui donnait des ailes ». Ici, le poète utilise le pouvoir des mots pour signifier que le mot oiseau vole. « Ne lâche jamais la vie - elle te lâchera elle-même - toujours assez tôt » : en faisant sienne la pensée « Je cherche l’or du temps » d’André Breton, fondateur du surréalisme, l’auteur signifie qu’il faut savoir saisir les doux moments de la vie.
Marie-France Escofier (in Paris Normandie, 25 mars 2013).
"Si vous vous interrogez sur ce qu'est devenu le dadaïsme, le surréalisme, le communisme, la beat generation, ces courants que la flamme poétique embrasa, lui donnant son excès, sa révolte, sa vitesse, son immédiate simplicité, et que vous regardez notre siècle comme une plage à marée basse où le sable, à peine mouillé, si peu scintille et la mer, si loin, trop se confond avec un ciel irréel, ouvrez, ouvrez cette anthologie des poèmes de Christophe Dauphin. Tout est là, généreux, ouvert, fraternel. Aucune nostalgie, mais "la même innocence essentielle" comme l'écrivit Henri Rode. La discussion à peine interrompue, reprend. La parole retrouve ses habits du grand libre. Tout redevient force, envie, combat, rêve, camaraderie. La poésie, à nouveau prolixe, arrose tout ce qu'elle touche, ravive, rafraîchit, reprend le combat au nom de la conscience universelle, se laisse pénétrer par le monde; mourra - nous le savons - sera "l'ombre que les loups emportent", mais les chants qu'elle nous offre, nous feront frères et soeurs des étoiles, des fleuves, des rêves des hauts fonds qui nous rendent plus grands que nos larmes. Dites avec lui, au moins une fois: Je parle de l'homme libre - L'homme aux paupières de fleurs électriques - Que j'étais - Je suis - Je serai."
Pierrick de Chermont (in revue Nunc n°30, juin 2013).
"Selon moi, Christophe Dauphin écrit à main armée. Puisqu’ici c’est le poète qui est évoqué, il est inimaginable - comme pour Michel Voiturier - de concevoir son travail de création annexe ou parallèle à celui du critique, du biographe, de l’animateur des Hommes sans Épaules, agitateur de mémoires sans nostalgie et sentinelle insomniaque sur la ligne de front de la création contemporaine. Il propose dans ses poèmes une lecture boulimique de l’existence, de l’être pris au piège des désirs les plus inutiles de l’humain, ce qui revient à dire : vivre. Christophe Dauphin propose de vivre. Contre la pédanterie, parfois contre soi. Même. N’aurait pas manqué d’ajouter Rrose Sélavy. Christophe Dauphin n’est pas un poète de Poësie, mais de l’intelligence au service d’un quotidien. Il évoque Malik Oussekine. Son poème ne prend pas de coups : il saigne. Christophe Dauphin est l’instant même. Il est toujours possible de dévier avec les fausses toiles « sur le motif » des Impressionnistes d’aujourd’hui. Toute modernité qui se prévaut d’elle est mondaine. Christophe Dauphin comme Michel Voiturier sont aujourd’hui et n’ont pas besoin de se prétendre poètes pour donner ce qu’aucune autre forme de langage n’aborde. Rentrer ici dans les diverses conceptions de la poésie - chacune jamais partagée que par celui-là même qui a développé la sienne - est futile. Lorsque je lis ou entends des poèmes de ces deux-là, unis par l’amitié qui me lie à chacun d’eux, j’espère fermement que c’est bien de cela qu’il s’agit : s’entretenir.
Éric SÉNÉCAL (in Les Hommes sans Epaules n°37, 2014).
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"Poésie de l'émotion qui s'insurge contre les maux du siècle."
Electre, Livres Hebdo, 2013.
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Je n’imaginais pas écrire une lettre ouverte aujourd’hui. Mais Jean-Pierre Thuillat me rappelle amicalement que je n’en ai pas écrit depuis longtemps pour la revue. Et comme je viens de consacrer une émission RCF (« Dieu écoute les poètes ») à Christophe Dauphin, j’ai pensé que je pourrais la prolonger ici, dans ce numéro 118 de Friches.
Justement, commençons : Christophe Dauphin s’auto-proclames athée, parfois à grand renfort d’imageries surréaliste : il a écrit, par exemple, une charge violente contre et pour (« Thérèse, Cantate de l’Ange vagin », éditions Rafael de Surtis, 2006) celle que j’appelle « ma copine » : Thérèse Martin, plus connue sous le nom de sainte Thérèse de Lisieux et à laquelle j’ai, alors maire de Guyancourt, consacré une voie publique… parce qu’elle était aussi poète… Il est vrai que cette grande petite sainte est, comme Dauphin, Normande et que ce dernier porte en lui profondément ce que Léopold Sédar Senghor, dont il fut l’ami et par certains côtés le disciple, appela sa « normandité ». L’œuvre poétique de Christophe Dauphin y fait très souvent référence avec bonheur et il a même consacré une belle anthologie aux poètes en Normandie du XIe siècle à nos jours : « Riverains des falaises » (éditions clarisse, 2012).
A propos de l’anthologie, Dauphin, qui est un boulimique de la lecture et de l’écriture, a également publié « Les riverains du feu » (Le Nouvel Athanor, 2009), un ouvrage anthologique dédié aux poètes qu’il rassemble sous le vocable émotivisme ». Ce concept, qu’il développe et qu’il illustre de cinq cents pages et qui reprend des extraits de recueils de plus de deux cents poètes (!), est au cœur de sa pensée et son écriture.
