Les Hommes sans Épaules

Dossier : Poètes bretons pour une baie tellurique
Numéro 57
350 pages
03/04/2024
17.00 €
Sommaire du numéro
Editorial : "Eloge de l'Ouest !", par Christophe DAUPHIN
Les Porteurs de Feu : Georges PERROS, par Karel HADEK, Hervé DELABARRE, par Christophe DAUPHIN, Poèmes de Georges PERROS, Hervé DELABARRE
Ainsi furent les Wah 1 : Poèmes de Paul CELAN, Colette WITTORSKI, Kenneth WHITE, Gérard CLERY, Samuel BREJAR, Jacques SIMONOMIS, Henri DROGUET, Jacques BERTIN
Dossier : "Poètes bretons pour une baie tellurique", par Christophe DAUPHIN, Poèmes de SAINT-POL-ROUX, Max JACOB, Jacques VACHE, Anjela DUVAL, Eugène GUILLEVIC, Louis GUILLAUME, Michel & Thérèse MANOLL, Armand ROBIN, Norbert LELUBRE, Pêr-Jakez HELIAS, Angèle VANNIER, René Guy & Hélène CADOU, Odile CARADEC, Xavier GRALL, GLENMOR, Herri-Gwilherm KEROUREDAN, Yves ELLEOUET, Jean-Paul HAMEURY, Gérard LE GOUIC, Alain MORIN, Danielle COLLOBERT, GUENANE, Alain SIMON, Alain JEGOU, Louis BERTHOLOM, Marie-Josée CHRISTIEN, Bruno GENESTE, Jean-Claude TARDIF, Gwen GARNIER-DUGUY, Emmanuelle LE CAM, Mérédith LE DEZ
Ainsi furent les Wah 2 : Poèmes de André PRODHOMME, Marie MURSKI, Jacqueline LALANDE, Guy ALLIX, André-Louis ALIAMET, Paul SANDA, Emmanuel BAUGUE, Anne BARBUSSE, Joseph PONTHUS, Amine MOUAFFAK, Charles AKOPIAN
Les Pages des HSE : "Pour Frédéric TISON", avec des textes de Frédéric TISON, Christophe DAUPHIN, Alain BRETON, André PRODHOMME, Odile COHEN-ABBAS, Paul FARELLIER, Pierrick de CHERMONT
Le peintre du numéro : J. G. GWEZENNEG
Présentation
ÉLOGE DE L’OUEST ! (éditorial, extraits)
par Christophe DAUPHIN
L’Ouest, ce sont les terres de Normandie et de Bretagne que l’on opposent parfois alors que tout les rassemble, ne serait-ce que sur un plan géographique. Leurs différences et particularités existent bien évidemment et c’est heureux, mais les rapprochent : pas seulement la bruyère, la mer, le bocage, les falaises, le cidre et les îles, mais leurs poètes respectifs, les contemporains comme leurs aînés. Les Hommes sans Épaules, après avoir arpenté la Normandie en 2021 dans leur numéro 55 (Dossier Poètes normands pour une falaise du cri), puis l’Est en 2023 dans le numéro 55 (Dossier Richard Rognet & les poètes de l’Est, Alsace et Lorraine), remettent le cap à l’Ouest pour se rendre en Bretagne, pays où l’on sait accueillir et recevoir. J’ai pu le constater une nouvelle fois lors de mon « Rendez-vous avec Max », jeudi 5 mai 2022. Cette rencontre fut émouvante et chaleureuse, tant avec le public quimpérois qu’avec les lieux.
Fait inédit, il n’y a guère qu’en Bretagne que l’on voit cela, surtout à propos d’un poète vivant : trois articles parurent dans la presse à cette occasion, dans les quotidiens Ouest France et Le Télégramme. Quel Max hante les lieux ? L’immense Jean Moulin ? Pas tout à fait. Une déambulation dans la ville répond à la question. À Quimper, il y a la maison de Max Jacob (classée Maison des Illustres), lieux de notre rencontre, le collège Max Jacob, le Théâtre Max-Jacob, le Pôle Max Jacob, la rue Max Jacob et le Musée des Beaux-Arts, qui possède un fonds et une salle entière consacrée aux œuvres et à la vie de Max Jacob. Le soir même, dans la maison de Max, alors que les crêpes défilaient et que le cidre de Kerné coulait à flot, a germé l’idée, sur la proposition de Marie-Josée Christien -, 36 ans après le numéro « Poètes de Bretagne » de Poésie 1 (1986), orchestré par Marc Baron et Jean Breton -, d’un dossier consacré aux Poètes bretons dans Les Hommes sans Épaules...
