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Critique

 

Jeanne MAILLET, in revue L’Estracelle, n° 4 – 2006 :

" On ne saurait imaginer l’auteur de Tes rives finir que vivant dans la nuance, le froissement d’un temps de vivre entre « arbres d’espérance », « alerte de plaisir » et obsession, presque, d’un vide existentiel. D’où ce mouvement de balancier qu’expriment les textes de ce recueil : un pas en avant, on « ose » dire ce qu’on cherche, puis un temps de recul, par crainte d’entendre ce qu’on ne souhaitait pas. Et justement ceci : que les ruines rognent toujours la vie, que les rêves s’effritent ; bref que nous sommes condamnés à être « flagellés d’instants ». Plongée des regards sur les paysages, soupir « lentement soulevé comme un sein de falaise » (la belle, la puissante image !), et l’aube sans reproche, nette, claire, promise où l’imagination se perd, nous sommes entraînés malgré nous par les images comme un troupeau affolé (mais attentif) vers quelque catastrophe imminente. On frémit, on tremble un peu avec le poète de ce manque de certitude, de cette fuite des autres, lui qui souhaiterait tant trouver « pensé de distance » les mots définitifs qui seraient délivrance. Le texte qui clôt l’ouvrage est, nous semble-t-il, explicite et livre même discrètement, la clef de l’énigme : et si « mémoire et souffle » (ce qui nous constitue donc) n’étaient que « longs recommencements » ? Dans les difficiles définitions du temps, ce serait comme une révélation géographique et métaphysique ! Des millénaires de souvenirs ployés comme les strates d’une montagne et l’écho, en infinie résonance ! De quoi égarer le raisonnement et alimenter la « foi ». "

 




Lectures

"Sans doute est-il difficile (voire impossible) de parler de "La Nuit succombe" d'Hervé Delabarre tant on y peut retrouver l'écriture automatique. Alain Joubert, dans sa préface, met en évidence le surréalisme qui coule dans ce recueil. Il en voit la preuve dans la lecture que fit André Breton de "Danger en rive" : "… c'est chez Hervé Delabarre que Breton retrouve et désigne le chemin de cette poésie qui ne doit rien au calcul, mais tout aux fulgurances de l'inconscient…" (p 10). Revenant à "La Nuit succombe", Alain Joubert relève les mots de vie qu'il oppose aux mots rares...

Les poèmes d'Hervé Delabarre ne vont pas sans une certaine obscurité tant ils explorent cet inconscient dont parle Alain Joubert dans sa préface. Le lecteur attentif remarquera le goût de Delabarre pour l'image  insolite "L'ongle / Incise une nuit capitonnée" (p 17) tout comme pour les mots voisins sur le plan phonétique : "Ainsi va l'immonde / L'antre et l'autre / L'auge et l'ange" (p 18). Le jeu sur les mots n'est pas absent : "mot dire" qui évoque maudire (p 22). Dans la première suite, "Des douves en corps et toujours", le vers se fait bref (réduit souvent à un mot ou deux). "Fétiches", par contre, regroupent deux proses assez longues qui sont l'exemple même de l'écriture automatique (mâtinée de réflexions parfaitement rationnelles). Dans la seconde, on retrouve le sire de Baradel qui traversait déjà quelques pages de "Prolégomènes pour un futur" ; mais l'important n'est pas là, il réside dans le hasard objectif… "La nuit succombe 1" sait se gausser d'une certaine poésie : "la poétesse poétise / et met des bigoudis aux rimes" (p 44) : c'est réjouissant ! L'objectif est bien de capter ce que dit l'inconscient et non de faire joli… Quand ce n'est pas l'ironie qui reprend cette phrase jadis analysée par André Breton dans le Premier manifeste du Surréalisme (1924) et qui devient sous la plume de Delabarre "Laissez venir, marquise, vos cuisses ouvertes à deux battants" (p 56). Même l'attitude anti-cléricale propre aux surréalistes (je me souviens en particulier de cette photographie où l'on voit un crucifix pendu à une chaîne de chasse d'eau ! ou l'ai-je rêvée, ce qui en dirait long sur mon inconscient…) est présente dans un poème d'Hervé Delabarre : "Botter le cul aux pèlerins de Lourdes ou de La Mecque" (p 62) ! "Intermède" (qui regroupe trois poèmes consacrés à des héroïnes de contes traditionnels : Blanche-Neige, le Petit Chaperon rouge et la Belle au bois dormant) est placé sous le signe de la cruauté. Cet ensemble n'est pas le résultat direct de l'automatisme, du hasard tant il est réfléchi mais il exprime parfaitement un certain aspect de l'inconscient et la vision est décapante. L'érotisme n'est pas exempt d'une certaine imagerie convenue (cuissardes, cravache, nudité…) mais il est sauvé par l'humour (la vache qui rit) ! L'irrespect quant à la mort est de mise… La multiplicité des personnages qui apparaissent dans "La nuit succombe 2" assurant une distanciation salutaire et rendant acceptables l'irréligion et l'érotisme (la vulve est omniprésente) de  ces poèmes.

La seconde partie du recueil est un longue (une vingtaine de pages) et libre médiation sur le mot carène qui s'est imposé pour sa sonorité. Les mots jouissent, s'accordent et s'abouchent pour leur musique, pour leur bruit sans aucun rapport au signifié comme le souligne Hervé Delabarre dans ses explications liminaires. Au total, ce livre témoigne du surréalisme qui irrigue la production de maints poètes qui ne s'en réclament pas ouvertement mais qui n'ont jamais fini de payer leurs dettes. Tant le surréalisme a été une porte qui reste ouverte."

Lucien WASSELIN (cf. "Fil de lecture" in recoursaupoeme.fr, juin 2017).

*

" Ce livre, nous dit Alain Joubert dans sa préface, « va vous tenir longtemps au cœur même d’un monde en perpétuel renouvellement ». Il insiste sur le caractère automatique de la poésie d’Hervé Delabarre, marquée par le surréalisme et sa proximité avec André Breton, poésie qui évoque aussi un Benjamin Péret ou un Jean Arp.

Mais qu’est-ce, finalement, que l’écriture automatique ? Alain Joubert précise :

« L’écriture automatique est d’abord une preuve, pas une œuvre. Les textes ainsi produits sont le résultat d’une expérience intérieure qui s’aventure jusqu’à mettre au grand jour ce que l’être recèle de plus secret pour lui-même, ce qui se dissimule dans les plis de son inconscient. Cette preuve désigne la source de la poésie, et assigne au langage – à l’écriture – une exigence à s’incarner ; ainsi l’œuvre peut-elle ensuite apparaître.

Mais y-a-t-il une voie automatique, ou bien faut-il plutôt parler de voix automatique ? Ne serait-ce pas le bruit d’un mot, analogiquement proche de celui d’un autre, qui provoquerait un télescopage en forme d’image, plus riche que la somme des deux termes qui la composent ? Précisons cependant que le seul « son » ne suffit pas au poète, tant il est vrai que le rythme intérieur ne lui fait pas « entendre » des bings, des bangs, des zooms ou des zowies, mais bel et bien des mots qui sont chacun porteurs d’un son, des mots-sons en quelque sorte. Et s’il est vrai que le poète « entend » quelque chose en amont du langage en formation, ce sont des mots qu’il entend, pas des bruits ».