Car si Christophe Dauphin s’insère dans une filiation surréaliste, ce n’est pas pour singer un mouvement disparu, mais au contraire pour en poursuivre l’esprit – dont il juge qu’il est toujours extrêmement vivant. Et il est vrai que ses poèmes brillent souvent d’un éclat surprenant grâce aux images dont il a le secret et qui laissent le lecteur pantois et admiratif devant leur inventivité et leur puissance. Dans son recueil, « Le gant perdu de l’imaginaire » (Le Nouvel Athanor, 2006), qui est un choix de poèmes écrits entre 1985 et 2006, on en trouve à toutes les pages, ainsi à la première :
« La lune a mis ses bretelles sur l’idée de beauté
Un train déraille dans la bouteille de la nuit
Il est temps de décapiter la pluie
D’égorger l’orage… »
Mais si j’ouvre ce beau recueil à n’importe quelle autre page, je reconnais le poète prince de l’image, roi de la métaphore :
« Le sourire d’une femme est la lame de fond du regard
Debout entre trois océans »
Il faudrait aussi parler de son livre « Totems aux yeux de rasoirs » (éditions Librairie-Galerie Racine, 2010), préfacé par son ami Sarane Alexandrian, qui fut le très proche collaborateur d’André Breton et le directeur de la revue « Supérieur Inconnu », à laquelle Dauphin collabora. Ou bien encore parler de ce gros ouvrage recueillant des poèmes, des notes, des aphorismes : « L’ombre que les loups emportent (Les Hommes sans Epaules éditions, 2012). Henri Rode surnomme Christophe Dauphin « l’ultime enfant du siècle et la fête promise ». C’est que, très tôt, dauphin a senti bouillonné en lui la poésie, indissociable de la révolte et de l’amour.
L’amour n’est d’ailleurs pour Dauphin pas loin de l’amitié à laquelle il sacrifie fidèlement notamment à travers la revue qu’il dirige : « Les Hommes sans Epaules », qui a d’ailleurs consacré une anthologie à ses collaborateurs de 1953 à 2013 sous le titre « Appel aux riverains » (Les Hommes sans Epaules éditions, 2013). A ce propos, il faudrait aussi évoquer son œuvre considérable de critique littéraire et de critique d’art. Dauphin a décidément une capacité de travail et de création qui, au sens propre, m’époustouflent !
Et comme il est encore jeune, bien que dans l’âge mûr, je lui souhaite de continuer ainsi avec la même vigueur et la même ferveur. Maintenant qu’il est devenu secrétaire général de l’Académie Mallarmé, il n’en aura que plus de force pour défendre et illustrer la poésie contemporaine, et pour soutenir ses créateurs.
Fraternellement en notre diversité,
Roland NADAUS (cf. « Lettre ouverte à Christophe Dauphin », in revue Friches n°118, mai 2015).
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Critiques
"Je voudrais pointer deux poètes qui incarnent un mouvement nouveau de la poésie française actuelle : l’un, Matthieu Baumier, avec Le silence des pierres (Le Nouvel Athanor), porteur d’une révolte blanche, froide et implacable ; l’autre, Christophe Dauphin, avec L'ombre que les loups emportent, poèmes 1985-2000 (Les Hommes sans Epaules éditions), porteur d’une révolte noire, fraternelle et conquérante. Les deux arpentent les terres de la poésie d’un pas ferme et avec une écoute chasseur expérimenté. Que leur prend-il alors de se dresser soudain ? Pourquoi veulent-ils en découdre, alors que leur culture devrait les attirer vers une poésie sagement communautaire ? Il y a chez l’un et l’autre la conviction que le « Recours au poème » agirait comme une arme salvifique sur le monde d’aujourd’hui ou que le poète est aujourd’hui le dernier « porteur de feu » nécessaire pour produire un lendemain. Fini donc le temps des recherches formelles, des plaintes délicates et lointaines ! Aujourd’hui – soudain – une gravité (Baumier) une urgence (les deux), une ivresse (Dauphin) mobilisent le poète au-delà de lui-même, le forcent (Baumier) ou l’exaltent (Dauphin) à sortir la poésie de sa dimension littéraire (synonyme d’échangeable, discutable, comparable…), pour revenir à sa dimension première qui est le débordement, l’impatience, l’inévitable, l’obligation d’une lutte à bras-le-corps contre le destin, qu’on pourrait définir en mots actuels comme une aspiration incontrôlable et séculaire à se défaire de l’idée de l’homme. Comme rappelée à sa vocation, leur poésie se condense, se fait muscle, arme et entraîne vers les horizons de « l’après fin du monde » (où nous sommes)… Il est aussi significatif de noter que l’un et l’autre animent collectivement des communautés de poètes à travers le site poétique de « Recours au poème » pour Matthieu Baumier et la revue « Les Hommes sans Epaules » pour Christophe Dauphin…
La poésie de Christophe Dauphin, comme l’introduit Jean Breton dans sa préface à L’ombre que les loups emportent, est un « feu » et « un coup de poing ». L’autre élément immédiatement pointé dans la préface et que je rejoins plutôt deux fois qu’une, c’est celui de guide lyrique qu’incarne Christophe Dauphin. Un guide sûr, généreux, solaire, riche d’une confiance jamais entamée. Un guide pour un combat toujours à mener : « Battons-nous jusqu’au jaillissement de l’homme », un soleil qui se fait noir par son besoin de justice et sa volonté de tenir l’homme libre. Plonger dans cette anthologie de près de cinq cents pages, c’est prendre l’océan d’assaut, retrouver l’appétit du large, des grands espaces et des rencontres. Essayons d’ordonner les impressions et sentiments que la lecture de ces poèmes souleva au long de cette traversée.
La première est la joie de retrouver si vivante la grande veine du surréalisme ; ainsi donc sa vitalité, son immédiateté ne sont pas mortes. Des poètes la portent fièrement et usent de ses moyens splendides. Exemples : « il est minuit / vos doigts ne servent à rien », ou « ton nom est la lame de mon couteau », ou « après la lune au regard d’ange, l’ouragan marche sur des planches ».
La deuxième est le plaisir, si rare, de trouver un grand poète français, c’est-à-dire, qui connaît le pulpe de notre langue et retrouver ces accents classiques qui donnent envie d’apprendre par cœur ses vers pour les réciter. Exemple : « Je suis l’enfant du grenier / où rien ne bouge » ou « Paris le bleu des vagues et l’ombre des réverbères ».