Le constat qui s’impose depuis Corbière, c’est que la Bretagne compte plus de poètes que de mégalithes dans ses rues, ses forêts et ses cimetières. Impossible de tous les citer et les publier dans notre dossier « Poètes bretons, pour une baie tellurique », qui prolonge notre avancée vers l’Ouest après le dossier « Poètes normands pour une falaise du cri » (in Les Hommes sans Épaules n°52, 2021).
Notre dossier comprend 33 poètes bretons et bretonnes auxquels s’ajoutent nos deux Porteurs de Feu Georges Perros et Hervé Delabarre, nos Wah et leurs « poèmes bretons. » La matière poétique de Bretagne est riche. Nous aurions pu doubler notre sélection. Pardon aux « absents » qui ne déméritent bien sûr pas. Le comité de rédaction d’une revue doit faire des choix et même sous l’effet du whisky breton Eddu Gold, rester raisonnable...
Christophe DAUPHIN
(Revue Les Hommes sans Epaules).
Revue de presse
Lectures critiques :Les Hommes sans Épaules, numéro 57 : Poètes bretons pour une baie tellurique : « C’est un très vaste paysage de la poésie bretonne que nous dresse ce numéro de la revue Les HSE : 33 poètes auxquels on peut ajouter sans erreur des poètes présentés dans les rubriques « Porteurs de feu » ou « Ainsi étaient les Wah » inséparables de ce coin de terre, comme Perros, Delabarre et Kenneth White, ou encore Guy Allix, Emmanuel Baugue (quoiqu’un peu Normand), ou André Prodhomme (quoique d’un peu partout). Pour chacun, nous avons droit à une présentation du poète et de son œuvre, marque de fabrique inégalée de cette revue.
Rappelons à cette occasion qu’il n’existe pas d’autres revues (en ligne ou pas) ayant une connaissance aussi intime, si j’ose, d’un si grand nombre de poètes, en particulier ceux nés entre les années 1920 et 1950. Par exemple dans ce numéro, les présentations de Guillevic, Manoll, Robin, Grall, Glemnor, Cadou – pour ne citer qu’eux – méritent d’être lues pour elles-mêmes. Cela rappelé, penchons-nous sur le dossier « Poètes bretons pour une baie tellurique ». Il y a une évidente volonté d’équilibre entre poètes connus, méconnus ou inconnus tout comme entre des poètes du début, du milieu ou de la deuxième moitié du XXe siècle. Évidemment, on lui reprochera — moi le premier ! — tel ou tel auteur absent (pourquoi ne pas avoir retenu Gilles Baudry ? Charles Le Quintrec, qui pourtant publia son Village allumé chez Saint Germain des Prés ?) Mais je concède que le paysage est déjà considérable et qu’il est bon qu’il y ait quelques « injustices » pour ranimer la levée de bocks ou de ballons pris en commun.
Que ressort-il du paysage dressé ? On retrouve une très bonne illustration des grands courants poétiques bretons du siècle écoulé avec la mise en avant des très singulières années 70 et 80, qu’on peut résumer au conflit qui opposa la génération de Jack-Helliaz à celle de Grall, le premier avec son cheval d’orgueil et le second avec son cheval couché. On retient également cette tresse, que je crois propre à la Bretagne, qui rassemble une poésie ancrée, privilégiant plutôt une forme de dépouillement, une poésie « bardique », volontiers vindicative et pamphlétaire (voire guerrière), et qui aime à être mis en musique, et une poésie druidique attirée par le merveilleux et l’alchimique qui plonge volontiers dans la veine surréaliste (ce qu’affectionne particulièrement notre revue). L’élément qui réunit ces trois courants, hormis la Bretagne elle-même, c’est la place incontournable du minéral (le granit, le mica, etc.), pour ne pas dire le tellurique comme le pointe si justement le titre du dossier.