La poésie d’Hervé Delabarre recèle une dimension auditive singulière mais elle fait aussi émerger du non-conscient des forces crues et inattendues, parfois ludiques, parfois implacables.

Le premier poème de ce recueil s’intitule Le sourire noir et dès les premiers vers, un style s’impose, mais non restreint au langage, il s’agit d’un style de l’Être.

A la marge du sourire

La menace

Comme une détresse

 

Imprécation

A peine murmurée

De la blessure à la bouche

De la vénération à la terreur

 

Dans la ravine

Où les tourments sont soulignés du doigt

Le scalpel désigne à la blessure

Les crins noirs de l’abécédaire

 

Franchie l’orée des bas

Et des étoffes noctambules

L’ongle

Incise une nuit capitonnée

Ou encore avec Autre chose :

 

Les mots sont détournés de leur sens,

reste à savoir s’ils en ont un vraiment.

Le rasoir ne dort que d’un œil,

les draps en feu carillonnent,

un arbre foudroyé vous salue,

et la barbe elle-même se met à pleurer.

 

Quoi de plus beau qu’un cure-dent

sinon le cul de Proserpine

ou bien, pour faire bander les rimes,

celui de Messaline.

 

Quant à l’amour,

C’est à désespérer vraiment,

il n’est plus qu’un chemin de croix

qui monte vers un lointain Golgotha

Hervé Delabarre, ce sont aussi des contes et des chants, des contes cruels, à l’érotisme astringent et des chants hantés par le jeu des sonorités.

 

Il est là

Gominé dans ta glu

Englué dans ta glose

D’impudique immolée

D’immodérée sacrée

Et fosse profanée

Car c’est ainsi

Tu l’oses

 

Que viennent les images !

Voici un livre pour « affronter les intempéries du baiser ».

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 27 mai 2017).

*

Les Hommes sans Epaules éditions qui ont en 2015 publié un fort volume des poèmes d’Hervé Delabarre récidivent avec un second recueil : La nuit succombe, suivi de Carène. On y retrouve les trois voix affectionnées par Delabarre, que j’entends comme trois paliers dans son expérience de l’écriture automatique, selon qu’un drame personnel, une dérive onirique ou une interprétation perverse-polymorphe (comme on dit des enfants) et parfois burlesque commande à la coulée verbale. La dernière partie de ce recueil donne à lire un long poème « Carène », qui, expérience unique pour son auteur, fut écrit, selon la même écoute de son inconscient, pour être lu en public, accompagné par un groupe de rock. Ce poème, longue incantation érotique, est bien ce jeu de colin-maillard entre signifiants et signifiés, quand les mots s’aimantent les uns les autres, vertigineusement : « Es-tu Carène – Es-tu – Le cri noir d’Hécate ». Une préface d’Alain Joubert ouvre ce livre, dont on retient cette proposition retournant comme un gant une célèbre formule : le langage se structure selon les mouvements de l’inconscient. »

Guy GIRARD (in Infosurr n°134, novembre 2017).

*

Poète et peintre, Hervé Delabarre est l'auteur d'une vingtaine de plaquettes et livres de poèmes. Il est demeuré fidèle à l'éthique du surréel, à la morale de la vérité, à la poésie et au Merveilleux, au surréalisme historique et éternel, qu'il a prolongé dasn ses oeuvres et incarné avec un tel éclat, qu'il ne détonne certainement pas aux côtés d'André Breton et de Benjamin Péret. Avec ce dernier, Hervé Delabarre est le poète dont l'eouvre porte le plus l'empreinte de l'automatisme.

La nuit succombe, nous dit Alain Joubert dans sa préface, " va vous tenir longtemps au cœur même d’un monde en perpétuel renouvellement des approches et des sensations." Joubert précise le caractère automatique d ela poésie de Delabarre comme une preuve, aps une oeuvre: "les textes ainsi produits sont le résultat d'une expérience intérieure qui s'aventure jusqu'à mettre au grand jour ce que l'être recèle d eplus secret pour lui-même, ce qui se dissimule dans els plis de son inconcsient."

Mirela Papachlimintzou (in revue Contact n°81, Athènes, Grèce, mars 2018).

*

"L'ouvrage contient un recueil de poèmes sur un monde en perpétuel renouvellement des approches et des sensations et un poème, écrit en 1981, dans lequel le poète traduit ce qu'il ressent pour le mot carène après avoir écouté, la veille, un groupe de rock amateur."

Electre, Livres Hebdo, 2018.



Lectures

"Sans doute est-il difficile (voire impossible) de parler de "La Nuit succombe" d'Hervé Delabarre tant on y peut retrouver l'écriture automatique. Alain Joubert, dans sa préface, met en évidence le surréalisme qui coule dans ce recueil. Il en voit la preuve dans la lecture que fit André Breton de "Danger en rive" : "… c'est chez Hervé Delabarre que Breton retrouve et désigne le chemin de cette poésie qui ne doit rien au calcul, mais tout aux fulgurances de l'inconscient…" (p 10). Revenant à "La Nuit succombe", Alain Joubert relève les mots de vie qu'il oppose aux mots rares...

Les poèmes d'Hervé Delabarre ne vont pas sans une certaine obscurité tant ils explorent cet inconscient dont parle Alain Joubert dans sa préface. Le lecteur attentif remarquera le goût de Delabarre pour l'image  insolite "L'ongle / Incise une nuit capitonnée" (p 17) tout comme pour les mots voisins sur le plan phonétique : "Ainsi va l'immonde / L'antre et l'autre / L'auge et l'ange" (p 18). Le jeu sur les mots n'est pas absent : "mot dire" qui évoque maudire (p 22). Dans la première suite, "Des douves en corps et toujours", le vers se fait bref (réduit souvent à un mot ou deux). "Fétiches", par contre, regroupent deux proses assez longues qui sont l'exemple même de l'écriture automatique (mâtinée de réflexions parfaitement rationnelles). Dans la seconde, on retrouve le sire de Baradel qui traversait déjà quelques pages de "Prolégomènes pour un futur" ; mais l'important n'est pas là, il réside dans le hasard objectif… "La nuit succombe 1" sait se gausser d'une certaine poésie : "la poétesse poétise / et met des bigoudis aux rimes" (p 44) : c'est réjouissant ! L'objectif est bien de capter ce que dit l'inconscient et non de faire joli… Quand ce n'est pas l'ironie qui reprend cette phrase jadis analysée par André Breton dans le Premier manifeste du Surréalisme (1924) et qui devient sous la plume de Delabarre "Laissez venir, marquise, vos cuisses ouvertes à deux battants" (p 56). Même l'attitude anti-cléricale propre aux surréalistes (je me souviens en particulier de cette photographie où l'on voit un crucifix pendu à une chaîne de chasse d'eau ! ou l'ai-je rêvée, ce qui en dirait long sur mon inconscient…) est présente dans un poème d'Hervé Delabarre : "Botter le cul aux pèlerins de Lourdes ou de La Mecque" (p 62) ! "Intermède" (qui regroupe trois poèmes consacrés à des héroïnes de contes traditionnels : Blanche-Neige, le Petit Chaperon rouge et la Belle au bois dormant) est placé sous le signe de la cruauté. Cet ensemble n'est pas le résultat direct de l'automatisme, du hasard tant il est réfléchi mais il exprime parfaitement un certain aspect de l'inconscient et la vision est décapante. L'érotisme n'est pas exempt d'une certaine imagerie convenue (cuissardes, cravache, nudité…) mais il est sauvé par l'humour (la vache qui rit) ! L'irrespect quant à la mort est de mise… La multiplicité des personnages qui apparaissent dans "La nuit succombe 2" assurant une distanciation salutaire et rendant acceptables l'irréligion et l'érotisme (la vulve est omniprésente) de  ces poèmes.