La troisième est la satisfaction d’un poète qui ose tout : le journalisme, le manifeste, le pamphlet, l’aphorisme, la prose, la vitesse, le collage, le parti-pris, le croc-en jambe. Le poète est un animal dangereux quand il traverse la rue. Exemple : « Je parle droit je parle net / je ne ravale pas mon crachat », ou « Mon adolescence fut banlieusarde /Une nuit noire à pied de biche / cigarette en main ».
La quatrième est la gravité d’approcher des confidences d’un cœur doué pour la rencontre, attentif, à l’écoute, qui accepte de se perdre dans l’échange. Exemple qui me touche particulièrement : « Le jour commençant / me dit Elodia Turki / ne dicte rien et nous devance », ou encore son attachement à une fraternité, sa reconnaissance et sa fidélité à une communauté de poètes et d’amis : « Dans la nuit mes amis / je retrouve vos visages ».
La cinquième est la complicité secrète à son anarchie qui mélange un communisme social et une protestation lapidaire proche de la Beat Generation (pensez au « Blind poet » de Ferlinghetti) ; « « le consommateur est un citoyen raté ». Ou « Choisissez vos armes : la Colère, la révolte ou l’Amour » (je suppose que Dauphin n’a pas choisi et a pris les trois). Ou « Un poète est un coup de poing dans la gueule du réel ». A lire intégralement, son poème « cela ne se discute même pas », dont je ne résiste pas au plaisir de vous donner quelques vers : « plutôt Maïakovski que le parti (..) / plutôt ma femme que la tienne ( ..) / plutôt mon enfance que mon adolescence ( ?..) / plutôt le nœud que le papillon (..) / plutôt le cri que le silence / plutôt la boucle que l’oreille (..) / plutôt oui que non (..) » La sixième est une adhésion profonde à l’ambition humaniste de sa poésie, fût-elle empreinte d’une volonté d’effacer Dieu de tout horizon (« Plutôt l’homme que Dieu »), car on ne peut trouver Dieu qu’en cherchant l’homme. Et c’est pourquoi, bien souvent, la poésie des poètes communistes, dont Dauphin est le fils spirituel, par leur simplicité et leur élan me semble porteuse d’une foi plus vivante (et plus riche) que bien des poètes chrétiens. Exemple : « Je est un pluriel de paupières / le poème est une rencontre humaine », ou « Mon usine / c’est l’amour que le poète construit / pour les autres – presque tous les autres ».
On ne peut que regretter le manque d’intérêt des grands critiques pour ce qui se passe en poésie. Pourquoi condamner au silence la vie et le dynamisme qu’on y trouve ? Pourquoi retirer cette pièce maîtresse de la création ? J’avoue ne pas comprendre. "
Pierrick de CHERMONT (in revue Nunc n°31, octobre 2013).
"J’ai eu la chance, enfin, de lire Christophe Dauphin il y a quelques années seulement. Que de temps perdu jusque là ! Et depuis sa parole, si proche, si justement essentielle, ne m’a pas quitté. Comme une voix d’ami dans les joies et dans les peines. Puis, lors d’un Printemps des Poètes, j’ai eu cette fois l’heur de passer deux jours avec lui, dans l’Eure justement, son département aimé. Nous étions un peu comme Laurel (moi) et Hardy (lui). Mais j’ai compris que cet homme intègre, vrai, serait effectivement un ami désormais quoi qu’il advienne : sa voix et lui ne faisaient qu’un. Et si j’ose parler d’amitié, de cette valeur suprême qui nous est commune, c’est que nous habitons tous deux sur une même île ouverte à tous les vents, tenus par la même conviction inébranlable quant à l’urgence du rêve et de la poésie. Comme moi, entre l’amour et la révolte, il choisit l’amour et la révolte ! Et je reçois aujourd’hui L’ombre que les loups emportent comme la confirmation de ce qui nous unit.
À voir l’ouvrage, on pense tenir là un pavé romanesque. Ou alors une de ces anthologies dont l’auteur a le secret : 461 pages ! Un ouvrage à la taille de ce colosse qui impose par sa stature avant d’en imposer par sa parole. Quelle audace ! Aucun poète n’ose aujourd’hui publier de tels volumes. On trouve dans L’ombre que les loups emportent les poèmes publiés par Christophe Dauphin de 1985 à 2000. À 32 ans, il avait déjà une œuvre derrière lui. Et quelle œuvre !
Dès ses premiers textes en 1985 (comme un Rimbaud, il n’a alors, et peut-être à jamais, que 17 ans) ce chantre de l’émotivisme écrit que « l’amour est à réinventer » et cet aphorisme augure, et ce de façon magistrale, de l’œuvre qui suivra. Dès ce moment, la poésie de Christophe claque, cogne et caresse comme une évidence et avec une sûreté extraordinaire qui n’est agie par nulle certitude mais par la vraie rébellion, par le plus brûlant amour. Christophe Dauphin nous fait croire plus que jamais à cette aventure fabuleuse des mots de sang qui est l’honneur des hommes.
Avec lui, la poésie est belle et rebelle. Belle parce que rebelle quand « La révolte et l’amour logent dans l’étoile de nos pas ». Belle aussi contre tous ceux qui voudraient enterrer le mot « beauté ». Nous avons là une écriture quasi incendiaire (le feu y est aussi présent que le cri), une poésie du sens multiplié bien au delà de cette polysémie absconse des petits maîtres qui trop souvent confine à l’insignifiance.
Il a trouvé le juste accord, la tonalité exacte de l’image surréaliste à hauteur d’homme. Une image d’une extraordinaire sensualité : « tes jambes prennent leur source dans mes mains » ; « ce sont les femmes qui m’inventent » ; « c’est une femme / Enroulée comme une bague autour de moi »… L’envie me prend de tout citer.
Dauphin, un grand poète ? Au diable ces qualificatifs éculés ; la poésie n’a pas à être grande mais à être vraie. J’ose dire ici simplement que Christophe Dauphin est peut-être le plus vrai poète français de ce temps."
Guy ALLIX (in Mediapart, le 1er décembre 2012).