M’a frappé également, à la lecture du dossier, la relative étanchéité qui règne entre la poésie de l’Argoat et celle de l’Armor. Il semble bien qu’en Bretagne deux univers poétiques distincts se côtoient sans se confondre, ainsi que les paysages et les modes de vie. Enfin, et bien sûr ajouterai-je, le dossier permet de mesurer la solide et féconde richesse du terrain éditorial breton grâce au dévouement de quelques maisons d’éditions (pas forcément bretonnes), d’associations culturelles et artistiques très actives (comment ne pas citer « les rencontres de Max ») et de quelques figures tutélaires qui ont su jouer un rôle de découvreur ou de rassembleur (Grall, Guillevic, Brémont, Christien et Geneste aujourd’hui). Pour conclure, et picoter d’iode l’ami Christophe Dauphin, après avoir lu son passionnant édito, je me suis demandé si ce n’était pas un article pro domo pour la poésie… normande. »
Pierrick de CHERMONT (in recoursaupoeme.fr, 6 novembre 2024).
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« Il est généralement éclairant de découvrir notre paysage poétique breton par le regard d’un observateur avisé. Il est également rassurant de constater que nos poètes continuent de susciter intérêt et curiosité, malgré la quasi-disparition des revues en Bretagne. C’est en voisin normand et poète de l’Ouest que Christophe Dauphin aborde les « poètes en Bretagne » dans un copieux numéro de la revue qu’il aime depuis 1997, Les Hommes sans Épaules.
34 poètes sont présentés de façon développée, accompagné d’un choix de textes conséquent. Pierre-Jakez Hélias, Anjela Duval, Glenmor et Xavier Grall y côtoient Gérard Le Gouic et Guénane. En dépit de leur diversité, Christophe Dauphin leur reconnait des points communs qui traversent les générations : la connivence avec les paysages tourmentés de la péninsule armoricaine, un riche imaginaire ouvert sur le monde, « un goût frondeur pour l’indépendance ».
Christophe Dauphin rappelle à bon escient l’attraction régulière de « la matière Bretagne » pour bon nombre de poètes qui n’en sont pas originaires, dont Saint-Pol-Roux, Georges Perros, Kenneth White, Samuel Bréjar et plus récemment Henri Droguet, Gérard Cléry, Colette Wittorski, Joseph Ponthus, Guy Allix, André Prodhomme et Emmanuel Baugue. La Bretagne fut aussi pour Paul Celan, de 1954 à 1961, une terre d’accueil qui lui inspira une série de poèmes dont des extraits sont reproduits dans ce dossier.
Christophe Dauphin met en lumière bon nombre de poètes qui ne figurent habituellement pas dans les ouvrages de références sur la Bretagne : Louis Guillaume, Armand Robin, Norbert Lelubre, Odile Caradec, Jacques Bertin, Danielle Collobert, Alain Morin, Alain Simon, Mérédith Le Dez et Gwen Garnier-Duguy. Il mentionne aussi plusieurs poètes bretons qui furent proches du mouvement surréaliste : Jacques Vaché, Angèle Vannier, Yves Eléouet, Hervé Delabarre. »
Marie-Josée CHRISTIEN (in revue Spered Gouez n°30, 2024).
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La revue Les Hommes sans Épaules consacre son numéro 57 aux « Poètes en Bretagne » et rend hommage à Frédéric Tison, récemment disparu.