La seconde partie du recueil est un longue (une vingtaine de pages) et libre médiation sur le mot carène qui s'est imposé pour sa sonorité. Les mots jouissent, s'accordent et s'abouchent pour leur musique, pour leur bruit sans aucun rapport au signifié comme le souligne Hervé Delabarre dans ses explications liminaires. Au total, ce livre témoigne du surréalisme qui irrigue la production de maints poètes qui ne s'en réclament pas ouvertement mais qui n'ont jamais fini de payer leurs dettes. Tant le surréalisme a été une porte qui reste ouverte."

Lucien WASSELIN (cf. "Fil de lecture" in recoursaupoeme.fr, juin 2017).

*

" Ce livre, nous dit Alain Joubert dans sa préface, « va vous tenir longtemps au cœur même d’un monde en perpétuel renouvellement ». Il insiste sur le caractère automatique de la poésie d’Hervé Delabarre, marquée par le surréalisme et sa proximité avec André Breton, poésie qui évoque aussi un Benjamin Péret ou un Jean Arp.

Mais qu’est-ce, finalement, que l’écriture automatique ? Alain Joubert précise :

« L’écriture automatique est d’abord une preuve, pas une œuvre. Les textes ainsi produits sont le résultat d’une expérience intérieure qui s’aventure jusqu’à mettre au grand jour ce que l’être recèle de plus secret pour lui-même, ce qui se dissimule dans les plis de son inconscient. Cette preuve désigne la source de la poésie, et assigne au langage – à l’écriture – une exigence à s’incarner ; ainsi l’œuvre peut-elle ensuite apparaître.

Mais y-a-t-il une voie automatique, ou bien faut-il plutôt parler de voix automatique ? Ne serait-ce pas le bruit d’un mot, analogiquement proche de celui d’un autre, qui provoquerait un télescopage en forme d’image, plus riche que la somme des deux termes qui la composent ? Précisons cependant que le seul « son » ne suffit pas au poète, tant il est vrai que le rythme intérieur ne lui fait pas « entendre » des bings, des bangs, des zooms ou des zowies, mais bel et bien des mots qui sont chacun porteurs d’un son, des mots-sons en quelque sorte. Et s’il est vrai que le poète « entend » quelque chose en amont du langage en formation, ce sont des mots qu’il entend, pas des bruits ».

La poésie d’Hervé Delabarre recèle une dimension auditive singulière mais elle fait aussi émerger du non-conscient des forces crues et inattendues, parfois ludiques, parfois implacables.

Le premier poème de ce recueil s’intitule Le sourire noir et dès les premiers vers, un style s’impose, mais non restreint au langage, il s’agit d’un style de l’Être.

A la marge du sourire

La menace

Comme une détresse

 

Imprécation

A peine murmurée

De la blessure à la bouche

De la vénération à la terreur

 

Dans la ravine

Où les tourments sont soulignés du doigt

Le scalpel désigne à la blessure

Les crins noirs de l’abécédaire

 

Franchie l’orée des bas

Et des étoffes noctambules

L’ongle

Incise une nuit capitonnée

Ou encore avec Autre chose :

 

Les mots sont détournés de leur sens,

reste à savoir s’ils en ont un vraiment.

Le rasoir ne dort que d’un œil,

les draps en feu carillonnent,

un arbre foudroyé vous salue,

et la barbe elle-même se met à pleurer.

 

Quoi de plus beau qu’un cure-dent

sinon le cul de Proserpine

ou bien, pour faire bander les rimes,

celui de Messaline.

 

Quant à l’amour,

C’est à désespérer vraiment,

il n’est plus qu’un chemin de croix

qui monte vers un lointain Golgotha

Hervé Delabarre, ce sont aussi des contes et des chants, des contes cruels, à l’érotisme astringent et des chants hantés par le jeu des sonorités.

 

Il est là

Gominé dans ta glu

Englué dans ta glose

D’impudique immolée

D’immodérée sacrée

Et fosse profanée

Car c’est ainsi

Tu l’oses

 

Que viennent les images !

Voici un livre pour « affronter les intempéries du baiser ».

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 27 mai 2017).

*

Les Hommes sans Epaules éditions qui ont en 2015 publié un fort volume des poèmes d’Hervé Delabarre récidivent avec un second recueil : La nuit succombe, suivi de Carène. On y retrouve les trois voix affectionnées par Delabarre, que j’entends comme trois paliers dans son expérience de l’écriture automatique, selon qu’un drame personnel, une dérive onirique ou une interprétation perverse-polymorphe (comme on dit des enfants) et parfois burlesque commande à la coulée verbale. La dernière partie de ce recueil donne à lire un long poème « Carène », qui, expérience unique pour son auteur, fut écrit, selon la même écoute de son inconscient, pour être lu en public, accompagné par un groupe de rock. Ce poème, longue incantation érotique, est bien ce jeu de colin-maillard entre signifiants et signifiés, quand les mots s’aimantent les uns les autres, vertigineusement : « Es-tu Carène – Es-tu – Le cri noir d’Hécate ». Une préface d’Alain Joubert ouvre ce livre, dont on retient cette proposition retournant comme un gant une célèbre formule : le langage se structure selon les mouvements de l’inconscient. »

Guy GIRARD (in Infosurr n°134, novembre 2017).

*

Poète et peintre, Hervé Delabarre est l'auteur d'une vingtaine de plaquettes et livres de poèmes. Il est demeuré fidèle à l'éthique du surréel, à la morale de la vérité, à la poésie et au Merveilleux, au surréalisme historique et éternel, qu'il a prolongé dasn ses oeuvres et incarné avec un tel éclat, qu'il ne détonne certainement pas aux côtés d'André Breton et de Benjamin Péret. Avec ce dernier, Hervé Delabarre est le poète dont l'eouvre porte le plus l'empreinte de l'automatisme.