"Les textes. L’acte créateur et vivificateur de donner, de se donner. De compromettre l’instance de repli, de retrait, pour l’amour d’une attente, d’une exigence, d’un simple relais dans le geste salvateur, instrumental du livre, dans le geste de penser, de dire, de transcrire : l’ensemble des recueils de Christophe Dauphin, s’étendant sur plusieurs années, pourrait s’entendre comme vingt-quatre heures de la vie d’un corps. D’un corps assurément né en poésie, à vocation précoce, fertilisant jusqu’à l’extrême de par ses forces et ses intentions, de par ses rigueurs oblatives, le mouvement même de la vie, et en lequel les fastes de tous les désirs sans faille ni dichotomie, à parts égales, dans une vigueur unitive, au plus profond s’inscrivent. Un corps d’un réservoir infini, une grille, une arche poétique, perpétuellement en alerte, un de ces « qui-vive », captant toutes les espèces d’étincelles, des plus fondamentales, des plus matérielles aux plus oniriques, et qui n’en aurait jamais fini de se tendre, d’éprouver, de se confronter. Vingt-quatre heures de la vie d’un corps qui naît sans discontinuer de sa quête, ses prismes intrinsèques, aussi de sa présence aux événements du monde, y apportant son « commentaire », au plus vrai, son commentaire concret et substantiel, au sens de se rendre au mystère, au sens de vivre et d’aimer, agissant pragmatiquement par le biais des écrits, érigeant sa beauté inté-rieure en vindicte, versant l’action des lettres dans l’indigence et l’immobilisme. Il y a, dans cet homme qui consigne, un chirurgien averti qui traite, avec les instruments de la parole et des signes, les plaies et les ulcères de son temps. Il y a un homme qui opère avec justesse et précision, les yeux ouverts sur l’infection, et s’achemine de guerre en guerre, de passion en passion, vers l’ouvert et la transparence. Car jamais les mains du poète ne se déprennent du matériau vivant, jamais elles ne battent pour leur propre compte ; je le répète, il y a dans sa cure d’écriture, une morsure guérissant tous les maux du dégoût de l’injustice et de la solitude. Christophe Dauphin est un meneur de rêves, de rêves solides, coriaces, de rêves d’élite qu’il lance dans le feu de toutes les batailles. Dressé, toujours nouveau dans son armement sensuel de mots - chez lui le verbe a un sexe -, dans une poétique efficiente du partage et de l’engagement. Car le comble de Christophe Dauphin est cette générosité de l’intelligence. Pour preuve, je cite l’ensemble de l’oeuvre et l’ensemble du corps, d’un seul tenant, prêt à défier, au seuil d’un poème d’avenir, tous les carcans de la désespérance."
Odile COHEN-ABBAS (in Les Hommes sans Epaules n°35, 2013).
"Christophe Dauphin est un poète majeur du monde contemporain, un poète qui assume pleinement la fonction d’éveilleur, fonction traditionnelle du poète. C’est dans le choix de l’alternative nomade que Christophe Dauphin transmet, avec une grande originalité, non une connaissance, mais un art de se relier librement au réel. Il maintient en alerte, une double alerte, l’une pour la personne afin qu’elle ne se laisse pas engluer par la bêtise envahissante, l’autre à la l’individu, la part indivisible, afin qu’elle préserve les chemins sinueux qui conduisent à l’être. Poèmes de queste, profondément initiatiques, voyages au centre de soi-même, ses textes sont sans concession au monde des apparences. C’est le réel qu’il veut, et rien d’autre, ce réel qui pointe dans le temps du rêve où les mots se défont pour s’assembler dans une langue inconnue qui résonne comme la cloche du monastère qui annonce l’heure du silence, tout prêt du sommet de la montagne. Réenchantement des mondes, les poèmes de Christophe Dauphin libèrent les espaces des carcans de préjugés des mondes normés afin que l’esprit se déploie. Après Totems aux yeux de rasoir, poèmes 2001-2008, ce nouveau recueil rassemble les poèmes de la période 1985-2000 dans un volume de près de 500 pages. Essayiste et critique littéraire, Christophe Dauphin, inscrit consciemment dans le poème continu de la vie, laisse une trace subtile avec l’encre des émotions."
Rémi BOYER (in incoherism.owni.fr, le 1er décembre 2012).
"Imprégné par les avancées du Surréalisme, Christophe Dauphin s’en est dégagé autant par son inspiration que par son écriture. Son livre est par excellence la somme qui le prouve. Elle permet aussi de voir un pan du chemin de celui qui caresse l’utopie comme il ouvre parfois à des chants moins sereins. Adepte des voyages sous toutes ses formes, « par la rivière Kwai » comme sur « les pas de Baudelaire dans les voiles », de la nuit mexicaine aux touffeurs de Samarkand, à travers un tableau de Monet, de Madeleine Novarina ou de Frida Khalo le poète est toujours au plus près de la vie : le monde est là. L’idéalisme du poète ne l’expurge pas de ses miasmes. De même sa propension à l’absolu ne prive pas le lecteur de toute une sensualité. Dauphin crée une œuvre qui se dérobe à l’ombre même s’il se dit « un crépuscule aux mains coupées ». Et si la poésie ne sauve pas elle cicatrise un peu. Certes la peau est souvent prête à éclater à nouveau, le sang pulse mais il n’empêche que l’écriture métamorphose tout – jusqu'au « collier de Buick et de Lada » sur l’île de Cuba.
Il existe dans une telle œuvre des sortes de narrations plastiques poétiques qui forcent l'espoir en luttant contre la réalité lorsque nécessaire. L’écriture est donc la source de la résistance à la vérité instrumentalisée comme à l’amour déçu. La femme y est d’ailleurs présente de manière paradoxale, hors champ. Et le poème devient parfois par-delà la douleur le lieu sourd de rêves provoqués par les attentes que la femme comme les lieux provoquent. Dans ces derniers réside toujours quelque chose d’intime qui joue de l’entre deux : l’ici et le là-bas, l’avant et l’après.