L’identité bretonne, préservée malgré les aléas, a permis aussi une poésie bretonne née tant de la géographie que du peuple. Plutôt que de particularismes, Christophe Dauphin, avec Glenmor, préfère parler de caractéristiques des poètes de l’Ouest : « Les habitants de ces contrées semblent avoir toujours été la proie de tentations contradictoires : l’une les presse de confier leur destin à la mer, de lâcher tout pour courir la chance de découvrir d’autres cieux, d’autres terres ; l’autre leur dépeint vivement la douceur du foyer, dans la maison tapie au bout du chemin creux, les avantages d’une existence passée dans la sécurité, que garantissent les traditions et le retour périodique des saisons. De ces contradictions, les meilleurs de ceux dont elles marquèrent le caractère ont toujours su tirer une source d’énergie. »
Louis Bertholom, de Fouesnant, précise : « Je ne sais pas si la Bretagne est une terre de poésie plus qu’ailleurs. Il existe tout de même une sensibilité spécifique des gens de Bretagne qui confère une âme à cette région, proche d’une certaine forme de mélancolie dans le sens artistique du terme. Nous avons tout un légendaire arthurien, une Brocéliande dans nos gènes qui nous poursuit malgré tout. Puis le Barzaz Breiz, les gweerzioù et autre patrimoine chanté, transmis de générations en générations qui alimentent insidieusement notre façon d’être au monde. La poésie celtique est spécifique à son territoire, avec ses connotations celtiques même s’il y a des exceptions. »
C’est la poésie elle-même qui dit le plus sur la Bretagne, ses langues et son peuple. C’est pourquoi ce numéro 57, qui rassemble un grand nombre de poètes, porte une part de l’âme bretonne au lecteur.
Rémi BOYER (in /lettreducrocodile.over-blog.net, 24 mai 2024)
Extrait de « Bretagne est univers » de Saint-Pol-Roux :
« Il ne lui suffit point de distribuer l’oracle
Et d’accroître le globe au jeu de ses timons,
Elle insère l’esprit de son propre miracle
A même la matière des bois et des monts.
Voici le coffre aux joies, le clocher, le calvaire
Et l’auguste fontaine au lipide présent.
Après, l’enchantement créé par le trouvère
Et le prince des mers, celui de l’artisan. »
Extrait de "L’enfant du druide "de Angèle Vannier :
L’enfant du druide ouvrit les vannes du silence
Un chant se répandit longtemps
L’eau le sang le feu
Les trois dans la forêt
Pour bâtir un palais d’automne
Un grand secret faisait la roue sur le parvis
D’un clair-obscur jaillit la fleur miraculeuse
Le double de la pierre philosophale.
L’enfant faisait la chasse à la folie
Il délivrait des plages de cristal
Sous un vieux chêne inconsolable.
La clé de la clé disait mon compagnon
Cet enfant la chantait »
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« Le thème de ce numéro c’est « Poètes en Bretagne » (notez bien EN et pas DE Bretagne). C’est que pour moi ce numéro est sans surprise : j’ai déjà lu (et pas oublié, tous sont de qualité, ont leur originalité) Georges Perros, Hervé Delabarre, Paul Celan, Kenneth White, Henri Droguet, Max Jacob, Guillevic, Manoll, Armand Robin, Cadou (René Guy et Hélène), Jégou, Le Gouic, Marie-Josée Christien, Emmanuelle Le Cam, etc.
Comme dans chaque numéro de la revue Les Hommes sans Épaules, son animateur, Christophe Dauphin est infatigable : chaque auteur est abondamment présenté (bio, biblio, position historique, etc.). Il analyse brillamment les effets et les méfaits de la Celtitude, ne manque pas de pointer les crispations identitaires, le nationalisme étroit : « Il serait plus juste d’inviter les Auvergnats au festival interceltique. La Bretagne n’était pas le centre ancien du monde celtique ». Des citations quand même des moins connus : Jean-Claude Tardif : « Mes yeux accrochent leurs linges – à l’étendoir du ciel – le crépuscule ravaude ses draps » ; Jean-Paul Hameury : « Quand l’emprunte les sentiers – de l’île, mon ombre me quitte – et s’en va sur les chemins d’autrefois » ; Angèle Vannier : « Je suis née de la mer et ne le savais plus – Trop de pavots avaient maculé mes pieds nus » ; Yves Elleouët : « d’accord avec le vent – ils vont en nombre par les routes – travailleurs hagards et malmenés … - je me rassemble autour de mes os » ; et bien sûr Joseph Ponthus : « De quoi rêvent-ils – ceux qui sont aux cuirs – C’est ainsi qu’on appelle ceux qui arrachent les - peaux des bêtes juste après qu’elles aient été tuées ». Proses et nombreuses lectures critiques.
Christian Degoutte (in revue Verso, 2024).