La nuit succombe, nous dit Alain Joubert dans sa préface, " va vous tenir longtemps au cœur même d’un monde en perpétuel renouvellement des approches et des sensations." Joubert précise le caractère automatique d ela poésie de Delabarre comme une preuve, aps une oeuvre: "les textes ainsi produits sont le résultat d'une expérience intérieure qui s'aventure jusqu'à mettre au grand jour ce que l'être recèle d eplus secret pour lui-même, ce qui se dissimule dans els plis de son inconcsient."

Mirela Papachlimintzou (in revue Contact n°81, Athènes, Grèce, mars 2018).

*

"L'ouvrage contient un recueil de poèmes sur un monde en perpétuel renouvellement des approches et des sensations et un poème, écrit en 1981, dans lequel le poète traduit ce qu'il ressent pour le mot carène après avoir écouté, la veille, un groupe de rock amateur."

Electre, Livres Hebdo, 2018.




Lectures critiques

" Comment rendre compte d'une telle somme ? Paul Farellier a regroupé dans ce gros volume de presque 700 pages, 12 périodes s'échelonnant de 1968 à 2013 ; des œuvres quasi-complètes donc : mais en est-on vraiment sûr ? Quasi car Paul Farellier est toujours vivant et sans doute continue-t-il d'écrire et parce que, peut-être, certains poèmes ont-ils été écartés de L'Entretien devant la nuit… Si l'étude de Pierrick de Chermont publiée en postface met bien en évidence les caractéristiques de la poésie de Paul Farellier telle qu'on peut la découvrir dans cet ouvrage, il manque une approche scientifique établissant la correspondance entre les poèmes ici reproduits et les recueils publiés au fil des années. Mais le lecteur ne doit pas s'attendre à trouver dans cette édition un ersatz de la Pléiade ! L'Entretien devant la nuit contient les dix livres publiés entre 1984 et 2010 mais aussi des inédits anciens et Chemin de buées qui regroupe des inédits de la période 2009-2013. Pour les curieux, on peut affirmer, sans risque de se tromper, que Paul Farellier remet en cause la notion de poètes maudits (chère à un certain romantisme et popularisée par Paul Verlaine dans un ouvrage éponyme) puisqu'il suivit les cours de Sciences Politiques à Paris, qu'il est titulaire d'un Doctorat d'état en droit public et qu'il travailla sa vie durant dans l'industrie comme juriste international ! Mais Alain Borne ne fut-il pas avocat ?

Si Pierrick de Chermont dans sa postface, partant de réflexions sur la poésie contemporaine, met bien en évidence les caractéristiques de celle de Paul Farellier (un certain classicisme formel, une grande attention au proche et au présent, un attachement à la nature, une volonté affirmée d'honorer le simple et une attirance pour le mystère du monde et de la présence de l'humain dans ce monde), le lecteur peut être sensible à d'autres aspects de cette écriture. C'est ce qui va être mis en évidence dans les lignes qui suivent. Une grande part d'autobiographie est présente dans ces poèmes : ainsi le "Faux" Bonnard (avec son piano, l'étude et l'élève) rappelle-t-il que Paul Farellier a étudié le piano avec Fernand Lamy, parallèlement à ses études de droit). Il serait fastidieux de relever systématiquement tous ces ancrages dans la vie du poète, mais ils sont nombreux. Une certaine synesthésie n'est pas absente de certains poèmes, ainsi cette ductilité sonore dans Paroles du sourcier (1). Le monde est étrange, être au monde est étrange. C'est dans les poèmes "obscurs" que se dit le mieux cette étrangeté ; mais on y décèle une nostalgie angoissée face à une partie de l'être humain ; "l'éternité respire" constate Paul Farellier dès son premier recueil (vers qu'il faut mettre en regard de ces deux autres "le scandale permanent / de notre brièveté") ; c'est que le poète s'émerveille aussi de la splendeur singulière du monde. La notation est brève, si brève parfois que la pensée devient lapidaire ; ainsi, deux vers, par exemple, font sentence ou proverbe : "Qui chante juste / habite la poussière."

Quand on referme ce gros volume, on se dit que Paul Farellier maîtrisait sa voix dès ses premiers poèmes, aussi bien que son attitude face au monde qui, si elle a évolué, n'est pas radicalement différente, elle s'est seulement approfondie. La langue reste la même : à ces mots (p 59) "avéré, dans ma fibre de chose, je me reste, gravé sur mes yeux, incisé à quelque dur plaisir" font écho ces vers (p 654) "moins qu'une larme du temps, / une buée de retard // sur l'infime part du monde / qu'aura frôlée le regard." Même modestie de la vision, de l'écriture, même si la gravité est là : le poème de la page 653 ("Le temps venu / où tu comptes pour amis / moins de vivants que de morts…") exprime parfaitement cette gravité : effet de l'âge ?

Tout cela ne va pas sans une certaine préciosité dans l'agencement des mots : "Une aile captive joue dans l'absence unanime" (p 83), une préciosité de bon aloi qui amènera le lecteur à se demander quels rapports entretient Paul Farellier avec le surréalisme (même si ces mots sont extraits d'un poème de En ce qui reste d'été, des carnets écrits en 1979-1982 et publiés en 1984). L'émotion n'est jamais bien loin dans les poèmes de Farellier : "Ce cœur, tu le retiens pour plus large ; pour y bercer le plus vaste. Oui, tu l'ouvriras jusqu'à l'absence" (p 98). Le lecteur pensera alors à l'émotivisme défendu par Les Hommes sans épaules, pour dire vite…

D'autres seront interpellés par cette vision du monde présente dans la poésie de Paul Farellier, une vision parfois hallucinée mais toujours particulière, où l'obscur féodal de la fuite le dispute à l'aléatoire du feu, la montée, par le travers des brandes, conduit à ce que le poète désigne comme le Jugement dernier (p 125). C'est que le monde physique est complexe, tout comme la métaphysique. Le poème se suspend devant l'inconnu, les mots manquent : "Quelque chose parfois s'éloigne, sans voix, sans permission ; creusant l'éternité soudaine. Du familier pourtant ; mais qui, déjà, ne trouvera plus son nom" (p 149). Ce n'est pas le moindre charme de cette poésie… On n'en finirait pas de relever ainsi la spécificité chatoyante de la démarche de Paul Farellier : mais il faut laisser aux lecteurs le plaisir de la découverte…

Reste à expliquer (?) le titre de ce volume qui doit servir de point commun à ces poèmes d'une vie… On a l'impression que Paul Farellier n'en finit pas de s'adresser à la face cachée de lui-même, au mystère d'être au monde, un monde qu'il interroge sans cesse. D'où cet entretien devant la nuit. Une nuit si présente dans les poèmes, un exemple, un seul : "Il est temps encore. Tu peux fuir dans la nuit libre. // Pour moi, les mots sont tissés ; le regard, piégé. Je suis un arbre arrêté dans les étoiles" (p 116). Ce qui n'empêche pas l'émerveillement devant le monde…