Le visible et l’énoncé suggèrent de l’invisible et du tu, du nous, du liant et du lien – c’est d’ailleurs une idée mère chez Dauphin. Un tel livre permet de traverser les couches sédimentaires d’une œuvre et d’une existence. Certes son contenu ne se confond pas avec le signifié. Dauphin élabore des énoncés qui n’ont rien de « médico-légaux». Ils expriment un état particulier de la visibilité du monde et de la profondeur des émotions et leur charge d'ineffable que l’artiste engendre et nourrit. Chaque texte révèle le cri de vie, d'amour, d'exigence intérieure. C’est pourquoi il se conçoit comme un espace à relire et relire pour découvrir ce qu’il en est - par-delà le poète - de l’être et de ce qui le met en question et l’affecte dans sa relation au monde. "
Jean-Paul GAVARD-PERRET (in incertainregard.hautetfort.com, 7 octobre 2012).
"Ce n'est pas la première fois que Christophe Dauphin rassemble dans un gros livre ses poèmes de longues périodes de son passé, soit une production incroyablement imposante. Ce fut d'abord Totems aux yeux de rasoir, poèmes 2011-2008 (lire Inédit Nouveau n°248) et maintenant L'ombre que les loups emportent, qui rassemble les poèmes publiés et/ou inédits, de la période allant de 1985 et 2000. Par conséquent cette fois, des poèmes de jeunesse. On y retrouve d'ailleurs les préfaces, très instructives, de Jean Breton, Henri Rode et Alain Breton. Le temps écoulé indique que le poète a changé, et cela aussi aide à mieux comprendre les différences. car Dauphin ne cesse de modifier son approche de la poésie. Il a même lancé le terme d'"émotivisme". Pas pour se séparer de son surréalisme d'origine, auquel il reste absolument fidèle, mais pour marquer sa place dans l'histoire littéraire... Dauphin n'hésite pas à présenter ses successives admirations, sinon ses révoltes, comme cela est le cas, à travers l'assassinat de Malik Oussekine en 1986, mais aussi ses réflexions, qui le construisent aux yeux du lecteur. Quelques exemples: "L'amitié, je la porte comme une écharpe qui réchauffe", ou: "Un ami est quelqu'un avec qui on peut se taire sans s'ennuyer." Un peu plus loin, c'est la poésie qui prend le relais: "Il n'y a que la poésie qui soit vie, tout le reste n'est que boniments." Plus loin encore, Rode le signale: "Christophe Dauphin sait exalter les grands humiliés du temporel par le sentiment", et lui-même refuse "le mètre classique." D'un voyage au Mexique, il a rapporté Frida Kahlo et toute la civilisation aztèque. Décidément, Dauphin est un poète du monde entier ! "
Paul VAN MELLE (in Inédit Nouveau n°260, janvier 2013, La Hulpe, Belgique).
"Avec L'ombre que les loups emportent, Christophe Dauphin rassemble ses poèmes de 1985 à 2000. A ceux qui croient que le surréalisme est mort comme à ceux qui espèrent qu'il est (vraiment) toujours vivant, je conseille cet ouvrage constellé de comètes verbales et d'aphorismes pyrotechniques: "Le printemps est un révolver d'herbes claires". "Il est minuit - Vos doigts ne servent à rien". "La nuit est une gare aux pas invisibles". Oui, le surréalisme - mais humaniste et pas dictatorial à la Breton - est bien vivant. Christophe Dauphin l'actualise sous le nom d'émotivisme."
Roland NADAUS (in Le Petit Quentin n°283, mars 2013).
CE POETE SE NOURRIT DE LA VIE.
" Seule la poésie est vie, tout le reste n'est que boniment ou subsistance", entend démontrer le poète Christophe Dauphin, dans L’ombre que les loups emportent. Christophe Dauphin signe un recueil de poèmes en prise directe avec le monde. Reconnu par le milieu littéarire, l'artiste est originaire de Nonancourt (Eure) où il naît en 1968, dans une demeure de famille acquise depuis plusieurs générations. Il y vit avec ses grands-parents jusqu’à l’âge de 3 ans avant de rejoindre ses parents à Colombes (Hauts-de-Seine). Leur logement surplombe un bidonville où survivent des immigrés de tous bords politiques. L’enfant n’a pas pleinement conscience de cette situation potentiellement explosive mais il observe et s’imprègne de ces images. Pendant les vacances, il retourne dans l’Eure. Son grand-père lui transmet son esprit d’« ouverture culturelle, sa fibre littéraire et sa passion de l’Histoire ». A 9 ans, Christophe découvre Napoléon, Flaubert et Maupassant. Il lit, dessine, s’interroge à propos de la Société et écrit des poèmes. Cette enfance, suivie d’une adolescence tourmentée, constitueront la « matière vivante » de son art poétique. « On naît et on est poète », dit-il. Christophe rencontre des hommes illustres (Léopold Senghor), des écrivains, des poètes (Jean et Alain Breton, Henri Rode). Il se reconnaît dans le surréalisme (une influence qui correspond à l’intrusion du rêve dans la réalité) et dans un courant de la poésie contemporaine dénommé La Poésie pour vivre qui se veut non-élitiste, « émotiviste »* et en lien avec le monde. Jean Breton le définit comme « le poète-phare de sa génération ». A 45 ans, l'Eurois a derrière lui une œuvre constituée d’une trentaine de recueils, essais, anthologies, critiques littéraires. Il est aussi Directeur de l’une des plus prestigieuses et ancienne revue Les Hommes sans Epaules.
* La poésie émotiviste par l’exemple : « Le cœur en papillote - Je tremble d’amour - Dans le calme d’une rue peinte par Giorgio de Chirico » : devant une œuvre plastique du peintre italien Chirico, « chef de file de la peinture métaphysique », le poète ressent une émotion intense proche du sentiment d’amour. « Si le mot oiseau ne vole pas - l’idée me donne des ailes » : l’auteur fait appel à un souvenir. Son ami poète Jean Rousselot lui avait dit que « le mot oiseau comportait toutes les voyelles et que c’était ce qui lui donnait des ailes ». Ici, le poète utilise le pouvoir des mots pour signifier que le mot oiseau vole. « Ne lâche jamais la vie - elle te lâchera elle-même - toujours assez tôt » : en faisant sienne la pensée « Je cherche l’or du temps » d’André Breton, fondateur du surréalisme, l’auteur signifie qu’il faut savoir saisir les doux moments de la vie.
Marie-France Escofier (in Paris Normandie, 25 mars 2013).
"Si vous vous interrogez sur ce qu'est devenu le dadaïsme, le surréalisme, le communisme, la beat generation, ces courants que la flamme poétique embrasa, lui donnant son excès, sa révolte, sa vitesse, son immédiate simplicité, et que vous regardez notre siècle comme une plage à marée basse où le sable, à peine mouillé, si peu scintille et la mer, si loin, trop se confond avec un ciel irréel, ouvrez, ouvrez cette anthologie des poèmes de Christophe Dauphin. Tout est là, généreux, ouvert, fraternel. Aucune nostalgie, mais "la même innocence essentielle" comme l'écrivit Henri Rode. La discussion à peine interrompue, reprend. La parole retrouve ses habits du grand libre. Tout redevient force, envie, combat, rêve, camaraderie. La poésie, à nouveau prolixe, arrose tout ce qu'elle touche, ravive, rafraîchit, reprend le combat au nom de la conscience universelle, se laisse pénétrer par le monde; mourra - nous le savons - sera "l'ombre que les loups emportent", mais les chants qu'elle nous offre, nous feront frères et soeurs des étoiles, des fleuves, des rêves des hauts fonds qui nous rendent plus grands que nos larmes. Dites avec lui, au moins une fois: Je parle de l'homme libre - L'homme aux paupières de fleurs électriques - Que j'étais - Je suis - Je serai."
Pierrick de Chermont (in revue Nunc n°30, juin 2013).
"Selon moi, Christophe Dauphin écrit à main armée. Puisqu’ici c’est le poète qui est évoqué, il est inimaginable - comme pour Michel Voiturier - de concevoir son travail de création annexe ou parallèle à celui du critique, du biographe, de l’animateur des Hommes sans Épaules, agitateur de mémoires sans nostalgie et sentinelle insomniaque sur la ligne de front de la création contemporaine. Il propose dans ses poèmes une lecture boulimique de l’existence, de l’être pris au piège des désirs les plus inutiles de l’humain, ce qui revient à dire : vivre. Christophe Dauphin propose de vivre. Contre la pédanterie, parfois contre soi. Même. N’aurait pas manqué d’ajouter Rrose Sélavy. Christophe Dauphin n’est pas un poète de Poësie, mais de l’intelligence au service d’un quotidien. Il évoque Malik Oussekine. Son poème ne prend pas de coups : il saigne. Christophe Dauphin est l’instant même. Il est toujours possible de dévier avec les fausses toiles « sur le motif » des Impressionnistes d’aujourd’hui. Toute modernité qui se prévaut d’elle est mondaine. Christophe Dauphin comme Michel Voiturier sont aujourd’hui et n’ont pas besoin de se prétendre poètes pour donner ce qu’aucune autre forme de langage n’aborde. Rentrer ici dans les diverses conceptions de la poésie - chacune jamais partagée que par celui-là même qui a développé la sienne - est futile. Lorsque je lis ou entends des poèmes de ces deux-là, unis par l’amitié qui me lie à chacun d’eux, j’espère fermement que c’est bien de cela qu’il s’agit : s’entretenir.
Éric SÉNÉCAL (in Les Hommes sans Epaules n°37, 2014).
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"Poésie de l'émotion qui s'insurge contre les maux du siècle."
Electre, Livres Hebdo, 2013.
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Je n’imaginais pas écrire une lettre ouverte aujourd’hui. Mais Jean-Pierre Thuillat me rappelle amicalement que je n’en ai pas écrit depuis longtemps pour la revue. Et comme je viens de consacrer une émission RCF (« Dieu écoute les poètes ») à Christophe Dauphin, j’ai pensé que je pourrais la prolonger ici, dans ce numéro 118 de Friches.
Justement, commençons : Christophe Dauphin s’auto-proclames athée, parfois à grand renfort d’imageries surréaliste : il a écrit, par exemple, une charge violente contre et pour (« Thérèse, Cantate de l’Ange vagin », éditions Rafael de Surtis, 2006) celle que j’appelle « ma copine » : Thérèse Martin, plus connue sous le nom de sainte Thérèse de Lisieux et à laquelle j’ai, alors maire de Guyancourt, consacré une voie publique… parce qu’elle était aussi poète… Il est vrai que cette grande petite sainte est, comme Dauphin, Normande et que ce dernier porte en lui profondément ce que Léopold Sédar Senghor, dont il fut l’ami et par certains côtés le disciple, appela sa « normandité ». L’œuvre poétique de Christophe Dauphin y fait très souvent référence avec bonheur et il a même consacré une belle anthologie aux poètes en Normandie du XIe siècle à nos jours : « Riverains des falaises » (éditions clarisse, 2012).
A propos de l’anthologie, Dauphin, qui est un boulimique de la lecture et de l’écriture, a également publié « Les riverains du feu » (Le Nouvel Athanor, 2009), un ouvrage anthologique dédié aux poètes qu’il rassemble sous le vocable émotivisme ». Ce concept, qu’il développe et qu’il illustre de cinq cents pages et qui reprend des extraits de recueils de plus de deux cents poètes (!), est au cœur de sa pensée et son écriture.
Car si Christophe Dauphin s’insère dans une filiation surréaliste, ce n’est pas pour singer un mouvement disparu, mais au contraire pour en poursuivre l’esprit – dont il juge qu’il est toujours extrêmement vivant. Et il est vrai que ses poèmes brillent souvent d’un éclat surprenant grâce aux images dont il a le secret et qui laissent le lecteur pantois et admiratif devant leur inventivité et leur puissance. Dans son recueil, « Le gant perdu de l’imaginaire » (Le Nouvel Athanor, 2006), qui est un choix de poèmes écrits entre 1985 et 2006, on en trouve à toutes les pages, ainsi à la première :
« La lune a mis ses bretelles sur l’idée de beauté
Un train déraille dans la bouteille de la nuit
Il est temps de décapiter la pluie
D’égorger l’orage… »
Mais si j’ouvre ce beau recueil à n’importe quelle autre page, je reconnais le poète prince de l’image, roi de la métaphore :
« Le sourire d’une femme est la lame de fond du regard
Debout entre trois océans »
Il faudrait aussi parler de son livre « Totems aux yeux de rasoirs » (éditions Librairie-Galerie Racine, 2010), préfacé par son ami Sarane Alexandrian, qui fut le très proche collaborateur d’André Breton et le directeur de la revue « Supérieur Inconnu », à laquelle Dauphin collabora. Ou bien encore parler de ce gros ouvrage recueillant des poèmes, des notes, des aphorismes : « L’ombre que les loups emportent (Les Hommes sans Epaules éditions, 2012). Henri Rode surnomme Christophe Dauphin « l’ultime enfant du siècle et la fête promise ». C’est que, très tôt, dauphin a senti bouillonné en lui la poésie, indissociable de la révolte et de l’amour.