Au terme de la rédaction de cette note de lecture, je suis tout à fait conscient de la légèreté de mes propos : il faudrait plus d'espace pour une approche sérieuse de l'œuvre de Paul Farellier (qui mériterait un essai complet). Et, en plus, il restera au lecteur à articuler ses propres remarques, éventuellement aux miennes ou à contredire ces dernières, pour découvrir l'expérience intérieure (qui peut prendre différents aspects mais qui reste profondément humaine) dont parlent Gérard Bocholier et Gilles Lades (en quatrième de couverture) : et ce ne sont pas là simplement paroles de lecteurs, fussent-ils poètes… Page 653, toujours, Paul Farellier écrit : "bientôt il ne t'étonne plus / d'aller ainsi de compagnie / dans les chemins du jugement. // C'est ton pas qui s'alourdit / et la terre qui s'allège / ou plutôt se divise"… Je pense alors au dernier recueil d'Aragon, Les Adieux, et à ces vers : "Un jour vient que le temps ne passe plus / Il se met en travers de notre gorge / On croirait avoir avalé du plomb / Qu'est-ce en nous qui fait ce soufflet de forge". Toute œuvre ne se termine-t-elle pas ainsi ? "

Lucien WASSELIN (Cf. "Fil de lecture" in recoursaupoeme.fr, novembre 2015).

*

"Ce livre de près de 700 pages réunit, en douze recueils, l’œuvre poétique de Paul Farellier de 1968 à 2013. Un tel ouvrage, qui s’est vu décerner le Grand Prix de la Société des Gens de Lettres 2015, inspire un sentiment d’accomplissement et d’exemplarité, tant s’y trouvent réalisées toutes les dimensions de l’engagement poétique.

Cette écriture détient dès l’origine sa forme : précise et déliée, sobre mais sans excessive ellipse. Homme et poète déjà construits. Et, pour parapher l’ouvrage, une adresse au lecteur à voix haute, délivrant les secrets de la diction, du souffle et de l’inflexion : ainsi l’œuvre prendra-t-elle le large, pour toujours animée.

La poésie de Paul Farellier réalise le paradoxe d’une extrême urgence et d’une extrême patience. C’est par une transgression positive que le poète accède à l’être :

« L’eau germe / dans la pierre de ta soif ».

 Sage aux lèvres minces, il s’en remet à « la communauté de la nuit ». Comment ne pas penser à Georges de la Tour :

 « Une bougie restée seule / tout le silence dans sa flamme droite » ?

Recueillement et dépouillement, articulés au socle de l’être, à la mémoire de l’œuvre humaine, se donnent pour mission de dire « l’intense déploiement de l’immobile ». Et le regard est d’abord un révélateur : la neige devient « lumière de l’obscurité », le poème « fenêtre noire ».

 Un temps, le poète se délie de la verticalité en épousant l’espace – « l’adorable frémissement des herbes » –, le plus cher de son histoire personnelle (évoquant ses parents :

« à jamais tu te relèves / entre leurs deux présences »).

Mais il se relance bientôt vers les limites :

« l’heure où l’on voit plus loin que sa vue ».

Dans cette poésie, et c’est un de ses secrets, chaque clivage permet de progresser vers une plus exacte densité. À l’extrême, l’intériorisation s’accentue au péril du néant :

« Prison refermée. Lapidation de la lumière ».

 Elle voisine cependant avec les germes d’espérance :

 « Ce ti-tit d’insistance / douce d’un oiseau qui ne dit pas son nom ».

 À l’évidement, à l’amenuisement, succède dans les derniers recueils un chant plus lié, plus ample :

 « Et toi que fige soudain / dans ta prière la peur / d’éveiller l’invisible,… rêves-tu déjà les étoiles / d’une secrète épaule ? »"

L’image, loin d’être enchaînée à l’image suivante, monte vers la pensée. La parole, invariablement inscrite dans sa mesure (chaque poème semble fait pour la page), confronte le passé médité, contemplé, au rebelle présent : « toi, le flagellé d’instants ». La tension, toujours à l’œuvre, comme celle de l’alpiniste qui va de prise en prise, se résout en interrogation face à l’absolu :

« Est-il une fin / où vont les pas // hors limite, avalés par le vide ? »

Gilles LADES, in revue Friches, n° 119, septembre 2015.

*

"Ce gros recueil des œuvres de Paul Farellier donne au lecteur le sens de l’œuvre, le sens aussi de ce qu’est une œuvre, de sa puissance, entre émergence, disparition et résurgence.

Dans une postface élégante, Pierrick de Chermont évoque à son sujet une poésie de l’anonymat, dans un pays, la France, qui ignore la poésie. Cet anonymat pourrait être finalement plus qu’une chance ou une opportunité mais une véritable fortune. En effet, souligne Pierrick de Chermont :

« Sans aucune autre contrainte que son art inutile, entièrement consacré à lui, prêt à toutes les aventures de l’esprit, à tous les voyages, circulant seul ou presque dans la grande forêt de la poésie mondiale, n’ayant de compte à rendre à personne, le poète est la figure fantasmée de l’art contemporain. L’invisibilité de son art est donc une des sources de cette liberté. Elle le revêt d’une protection dont ne disposent pas les autres arts, qui eux sont exposés. »

Cette liberté, payée très cher le plus souvent par le poète, garde vierge l’espace de la création.

Sans prétendre à l’exhaustivité, Pierrick de Chermont retient cinq traits caractéristiques de la poésie de Paul Farellier. Tout d’abord un certain classicisme formel fait de « précision et exigence formelle » mais aussi d’une « économie de moyens ». Viennent ensuite « une attention au proche et au présent, un attachement à la nature et une volonté de dialoguer avec elle, une volonté d’honorer le simple et une attirance pour le mystère que recèle le monde ».

La saisie de ce qui se donne à voir, de l’instant présent, porteur d’une ouverture infinie, est au cœur de la poésie de Paul Farellier qui exprime une grandeur de la banalité, une beauté du quotidien, un abîme aussi de la limite, de ce qui nous borne dans l’apparaître des choses."

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 3 novembre 2014).

*

" Sous la direction magnifiquement tutélaire de Christophe Dauphin, Les HSE (Les Hommes sans Epaules éditions) poursuivent leur travail éditorial considérable en poésie. Outre la revue ‒ dont chaque livraison est à elle seule un livre‒ elles éditent, rééditent, restituent, récapitulent.

Ainsi de cet ouvrage de 659 pages : qui n’aime pas Paul Farellier ne le lira pas… Mais qui ne connaît pas Paul Farellier s’y précipitera : à ce prix-là (25€) on peut se permettre de découvrir un poète ‒ qui importe plus qu’un navet au cinéma, ou les tripatouillages politico-érotiques d’un(e) pipole dont on aura oublié le nom plus vite que celui de Paul Farellier.

Visionnaire.
Compagnon du Mystère ‒ et cependant du « chaotidien ».
Célébrant ‒ mais pris de silence comme on peut être « pris de Parole ».