L’amour n’est d’ailleurs pour Dauphin pas loin de l’amitié à laquelle il sacrifie fidèlement notamment à travers la revue qu’il dirige : « Les Hommes sans Epaules », qui a d’ailleurs consacré une anthologie à ses collaborateurs de 1953 à 2013 sous le titre « Appel aux riverains » (Les Hommes sans Epaules éditions, 2013). A ce propos, il faudrait aussi évoquer son œuvre considérable de critique littéraire et de critique d’art. Dauphin a décidément une capacité de travail et de création qui, au sens propre, m’époustouflent !
Et comme il est encore jeune, bien que dans l’âge mûr, je lui souhaite de continuer ainsi avec la même vigueur et la même ferveur. Maintenant qu’il est devenu secrétaire général de l’Académie Mallarmé, il n’en aura que plus de force pour défendre et illustrer la poésie contemporaine, et pour soutenir ses créateurs.
Fraternellement en notre diversité,
Roland NADAUS (cf. « Lettre ouverte à Christophe Dauphin », in revue Friches n°118, mai 2015).
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Critique
Subtile, féline parfois, exigeante et concise, cette poésie impose une noblesse assez rare. Ce partage des mots est peuplé d'émotions fortes et féminines, on y sent « le cristal d'une présence », mieux qu'une lumière floue « dans laquelle se perdre », comme « l'hésitation d'un rêve ». Si l'on compte le nombre de mots utilisés, cela peut paraître court. Mais, à relire dans le silence, on aime ces « gestes en paroles », ces « rêves en éveil », cette voix de brûlures fascinantes comme « des soleils dans tes yeux » (sic). Oui, voilà bien une magie, des secrets dérobés, des arabesques de velours, du sang de poète authentique qui coule...
Jean-Luc Maxence
(La Nouvel Lanterne n°4, in lenouvelathanor.com, juin 2012).
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Critique
Subtile, féline parfois, exigeante et concise, cette poésie impose une noblesse assez rare. Ce partage des mots est peuplé d'émotions fortes et féminines, on y sent « le cristal d'une présence », mieux qu'une lumière floue « dans laquelle se perdre », comme « l'hésitation d'un rêve ». Si l'on compte le nombre de mots utilisés, cela peut paraître court. Mais, à relire dans le silence, on aime ces « gestes en paroles », ces « rêves en éveil », cette voix de brûlures fascinantes comme « des soleils dans tes yeux » (sic). Oui, voilà bien une magie, des secrets dérobés, des arabesques de velours, du sang de poète authentique qui coule...
Jean-Luc Maxence
(La Nouvel Lanterne n°4, in lenouvelathanor.com, juin 2012).
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Dans 7 a dire
"J'avais écrit qu'était mauve l'écriture d'Elodia Turki; qu'elle était haute et lisse; qu'elle s'égouttait doute à doute en des poèmes prunes, violets, bordeaux ou lilas. Comme la gazelle qu'elle demeure, dame de grands cours et d'interminables courses, assoifée d'errance, en sans cesse partance, enjambeuse de méditerranées, danseuse de sa vie, aérienne et libre de tout lieu. Et voilà que celle qui souvent chnate pour ne plus s'entendre penser dans l'une ou l'autre des sept ou huit langues qui dansent dans sa tête était passée au rouge. S'était mise à aimer en anglais et rouge. Ce fut Ily Olum. Puis elle avait repris l'écheveau de son existence pour nous tricoter La Chiqueta afin de retrouver les couleurs de la vie, de sa vie. Pour tenter d'oublier le reste. Or voici que resurgit ici le poème, en sa précise et vive langue de poésie. Dont notre revue sut orner ses pages au long de quatre numéros, égrenant une quinzaine de textes de haute tenue. Mains d'ombre est tirée de la mer de la mémoire qui n'arrête pas ses allers venues de marées chez Elodia Turki. La mer dessinée par ma soif - portera tes vaisseaux nous dit-elle d'entrée, se définissant comme l'enfant illégitime - d'une grotte... - et d'une étoile. Elodia Turki expose ici comment la légende d'un grand et fort passé survit à l'histoire: C'était de tous les souvenirs - le plus doucement triste - Quelque chose rouge - quelque chose fort - dans mes doigts dénoués... Dans un passé qu'elle repousse en un ailleurs, du bout de bras où s'expriment ses mains: Mes mains aveugles... - Mes mains sombre mémoire. On sent l'amour aller vers cet ailleurs qu'elle imagine mais ne veut pas savoir: Mon regard aligné sur la nonchalance de ton - renoncement - Ainsi se noyant - dans le lointain de toi - perdant les choses sues... Au passé bien enfui se mêle le désespoir d'une espérance qui appelle encore, avec son lot de promesses, de rêves et d'offrandes, d'utopies peut-être. Puis le toi devient lui: J'avais pour toi - pour lui - lissé tous les chemins dans le brouillon du soir... Jusqu'à préciser.... poser sur ta personne - la sienne - l'ocre de ma terre brûlée. Elle pose alors le bilan de cette histoire avant de souligner: J'étais celle - qui de lui qui de toi - attendait - dans les pointillés du jour - l'étreinte. Avant de conclure, ainsi qu'à l'issue d'un rapport, sachant enfin inoubliable son oubli: Ainsi lui parlait-elle - à même son oubli. Comme nouvellement sortie d'affaire, de l'affaire. Mais on sent, on sait que le rouge reste mis. De la poésie de juste noblesse et de la précise allure. inimitable Elodia."
Jean-Marie GILORY (in revue 7 à dire n°53, novembre 2012).
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Dans 7 a dire
"J'avais écrit qu'était mauve l'écriture d'Elodia Turki; qu'elle était haute et lisse; qu'elle s'égouttait doute à doute en des poèmes prunes, violets, bordeaux ou lilas. Comme la gazelle qu'elle demeure, dame de grands cours et d'interminables courses, assoifée d'errance, en sans cesse partance, enjambeuse de méditerranées, danseuse de sa vie, aérienne et libre de tout lieu. Et voilà que celle qui souvent chnate pour ne plus s'entendre penser dans l'une ou l'autre des sept ou huit langues qui dansent dans sa tête était passée au rouge. S'était mise à aimer en anglais et rouge. Ce fut Ily Olum. Puis elle avait repris l'écheveau de son existence pour nous tricoter La Chiqueta afin de retrouver les couleurs de la vie, de sa vie. Pour tenter d'oublier le reste. Or voici que resurgit ici le poème, en sa précise et vive langue de poésie. Dont notre revue sut orner ses pages au long de quatre numéros, égrenant une quinzaine de textes de haute tenue. Mains d'ombre est tirée de la mer de la mémoire qui n'arrête pas ses allers venues de marées chez Elodia Turki. La mer dessinée par ma soif - portera tes vaisseaux nous dit-elle d'entrée, se définissant comme l'enfant illégitime - d'une grotte... - et d'une étoile. Elodia Turki expose ici comment la légende d'un grand et fort passé survit à l'histoire: C'était de tous les souvenirs - le plus doucement triste - Quelque chose rouge - quelque chose fort - dans mes doigts dénoués... Dans un passé qu'elle repousse en un ailleurs, du bout de bras où s'expriment ses mains: Mes mains aveugles... - Mes mains sombre mémoire. On sent l'amour aller vers cet ailleurs qu'elle imagine mais ne veut pas savoir: Mon regard aligné sur la nonchalance de ton - renoncement - Ainsi se noyant - dans le lointain de toi - perdant les choses sues... Au passé bien enfui se mêle le désespoir d'une espérance qui appelle encore, avec son lot de promesses, de rêves et d'offrandes, d'utopies peut-être. Puis le toi devient lui: J'avais pour toi - pour lui - lissé tous les chemins dans le brouillon du soir... Jusqu'à préciser.... poser sur ta personne - la sienne - l'ocre de ma terre brûlée. Elle pose alors le bilan de cette histoire avant de souligner: J'étais celle - qui de lui qui de toi - attendait - dans les pointillés du jour - l'étreinte. Avant de conclure, ainsi qu'à l'issue d'un rapport, sachant enfin inoubliable son oubli: Ainsi lui parlait-elle - à même son oubli. Comme nouvellement sortie d'affaire, de l'affaire. Mais on sent, on sait que le rouge reste mis. De la poésie de juste noblesse et de la précise allure. inimitable Elodia."
Jean-Marie GILORY (in revue 7 à dire n°53, novembre 2012).
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Dans 7 a dire
"J'avais écrit qu'était mauve l'écriture d'Elodia Turki; qu'elle était haute et lisse; qu'elle s'égouttait doute à doute en des poèmes prunes, violets, bordeaux ou lilas. Comme la gazelle qu'elle demeure, dame de grands cours et d'interminables courses, assoifée d'errance, en sans cesse partance, enjambeuse de méditerranées, danseuse de sa vie, aérienne et libre de tout lieu. Et voilà que celle qui souvent chnate pour ne plus s'entendre penser dans l'une ou l'autre des sept ou huit langues qui dansent dans sa tête était passée au rouge. S'était mise à aimer en anglais et rouge. Ce fut Ily Olum. Puis elle avait repris l'écheveau de son existence pour nous tricoter La Chiqueta afin de retrouver les couleurs de la vie, de sa vie. Pour tenter d'oublier le reste. Or voici que resurgit ici le poème, en sa précise et vive langue de poésie. Dont notre revue sut orner ses pages au long de quatre numéros, égrenant une quinzaine de textes de haute tenue. Mains d'ombre est tirée de la mer de la mémoire qui n'arrête pas ses allers venues de marées chez Elodia Turki. La mer dessinée par ma soif - portera tes vaisseaux nous dit-elle d'entrée, se définissant comme l'enfant illégitime - d'une grotte... - et d'une étoile. Elodia Turki expose ici comment la légende d'un grand et fort passé survit à l'histoire: C'était de tous les souvenirs - le plus doucement triste - Quelque chose rouge - quelque chose fort - dans mes doigts dénoués... Dans un passé qu'elle repousse en un ailleurs, du bout de bras où s'expriment ses mains: Mes mains aveugles... - Mes mains sombre mémoire. On sent l'amour aller vers cet ailleurs qu'elle imagine mais ne veut pas savoir: Mon regard aligné sur la nonchalance de ton - renoncement - Ainsi se noyant - dans le lointain de toi - perdant les choses sues... Au passé bien enfui se mêle le désespoir d'une espérance qui appelle encore, avec son lot de promesses, de rêves et d'offrandes, d'utopies peut-être. Puis le toi devient lui: J'avais pour toi - pour lui - lissé tous les chemins dans le brouillon du soir... Jusqu'à préciser.... poser sur ta personne - la sienne - l'ocre de ma terre brûlée. Elle pose alors le bilan de cette histoire avant de souligner: J'étais celle - qui de lui qui de toi - attendait - dans les pointillés du jour - l'étreinte. Avant de conclure, ainsi qu'à l'issue d'un rapport, sachant enfin inoubliable son oubli: Ainsi lui parlait-elle - à même son oubli. Comme nouvellement sortie d'affaire, de l'affaire. Mais on sent, on sait que le rouge reste mis. De la poésie de juste noblesse et de la précise allure. inimitable Elodia."
Jean-Marie GILORY (in revue 7 à dire n°53, novembre 2012).
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