Né à Paris en 1934 (comme Jean Chatard !), Paul Farellier collabore à de nombreuses revues, comme poète bien sûr mais aussi comme chroniqueur et critique. Il est membre du comité de rédaction de la revue Les Hommes Sans Épaules. Membre du jury du Prix du poème en prose Louis Guillaume.

Mais il est d’abord, et avant tout, poète. Certains diraient « prolixe ». Moi j’écris :«fécond ». Ce bel ouvrage « L’ entretien devant la nuit » paraît donc pour l’anniversaire du poète en 2014. C’est une somme, une part de sa vie et de son écriture. Mais ainsi qu’il l’écrit lui-même page 116 : «Il est temps encore. Tu peux fuir dans la nuit libre. »
Je vous conseille, ainsi qu’il le dit achevant ce poème, de le suivre :

« Je suis un arbre arrêté dans les étoiles »."

Roland NADAUS (cf. rubrique "Ici et là", in site de la Maison de la Poésie de St-Quentin-en-Yvelines).

*

"Depuis près d’un demi-siècle, Paul Farellier poursuit une œuvre poétique dispersée, comme c’est souvent le cas, dans plusieurs maisons d’édition (L’Arbre à Paroles, la Bartavelle, Le Pont de l’Épée…). La réunion de ces poèmes en un fort volume est pour le lecteur un vrai bonheur et pour l’amateur (ne parlons pas de critique pour la poésie…) une excellente manière de déceler les lignes de force de ces recueils. On a beaucoup galvaudé, dans les grandes tendances de la poésie contemporaine, l’expression « poésie du quotidien », lorsque l’on puise l’inspiration dans le monde qui nous entoure plutôt que dans la culture classique ou les grands mythes du passé. Car il y a mille façons de regarder le monde : une évocation de sa beauté et de sa singularité, une approche de la plénitude par le fragment, du fugace par l’éternel, l’irruption d’une formule foudroyante, une expérience quasi mystique de la dépossession de soi par la communion au monde… On retrouve un peu de tout cela chez Paul Farellier, mais sans cette systématisation qui transforme l’émerveillement spontané en procédé. « J’écoute vivre », glisse-t-il : le taillis, la cigale, un doigt, un sourire, une étoile… Tout est porte d’entrée dans le monde créé par le regard, et le mot.

Le mot, plutôt que la formule. Trop souvent, le poète succombe au bonheur d’expression, à l’image fulgurante. Un mot suffit à Paul Farellier pour la transmutation du réel. Le « procès d’une fin de jour », la « montée maigre du sentier », « l’affrètement d’éclairs du soir », et nous voyons par son regard, nous sentons, nous palpons, nous entendons… Et soudain « l’oiseau a sauté hors du texte ».

Entre l’éclat et l’infini, l’œil a souvent besoin d’un cadre : s’il y a chez le poète un appel vers l’horizon, le ciel, la nuit, le vent, l’océan, le silence, tout ce qui ne conçoit pas de limite, et si le tremplin du minuscule nous permet d’y sauter à pieds joints, il y a souvent un plan intermédiaire, un cadre, une fenêtre,

Car tout fait clôture ici,

tout est serré dans ce poing

qui pourtant n’enferme que le vide,

oblige à des riens d’ombre, à des façons de taire

Et c’est ce double mouvement, du tremplin de l’infime au cadre de la fenêtre puis à l’infini de l’horizon, qui donne le vertige au lecteur. Le vertige d’une expérience partagée, d’un arrachement à soi. On plonge, « heureux comme on pourrait l’être dans l’oubli de soi » : la poésie a produit son effet, et l’on peut refermer les yeux, apaisé dans cette communion subtile (« nous, ce plaisir habitable »…), conscient d’être le monde et le poème : « je dors, superflu sous ma paupière »."

Jean Claude BOLOGNE (in jean-claude.bologne.pagesperso-orange.fr/#site)

*

"Mes préférences

Paul Farellier fait paraître L’Entretien devant la nuit (Les Hommes sans Épaules éditions) qui rassemble ses poèmes de 1968 à 2013. Dans sa postface fort intéressante, Pierrick de Chermont situe le poète dans ce qu’il appelle « la poésie de l’anonymat », un courant majeur de la poésie d’aujourd’hui. Il dégage cinq traits emblématiques de cette poésie, tous présents chez Paul Farellier : « un certain classicisme formel, une attention au proche et au présent, un attachement à la nature, une volonté d’honorer le simple et une attirance pour le mystère que recèle le monde. » Il faut entrer dans cet univers de nuit où la nudité de l’écriture s’applique rigoureusement à la nudité des choses. Rien n’est fermé, l’évasion vers le plus inaccessible hante toujours l’homme des frontières :

 

Ce qui s’est joué sur des frontières,

leur passage,

ta fuite au sentier de nuit,

 

n’y retourne pas,

mais prolonge plutôt la dernière étoile,


le secret qui recommence."


Gérard BOCHOLIER (in revue ARPA, n° 112, 1er trimestre 2015).

*

" Paul Farellier est un poète qu’il faut lire dans la durée. C’est le chemin lancinant qu’il emprunte qui lui donne toute sa force. Ce poète est un chercheur qui pose sa parole devant la nuit. Plus que les réponses, il voudrait constamment parfaire sa question. Quelqu’un a écrit qu’il ne nous prenait pas à témoin. Lecteur depuis quelques années de la poésie de Paul Farellier, où je retrouve ici des poèmes que je connais comme ceux de Tes rives finir ou d’Une odeur d’avant la neige, je ne le ressens pas de cette façon. Dans cette somme que propose l’édition des Hommes sans Épaules, on est emmené par le poète dans une méditation qui touche par sa patience et sa cohérence. La respiration et les silences sont aussi importants que les mots eux-mêmes. Il s’agit d’accéder à la vérité intérieure. La seule qui permette d’aller vers le lecteur en évitant pose et malentendu. L’imaginaire du quotidien est installé dans sa réalité, l’importance des proches est là dans son évidence, et comme le dit avec justesse Pierrick de Chermont, il se manifeste là une présence étrange. J’oserai dire dans une certaine lumière. Mais c’est bien l’ombre, cette «somptueuse» qui est recherchée. Les derniers poèmes éclatent de fraternité exigeante. Le poète est arrivé au moment de sa vie où il continue sa quête, le père, peintre, n’est pas loin, avec la compagnie des disparus. Cette somme poétique, exemplaire de la nécessité poétique contemporaine, nous dit Pierrick de Chermont dans sa postface, en est un fleuron. "

André PRODHOMME (in Les Hommes sans Epaules n°39, mars 2015).

*

"Dans ce livre admirable, c’est un chemin de vie que Paul Farellier nous offre, avec justesse et retenue. Des interrogations sans réponses et du constat d’une vie reportée à plus tard qui se font jour dans les recueils du début, en passant par de courts tableaux dans lesquels le poète interprète ce qui s’offre à sa vue, recherche une enfance perdue et dit ses craintes d’un temps dévastateur, nous parvenons à des poèmes où Farellier, en quête d’un monde inconnu, s’interroge sur l’acte même d’écrire avec des mots qui savent à peine nommer.
 Quand on interroge Paul Farellier sur ce qui lui a fait tantôt choisir le poème en vers, tantôt le poème en prose, il avoue qu’il existe une sorte de nécessité et que « le vers descend tout armé de son rythme dans la main qui l’écrit, car nous n’avons plus la férule de la rime, donc le rythme est indispensable ». Et Farellier conclut : le vers est dans l’espace d’un chant. Notre poète aime aller à la nature, car pour lui le paysage n’est pas une abstraction, « c’est un ailleurs dans l’ici ». On y apprivoise le provisoire, car l’on y apprend ce qui va mourir. On peut dire que dans sa poésie il y a une appropriation quasi charnelle du paysage : « le silence venant à l’épaule comme un suint de l’été ». Mais les terres vraies de Paul Farellier sont le plus souvent cachées, le « tu » qu’il utilise peut être celui de l’amour, mais ce peut être aussi le pronom de la prière. La plupart de ses poèmes sont écrits au présent, le passé est invisible nous dit le poète, mais il porte une trace évolutive : « je suis un flagellé d’instants, j’ai voulu sortir du tourbillon de l’agenda des vivants » et il ajoute : « je n’ai pas fait que subir le temps, je l’ai aussi aimé d’une sombre ferveur ». « Nous voulons la naissance des flammes, non le charbon ressaisi ».
Aussi dirons-nous, sans conclure, car ce livre étonnant est celui d’un visionnaire que l’on aimera lire et relire : Paul Farellier est un véritable alchimiste qui sait déceler des couleurs sous la nuit. Pensant à ses chers parents disparus, il sait nous rendre sensible: « Leur visite, chaque soir, l’entretien devant la nuit. » "

 Sylvestre CLANCIER

 (Texte présentant Paul Farellier, lauréat du Grand Prix de Poésie, au nom du Jury, à la SGDL, 23 juin 2015).

*

"L’Entretien devant la nuit rassemble en plus de 600 pages des poèmes de près de cinquante ans de poésie. Certains sont inédits, d’autres, la plupart, ont déjà été publiés. Ce gros recueil témoigne, selon la juste expression de Pierrick de Chermont dans la postface, d’une « poésie de l’anonymat », même si l’expression personnelle se fait plus sensible au fil du temps, par exemple dans des confidences discrètes sur l’insomnie d’hôpital, / le couloir d’urgences (« Heures », 1998) ou dans  « Maintenant, visage fixé », qui date de 2003 et est dédiée à son « père, qui était peintre ». Dans « La nuit passante » (1999), l’interrogation sur le temps et sur soi, se fait plus pressante. Mais ce qui reste stable dans cette traversée d’un demi-siècle est plus frappant que ce qui change. La qualité essentielle de ces poèmes est peut-être ce que l’on pourrait résumer par le terme de « délicatesse ». Délicatesse des sentiments, une pudeur constante qui évite tout excès sentimental, même quand la nostalgie ou une « pensée déchirante » menacent l’équilibre. Le « je » cède le plus souvent la place à un « on », qui renvoie sans doute à des circonstances et des personnes particulières, mais élargit à l’humaine condition, comme l’infinitif déracine ce qui serait trop précis : Poindre / au plus effacé du songe. Délicatesse des notations attentives à saisir l’instant où un oiseau s’envole, une cigale chante, la neige recouvre un paysage, les liserons se penchent sous la pluie… C’est la tâche du poète que de les dire pour défendre la beauté : une beauté de feuilles, d’oiseaux, de cascades, / j’ai rassemblé ces choses / dont je suis encore le lien secret. À la délicatesse s’adjoint la douceur : Seule monte la lueur de ce front / à la douce conquête de l’ombre. […] la douce insistance de l’heure. Le temps se décline à travers les saisons et les mois, avec, semble-t-il, une préférence pour l’hiver, la neige, le blanc, qui annulent toute aspérité. La sobriété qui caractérise le ton de ces poèmes va de pair avec leur brièveté qui fait parfois songer au haïku : La table de ce côté./ Le couvert pour traiter l’ombre./ Nous dînerons d’une pensée déchirante. Le vers libre, le plus souvent très court, alterne avec des poèmes en prose, le plus souvent faits d’un seul bloc. La disposition sur la page est, selon les dires de l’auteur, liée à un souci d’oralité. Et il est vrai que c’est une voix qui nous murmure que la poésie est « immense en peu de mots ». « J’écoute vivre », dit Paul Farellier. Vivre, en dépit de tout et de l’absurde toujours menaçant : l’arbre gagné par la nuit continue à se dresser."

Joëlle GARDES (note à la revue Phœnix, hiver 2015, n° 16).

*

"Quarante-cinq ans de poésie. 684 pages de texte. Une postface de Pierrick de Chermont. Le récent ouvrage de Paul Farellier est sans aucun doute un événement dans la vie poétique d’aujourd’hui. Ce superbe pavé regroupe les poèmes publiés de 1968 à 2013.

La postface tout d’abord, qui décortique avec autant de talent que de soin, la poésie qui se pratique de nos jours.

Ce qui intéresse au plus haut point dans ces textes c’est l’explication qu’en fournit Pierrick de Chermont qui ne se contente pas d’évoquer la technicité naturelle de Paul Farellier mais qui, globalement, explicite la poésie qui se crée aujourd’hui.

Quant à la poésie de Paul Farellier elle emporte l’adhésion, dès le premier texte repris d’un recueil publié en 1968. Cette masse imposante (plus de 650 pages !) ne comporte que des pièces de haute qualité dans lesquelles la syntaxe privilégie la métaphore. À l’endroit où l’envolée fait image et l’image à la fois couleur et douleur.

D’un quotidien assez quelconque, Paul Farellier extrait des sensations et des ancrages aux limites du Surréalisme. Dans tous les cas, des vers d’une audace mesurée dans leur lyrisme naturel se côtoient dans la fraternité de la création.

« Le jour qui monte retourne à l’oubli. La minute

blanche, ailée, s’est piquée au plus fort du courant »

Dès les premiers poèmes publiés, il semble que Paul Farellier ait adopté un rythme tout personnel créant ainsi un univers à sa mesure où les idées sont véhiculées dans un cadre défini dans lequel il évolue avec une aisance admirable. Poésie du bonheur et poésie de la mélancolie. Poésie dans laquelle chaque mot est irremplaçable.

Cette impressionnante publication démontre une nouvelle fois que la poésie est en effervescence et que les poètes actuels chantent avec talent sur la plus haute branche.

À lire absolument."

Jean CHATARD (note à la revue Diérèse, n° 64, automne-hiver 2014/2015).

*

"Compilation de poèmes en vers libres ou en prose mus par une même volonté de célébrer l'instant présent, la nature et les plaisirs simples de la vie. Grand prix SGDL de poésie 2015 décerné à P. Farellier pour l'ensemble de son oeuvre. "

Electre, Livres Hebdo, 2015.




Lectures critiques :

Ce volume rassemble l’essentiel des poèmes d’André-Louis Aliamet publiés au cours de sa vie de poète dans une demi-douzaine de recueils.

Ce qui frappe à la lecture de ces poèmes, c’est d’abord l’idée. Chacun de ces poèmes véhicule une idée-force mise en beauté. Les textes d’André-Louis Aliamet se méditent dans le silence auquel souvent ils conduisent naturellement.

« Je me tiens à égale distance de l’égarement et de la clairvoyance. Serait-ce une langue, ces coups de boutoirs des syllabes ? L’écriture, sans date ni repère, ces mots sentis brusquement, s’étonnent de nous trouver si lents, si tardivement émus. Sous l’aile d’orages inaudibles, ton règne, crève-cœur public, devient désordre. Immédiatement au-dessous persiste la criée secrète du poème. »

L’intérêt d’un recueil qui reprend plus de vingt ans de production est la rencontre avec un chemin qui fait œuvre ou non. Syllabes de nuit est une œuvre et non un assemblage, elle enseigne et éveille sans insistance particulière, avec grâce.

« Proche de Dieu sans t’inquiéter des prêtres, tu demeures, passé toute crise, celle qui persiste à rire, sans que je sache, une fois quittée, si tes joies sont toutes fausses, comme ton sobre amour n’est qu’un masque – pour lors à danser sur l’eau, toi qui dessines, du bout d’une perche, les pourtours d’une averse – lors pour filtrer des pluies, tu t’apprêtes à danser, sans que je sache, dans l’air spongieux, si tes rires sont des voltiges. »

On devine à la lecture des poèmes une alliance secrète entre le poète et la langue. Il a percé le secret des sons et des rythmes de cette grammaire qui crée les mondes. Inutile de chercher les arcanes dans quelque grimoire caché alors que le poète révèle.

 

« sois ma femme de Saturne et je serai

ta peau , crottée comme un ange,

sois mon institutrice, car Dieu

nous veut pour flairer ses pièges,

avec mon masque de cendres et tes deux

seins aveugles, recrus d’espace,

Ô Sœur de midi ! »

 

Une œuvre, véritablement, à ne pas manquer.

 

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 8 avril 2022).



Lectures critiques :

Ce volume rassemble l’essentiel des poèmes d’André-Louis Aliamet publiés au cours de sa vie de poète dans une demi-douzaine de recueils.

Ce qui frappe à la lecture de ces poèmes, c’est d’abord l’idée. Chacun de ces poèmes véhicule une idée-force mise en beauté. Les textes d’André-Louis Aliamet se méditent dans le silence auquel souvent ils conduisent naturellement.

« Je me tiens à égale distance de l’égarement et de la clairvoyance. Serait-ce une langue, ces coups de boutoirs des syllabes ? L’écriture, sans date ni repère, ces mots sentis brusquement, s’étonnent de nous trouver si lents, si tardivement émus. Sous l’aile d’orages inaudibles, ton règne, crève-cœur public, devient désordre. Immédiatement au-dessous persiste la criée secrète du poème. »

L’intérêt d’un recueil qui reprend plus de vingt ans de production est la rencontre avec un chemin qui fait œuvre ou non. Syllabes de nuit est une œuvre et non un assemblage, elle enseigne et éveille sans insistance particulière, avec grâce.

« Proche de Dieu sans t’inquiéter des prêtres, tu demeures, passé toute crise, celle qui persiste à rire, sans que je sache, une fois quittée, si tes joies sont toutes fausses, comme ton sobre amour n’est qu’un masque – pour lors à danser sur l’eau, toi qui dessines, du bout d’une perche, les pourtours d’une averse – lors pour filtrer des pluies, tu t’apprêtes à danser, sans que je sache, dans l’air spongieux, si tes rires sont des voltiges. »

On devine à la lecture des poèmes une alliance secrète entre le poète et la langue. Il a percé le secret des sons et des rythmes de cette grammaire qui crée les mondes. Inutile de chercher les arcanes dans quelque grimoire caché alors que le poète révèle.

 

« sois ma femme de Saturne et je serai

ta peau , crottée comme un ange,

sois mon institutrice, car Dieu

nous veut pour flairer ses pièges,

avec mon masque de cendres et tes deux

seins aveugles, recrus d’espace,

Ô Sœur de midi ! »

 

Une œuvre, véritablement, à ne pas manquer.

 

Rémi BOYER (in incoherism.wordpress.com, 8 avril 2022).




Sur Remue.net

"De temps en temps, dans la trop lointaine galaxie du surréalisme, une étoile filante apparaît ; alors, il faut vite saisir le sillage qu’elle laisse dans l’ombre ou la suie ambiante. Robert Rius, né le 25 février 1914, est mort le 21 juillet 1944, fusillé par les nazis pour faits de résistance : il vécut ainsi seulement trente ans, d’une guerre à l’autre. Il demeure l’inventeur en 1937, avec Benjamin Péret et André Breton, du jeu « le dessin communiqué ». Pour la préparation de l’Anthologie de l’humour noir (publiée en 1939, réimprimée en 1947, édition définitive en 1966 par Jean-Jacques Pauvert), il aida André Breton à sélectionner quelques-uns des écrivains qui y figurent de belle manière. Robert Rius aimait la littérature, la peinture, la photographie. Il lança la revue La Main à la plume en 1941, écrivit notamment l’Essai d’un dictionnaire exact de la langue française en 1943 (Editions Les Cahiers de Poésie) et un Picasso en janvier 1944 (Pages libres de La Main à la plume, édition clandestine). On peut lire, sur le site que vient d’ouvrir l’Association qui se consacre à la mémoire de Robert Rius, un tract adressé à Léon-Paul Fargue le 28 mars 1943 - impeccable traité du style en abrégé."

Dominique Hasselmann (Remue.net, 24 octobre 2006).




Critique

Éliane BIEDERMANN, in revue Friches, n° 93, printemps 2006 :

" Après un hommage au père disparu, l’auteur poursuit l’œuvre de celui-ci qui était peintre, en utilisant les mots sur sa palette de poète. Il le fait avec la délicatesse des artistes d’Extrême-Orient dans une mosaïque de touches légères : « Avant l’heure l’ailée s’éveille, / marche dans son jardin, / remue un peu de lumière. / Il a plu dans la nuit: / les flaques décideront le ciel. » Ici, les lumières de l’aube sur des jardins noyés de pluie font reculer l’ombre de la mort. […] Le mystère de notre identité, mémoire et passé qui se dérobent, hante la poésie de Paul Farellier. L’ombre et le miroir en sont des variantes qui apparaissent d’une manière récurrente. La célébration de la nature, « signe en paradis », et une quête fébrile de soi-même sont les composantes majeures de ce très beau recueil : « Le temps t’aveugle d’images, de reflets, de regards. / Que cherches-tu / sinon ta parole d’ombre ? / Un seuil est là / qu’il te faut déceler, / la demeure de la voix, / le sombre où luira ton silence ». "




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